Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme C... B... a demandé au tribunal administratif de Poitiers d'annuler le certificat d'urbanisme négatif délivré à M. D... A... par le maire de Breuil-Magné pour le changement de destination de la grange située 26 route de Cire en maison d'habitation.
Par une ordonnance n° 2102359 du 17 décembre 2021, le président de la 2ème chambre du tribunal administratif de Poitiers a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 18 février 2022, un mémoire complémentaire enregistré le 28 septembre 2023 et une pièce complémentaire enregistrée le 20 octobre 2023, qui n'a pas été communiquée, Mme B... venant aux droits de M. A..., représentée par Me Genty, demande à la cour :
1°) d'annuler l'ordonnance n° 2102359 du 17 décembre 2021 du président de la 2ème chambre du tribunal administratif de Poitiers ;
2°) d'annuler le certificat d'urbanisme négatif du 19 juillet 2021 ;
3°) d'enjoindre au maire de la commune de Breuil-Magné de procéder à un nouvel examen de sa demande ;
4°) de mettre à la charge de la commune de Breuil-Magné le versement de la somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- l'ordonnance est irrégulière ; sa demande n'était pas dépourvue de moyens ;
- les recours à l'encontre des certificats d'urbanisme n'entrent pas dans le champ d'application de l'article R. 600-1 du code de l'urbanisme ;
- en qualité d'héritière et propriétaire, elle justifie d'un intérêt à agir contre le refus opposé ;
- le certificat d'urbanisme négatif est dépourvu de motivation ;
- le certificat d'urbanisme négatif est entaché d'une erreur de droit ;
- le certificat d'urbanisme négatif est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation ;
- le PLU est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation, pour avoir classé ces parcelles en zone A ;
- la commune a, au cours des dernières années, accordé plusieurs permis de construire au voisinage proche de la parcelle litigieuse.
Par un mémoire en défense enregistré le 19 juin 2023, la commune de Breuil-Magné, représentée par Me Andrault, conclut au rejet de la requête et à ce que soit mise à la charge de Mme B... la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle fait valoir que :
- à titre principal, la requête est irrecevable ;
- à titre subsidiaire, dans l'hypothèse d'une annulation de l'ordonnance contestée, l'affaire devra être renvoyée devant le tribunal administratif ;
- à titre infiniment subsidiaire, l'appel et la demande de première instance sont irrecevables, en l'absence de justification de la notification prévue par l'article R. 600-1 du code de l'urbanisme et de qualité à agir ;
- les moyens de légalité externe sont irrecevables ;
- les moyens de légalité interne soulevés par la requérante ne sont pas fondés.
Par ordonnance du 29 septembre 2023, la clôture d'instruction a été fixée au 23 octobre 2023 à 12 h00.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de l'urbanisme ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Bénédicte Martin,
- et les conclusions de Mme Nathalie Gay, rapporteure publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. D... A... a déposé en mairie de Breuil-Magné, le 11 mai 2021, une demande de certificat d'urbanisme, sur le fondement du b) de l'article L. 410-1 du code de l'urbanisme, en vue du changement de destination d'une grange située 26 route de Ciré en maison d'habitation. Par un certificat d'urbanisme négatif délivré le 19 juillet 2021, le maire de Breuil-Magné a indiqué que le terrain ne pouvait pas être utilisé pour la réalisation de l'opération envisagée. Par une ordonnance du 17 décembre 2021, le président de la 2ème chambre du tribunal administratif de Poitiers a rejeté la demande présentée par Mme B..., sœur de M. A..., sur le fondement du 7ème de l'article R. 222-1 du code de justice administrative, au motif qu'elle ne soulevait que des moyens inopérants. Mme B... relève appel de cette ordonnance.
Sur la régularité de l'ordonnance attaquée :
2. Aux terme de l'article R. 222-1 du code de justice administrative : " Les présidents de tribunal administratif (...) les présidents de formation de jugement des tribunaux (...) peuvent, par ordonnance : (...)/ 7° Rejeter, après l'expiration du délai de recours ou, lorsqu'un mémoire complémentaire a été annoncé, après la production de ce mémoire, les requêtes ne comportant que des moyens de légalité externe manifestement infondés, des moyens irrecevables, des moyens inopérants ou des moyens qui ne sont assortis que de faits manifestement insusceptibles de venir à leur soutien ou ne sont manifestement pas assortis des précisions permettant d'en apprécier le bien-fondé (...) ".
3. Dans sa demande devant le tribunal administratif de Poitiers, Mme B... s'est bornée à exposer que la grange qu'elle souhaitait transformer en habitation faisait partie de la succession de ses parents et était un bâtiment existant, raccordé à l'eau et à l'électricité, qui risquait de se dégrader s'il restait à l'état agricole et qui n'intéressait aucun exploitant agricole. Cette requête ne comportait donc que des moyens inopérants. C'est donc à bon droit que le président de la deuxième chambre du tribunal administratif de Poitiers a rejeté la demande de Mme B... selon la procédure prévue par les dispositions du 7° de l'article R. 222-1 du code de justice administrative.
Sur les conclusions àfin d'annulation du certificat d'urbanisme du 19 juillet 2021 :
4. En premier lieu, un requérant est recevable en appel à invoquer un moyen opérant relevant de la même cause juridique que des moyens inopérants présentés en première instance. Il ne ressort pas des écritures de première instance qu'un moyen de légalité externe était soulevé en première instance contre la décision du 19 juillet 2021. Le moyen tiré du défaut de motivation, soulevé pour la première fois en appel et qui ne présente pas un caractère d'ordre public, relève d'une cause juridique nouvelle, distincte de celle soulevée devant le premier juge. Par suite, ainsi que le fait valoir en défense la commune de Breuil-Magné, ce moyen, irrecevable en appel, doit être écarté.
5. En deuxième lieu, aux termes de l'article R. 151-22 du code de l'urbanisme : " Les zones agricoles sont dites " zones A ". Peuvent être classés en zone agricole les secteurs de la commune, équipés ou non, à protéger en raison du potentiel agronomique, biologique ou économique des terres agricoles. " et aux termes de l'article R. 151-23 du même code : " Peuvent être autorisées, en zone A : /1° Les constructions et installations nécessaires à l'exploitation agricole ou au stockage et à l'entretien de matériel agricole par les coopératives d'utilisation de matériel agricole agréées (...); /2° Les constructions, installations, extensions ou annexes aux bâtiments d'habitation, changements de destination et aménagements prévus par les articles L. 151-11, L. 151-12 et L. 151-13, dans les conditions fixées par ceux-ci. ". Il appartient aux auteurs d'un PLU de déterminer le parti d'aménagement à retenir pour le territoire concerné par le plan, en tenant compte de la situation existante et des perspectives d'avenir et de fixer en conséquence le zonage et les possibilités de construction. S'ils ne sont pas liés, pour déterminer l'affectation future des différents secteurs, par les modalités existantes d'utilisation des sols, dont ils peuvent prévoir la modification dans l'intérêt de l'urbanisme, leur appréciation peut cependant être censurée par le juge administratif au cas où elle serait entachée d'une erreur manifeste ou fondée sur des faits matériellement inexacts.
6. Il ressort des pièces du dossier que la parcelle cadastrée section B n° 445, d'une superficie de 2 765m², comportant une maison d'habitation et une grange, est classée par le plan local d'urbanisme (PLU) de la commune, approuvé le 11 mars 2021, en zone agricole. Elle jouxte la parcelle section B n° 446, propriété de l'appelante, laquelle, d'une surface en triangle de 3 395 m², est dépourvue de toute construction et encadrée par deux routes départementales, se rejoignant dans sa partie nord. Toutefois, ces parcelles distantes de plus de deux kilomètres du bourg de la commune sont entourées d'une vaste zone à caractère rural et agricole. La proximité de quelques maisons d'habitation de l'autre côté de la route départementale n'est pas de nature à caractériser une zone urbanisée, alors que l'intention de la collectivité telle qu'elle ressort du plan d'aménagement et de développement durable est de pérenniser les grandes continuités écologiques structurant les paysages, de préserver les coupures naturelles et agricoles et de densifier le tissu urbain du bourg, pour lutter contre l'étalement urbain. Si Mme B... fait valoir que ces parcelles ne supportent plus d'activité agricole depuis plusieurs années et que, par leurs dimensions, elles n'intéressent aucun exploitant agricole, de telles circonstances ne permettent pas d'établir leur absence de potentiel agronomique. Compte tenu de l'ensemble de ces éléments, l'appelante n'est pas fondée à soutenir, par voie d'exception, que le classement de ces parcelles en zone A serait entaché d'erreur manifeste d'appréciation.
7. En troisième lieu, aux termes de l'article 1er du chapitre du PLU relatif aux zones agricoles et naturelles, les dispositions relatives à l'usage des sols et constructions sont applicables aux " opérations de construction nouvelle, extension, réhabilitation et changement de destination des constructions existantes ". Aux termes de ces dispositions, sont autorisées en zone agricole les constructions à usage d'habitation sous réserve " de leur caractère lié et nécessaire à l'exploitation agricole et que la présence de l'exploitant sur le site d'exploitation soit justifiée " et " de leur implantation à moins de 100 mètres des constructions agricoles existantes et que le choix de leur implantation, volume et matériaux facilite leur insertion paysagère ".
8. Contrairement à ce que soutient la requérante, les dispositions précitées du règlement du PLU font obstacle au changement de destination de la grange, alors même qu'il n'entrainerait aucune modification de l'emprise au sol. Il ne ressort pas des pièces du dossier que cette grange agricole aurait déjà un usage d'habitation. Par ailleurs, il n'est pas contesté que l'habitation envisagée n'est pas liée et nécessaire à une exploitation agricole. Alors même qu'elle serait suffisamment desservie par les réseaux d'eau potable et d'électricité, en refusant son changement de destination par le certificat d'urbanisme négatif contesté, le maire de la commune de Breuil-Magné n'a commis ni erreur de droit, ni erreur d'appréciation.
9. En quatrième et dernier lieu, la circonstance que d'autres constructions auraient été autorisées sur des parcelles voisines est sans incidence sur la légalité de la décision attaquée.
10. Il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin de statuer sur les fins de non-recevoir opposées en défense, que Mme B... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par l'ordonnance attaquée, le tribunal administratif de Poitiers a rejeté sa demande.
Sur les conclusions à fin d'injonction :
11. Le présent arrêt, qui rejette la demande de Mme B..., n'appelle aucune mesure d'exécution. Par suite, les conclusions de l'intéressée à fin d'injonction ne peuvent être accueillies.
Sur les frais liés au litige :
13. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de la commune de Breuil-Magné, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, la somme demandée par Mme B... au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de Mme B... la somme que demande la commune de Breuil-Magné sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
DECIDE :
Article 1er : La requête de Mme B... est rejetée.
Article 2 : Les conclusions présentées par la commune de Breuil-Magné au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme C... B... et à la commune de Breuil-Magné.
Délibéré après l'audience du 30 janvier 2024 à laquelle siégeaient :
Mme Evelyne Balzamo, présidente,
Mme Bénédicte Martin, présidente-assesseure,
M. Michaël Kauffmann, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 20 février 2024.
La rapporteure,
Bénédicte MartinLa présidente,
Evelyne BalzamoLe greffier,
Christophe Pelletier
La République mande et ordonne au ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
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N° 22BX00552