Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme B... C... A... a demandé au tribunal administratif de La Réunion d'annuler l'arrêté du 21 juillet 2022 par lequel le préfet de La Réunion a refusé de lui délivrer un titre de séjour et lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai d'un mois en fixant le pays de destination.
Par un jugement n° 2201316 du 6 avril 2023, le tribunal administratif La Réunion a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 13 août 2023, Mme A..., représentée par Me Ali, demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de La Réunion du 6 avril 2023 précité ;
2°) d'ordonner avant-dire droit la communication par l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII) de son entier dossier médical ;
3°) d'annuler l'arrêté du 21 juillet 2022 par lequel le préfet de La Réunion a refusé de lui délivrer un titre de séjour et lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai d'un mois en fixant le pays de destination ;
4°) d'enjoindre au préfet de La Réunion de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " dans un délai d'un mois, sous astreinte de 100 euros par jour de retard, et, dans l'attente, de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour ; à défaut, de réexaminer sa situation dans les mêmes conditions de délai et d'astreinte ;
5°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 500 euros à verser à son conseil sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Elle soutient que :
- l'arrêté a été pris sur la base d'un avis du collège des médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII) qui n'a pas été rendu à l'issue d'une délibération collégiale ;
- il a été pris en méconnaissance de son droit à être entendu, principe général du droit de l'Union européenne ;
- il est insuffisamment motivé et est entaché d'un défaut d'examen de sa situation personnelle ;
- il méconnaît l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- il a pris en méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention de sauvegarde des droits de l'homme ;
- il méconnaît les dispositions de l'article L. 611-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
Par un mémoire en défense, enregistré le 19 décembre 2023, le préfet de La Réunion conclut au rejet de la requête.
Il soutient qu'aucun des moyens de la requête n'est fondé.
Mme A... a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par décision du 8 juin 2023.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- l'arrêté du 27 décembre 2016 relatif aux conditions d'établissement et de transmission des certificats médicaux, rapports médicaux et avis mentionnés aux articles R. 313-22, R. 313-23 et R. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de Mme Caroline Gaillard a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. Mme B... C... A..., ressortissante comorienne née le 19 décembre 1995 à Ouellah Mitsamiouli (Comores), est entrée à La Réunion en 2018 pour des raisons médicales. Elle a obtenu un titre de séjour en qualité d'étranger malade en 2019 qui lui a été renouvelé à deux reprises, et dont elle a sollicité le renouvellement le 25 février 2022. Par un arrêté du 21 juillet 2022, le préfet de La Réunion a refusé de faire droit à cette demande et lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai d'un mois en fixant le pays de destination. Mme A... a demandé au tribunal administratif de La Réunion l'annulation de cet arrêté. Elle relève appel du jugement par lequel le tribunal a rejeté sa demande.
2. En premier lieu, le droit d'être entendu, principe général du droit communautaire, se définit comme celui de toute personne de faire connaître, de manière utile et effective, son point de vue au cours d'une procédure administrative avant l'adoption de toute décision susceptible d'affecter de manière défavorable ses intérêts. Il ne saurait cependant être interprété en ce sens que l'autorité nationale compétente serait tenue, dans tous les cas, d'entendre l'intéressé lorsque celui-ci a déjà eu la possibilité de présenter son point de vue de manière utile et effective. En particulier, l'étranger qui sollicite la délivrance d'un titre de séjour, en raison même de l'accomplissement de cette démarche qui tend à son maintien régulier sur le territoire français ne saurait ignorer qu'en cas de refus, il pourra faire l'objet d'une mesure d'éloignement. Il lui appartient donc, lors du dépôt de sa demande, de produire tous éléments susceptibles de venir au soutien de cette demande, et il lui est loisible, au cours de l'instruction de sa demande, de faire valoir auprès de l'administration toute observation complémentaire utile, au besoin en faisant état d'éléments nouveaux. Par ailleurs, une atteinte au droit d'être entendu n'est susceptible d'affecter la régularité de la procédure à l'issue de laquelle une décision faisant grief est prise que si la personne concernée a été privée de la possibilité de présenter des éléments pertinents qui auraient pu avoir une influence sur le contenu de la décision.
3. Il ressort des pièces du dossier que Mme A... a pu, à l'occasion du dépôt de sa demande de titre de séjour, faire valoir les éléments susceptibles de venir au soutien de ses prétentions, notamment à propos de son état de santé. Elle a été également en mesure d'apporter des éléments supplémentaires qu'elle aurait jugés nécessaires pendant l'instruction de sa demande de titre de séjour par les services préfectoraux. Dans ces conditions, le moyen tiré de la méconnaissance du droit à être entendu doit être écarté.
4 En deuxième lieu, l'avis rendu par le collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII) le 29 juin 2022, et revêtu des signatures des trois médecins composant ce collège, porte la mention " Après en avoir délibéré, le collège des médecins de l'OFII émet l'avis suivant ". Cette mention atteste du caractère collégial de l'avis et fait foi jusqu'à preuve du contraire, non apportée au cas d'espèce. Par suite, le moyen tiré de l'irrégularité de l'avis émis par le collège de médecins de l'OFII doit être écarté.
5. En troisième lieu, l'arrêté attaqué, après avoir rappelé les conditions d'entrée et de séjour de Mme A... en France, fait référence à l'avis du collège des médecins de l'OFII du 29 juin 2022, indiquant que si l'état de santé de Mme A... nécessite une prise en charge médicale dont le défaut peut entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité, celle-ci peut toutefois bénéficier effectivement d'un traitement approprié aux Comores, pays vers lequel elle peut voyager sans risque. De plus, l'arrêté souligne que M. A... n'établit pas que son séjour en France présenterait une ancienneté significative et que les éléments qu'elle produit ne sont pas de nature à justifier de son intégration dans la société française. Enfin, l'arrêté relève que Mme A... ne justifie pas être dépourvue de tous liens avec son pays d'origine, et qu'il n'est ainsi pas porté atteinte à son droit à une vie privée et familiale. Ce faisant, l'arrêté en litige, qui n'avait pas à retracer l'ensemble des éléments caractérisant la situation personnelle de Mme A..., comporte les considérations de faits qui en constituent le fondement et révèle que le préfet a procédé à un examen suffisant de la situation personnelle de l'intéressée.
6. En quatrième lieu, la partie qui justifie d'un avis du collège de médecins de l'OFII qui lui est favorable doit être regardée comme apportant des éléments de fait susceptibles de faire présumer l'existence ou l'absence d'un état de santé de nature à justifier la délivrance ou le refus d'un titre de séjour. Dans ce cas, il appartient à l'autre partie, dans le respect des règles relatives au secret médical, de produire tous éléments permettant d'apprécier l'état de santé de l'étranger et, le cas échéant, l'existence ou l'absence d'un traitement approprié dans le pays de renvoi. La conviction du juge, à qui il revient d'apprécier si l'état de santé d'un étranger justifie la délivrance d'un titre de séjour dans les conditions ci-dessus rappelées, se détermine au vu de ces échanges contradictoires. En cas de doute, il lui appartient de compléter ces échanges en ordonnant toute mesure d'instruction utile.
7. Selon l'avis du collège de médecins de l'OFII du 29 juin 2022, si l'état de santé de Mme A... nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entrainer des conséquences d'une exceptionnelle gravité, elle peut effectivement bénéficier d'un traitement approprié aux Comores.
8. Pour remettre en cause l'appréciation du préfet, qui s'est notamment fondé sur l'avis du collège des médecins de l'OFII, la requérante, atteinte d'une endométriose, produit des certificats médicaux précisant que l'intervention chirurgicale qu'elle a subie le 22 octobre 2021 a été un échec, et que son état de santé nécessite une surveillance et des contrôles par un spécialiste, notamment par des prises de sang. Toutefois, ces certificats médicaux ne se prononcent pas sur une éventuelle impossibilité pour Mme A... d'accéder effectivement à un traitement approprié à sa pathologie dans son pays d'origine et ne permettent donc pas d'infirmer l'appréciation du préfet selon laquelle un tel traitement, ou un traitement équivalent à celui qu'elle reçoit en France, est disponible aux Comores. Par ailleurs, si Mme A... fait état de considérations générales sur le système de soins aux Comores, ces éléments ne démontrent pas concrètement l'impossibilité dans laquelle elle se trouverait d'accéder aux traitements et aux soins dont elle a besoin. D'autant que les informations générales apportées par Mme A... sont contredites par la liste, établie par l'ambassade de France à Moroni, produite par le préfet recensant les médecins gynécologues disponibles aux Comores. Dans ces conditions, le moyen tiré de l'inexacte application des dispositions de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doit être écarté. Le moyen tiré de la violation de l'article L. 611-3, 9° de ce code, s'agissant de l'obligation de quitter le territoire français, doit être écarté pour les mêmes motifs.
9. En dernier lieu, aux termes de l'article 8 de la convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / - 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sécurité publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".
10. Mme A..., qui réside à La Réunion depuis 2018, fait valoir qu'elle obtenu un titre de séjour pour raisons médicales en 2019 qui lui a été renouvelé à deux reprises. Toutefois, les soins médicaux qu'elle a reçus en France ne lui donnaient pas vocation, par eux-mêmes, à demeurer sur le territoire français. Par ailleurs, s'il est vrai que son père, sa sœur et ses frères résident régulièrement en France, il ne ressort pas des pièces du dossier qu'elle entretiendrait avec ces derniers des liens de nature à justifier que lui soit délivré un titre de séjour. Enfin, la requérante, qui est célibataire et sans charge de famille, n'allègue pas être dépourvue d'attaches privées ou familiales aux Comores, qu'elle a quitté à l'âge de 23 ans. Par suite, et quand bien même elle disposait à la date de la décision attaquée d'un contrat de travail à durée indéterminée, il résulte de ce qui précède que la requérante n'est pas fondée à soutenir que l'arrêté en litige méconnaîtrait les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
11. Il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit besoin de recourir aux mesures d'instruction sollicitées, que Mme A... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de La Réunion a rejeté sa demande d'annulation de l'arrêté en litige. Par voie de conséquence, les conclusions aux fins d'injonction, et aux fins de versement par l'Etat d'une somme sur le fondement des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991, doivent être rejetées.
DECIDE :
Article 1er : La requête de Mme A... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B... C... A... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer. Copie en sera délivrée au préfet de La Réunion.
Délibéré après l'audience du 22 janvier 2024 à laquelle siégeaient :
M. Frédéric Faïck, président,
Mme Caroline Gaillard, première conseillère,
M. Julien Dufour, premier conseiller,
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 13 février 2024.
La rapporteure,
Caroline Gaillard
Le président,
Frédéric Faïck
La greffière,
Stéphanie Larrue
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
N° 23BX02269 2