Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. C... A... a demandé au tribunal administratif de Bordeaux d'annuler l'arrêté du 14 juin 2022 par lequel la préfète de la Gironde a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il est susceptible d'être éloigné.
Par un jugement n° 2204037 du 15 décembre 2022, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête et des pièces, enregistrées les 16 janvier et 5 mai 2023, M. A..., représenté par Me Payet, demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement n° 2204037 du tribunal administratif de Bordeaux du 15 décembre 2022 ;
2°) d'annuler l'arrêté de la préfète de la Gironde du 14 juin 2022 ;
3°) d'enjoindre au préfet de la Gironde de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " dans le délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- l'arrêté contesté est entaché d'une erreur de droit dès lors qu'il est de nationalité française, par filiation ;
- eu égard à sa situation familiale, professionnelle et personnelle, l'arrêté méconnait les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et est entaché d'erreur manifeste d'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle.
Par un mémoire en défense, enregistré le 11 avril 2023, le préfet de la Gironde conclut au rejet de la requête en faisant valoir que les moyens soulevés par le requérant ne sont pas fondés.
M. A... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 21 février 2023.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 relatif à la circulation, à l'emploi et au séjour en France des ressortissants algériens et de leur famille ;
- le code civil ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative.
La présidente de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Michaël Kauffmann,
- et les observations de Me Payet, représentant M. A....
Considérant ce qui suit :
1. M. A..., né le 1er août 1995 à Tiaret (Algérie), est entré en France, selon ses déclarations, au cours de l'année 2019 et a sollicité, le 21 février 2022, un certificat de résidence au titre de la vie privée et familiale sur le fondement des stipulations du 5) de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968. Par un arrêté du 14 juin 2022, la préfète de la Gironde a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il est susceptible d'être éloigné. M. A... relève appel du jugement du 15 décembre 2022 par lequel le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.
2. Aux termes de l'article L. 110-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sont considérées comme étrangers au sens du présent code les personnes qui n'ont pas la nationalité française, soit qu'elles aient une nationalité étrangère, soit qu'elles n'aient pas de nationalité. ". Aux termes de l'article 18 du code civil : " Est français l'enfant dont l'un des parents au moins est français. ". Il résulte des dispositions de l'article 30 du code civil que la charge de la preuve, en matière de nationalité française, incombe à celui dont la nationalité est en cause sauf s'il est titulaire d'un certificat de nationalité française et que l'exception de nationalité ne constitue, en vertu des dispositions de l'article 29 du même code, une question préjudicielle que si elle présente une difficulté sérieuse. Enfin, aux termes de l'article R. 771-2 du code de justice administrative : " Lorsque la solution d'un litige dépend d'une question soulevant une difficulté sérieuse et relevant de la compétence de la juridiction judiciaire, la juridiction administrative initialement saisie la transmet à la juridiction judiciaire compétente. Elle sursoit à statuer jusqu'à la décision sur la question préjudicielle. ".
3. M. A... soutient qu'il est de nationalité française par filiation, son père, M. B... A..., né à Pau le 16 mai 1959, étant lui-même français. Pour établir la nationalité française de son père ainsi que le lien de filiation avec ce dernier, le requérant produit son acte de naissance algérien du 2 février 2014, les livrets de famille algérien et français de son père, la carte nationale d'identité française de ce dernier, une fiche familiale d'état civil algérienne, et le passeport algérien de son père. Si, par une décision du 9 juillet 2020, qui a été notifiée au requérant le 28 janvier 2022, le directeur des services judiciaires a refusé de délivrer à M. A... un certificat de nationalité française dès lors que l'acte de naissance établi le 2 février 2014 ne respecte pas les règles applicables à l'état-civil algérien et notamment les dispositions des articles 30 et 63 de l'ordonnance de droit algérien n° 70-20 du 19 février 1970 relative à l'état civil, cette décision ne précise pas les mentions prévues par ces dispositions faisant défaut sur l'acte de naissance en cause. A cet égard, le requérant produit deux nouveaux actes de naissance du 28 juillet 2022 et du 22 février 2023, portant des mentions différentes, qui, s'ils sont postérieurs à la date de l'arrêté contesté, sont susceptibles de révéler une situation qui lui était antérieure. Enfin, il ressort des pièces du dossier qu'après avoir réceptionné la décision du 9 juillet 2020 et antérieurement à la date de l'arrêté contesté, M. A... a bénéficié de l'aide juridictionnelle pour l'introduction d'un recours aux fins de se voir reconnaître la nationalité française puis, en septembre 2022, a saisi le tribunal judiciaire de Bordeaux en action déclaratoire de nationalité. Dans ces conditions, la question de la nationalité française de M. A... soulève une difficulté sérieuse qui relève, en vertu de l'article 29 du code civil, de la compétence exclusive de l'autorité judiciaire. La réponse à cette question commande la solution qui sera donnée au litige pendant devant la cour. Il y a lieu, dès lors, en application des dispositions de l'article R. 771-2 du code de justice administrative, de surseoir à statuer sur la requête de M. A... jusqu'à ce que le tribunal judiciaire de Bordeaux se soit prononcé sur cette question préjudicielle.
DECIDE :
Article 1er : Il est sursis à statuer sur la requête de M. A... jusqu'à ce que le tribunal judiciaire de Bordeaux se soit prononcé sur le point de savoir si M. A..., né en Algérie, était ou non de nationalité française à la date de l'arrêté contesté du 14 juin 2022 de la préfète de la Gironde.
Article 2 : La question mentionnée à l'article 1er est transmise au tribunal judiciaire de Bordeaux.
Article 3 : Tous droits et moyens des parties, sur lesquels il n'est pas expressément statué par le présent arrêt, sont réservés jusqu'en fin d'instance.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... A..., au ministre de l'intérieur et des outre-mer et au président du tribunal judiciaire de Bordeaux.
Copie en sera adressée au préfet de la Gironde.
Délibéré après l'audience du 13 juin 2023 à laquelle siégeaient :
Mme Evelyne Balzamo, présidente,
Mme Bénédicte Martin, présidente-assesseure,
M. Michaël Kauffmann, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 4 juillet 2023.
Le rapporteur,
Michaël Kauffmann La présidente,
Evelyne BalzamoLe greffier,
Christophe Pelletier
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
N° 23BX001542