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11/04/2023 | FRANCE | N°21BX01012

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 4ème chambre, 11 avril 2023, 21BX01012


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société Trans Loc Aquitaine a demandé au tribunal administratif de Bordeaux de prononcer la décharge, en droits et pénalités, des rappels de taxe sur la valeur ajoutée, auxquels elle a été assujettie au titre de la période du 1er janvier 2013 au 31 décembre 2015, à hauteur de 121 108 euros.

Par un jugement n° 1902984 du 5 janvier 2021, le tribunal administratif de Bordeaux a, d'une part, prononcé un non-lieu à statuer sur les conclusions de la société Trans Loc Aquitaine à concurrence

d'un dégrèvement accordé en cours d'instance, des pénalités pour manquement délibéré a...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société Trans Loc Aquitaine a demandé au tribunal administratif de Bordeaux de prononcer la décharge, en droits et pénalités, des rappels de taxe sur la valeur ajoutée, auxquels elle a été assujettie au titre de la période du 1er janvier 2013 au 31 décembre 2015, à hauteur de 121 108 euros.

Par un jugement n° 1902984 du 5 janvier 2021, le tribunal administratif de Bordeaux a, d'une part, prononcé un non-lieu à statuer sur les conclusions de la société Trans Loc Aquitaine à concurrence d'un dégrèvement accordé en cours d'instance, des pénalités pour manquement délibéré appliquées au rappel de taxe sur la valeur ajoutée déductible relatif à la location de véhicules de tourisme, d'autre part, rejeté le surplus de la demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 5 mars 2021, la société Trans Loc Aquitaine, représentée par Me Katz, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1902984 du tribunal administratif de Bordeaux du 5 janvier 2021 ;

2°) de prononcer le dégrèvement, en droits et pénalités, des rappels de taxe sur la valeur ajoutée, auxquels elle a été assujettie au titre de la période du 1er janvier 2013 au 31 décembre 2015.

3°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 5 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

En ce qui concerne la taxe sur la valeur ajoutée (TVA) collectée :

- le rappel de TVA collectée non déclarée et non reversée au titre de l'année 2014 doit être minoré à due concurrence de la TVA non acquittée par la cliente SAS ESBTP, à hauteur de 14 013,75 euros, à l'égard de laquelle elle a émis des avoirs puis des factures rectificatives sans taxe sur la valeur ajoutée ;

- le montant de la TVA collectée rappelé au titre de l'année 2015 a été spontanément régularisé en 2016 à hauteur de 17 949 euros ;

En ce qui concerne la taxe sur la valeur ajoutée déductible :

- la TVA afférente aux loyers et prestations d'entretien des véhicules de tourisme pris en crédit-bail, affectés par la suite à la sous-location, est déductible dès lors que le b) du 6° du 2 de l'article 206 de l'annexe IV au code général des impôts n'impose pas que les véhicules loués soient exclusivement affectés à la location ;

- la TVA afférente aux achats de meubles est déductible, ces dépenses ayant été exposées dans le cadre de l'activité et de l'intérêt de l'entreprise ;

En ce qui concerne les pénalités :

- l'application de la majoration de 40 % prévue à l'article 1729 du code général des impôts n'est pas motivée et n'est pas fondée.

Par un mémoire en défense, enregistré le 21 septembre 2021, et une pièce enregistrée le 7 décembre 2022, le ministre de l'action et des comptes publics conclut au non-lieu à statuer à hauteur du dégrèvement accordé et au rejet du surplus de la requête.

Il fait valoir que :

- il y a lieu de prononcer un non-lieu à hauteur du dégrèvement accordé, à hauteur de 19 586 euros ;

- les moyens invoqués par la société requérante ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme B... C...,

- et les conclusions de Mme Cécile Cabanne, rapporteure publique.

Considérant ce qui suit :

1. La société à responsabilité limitée Trans Loc Aquitaine exerce une activité de location de camions bennes et d'engins de travaux publics avec chauffeur. Cette société a fait l'objet d'une vérification de comptabilité portant sur la période courant du 1er janvier 2013 au 31 décembre 2015, à l'issue de laquelle des rectifications en matière de taxe sur la valeur ajoutée lui ont été notifiées le 29 novembre 2016. Les impositions supplémentaires en résultant ont été mises en recouvrement le 28 février 2017. La société Trans Loc Aquitaine a formé une réclamation contentieuse le 30 mars 2017, rejetée par une décision du 17 avril 2019. La société Trans Loc Aquitaine a demandé au tribunal administratif de Bordeaux de prononcer la décharge, en droits et pénalités, des rappels de taxe sur la valeur ajoutée auxquels elle a été assujettie au titre de la période vérifiée, pour un montant total de 121 108 euros. La société Trans Loc Aquitaine relève appel du jugement du 5 janvier 2021 par lequel le tribunal administratif de Bordeaux a, d'une part, prononcé un non-lieu à statuer sur les conclusions de la société Trans Loc Aquitaine à concurrence d'un dégrèvement accordé en cours d'instance, des pénalités pour manquement délibéré appliquées au rappel de taxe sur la valeur ajoutée déductible relatif à la location de véhicules de tourisme pour un montant de 4 321 euros, d'autre part, rejeté le surplus de sa demande.

Sur l'étendue du litige :

2. En cours d'instance, par décision du 7 décembre 2022, l'administrateur général des finances publiques a prononcé un dégrèvement au bénéfice de la société Trans Loc Aquitaine à hauteur de la somme de 19 586 euros en droits et pénalités au titre des rappels de taxe correspondant à la TVA non payée par la société ESBTP au titre de l'année 2014. Dans cette mesure, les conclusions de cette société sont devenues sans objet. Dès lors, il n'y a pas lieu à statuer sur lesdites conclusions à concurrence du dégrèvement prononcé.

Sur le bien-fondé du jugement :

En ce qui concerne la TVA collectée au titre de l'année 2015 :

3. Aux termes de l'article 256 du code général des impôts : " 1. Sont soumises à la taxe sur la valeur ajoutée les livraisons de biens et les prestations de services effectuées à titre onéreux par un assujetti agissant en tant que tel ". Aux termes de l'article 269 du même code : " (...) 2. La taxe est exigible : (...) / c) Pour les prestations de services, lors de l'encaissement des acomptes, du prix, de la rémunération ou, sur option du redevable, d'après les débits ". Si un redevable a la faculté de réparer une omission ou une insuffisance de déclaration de ses opérations imposables, et ce, même en cours de vérification de sa comptabilité, c'est, toutefois, à la condition que la déclaration apparaisse explicitement comme rectificative, précise la période à laquelle elle se rapporte rétroactivement et soit accompagnée du paiement des droits dus.

4. La compensation en matière de taxes sur le chiffre d'affaires doit s'effectuer entre impositions dues et payées au cours de la période d'imposition couverte par l'avis de mise en recouvrement en litige. En l'espèce, il résulte de ce qui a été dit précédemment que la période concernée par l'avis de mise en recouvrement s'étend du 1er janvier 2013 au 31 décembre 2015. La société Trans Loc Aquitaine ne saurait donc valablement se prévaloir d'une régularisation de la TVA due par un versement effectué le 15 janvier 2016 et par le dépôt de la déclaration CA 12 pour demander la décharge du rappel de TVA mis à sa charge.

En ce qui concerne la TVA déductible :

5. Aux termes de l'article 271 du code général des impôts : " I. 1. La taxe sur la valeur ajoutée qui a grevé les éléments du prix d'une opération imposable est déductible de la taxe sur la valeur ajoutée applicable à cette opération. / 2. Le droit à déduction prend naissance lorsque la taxe déductible devient exigible chez le redevable. Toutefois, les personnes qui effectuent des opérations occasionnelles soumises à la taxe sur la valeur ajoutée n'exercent le droit à déduction qu'au moment de la livraison. (...) ". Aux termes de l'article 205 de l'annexe II au code général des impôts : " La taxe sur la valeur ajoutée grevant un bien ou un service qu'un assujetti à cette taxe acquiert, importe ou se livre à lui-même est déductible à proportion de son coefficient de déduction. ". Aux termes de l'article 206 de l'annexe II au même code : " I. - Le coefficient de déduction mentionné à l'article 205 est égal au produit des coefficients d'assujettissement, de taxation et d'admission. (...) / IV. - 1. Le coefficient d'admission d'un bien ou d'un service est égal à l'unité, sauf dans les cas décrits aux 2 à 4. 2. / Le coefficient d'admission est nul dans les cas suivants : / (...) 6° Pour les véhicules ou engins, quelle que soit leur nature, conçus pour transporter des personnes ou à usages mixtes, à l'exception de ceux : (...) ; b. Donnés en location ; (...) ; ".

6. En premier lieu, en vertu des dispositions précitées du b) du 6°) du 2 du IV de l'article 206 de l'annexe II au code général des impôts, le coefficient d'admission d'un bien ou d'un service est nul pour les véhicules ou engins, quelle que soit leur nature, conçus pour transporter des personnes ou à usage mixte, à l'exception de ceux donnés en location.

7. Au cours de l'ensemble de la période vérifiée, la société Trans Loc Aquitaine a déduit la taxe sur la valeur ajoutée afférente aux loyers et aux frais d'entretien de six véhicules de tourisme, pris en crédit-bail, au motif qu'elle les a loués ponctuellement aux sociétés Trans Loc Formation et GP Consulting. Toutefois, la société, qui ne soutient pas avoir loué ces véhicules à d'autres sociétés, ne produit pas d'éléments permettant d'établir que ces véhicules auraient été affectés à une activité locative à titre principal, laquelle, au demeurant, ne se rattache pas à l'objet social de la société, qui consiste à louer des camions de chantiers et des engins avec conducteur aux entreprises de travaux publics. Dans ces conditions, les véhicules dont il s'agit ne peuvent être regardés comme ayant été donnés en location au sens du b du 6° du IV de l'article 206 de l'annexe II au code général des impôts et l'administration était fondée à estimer que la taxe grevant leur acquisition et leur entretien, dont le coefficient d'admission est nul, n'était pas déductible.

8. En deuxième lieu, si la société requérante soutient qu'une somme de 280,42 euros aurait dû être déduite au titre de l'année 2013, suite à la cession de trois de ses véhicules, elle n'apporte aucun élément, ni précision à l'appui de son moyen, qui ne peut qu'être écarté.

9. En troisième lieu, il résulte de l'instruction que l'administration a rejeté le caractère déductible de la TVA afférente à l'acquisition, d'une part, en 2013 d'un réfrigérateur de type américain, d'autre part, en 2014 d'un salon en cuir, au motif qu'au vu des bons de livraison, ces biens ont été livrés au domicile personnel de M. A..., dirigeant de la société Trans Loc Aquitaine. La société requérante n'apporte aucun élément de nature à établir que l'acquisition de ces biens était nécessaire à l'exploitation. Dans ces conditions, c'est à bon droit que le service a refusé la déduction de la taxe sur la valeur ajoutée afférente à ces dépenses.

En ce qui concerne les pénalités :

10. Aux termes de l'article 1729 du code général des impôts : " Les inexactitudes ou les omissions relevées dans une déclaration ou un acte comportant l'indication d'éléments à retenir pour l'assiette ou la liquidation de l'impôt ainsi que la restitution d'une créance de nature fiscale dont le versement a été indûment obtenu de l'Etat entraînent l'application d'une majoration de : / a. 40 % en cas de manquement délibéré ; (...) ". Aux termes de l'article L. 195 A du livre des procédures fiscales : " En cas de contestation des pénalités fiscales appliquées à un contribuable au titre des impôts directs, de la taxe sur la valeur ajoutée et des autres taxes sur le chiffre d'affaires (...) la preuve de la mauvaise foi et des manœuvres frauduleuses incombe à l'administration. ".

11. En premier lieu, il résulte de l'instruction que la proposition de rectification n° 3924, qui cite les dispositions précitées de l'article 1729 du code général des impôts, indique que la société Trans Loc Aquitaine a omis de reverser la TVA collectée auprès de ses clients, pour des montants importants et de façon répétée, pendant les trois exercices vérifiés et qu'elle a procédé à la déduction de TVA sur des biens non affectés à l'activité imposable de l'entreprise. L'administration fiscale indique également que la société Trans Loc Aquitaine ne pouvait ignorer les minorations de TVA, dès lors qu'elles ressortaient de la comptabilité et que la dette de TVA était inscrite au bilan de la société. Elle précise ensuite que la rétention de TVA constitue une pratique régulière, constante et réitérée en toute connaissance de cause, pour pallier les difficultés de trésorerie, justifiant l'application de pénalités de 40 % pour manquement délibéré. Par suite, la société requérante n'est pas fondée à soutenir que les majorations pour manquement délibéré ne seraient pas suffisamment motivées.

12. En second lieu, il résulte de l'instruction, en particulier de la proposition de rectification que, sur les trois périodes vérifiées, la société Trans Loc Aquitaine a, d'une part, procédé à la déduction de TVA sur des biens non affectés à l'activité imposable de l'entreprise, mais à un usage personnel du dirigeant et, d'autre part, omis de reverser au Trésor des montants importants de TVA collectée au titre des années en litige. Dans ces conditions, en tenant compte du caractère répété et de l'importance des minorations ainsi opérées dans les déclarations de TVA au titre des périodes vérifiées, l'intention délibérée de la société Trans Loc Aquitaine d'éluder l'impôt doit être regardée comme établie par l'administration fiscale.

13. Il résulte de tout ce qui précède que la société Trans Loc Aquitaine n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté le surplus de sa demande.

Sur les frais liés au litige :

14. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, le versement à la société Trans Loc Aquitaine de la somme qu'elle demande sur ce fondement.

DECIDE :

Article 1er : Il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions de la requête de la société Trans Loc Aquitaine à concurrence du dégrèvement prononcé à hauteur de 19 586 euros le 7 décembre 2022.

Article 2 : Le surplus de la requête de la société Trans Loc Aquitaine est rejeté.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la société Trans Loc Aquitaine et au ministre de l'économie et des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.

Copie en sera adressée à la direction spécialisée de contrôle fiscal sud-ouest.

Délibéré après l'audience du 21 mars 2023 à laquelle siégeaient :

Mme Evelyne Balzamo, présidente,

M. Michaël Kauffmann, premier conseiller,

Mme Pauline Reynaud, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 11 avril 2023.

La rapporteure,

Pauline C...La présidente,

Evelyne Balzamo Le greffier,

Christophe Pelletier

La République mande et ordonne au ministre de l'économie et des finances et de la souveraineté industrielle et numérique en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

N° 21BX01012 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 21BX01012
Date de la décision : 11/04/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : Mme BALZAMO
Rapporteur ?: Mme Pauline REYNAUD
Rapporteur public ?: Mme CABANNE
Avocat(s) : SCP DELTA AVOCATS

Origine de la décision
Date de l'import : 16/04/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2023-04-11;21bx01012 ?
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