Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. B... D... a demandé au tribunal administratif de La Réunion d'annuler la décision du 14 septembre 2017 par laquelle la commission départementale d'aménagement foncier de La Réunion s'est opposée au projet de division des parcelles cadastrées section AS n° 134 et 161 lui appartenant, situées sur le territoire de la commune de Petite-Ile, en vue de créer deux lots sur chacune au bénéfice de chacun de ses deux enfants.
Par un jugement n° 1701005 du 29 octobre 2019, le tribunal administratif de La Réunion a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 21 janvier 2021, et un mémoire enregistré le 22 novembre 2022, qui n'a pas été communiqué, M. D..., représenté par Me Genty, demande à la cour :
1°) de réformer le jugement n° 1701005 du 29 octobre 2019 du tribunal administratif de La Réunion ;
2°) d'annuler la décision du 14 septembre 2017 par laquelle la commission départementale d'aménagement foncier de La Réunion s'est opposée au projet de division des parcelles cadastrées section AS n° 134 et 161 ;
3°) d'enjoindre à la commission départementale d'aménagement foncier de La Réunion de délivrer l'autorisation sollicitée, ou à défaut d'instruire de nouveau la demande, dans un délai d'un mois à compter de sa décision, sous astreinte de 100 euros par jour de retard.
Il soutient que :
- le jugement du 29 octobre 2019 tel qu'il lui a été notifié ne comporte aucune signature ; il est par conséquent irrégulier ;
- le tribunal administratif a omis de statuer sur certaines conclusions ; d'une part, il avait sollicité la mise à la charge de la commission départementale d'aménagement foncier de La Réunion de la somme de 2 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ; d'autre part, le préfet de La Réunion avait demandé sa mise hors de cause au profit du département de La Réunion ;
- la commission départementale d'aménagement foncier de La Réunion ne précise pas en quoi la configuration, la superficie, la localisation et l'environnement des parcelles est de nature à compromettre le caractère agricole des terrains et à remettre en cause ses conditions d'exploitation normale ; elle a insuffisamment motivé sa décision ;
- les dispositions de l'article L. 181-32 du code rural et de la pêche maritime ont été méconnues ; aucune exploitation agricole n'est exercée actuellement sur la parcelle cadastrée section AS n°134 ; au regard de l'affectation à l'habitation des immeubles édifiés ainsi qu'à leur implantation sur la parcelle, il apparait qu'aucune activité agricole ne pourra, à l'avenir, être exercée sur la parcelle AS n° 134 ; la vocation agricole de cette parcelle a totalement disparu ; la parcelle cadastrée AS n° 161, à l'état de friche, non cultivée, présente en son sein quelques arbres fruitiers et un parc pour cabris ; aucune activité agricole n'est exploitée ; toutefois, lui et ses enfants se sont engagés à préserver le jardin potager, les arbres fruitiers existant ainsi que le parc à cabris ; la parcelle voisine, de même contenance, a été divisée en quatre lots cadastrés respectivement section AS n° 505, 506, 507 et 508, engendrant ainsi des parcelles d'une surface approximative de 618 m².
- en raison de l'absence de vocation agricole de ces parcelles, de leur inexploitation ainsi que du caractère mesuré de la division, la commission départementale a commis une erreur manifeste d'appréciation en retenant que le projet de division était de nature à compromettre gravement le caractère agricole et naturel des espaces, de même que leur exploitation.
Par un mémoire en défense, enregistré le 22 juin 2021, le département de La Réunion et la commission départementale d'aménagement foncier (CDAF), représentés par Me Garnier, concluent au rejet de la requête et à ce que soit mise à la charge de M. D... la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, ainsi que les entiers dépens.
Ils font valoir que :
- la requête est irrecevable, en raison de sa tardiveté ;
- les moyens soulevés par M. D... ne sont pas fondés.
Par ordonnance du 23 septembre 2022, la clôture d'instruction a été fixée au 23 novembre 2022 à 12 heures.
M. D... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 22 octobre 2020.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code rural et de la pêche maritime ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme C... A...,
- et les conclusions de Mme Cécile Cabanne, rapporteure publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. D... a souhaité procéder à la division des deux parcelles cadastrées section AS n° 134 et 161 à Petite-Ile dont il est propriétaire, d'une superficie de 635 m² et 2 593 m², en vue de les partager entre ses deux enfants dans le cadre d'une donation. Il a déposé le 15 juin 2017 une déclaration préalable de division des deux terrains en application de l'article L. 181-31 du code rural et de la pêche maritime. Il relève appel du jugement n° 1701005 du tribunal administratif de La Réunion du 29 octobre 2019 qui a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision n° 17/847 du 14 septembre 2017 de la commission départementale d'aménagement foncier de La Réunion qui s'est opposée à ce projet de division parcellaire.
Sur la régularité du jugement :
2. En premier lieu, aux termes de l'article R. 741-7 du code de justice administrative : " Dans les tribunaux administratifs et les cours administratives d'appel, la minute de la décision est signée par le président de la formation de jugement, le rapporteur et le greffier d'audience ". Il ressort de la minute du jugement attaqué qu'il a été signé par le président de la formation de jugement, le rapporteur et la greffière. Par suite, le moyen tiré du défaut de signature du jugement doit être écarté.
3. En deuxième lieu, il ressort de la lecture du jugement attaqué du 29 octobre 2019 que les premiers juges ont indiqué, en son point 6, rejeter la demande de première instance " en toutes ses conclusions ". Dans ces conditions, le moyen, tiré de l'omission à statuer sur les conclusions présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peut qu'être écarté comme manquant en fait.
4. En troisième et dernier lieu, si dans le jugement attaqué, les premiers juges n'ont pas expressément répondu aux conclusions du préfet de La Réunion tendant à ce qu'il soit mis hors de cause, ils ont implicitement mais nécessairement statué sur ces conclusions en reprenant dans la motivation du jugement les conclusions du département de La Réunion, à l'appui de la décision contestée de la commission départementale d'aménagement foncier et en se bornant à notifier le jugement au département de La Réunion. Dès lors, M. D... n'est pas fondé à soutenir que le tribunal a entaché son jugement d'omission à statuer.
Sur le bien-fondé du jugement :
5. En premier lieu, M. D... reprend en appel, sans l'assortir d'arguments nouveaux ou de critique utile du jugement, le moyen tiré de ce que la décision contestée du 14 septembre 2017 était insuffisamment motivée. Il convient d'écarter ce moyen par adoption des motifs pertinents retenus par les premiers juges.
6. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 181-31 du code rural et de la pêche maritime : " Est soumise à déclaration préalable la division volontaire, en propriété ou en jouissance, des parcelles situées dans les périmètres délimités par décision motivée du président du conseil départemental. /Ces périmètres ne peuvent être établis qu'à l'intérieur des zones suivantes : /1° Projets d'intérêt général d'irrigation et de mise en valeur agricole ; /2° Zones agricoles protégées mentionnées à l'article L. 112-2 ; /3° Zones dont la vocation agricole est prévue par le schéma d'aménagement régional mentionné à l'article L. 4433-8 du code général des collectivités territoriales. (...) " et aux termes de l'article L. 181-32 du même code : " La déclaration prévue à l'article L. 181-31 est adressée au président de la commission départementale d'aménagement foncier mentionnée à l'article L. 121-8. Cette commission peut, dans un délai déterminé par voie réglementaire, s'opposer à la division si celle-ci, par son importance, le nombre de lots ou les travaux qu'elle entraîne, est susceptible de compromettre gravement le caractère agricole et naturel des espaces, les conditions d'exploitation normale ou le maintien de l'équilibre économique du terroir concerné ou d'une filière. Si aucune opposition n'est exprimée dans ce délai, le déclarant peut procéder librement à la division. Un décret en Conseil d'Etat détermine les éléments d'information qui doivent être joints à la déclaration pour permettre à la commission d'apprécier les conséquences de la division. ".
7. Les parcelles cadastrées section AS n° 134 et 161 en litige sont situées dans la zone à vocation agricole arrêtée par le schéma d'aménagement régional adopté le 22 novembre 2011 et dans le périmètre hydro-agricole de Bras de la Plaine soumis au contrôle du morcellement des terres agricoles à La Réunion en vertu d'une délibération du 7 novembre 2012 du conseil général de La Réunion. Elles dépendent du règlement de la zone NCpf du plan d'occupation des sols de Petite-Ile, modifié le 14 novembre 2003, correspondant à une zone agricole de protection forte et au périmètre irrigué du Bras de Cilaos, où toute construction à usage d'habitation est interdite.
8. Il ressort des pièces du dossier que le partage des parcelles section AS n° 134 et 161, de 635 m² et de 2 593 m², situées en zone agricole, tend à la création de quatre lots d'une superficie respective de 335, 300, 1 297 et de 1 296 m². M. D..., agriculteur retraité, soutient qu'aucune exploitation agricole n'est exercée sur la parcelle section AS n° 134 sur laquelle sont érigées deux maisons d'habitation et que la parcelle section AS n° 161, si elle est dépourvue de toute construction, est à l'état de friche, présentant quelques arbres fruitiers et hébergeant un parc pour cabris. Toutefois, le partage envisagé aurait ainsi pour conséquence de diviser deux parcelles de taille modeste en quatre parcelles de taille encore plus réduite, de nature à remettre en cause la viabilité d'une exploitation agricole. En indiquant " envisager de maintenir à long terme l'activité agricole de ces terrains ", la fille de M. D..., qui n'est pas agricultrice, ne justifie pas vouloir poursuivre une activité agricole au sens de l'article L. 311-1 du code rural et de la pêche maritime. La circonstance que deux bâtiments aient été érigés illégalement sur la parcelle section AS n° 134, ainsi que le fait valoir le département de La Réunion, n'est pas de nature à remettre en cause le caractère agricole du terrain d'assiette, situé, ainsi que cela a été rappelé au point 7 dans la zone NCpf du plan d'occupation soit une zone agricole de protection forte, où toute construction à usage d'habitation est interdite. Il ressort d'ailleurs de l'examen des prises de vue, produites au dossier, que les parcelles en litige sont insérées dans un vaste secteur, comportant de nombreux terrains soit cultivés, soit ayant conservé un caractère naturel. Dans ces conditions, les moyens tirés de la méconnaissance de l'article L. 181-32 du code rural et de la pêche maritime et de l'erreur d'appréciation dont serait entachée la décision attaquée doivent être écartés.
9. En dernier lieu, si M. D... soutient que la CDAF aurait admis la division parcellaire en quatre lots d'une parcelle voisine, une telle circonstance, à la supposer établie, est sans incidence sur la légalité de la décision litigieuse.
10. Il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit besoin de statuer sur la fin de non-recevoir opposée en défense, que M. D... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de La Réunion a rejeté sa demande.
Sur les conclusions à fin d'injonction et d'astreinte :
11. Le présent arrêt, qui rejette les conclusions à fin d'annulation présentées par le requérant n'appelle aucune mesure d'exécution. Dès lors, les conclusions à fin d'injonction sous astreinte ne peuvent être accueillies.
Sur les frais liés à l'instance :
12. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de mettre à la charge de M. D... la somme demandée par le département de La Réunion sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
DECIDE :
Article 1er : La requête de M. D... est rejetée.
Article 2 : Les conclusions du département de La Réunion, présentées sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, sont rejetées.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... D... et au département de La Réunion.
Délibéré après l'audience du 16 décembre 2022 à laquelle siégeaient :
Mme Evelyne Balzamo, présidente,
Mme Bénédicte Martin, présidente-assesseure,
M. Michaël Kauffmann, premier conseiller,
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 10 janvier 2023.
La rapporteure,
Bénédicte A...La présidente,
Evelyne BalzamoLe greffier,
Christophe Pelletier
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer, en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
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N° 21BX00272