Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme A... a demandé au tribunal administratif de Bordeaux d'annuler l'arrêté du 28 novembre 2022 par lequel la préfète de la Gironde a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination.
Par un jugement n° 2300924 du 16 juin 2023, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête enregistrée, le 20 octobre 2023, Mme A..., représentée par Me Le Guédard, demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Bordeaux du 16 juin 2023 précité ;
2°) d'annuler l'arrêté du 28 novembre 2022 par lequel la préfète de la Gironde a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination ;
3°) d'enjoindre au préfet de la Gironde de lui délivrer un titre de séjour dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ou, à défaut, de réexaminer sa situation dans le même délai et de lui délivrer, dans l'attente, une autorisation provisoire de séjour, l'ensemble sous astreinte de 80 euros par jour de retard ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros, à verser à son conseil, sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Elle soutient que :
Sur la décision portant refus de titre de séjour :
- l'avis du collège des médecins de l'OFII est frappé de caducité dès lors qu'elle a découvert une nouvelle pathologie après l'édiction de cet avis ; la préfète s'est crue à tort liée par l'avis de l'OFII ;
- la décision méconnaît les dispositions de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- elle méconnaît les dispositions de l'article L. 425-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- elle est entachée d'erreur manifeste d'appréciation dans l'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle ;
Sur la décision portant obligation de quitter le territoire français :
- elle est illégale en raison de l'illégalité du refus de séjour sur lequel elle se fonde ;
- elle méconnaît les dispositions du 9° de l'article L. 611-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
Sur la décision portant fixation du pays de destination :
- la décision contestée est illégale en raison de l'illégalité de l'obligation de quitter le territoire français sur laquelle elle se fonde.
Par un mémoire en défense, enregistré le 8 décembre 2023, le préfet de la Gironde conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens présentés par la requérante ne sont pas fondés.
Par ordonnance du 30 novembre 2023, la clôture de l'instruction a été fixée au 9 janvier 2023.
Mme A... a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par décision du 21 septembre 2023.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- l'arrêté du 27 décembre 2016 relatif aux conditions d'établissement et de transmission des certificats médicaux, rapports médicaux et avis mentionnés aux articles R. 313-22, R. 313-23 et R. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile
- le code de justice administrative.
La présidente de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de Mme Caroline Gaillard a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. Mme B... A..., ressortissante camerounaise née le 19 janvier 1960, est entrée régulièrement en France le 12 décembre 2019, munie d'un visa de court séjour valable jusqu'au 1er mars 2020. Elle s'est vu délivrer, le 23 juillet 2020, une autorisation provisoire de séjour en qualité d'étranger malade, renouvelée jusqu'au 29 octobre 2021. Mme A... en a sollicité le renouvellement le 4 février 2022. Par un arrêté du 28 novembre 2022, la préfète de la Gironde a rejeté sa demande et a assorti ce refus d'une obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination. Mme A... a demandé au tribunal administratif de Bordeaux l'annulation de cet arrêté. Elle relève appel du jugement par lequel le tribunal a rejeté sa demande.
Sur la légalité de la décision portant refus de séjour :
2. En premier lieu, Mme A... soutient que la préfète de la Gironde s'est crue à tort liée par l'avis du collège des médecins de l'OFII alors que son état de santé a évolué postérieurement au 17 juin 2022, date à laquelle cet avis a été émis, en raison de l'apparition d'une lésion intraépithéliale de haut grade et d'un adénocarcinome in situ du col de l'utérus révélés lors d'une consultation réalisée le 27 juin 2022. Toutefois, il ne ressort pas des pièces du dossier que la préfète se serait crue en situation de compétence liée pour rejeter sa demande de titre de séjour. En outre, la requérante n'établit pas avoir informé la préfète de la Gironde de cette nouvelle pathologie, dont il n'est au demeurant pas allégué qu'elle serait en lien avec celle ayant justifié la saisine du collège des médecins de l'OFII, avant le 28 novembre 2022, date d'édiction de la décision contestée. A cet égard, il est loisible à Mme A..., si elle s'y croit fondée, de solliciter à nouveau la délivrance d'un titre de séjour en qualité d'étranger malade du fait de la découverte de cette nouvelle pathologie. Par suite, le moyen doit être écarté.
3. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger, résidant habituellement en France, dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et qui, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié, se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " d'une durée d'un an. La condition prévue à l'article L. 412-1 n'est pas opposable. / La décision de délivrer cette carte de séjour est prise par l'autorité administrative après avis d'un collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, dans des conditions définies par décret en Conseil d'Etat. (...) ". Aux termes de l'article R. 425-11 du même code : " Pour l'application de l'article L. 425-9, le préfet délivre la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " au vu d'un avis émis par un collège de médecins à compétence nationale de l'Office français de l'immigration et de l'intégration. L'avis est émis dans les conditions fixées par arrêté du ministre chargé de l'immigration et du ministre chargé de la santé au vu, d'une part, d'un rapport médical établi par un médecin de l'office et, d'autre part, des informations disponibles sur les possibilités de bénéficier effectivement d'un traitement approprié dans le pays d'origine de l'intéressé. "
4. En vertu des dispositions citées au point précédent, le collège des médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, dont l'avis est requis préalablement à la décision du préfet relative à la délivrance de la carte de séjour prévue à l'article L. 425-9, doit émettre son avis dans les conditions fixées par l'arrêté du 27 décembre 2016 cité au point précédent, au vu notamment du rapport médical établi par un médecin de l'Office français de l'immigration et de l'intégration. S'il est saisi, à l'appui de conclusions tendant à l'annulation de la décision de refus, d'un moyen relatif à l'état de santé du demandeur, aux conséquences de l'interruption de sa prise en charge médicale ou à la possibilité pour lui d'en bénéficier effectivement dans le pays dont il est originaire, il appartient au juge administratif de prendre en considération l'avis médical rendu par le collège des médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration. Si le demandeur entend contester le sens de cet avis, il appartient à lui seul de lever le secret relatif aux informations médicales qui le concernent, afin de permettre au juge de se prononcer en prenant en considération l'ensemble des éléments pertinents, notamment l'entier dossier du rapport médical au vu duquel s'est prononcé le collège des médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, en sollicitant sa communication, ainsi que les éléments versés par le demandeur au débat contradictoire.
5. Pour refuser à Mme A... la délivrance du titre de séjour sollicité, la préfète de la Gironde a pris en compte l'avis du collège de médecins de l'OFII rendu le 17 juin 2022, indiquant que l'état de santé de la requérante nécessite une prise en charge médicale dont le défaut peut entraîner à son égard des conséquences d'une exceptionnelle gravité, mais qu'eu égard à l'offre de soins au Cameroun et aux caractéristiques du système de santé dans ce pays, elle peut y bénéficier effectivement d'un traitement approprié.
6. Pour contester cet avis, Mme A... fait valoir qu'elle souffre de problèmes thyroïdiens, pour lesquels elle bénéficie d'un traitement médical, et que son état de santé s'est aggravé du fait de la découverte d'un cancer du col de l'utérus, pathologie pour laquelle elle ne pourra bénéficier d'un traitement approprié au Cameroun. Toutefois, en se bornant à produire des articles de presse rédigés en termes généraux et peu circonstanciés, un certificat médical du 4 février 2022 d'un praticien hospitalier selon lequel son état de santé nécessite une prise en charge médicale pour goître thyroïdien toxicisé avec hyperthyroïdie nécessitant une exérèse chirurgicale dans les plus brefs délais dès que son état sera stabilisé sous antithyroïdiens de synthèse, une prescription du 30 avril 2023 pour du Levothyrox, un compte-rendu de consultation d'un praticien hospitalier du 27 juin 2022 pour un adénocarcinome du col utérin qui propose une hystéroscopie avec résection du polype associée à conisation à visée diagnostique ainsi que le compte-rendu de la conisation effectuée les 13 et 27 juillet 2022, Mme A... n'établit pas les difficultés alléguées d'accès aux soins dans son pays d'origine. Dans ces conditions, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doit être écarté.
7. En troisième lieu, aux termes de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger qui n'entre pas dans les catégories prévues aux articles L. 423-1, L. 423-7, L. 423-14, L. 423-15, L. 423-21 et L. 423-22 ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, et qui dispose de liens personnels et familiaux en France tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " d'une durée d'un an, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 412-1. / Les liens mentionnés au premier alinéa sont appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'étranger, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec sa famille restée dans son pays d'origine. / L'insertion de l'étranger dans la société française est évaluée en tenant compte notamment de sa connaissance des valeurs de la République ". Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1° Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance ; 2° Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui. ".
8. Mme A..., née en 1960, est entrée en France seulement en décembre 2019. Si elle se prévaut de la présence en France de son fils majeur, ressortissant français avec lequel elle réside, il ressort des pièces du dossier qu'elle n'est pas isolée dans son pays d'origine, où réside sa fille et dans lequel elle a vécu jusqu'à l'âge de 59 ans. Par ailleurs, en se bornant à produire quatre justificatifs de virements bancaires que lui a adressés son fils en octobre 2018 et avril et mai 2019, la requérante n'établit pas que seul ce dernier serait en capacité de subvenir à ses besoins. Dans ces conditions, la préfète de la Gironde, en refusant de lui délivrer un titre de séjour au motif qu'elle ne démontre pas l'intensité et la stabilité de ses liens privés, familiaux et sociaux en France, n'a pas porté au droit de l'intéressée au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs qui lui ont été opposés. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté. Pour les mêmes motifs, le moyen tiré de ce que la décision contestée serait entachée d'une erreur manifeste dans l'appréciation de la situation personnelle de la requérante ou d'une erreur de fait doit être écarté.
Sur la légalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français :
9. En premier lieu, il résulte de ce qui précède que Mme A... n'est pas fondée à exciper de l'illégalité de la décision portant refus de séjour à l'appui de son recours dirigé contre la décision portant obligation de quitter le territoire français dont elle a fait l'objet.
10. En second lieu, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions du 9° de l'article L. 611-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doit être écarté pour les motifs exposés au point 6 du présent arrêt.
Sur la légalité de la décision fixant le pays de destination :
11. Il résulte de ce qui précède que Mme A... n'est pas fondée à exciper de l'illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français à l'appui de son recours dirigé contre la décision fixant le pays de destination dont elle a fait l'objet.
12. Il résulte de tout ce qui précède que Mme A... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande d'annulation de l'arrêté du 28 novembre 2022 en litige. Par voie de conséquence, les conclusions aux fins d'injonction et celles présentées sur le fondement des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 doivent être rejetées.
DECIDE :
Article 1er : La requête de Mme A... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B... A... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.
Copie en sera délivrée au préfet de la Gironde.
Délibéré après l'audience du 5 février 2024 à laquelle siégeaient :
Mme Ghislaine Markarian, présidente,
M. Frédéric Faïck, président-assesseur,
Mme Caroline Gaillard, première conseillère,
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 27 février 2024.
Le rapporteur,
Caroline Gaillard
La présidente,
Ghislaine Markarian
La greffière,
Catherine Jussy
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
N° 23BX02626 2