Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. A... G... a demandé au tribunal administratif de la Martinique d'annuler d'une part, l'arrêté du 20 avril 2023 par lequel le préfet de la Martinique lui a fait obligation de quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays de renvoi et lui a interdit le retour sur le territoire français pendant une durée de deux ans, d'autre part la décision du même jour par laquelle le préfet de la Martinique l'a assigné à résidence sur le territoire de la commune de Fort-de-France, pour une durée de quarante-cinq jours, avec obligation de se présenter deux fois par semaine au commissariat de police de Fort-de-France.
Par une ordonnance n° 2300252 du 5 mai 2023, le magistrat désigné du tribunal administratif de la Martinique a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 12 mai 2023, M. G..., représenté par Me Bourrié, demande à la cour :
1°) d'annuler l'ordonnance n° 2300252 du 5 mai 2023 du magistrat désigné du tribunal administratif de la Martinique ;
2°) d'annuler d'une part, les décisions du 20 avril 2023 par lesquelles le préfet de la Martinique lui a fait obligation de quitter le territoire français et a fixé le Cameroun comme pays de renvoi, d'autre part la décision du même jour par laquelle le préfet de la Martinique l'a assigné à résidence sur le territoire de la commune de Fort-de-France, pour une durée de quarante-cinq jours, avec obligation de se présenter deux fois par semaine au commissariat de police de Fort-de-France ;
3°) d'enjoindre au préfet de la Martinique, de procéder à un nouvel examen de la situation, et de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que l'ordonnance est erronée ; sa requête n'a pas été déposée hors délai ; la notification d'une décision portant l'indication d'un délai plus long que celui prévu par les textes en vigueur emporte l'application de ce délai erroné ;
S'agissant de l'obligation de quitter le territoire français :
- la décision est insuffisamment motivée ;
- le signataire de la décision ne peut être identifié, en méconnaissance de l'article L. 212-1 du code des relations entre le public et l'administration ;
- il doit être justifié de la compétence de l'auteur de l'acte ;
- la décision est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ; la mesure d'éloignement entraîne des conséquences d'une exceptionnelle gravité sur sa situation personnelle au regard du contexte politique du pays de renvoi ;
S'agissant de la décision fixant le pays de renvoi :
- le signataire de la décision ne peut être identifié, en méconnaissance de l'article L. 212-1 du code des relations entre le public et l'administration ;
- il doit être justifié de la compétence de l'auteur de l'acte ;
- la décision est privée de base légale en raison de l'illégalité de l'obligation de quitter le territoire français ;
S'agissant de l'assignation à résidence :
- la décision est privée de base légale en raison de l'illégalité de l'obligation de quitter le territoire français.
La requête a été communiquée le 4 octobre 2023 au préfet de la Martinique.
Par ordonnance du 4 octobre 2023, la clôture d'instruction a été fixée au 4 décembre 2023 à 12h00.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative.
La présidente de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
A été entendu au cours de l'audience publique le rapport de Mme D....
Considérant ce qui suit :
1. M. G..., ressortissant camerounais né le 12 octobre 1988, serait entré en France le 7 mars 2019. Le préfet de la Martinique a pris à son encontre, par décisions du 20 avril 2023 une obligation de quitter sans délai le territoire français à destination du pays dont il a la nationalité ou tout autre pays dans lequel il serait légalement admissible et une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée de deux ans. Par une décision du même jour, l'intéressé a été assigné à résidence pour une durée de 45 jours. M. G... relève appel de l'ordonnance par laquelle le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de la Martinique a rejeté comme tardive sa demande tendant à l'annulation des décisions du 20 avril 2023.
Sur la régularité de l'ordonnance attaquée :
2. Aux termes de l'article R. 421-5 du code de justice administrative : " Les délais de recours contre une décision administrative ne sont opposables qu'à la condition d'avoir été mentionnés, ainsi que les voies de recours, dans la notification de la décision ". Pour rendre opposable le délai de recours contentieux, ces mentions ne doivent pas faire naître d'ambiguïtés de nature à induire en erreur les destinataires des décisions dans des conditions telles qu'ils pourraient se trouver privés du droit à un recours effectif.
3. Il ressort de la décision du 20 avril 2023 portant obligation de quitter sans délai le territoire français en litige qu'elle indique qu'elle peut être contestée devant la juridiction administrative dans un délai de 48 heures à compter de sa notification. La décision du même jour fixant le pays de renvoi ne comporte pas la mention des voies et délais de recours. La décision du même jour portant assignation à résidence et obligation de pointage mentionne un délai de deux mois pour la contester. En revanche, le formulaire de notification de la décision portant obligation de quitter le territoire français sans délai, fixant le pays de renvoi, assignant à résidence avec pointage mentionne la possibilité de déposer dans un délai de quinze jours un recours contre la décision d'éloignement sans délai devant le président du tribunal administratif de Fort de France. En indiquant ainsi deux délais de recours contentieux, l'arrêté du préfet de la Martinique a pu induire en erreur le requérant. Dans ces circonstances, M. G... est fondé à soutenir que c'est à tort que, par l'ordonnance attaquée, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de la Martinique a rejeté sa demande pour dépassement du délai de 48 heures.
4. Par suite, il y a lieu d'annuler l'ordonnance, d'évoquer et de statuer immédiatement sur la demande présentée par M. G... devant le tribunal administratif de la Martinique.
Sur la légalité des décisions du 20 avril 2023 portant obligation de quitter le territoire français et fixant le Cameroun comme pays de renvoi :
En ce qui concerne les moyens communs à ces décisions :
5. En premier, lieu, aux termes de l'article L. 212-1 du code des relations entre le public et l'administration : " Toute décision prise par une administration comporte la signature de son auteur ainsi que la mention, en caractères lisibles, du prénom, du nom et de la qualité de celui-ci. ".
6. Si la décision portant obligation de quitter le territoire français comprend la signature ainsi que les nom, prénom et qualité de son signataire, ses mentions ne sont pas lisibles. Toutefois, il ressort des pièces du dossier que la décision fixant le Cameroun comme pays de renvoi comporte, en caractères lisibles, le prénom, le nom et la qualité de la même autorité, soit en l'espèce, M. B... C..., directeur de la réglementation, de la citoyenneté et de l'immigration de la préfecture de la Martinique. Cette décision a été notifiée à M. G... le même jour et la même heure que la décision d'éloignement. Dans ces conditions, le directeur de la réglementation, de la citoyenneté et de l'immigration de la préfecture de la Martinique pouvait être identifié comme étant également l'autorité signataire de l'obligation de quitter le territoire français. Dès lors, la méconnaissance des dispositions de l'article L. 212-1 du code des relations entre le public et l'administration n'a pas revêtu en l'espèce un caractère substantiel justifiant l'annulation des décisions attaquées.
7. En second lieu, par arrêté n° R02-2023-01-12-00002 du 12 janvier 2023, régulièrement publié au recueil des actes administratifs n° R02-2023-008 du 13 janvier 2023, le préfet de la Martinique a donné délégation de signature à M. C..., directeur de la réglementation, de la citoyenneté et de l'immigration, à l'effet de signer, en cas d'absence ou d'empêchement de Mme Gola de Monchy, secrétaire générale de la préfecture, de Mme F..., sous-préfète déléguée à l'égalité et à la cohésion sociale, ainsi que de M. E..., directeur de cabinet, notamment, les arrêtés et décisions individuelles relevant de la direction de la réglementation, de la citoyenneté et de l'immigration, y compris les obligations de quitter le territoire français et les mesures d'exécution prises en application de ces décisions. Dans ces conditions, M. G... n'est pas fondé à soutenir que M. C... était incompétent pour signer, au nom du préfet de la Martinique, les décisions attaquées du 20 avril 2023 portant obligation de quitter le territoire français et fixant le pays de renvoi. Les moyens ainsi soulevés doivent, par suite, être écartés.
En ce qui concerne l'obligation de quitter le territoire français :
8. En premier lieu, la décision en litige précise les éléments de droit et de fait sur lesquels elle se fonde et notamment les éléments relatifs à la situation personnelle de M. G..., contrairement à ce qu'il soutient. Le moyen tiré de l'insuffisance de motivation doit être écarté.
9. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 611-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'autorité administrative peut obliger un étranger à quitter le territoire français lorsqu'il se trouve dans les cas suivants :/1° L'étranger, ne pouvant justifier être entré régulièrement sur le territoire français, s'y est maintenu sans être titulaire d'un titre de séjour en cours de validité ;(...) ".
10. M. G... soutient vivre en France de manière stable depuis le mois de mars 2019 et se prévaut de la présence en métropole de son frère, titulaire d'un titre de séjour valable jusqu'au 21 septembre 2023 ainsi que d'une promesse d'embauche en qualité d'ouvrier du bâtiment en date du 3 mai 2023. Toutefois, ces éléments, pour certains postérieurs à la date de la décision contestée, ne démontrent pas l'intensité de ses liens personnels en France et ne suffisent pas à établir que son éloignement porterait une atteinte disproportionnée à son droit à une vie privée et familiale. Par suite, la décision n'est pas entachée d'une erreur manifeste d'appréciation de ses conséquences sur la situation de l'intéressé.
11. Enfin, M. G... soutient qu'il encourt des risques en cas de retour dans son pays d'origine. Toutefois, le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales est inopérant à l'encontre de la décision par laquelle le préfet de la Martinique l'a obligé à quitter le territoire français, laquelle, n'implique pas par elle-même, le retour de l'intéressé dans son pays d'origine. Au demeurant, si l'appelant soutient que le Cameroun est un pays instable et exposé à des tensions politiques et sécuritaires, en présence de forces rebelles séparatistes et de groupe armé islamiste, en se bornant à produire une résolution du Parlement européen du 25 novembre 2021 sur la situation des droits de l'homme au Cameroun, M. G... ne démontre pas, en tout état de cause, que son éloignement vers le Cameroun constituerait, par lui-même, un traitement inhumain et dégradant et il n'apporte aucun élément probant à l'appui de ses allégations permettant d'établir, à la date de la décision contestée, la réalité et l'actualité des risques qu'il estime personnellement encourir en cas de retour dans son pays d'origine compte-tenu des évolutions politiques de ce dernier.
En ce qui concerne la décision fixant le pays de renvoi :
12. Il résulte des motifs qui précèdent que le moyen tiré de l'exception d'illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français doit être écarté.
En ce qui concerne l'assignation à résidence :
13. Il résulte des motifs qui précèdent que le moyen tiré de l'exception d'illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français doit être écarté.
14. Il résulte de tout ce qui précède que la demande présentée par M. G... tendant à l'annulation des différentes décisions contestées ne peut qu'être rejetée.
Sur les conclusions à fin d'injonction et d'astreinte :
15. Le présent arrêt, qui rejette la demande de M. G..., n'appelle aucune mesure d'exécution. Par suite, les conclusions de l'intéressé à fin d'injonction et d'astreinte ne peuvent être accueillies.
Sur les frais liés au litige :
16. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'État, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, le versement d'une somme au titre des frais exposés par M. G... et non compris dans les dépens.
DECIDE :
Article 1er : L'ordonnance n° 2300252 du 5 mai 2023 du magistrat désigné du tribunal administratif de la Martinique est annulée.
Article 2 : La demande présentée par M. G... devant le tribunal administratif de la Martinique ainsi que le surplus des conclusions présentées devant la cour sont rejetés.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à A... G... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.
Copie en sera adressée au préfet de la Martinique.
Délibéré après l'audience du 16 janvier 2024 à laquelle siégeaient :
Mme Evelyne Balzamo, présidente,
Mme Bénédicte Martin, présidente-assesseure,
Mme Pauline Reynaud, première conseillère,
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 6 février 2024.
La rapporteure,
Bénédicte D...La présidente,
Evelyne BalzamoLa greffière,
Virginie Guillout
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
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N° 23BX01297