Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
La société Equip Pro a demandé au tribunal administratif de la Guadeloupe la décharge, en droits et pénalités, des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre des exercices clos en 2003, 2004 et 2005.
Par un jugement n° 1901081 du 1er octobre 2020, le tribunal administratif de la Guadeloupe a, d'une part, prononcé un non-lieu à statuer sur les conclusions de la société Equip Pro tendant à la décharge du complément d'impôt sur les sociétés auquel elle a été assujettie au titre de l'exercice clos en 2005 à concurrence des dégrèvements accordés en cours d'instance, pour un montant, en droits et pénalités, de 9 124 euros, d'autre part, rejeté le surplus de sa demande.
Procédure devant la cour:
Par une requête, enregistrée le 1er décembre 2020, la société Equip Pro, représentée par Me Cabrera, demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement n° 1901081 du tribunal administratif de la Guadeloupe du 1er octobre 2020, en ce qu'il rejette le surplus de sa demande ;
2°) de prononcer la décharge, en droits et pénalités, des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre des exercices clos en 2003, 2004 et 2005.
3°) de mettre à la charge de l'Etat les frais non compris dans les dépens, en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que les honoraires versés à son apporteur d'affaires, la société Autocar Antilles Six, d'un montant de 114 119 euros au titre de l'exercice clos en 2004 et de 177 223 euros au titre de l'exercice clos en 2005, constituent des charges déductibles des bénéfices réalisés au cours de ces exercices, ainsi que l'a admis l'administration en prononçant des dégrèvements en cours d'instance devant les premiers juges.
Par un mémoire en défense, enregistré le 25 mai 2021, le ministre de l'action et des comptes publics conclut au rejet de la requête.
Il fait valoir que :
- les conclusions de la requête tendant à la décharge de la cotisation supplémentaire d'impôt sur les sociétés à laquelle la société Equip Pro a été assujettie au titre de l'exercice clos en 2003 ainsi que celles tendant à la décharge des impositions supplémentaires procédant d'autres rehaussements que la réintégration des honoraires comptabilisés en charges au titre des exercices clos en 2004 et 2005 sont irrecevables dès lors qu'aucun moyen n'est développé pour contester ces suppléments d'imposition ;
- les conclusions fondées sur les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, non chiffrées, sont irrecevables ;
- le moyen soulevé par la société requérante n'est pas fondé.
Vu :
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. A... B...,
- et les conclusions de Mme Cécile Cabanne, rapporteure publique.
Considérant ce qui suit :
1. La société Equip Pro, qui exerce une activité de vente, installation et maintenance d'équipements et matériels de restauration professionnels en Guadeloupe et en Martinique, a fait l'objet d'une vérification de comptabilité portant sur la période du 1er février 2001 au 31 janvier 2005. À l'issue des opérations de contrôle, elle s'est notamment vue notifier, par une proposition de rectification du 26 mai 2006, des rehaussements en matière d'impôt sur les sociétés portant sur les exercices clos en 2003, 2004 et 2005. La société Equip pro relève appel du jugement du 1er octobre 2020 par lequel le tribunal administratif de la Guadeloupe, après avoir constaté qu'il n'y avait plus lieu de statuer sur ses conclusions à concurrence des dégrèvements accordés en cours d'instance, pour un montant de 9 124 euros, en droits et pénalités, a rejeté ses conclusions en décharge des impositions demeurant en litige.
2. Aux termes de l'article 39 du code général des impôts : " 1. Le bénéfice net est établi sous déduction de toutes charges, celles-ci comprenant, sous réserve des dispositions du 5, notamment : / 1° Les frais généraux de toute nature, les dépenses de personnel et de main-d'œuvre, le loyer des immeubles dont l'entreprise est locataire. / Toutefois les rémunérations ne sont admises en déduction des résultats que dans la mesure où elles correspondent à un travail effectif et ne sont pas excessives eu égard à l'importance du service rendu. Cette disposition s'applique à toutes les rémunérations directes ou indirectes, y compris les indemnités, allocations, avantages en nature et remboursements de frais. (...) ".
3. Si, en vertu des règles gouvernant l'attribution de la charge de la preuve devant le juge administratif, applicables sauf loi contraire, il incombe, en principe, à chaque partie d'établir les faits qu'elle invoque au soutien de ses prétentions, les éléments de preuve qu'une partie est seule en mesure de détenir ne sauraient être réclamés qu'à celle-ci. Il appartient, dès lors, au contribuable, pour l'application des dispositions précitées du code général des impôts, de justifier tant du montant des charges qu'il entend déduire du bénéfice net défini à l'article 38 du code général des impôts que de la correction de leur inscription en comptabilité, c'est-à-dire du principe même de leur déductibilité. Le contribuable apporte cette justification par la production de tous éléments suffisamment précis portant sur la nature de la charge en cause, ainsi que sur l'existence et la valeur de la contrepartie qu'il en a retirée. Dans l'hypothèse où le contribuable s'acquitte de cette obligation, il incombe ensuite au service, s'il s'y croit fondé, d'apporter la preuve de ce que la charge en cause n'est pas déductible par nature, qu'elle est dépourvue de contrepartie, qu'elle a une contrepartie dépourvue d'intérêt pour le contribuable ou que la rémunération de cette contrepartie est excessive.
4. En vertu de ces principes, lorsqu'une entreprise a déduit en charges une dépense réellement supportée, conformément à une facture régulière relative à un achat de prestations ou de biens dont la déductibilité par nature n'est pas contestée par l'administration, celle-ci peut demander à l'entreprise qu'elle lui fournisse tous éléments d'information en sa possession susceptibles de justifier la réalité et la valeur des prestations ou biens ainsi acquis. La seule circonstance que l'entreprise n'aurait pas suffisamment répondu à ces demandes d'explication ne saurait suffire à fonder en droit la réintégration de la dépense litigieuse, l'administration devant alors fournir devant le juge tous éléments de nature à étayer sa contestation du caractère déductible de la dépense. Le juge de l'impôt doit apprécier la valeur des explications qui lui sont respectivement fournies par le contribuable et par l'administration.
5. Il résulte de l'instruction que l'administration fiscale a réintégré au sein du bénéfice net de la société Equip Pro des honoraires facturés par la société Autocar Antilles Six à hauteur de 114 119,84 euros au titre de l'exercice clos en 2004 et de 177 223 euros au titre de l'exercice clos en 2005, en estimant que la société n'avait produit aucun justificatif établissant la réalité et la valeur des prestations ainsi acquises. La société requérante qui, à hauteur d'appel, produit les notes d'honoraires émises par la société Autocar Antilles Six ainsi que deux justificatifs de paiement pour des sommes de 59 303,29 euros et 7 673,87 euros, soutient qu'ainsi que l'indiquent les conventions de prestation de services liant les deux sociétés, la société Autocar Antilles Six avait pour mission de prospecter des sociétés souhaitant procéder à des opérations de défiscalisation du matériel vendu par la société Equip Pro ainsi que des entreprises ayant besoin de ce matériel pour leur activité, puis de constituer un dossier de financement. Toutefois, d'une part, ainsi que l'ont relevé à bon droit les premiers juges, les conventions de prestation de services produites, rédigées dans des termes généraux, ne permettent pas de déterminer avec précision l'objet du contrat passé entre ces deux sociétés ni le mode de financement des prestations. D'autre part, ainsi que le fait valoir l'administration, hormis s'agissant de trois opérations au titre desquelles elle a bénéficié d'un dégrèvement en première instance, la société requérante n'a produit, s'agissant des trente-deux autres opérations pour lesquelles la société Autocar Antilles Six serait prétendument intervenue, aucune facture qu'elle aurait émise au nom des sociétés défiscalisantes, pour la vente du matériel dont s'agit, ni extrait de la comptabilité faisant apparaître l'écriture comptable correspondante, ni demande de virement par ces sociétés, de leur compte bancaire vers celui de la société Equip Pro, en règlement de l'acquisition du matériel à défiscaliser ni, enfin, de relevé du compte bancaire ayant reçu le paiement du matériel relatif aux opérations concernées. Dès lors, le service a pu, à bon droit, considérer que, s'agissant de ces opérations, la réalité des prestations d'apporteur d'affaires réalisées par la société Autocar Antilles Six n'était pas établie et, pour ce motif, estimer que les sommes litigieuses ne constituaient pas des charges déductibles, au sens et pour l'application des dispositions précitées de l'article 39 du code général des impôts.
6. Il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit besoin de statuer sur les fins de non-recevoir opposées en défense, que la société Equip Pro n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de la Guadeloupe a rejeté le surplus de sa demande. Les conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées par voie de conséquence.
DECIDE :
Article 1er : La requête de la société Equip Pro est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la société Equip Pro et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.
Copie en sera adressée à la direction spécialisée de contrôle fiscal Sud-ouest.
Délibéré après l'audience du 6 septembre 2022 à laquelle siégeaient :
Mme Evelyne Balzamo, présidente,
M. Nicolas Normand, premier conseiller,
M. Michaël Kauffmann, premier conseiller,
Rendu public par mise à disposition au greffe le 27 septembre 2022.
Le rapporteur,
Michaël B... La présidente,
Evelyne BalzamoLe greffier,
Christophe Pelletier
La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
N° 20BX03904
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