Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. A... D... a demandé au tribunal administratif de la Réunion de constater l'emprise irrégulière de la commune de Saint-Louis sur ses parcelles cadastrées DN 105 et DN 479, situées 7 rue Pierre Poivre et avenue du docteur C... B... sur le territoire de cette commune, d'enjoindre à la commune de Saint-Louis de déplacer l'ouvrage en cause et de la condamner à l'indemniser du préjudice subi.
Par un jugement n° 1800971 du 9 mars 2021, le tribunal administratif de la Réunion a enjoint à la commune de Saint-Louis d'engager la procédure tendant à faire établir une servitude sur les parcelles cadastrées DN 105 et DN 479 conformément aux dispositions des articles L. 152-1 et R. 152-1 du code rural et de la pêche maritime, dans un délai de trois mois, sous astreinte de 5 000 euros par mois de retard et l'a condamné à verser à M. D... une somme de 10 000 euros en réparation de son dommage.
Procédure devant la cour :
Par une requête et un mémoire enregistré le 9 juin 2021 et le 10 décembre 2021, la commune de Saint-Louis, représentée par Me Boissy, demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de la Réunion du 9 mars 2021 ;
2°) de rejeter la demande présentée par M. D... devant ce tribunal ;
3°) de mettre à la charge de M. D... une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- le jugement est irrégulier faute d'avoir été signé conformément à l'article R. 741-7 du code de justice administrative ;
- la compétence en matière de gestion de l'assainissement des eaux usées a été transférée, à compter du 1er janvier 2020, à la communauté intercommunale des villes solidaires, en vertu de l'article L. 5216-5 du code général des collectivités territoriales ; elle n'est donc pas compétente pour entreprendre la procédure tendant à faire établir une servitude sur les parcelles de M. D... comme le lui a enjoint le tribunal ;
- sa responsabilité ne peut être recherchée à raison d'obligations attachées à la compétence transférée, quand bien même celles-ci trouvent leur origine dans un évènement antérieur au transfert ;
- la requête de M. D... est irrecevable en tant qu'elle est dirigée contre la commune de Saint-Louis ;
- la canalisation affectée à un service public et qui n'empêche pas M. D... de jouir de sa propriété ne saurait être déplacée et il y a lieu d'instaurer une servitude en application des dispositions des articles L. 152-1 et R. 152-1 du code rural et de la pêche maritime ;
- l'emprise irrégulière n'éteignant pas le droit de propriété de M. D..., il n'est pas fondé à demander une indemnisation du montant de la valeur vénale du bien ;
- l'intéressé reste redevable de la taxe foncière sur le bien dont il est propriétaire en dépit de l'emprise ; en outre, il ne justifie pas du règlement de ces taxes et de leur montant ;
- le préjudice moral ne saurait être indemnisé au-delà de 2 000 euros ;
- l'appel formé par M. D... porte sur un litige distinct de celui introduit par sa propre requête et est irrecevable car tardif.
Par un mémoire en défense enregistré le 18 octobre 2021, M. D..., représenté par Me Boyer, conclut :
1°) au rejet de la requête ;
2°) par la voie de l'appel incident, à ce que qu'il soit enjoint à la commune de Saint-Louis de procéder au déplacement de l'ouvrage tel que préconisé par l'expert, sous astreinte de 5 000 euros par mois de retard et à ce que la commune soit condamnée à lui verser une somme de 55 000 euros en réparation de son dommage ;
3°) à la liquidation de l'astreinte décidée par les premiers juges ;
4°) à ce que soit mise à la charge de la commune de Saint-Louis une somme de 10 000 euros en raison du caractère abusif de son recours et une somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- les moyens soulevés par la commune de Saint-Louis ne sont pas fondés ;
- le maire ne justifie pas disposer d'une délégation régulière du conseil municipal pour relever appel du jugement ;
- la commune est irrecevable à faire valoir pour la première fois en appel le transfert de ses compétences en matière de gestion de l'assainissement des eaux usées à la communauté intercommunale des villes solidaires ; subsidiairement, les contentieux introduits avant le transfert de compétence, comme en l'espèce, continuent d'engager la collectivité initiale ;
- la requête de la commune, qui se borne à renvoyer à ses écritures de première instance, est irrecevable ;
- au vu de l'article 152-1 du code rural et de la pêche maritime, aucune servitude ne saurait être établie pour régulariser l'emprise dès lors qu'elle se situe sur un terrain bâti ; si la parcelle concernée est en friche c'est que la présence de la canalisation l'empêche d'en user comme jardin ou cour attenant à son habitation ; il y a donc lieu de procéder au déplacement de l'ouvrage, ce qui permettrait, en outre, de remédier aux désordres observés tenant à une pente trop faible de la canalisation ;
- la présence de cette canalisation, endommagée par le passage d'un cyclone, et qui donne lieu à des interventions sur son terrain, lui cause un préjudice qui sera indemnisé à hauteur de 55 000 euros ;
- il y a lieu de liquider l'astreinte décidée par le tribunal et de mettre à la charge de la commune une somme de 10 000 euros en raison du caractère abusif de son recours.
Par des mémoires en défense, enregistrés le 15 septembre 2023 et le 16 octobre 2023, la communauté intercommunale des Villes solidaires (CIVIS), représentée par Me Dacquin, conclut au rejet de la requête ainsi que des conclusions présentées par M. D... par la voie de l'appel incident et à ce qu'une somme de 2 500 euros soit mise à la charge de la commune de Saint-Louis et de M. D... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- il lui appartient, en effet, de régulariser l'empiètement sur la propriété de M. D... par une servitude qu'elle est désormais seule compétente pour établir ;
- seule la commune de Saint-Louis doit être condamnée à indemniser M. D... ;
- elle ne peut non plus être condamnée au paiement d'une somme résultant de la liquidation de l'astreinte décidée par le tribunal à l'encontre de la commune ;
- la commune de Saint-Louis n'est pas recevable à soutenir pour la première fois en appel qu'elle n'est pas la personne responsable ;
- l'appel incident formé par M. D... relève d'un litige distinct de celui exposé par la requête d'appel de la commune de Saint-Louis et est, par suite, irrecevable ;
- l'intérêt général fait obstacle au déplacement de la canalisation en cause ;
- M. D... ne justifie pas du détail ni de l'importance du préjudice qu'il allègue ;
- la réalité du préjudice de perte de valeur vénale et de celui constitué par le paiement de la taxe foncière n'est pas établie ; ces préjudices sont, en outre, sans lien avec le fait générateur du dommage.
Les parties ont été informées, en application des dispositions de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, de ce que la cour était susceptible d'office, d'une part, de réformer le jugement attaqué pour substituer la communauté intercommunale des villes solidaires à la commune de Saint-Louis qui lui a transféré, en cours d'instance, sa compétence en matière de gestion de l'assainissement des eaux usées et, d'autre part, de rediriger les conclusions présentées par M. D... à l'encontre de la commune contre l'établissement public de coopération intercommunale qui lui est substitué depuis la date du transfert de compétence.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code général des collectivités territoriales ;
- le code rural et de la pêche maritime ;
- la loi n° 2015-991 du 7 août 2015 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Kolia Gallier,
- les conclusions de M. Romain Roussel Cera, rapporteur public,
- les observations de Me Dubois, représentant la commune de Saint-Louis, et de Me Prestel, représentant la communauté intercommunale des Villes solidaires.
Une note en délibéré présentée pour la communauté intercommunale des Villes solidaires, par Me Dacquin, a été enregistrée le 11 mars 2024.
Considérant ce qui suit :
1. M. D... a acquis le 6 novembre 2013 deux parcelles cadastrées DN 105 et DN 479 situées au 7 rue Pierre Poivre et avenue du docteur C... B... sur le territoire de la commune de Saint-Louis. Il a sollicité du juge des référés du tribunal administratif de la Réunion la réalisation d'une expertise quant à l'existence et à la localisation d'une canalisation d'eaux usées traversant ses parcelles. Après la remise du rapport de l'expert, il a adressé à la commune de Saint-Louis une demande d'indemnisation le 10 juillet 2018, demande qui a été rejetée le 11 septembre suivant. M. D... a saisi le tribunal administratif de la Réunion d'une demande tendant au constat d'une emprise irrégulière de la commune de Saint-Louis sur sa propriété, à ce qu'il soit enjoint à la commune de déplacer la canalisation en cause et à sa condamnation à l'indemniser du préjudice subi. Par un jugement du 9 mars 2021, le tribunal a enjoint à la commune de Saint-Louis d'engager la procédure tendant à faire établir une servitude sur les parcelles cadastrées DN 105 et DN 479 conformément aux dispositions des articles L. 152-1 et R. 152-1 du code rural et de la pêche maritime et l'a condamné à verser à M. D... une somme de 10 000 euros en réparation de son dommage. La commune de Saint-Louis relève appel de ce jugement et M. D... demande, par la voie de l'appel incident, le déplacement de la canalisation en cause ainsi que le rehaussement de l'indemnité allouée par les premiers juges.
Sur la recevabilité de la requête d'appel de la commune de Saint-Louis :
2. En premier lieu, aux termes de l'article L. 2132-1 du code général des collectivités territoriales : " Sous réserve des dispositions du 16° de l'article L. 2122-22, le conseil municipal délibère sur les actions à intenter au nom de la commune ". Aux termes de l'article L. 2122-22 du même code : " Le maire peut, en outre, par délégation du conseil municipal, être chargé, en tout ou partie, et pour la durée de son mandat : (...) / 16° D'intenter au nom de la commune les actions en justice ou de défendre la commune dans les actions intentées contre elle, dans les cas définis par le conseil municipal (...) ". Il résulte de ces dispositions que le conseil municipal peut légalement donner au maire une délégation générale pour ester en justice au nom de la commune pendant la durée de son mandat.
3. Il ressort des pièces du dossier que, par délibération du 4 juillet 2020, le conseil municipal de la commune de Saint-Louis a habilité le maire à intenter au nom de la commune toutes les actions en justice et à défendre les intérêts de la commune dans l'ensemble des cas susceptibles de se présenter. Par suite, la fin de non-recevoir opposée par M. D... tirée du défaut de qualité pour agir du maire de la commune de Saint-Louis doit être écartée.
4. En deuxième lieu, contrairement à ce que soutient M. D..., la requête de la commune de Saint-Louis ne se borne pas à renvoyer aux écritures qu'elle a produites devant les premiers juges. Cette fin de non-recevoir doit également être écartée.
Sur la recevabilité des conclusions incidentes de M. D... :
5. Contrairement à ce que soutiennent la commune de Saint-Louis et la CIVIS, les conclusions présentées par M. D... tendant à l'annulation du jugement en tant qu'il rejette sa demande de dévoiement de la canalisation litigieuse et en tant qu'il limite à la somme de 10 000 euros le montant de son indemnisation ne relèvent pas d'un litige distinct de celui introduit par la commune de Saint-Louis dans sa requête d'appel.
Sur la régularité du jugement :
6. Aux termes de l'article R. 741-7 du code de justice administrative : " Dans les tribunaux administratifs (...), la minute de la décision est signée par le président de la formation de jugement, le rapporteur et le greffier d'audience ". Il ressort de l'examen de la minute du jugement attaqué que celle-ci comporte les signatures du président de la formation de jugement, du rapporteur et du greffier d'audience, requises par l'article R. 741-7 du code de justice administrative. Le moyen tiré de l'irrégularité du jugement doit, par suite, être écarté.
Sur le bien-fondé du jugement :
En ce qui concerne l'emprise irrégulière :
7. Il résulte de l'instruction, en particulier du rapport d'expertise, et n'est d'ailleurs contesté ni par la commune de Saint-Louis ni par la CIVIS, qu'une canalisation d'assainissement des eaux usées du réseau collectif en fonte d'un diamètre de 400 mm traverse le terrain de M. D... alors, ainsi que l'a relevé le tribunal, qu'aucune procédure d'expropriation pour cause d'utilité publique n'a été engagée, qu'aucune servitude ne figure dans la convention accordant le titre de propriété du 6 novembre 2013 et qu'aucun accord amiable n'a été conclu entre la commune de Saint-Louis et M. D... à ce sujet. Cet aménagement constitue, par suite, une emprise irrégulière sur la propriété de l'intéressé.
En ce qui concerne la personne responsable :
8. Aux termes de l'article L. 5216-5 du code général des collectivités territoriales, dans sa version applicable : " I.- La communauté d'agglomération exerce de plein droit au lieu et place des communes membres les compétences suivantes : (...) / 8° Eau ; / 9° Assainissement des eaux usées, dans les conditions prévues à l'article L. 2224-8 ; (...) ". L'article L. 5211-5 du même code, applicables à l'ensemble des établissements publics de coopération intercommunale, dispose : " (...) III. - Le transfert des compétences entraîne de plein droit l'application à l'ensemble des biens, équipements et services publics nécessaires à leur exercice, ainsi qu'à l'ensemble des droits et obligations qui leur sont attachés à la date du transfert, des dispositions des trois premiers alinéas de l'article L. 1321-1, des deux premiers alinéas de l'article L. 1321-2 et des articles L. 1321-3, L. 1321-4 et L. 1321-5. (...) / L'établissement public de coopération intercommunale est substitué de plein droit, à la date du transfert des compétences, aux communes qui le créent dans toutes leurs délibérations et tous leurs actes. (...) ". Aux termes de l'article L. 1321-1 du code général des collectivités territoriales : " Le transfert d'une compétence entraîne de plein droit la mise à la disposition de la collectivité bénéficiaire des biens meubles et immeubles utilisés, à la date de ce transfert, pour l'exercice de cette compétence. (...) ". L'article L. 1321-2 du même code prévoit : " Lorsque la collectivité antérieurement compétente était propriétaire des biens mis à disposition, la remise de ces biens a lieu à titre gratuit. La collectivité bénéficiaire de la mise à disposition assume l'ensemble des obligations du propriétaire. Elle possède tous pouvoirs de gestion. Elle assure le renouvellement des biens mobiliers. Elle peut autoriser l'occupation des biens remis. Elle en perçoit les fruits et produits. Elle agit en justice au lieu et place du propriétaire. / La collectivité bénéficiaire peut procéder à tous travaux de reconstruction, de démolition, de surélévation ou d'addition de constructions propres à assurer le maintien de l'affectation des biens. / (...) ". Enfin, l'article 133 de la loi du 7 août 2015 portant nouvelle organisation territoriale de la République dispose que : " (...) XII. - Sauf dispositions contraires, pour tout transfert de compétence ou délégation de compétence prévu par le code général des collectivités territoriales, la collectivité territoriale ou l'établissement public est substitué de plein droit à l'Etat, à la collectivité ou à l'établissement public dans l'ensemble de ses droits et obligations, dans toutes ses délibérations et tous ses actes. (...) ".
9. Il résulte des dispositions précitées que, sauf dispositions législatives contraires, le transfert de compétences par une collectivité territoriale à un établissement public de coopération intercommunale, effectué sur le fondement des dispositions du code général des collectivités territoriales, implique la substitution de plein droit de cet établissement à la collectivité dans l'ensemble de ses droits et obligations attachés à cette compétence, y compris lorsque ces obligations trouvent leur origine dans un événement antérieur au transfert.
10. Depuis le 1er janvier 2020, la CIVIS est compétente de plein droit, en lieu et place de ses communes membres au nombre desquelles figure la commune de Saint-Louis, pour assurer le service public administratif de l'assainissement des eaux usées, ce qu'elle ne conteste pas. Elle est en charge, à ce titre, de l'entretien du réseau public d'eaux usées existant sur le territoire de la commune de Saint-Louis, sous réserve des conventions de gestion qu'elle pourrait conclure avec la commune sur le fondement des dispositions de l'article L. 5216-5 du code général des collectivités territoriales. Il résulte de ce qui a été dit au point précédent que la CIVIS doit seule répondre des conséquences dommageables attachées à l'existence et au fonctionnement du réseau public d'assainissement des eaux usées de la commune de Saint-Louis, survenues avant comme après la date de ce transfert de compétence. Par suite, la commune de Saint-Louis, qui est recevable à faire valoir pour la première fois en appel qu'elle n'est pas la personne responsable, est fondée à soutenir que c'est à tort que les premiers juges l'ont condamné à indemniser M. D... et lui ont enjoint d'engager la procédure tendant à faire établir une servitude pour régulariser l'emprise de la canalisation sur la propriété de l'intéressé.
11. Il appartient à la cour, saisie par l'effet dévolutif de l'appel, de statuer sur la demande de M. D... qui doit être redirigée à l'encontre de la CIVIS.
En ce qui concerne l'indemnisation des préjudices :
12. Dans le cas d'une décision administrative portant atteinte à la propriété privée, le juge administratif, compétent pour statuer sur le recours en annulation d'une telle décision, l'est également pour connaître de conclusions tendant à la réparation des conséquences dommageables de cette décision administrative, hormis le cas où elle aurait pour effet l'extinction du droit de propriété. Si la décision d'édifier un ouvrage public sur la parcelle appartenant à une personne privée porte atteinte au libre exercice de son droit de propriété par celle-ci, elle n'a toutefois pas pour effet l'extinction du droit de propriété sur cette parcelle. Par suite, la réparation des conséquences dommageables résultant de la décision d'édifier un ouvrage public sur une parcelle appartenant à une personne privée ne saurait donner lieu à une indemnité correspondant à la valeur vénale de la parcelle, mais uniquement à une indemnité réparant intégralement le préjudice résultant de l'occupation irrégulière de cette parcelle et tenant compte de l'intérêt général qui justifie le maintien de cet ouvrage.
13. Il résulte de l'instruction que la présence de la canalisation litigieuse, qui n'emporte pas extinction du droit de propriété de M. D... sur la portion de terrain qu'elle occupe, porte néanmoins atteinte à son droit de propriété et est à l'origine d'un préjudice de perte de jouissance et d'un préjudice moral aggravé par les circonstances que la présence de cet ouvrage rend nécessaire des interventions pour son entretien et que l'état défectueux de la canalisation entraine des débordements d'eaux usées sur son terrain. Il sera fait une juste appréciation des préjudices de M. D... causés par la présence de la canalisation en condamnant la CIVIS à lui verser la somme de 10 000 euros à ce titre.
14. En revanche, M. D... n'est pas fondé à demander le remboursement des taxes foncières qu'il a versées, le paiement de ces taxes ne constituant pas un préjudice en lien avec la présence de la canalisation sur sa propriété.
En ce qui concerne les conclusions à fin d'injonction :
15. Lorsqu'il est saisi d'une demande tendant à ce que soit ordonnée la démolition d'un ouvrage public dont il est allégué qu'il est irrégulièrement implanté par un requérant qui estime subir un préjudice du fait de l'implantation de cet ouvrage et qui en a demandé sans succès la démolition à l'administration, il appartient au juge administratif, juge de plein contentieux, de déterminer, en fonction de la situation de droit et de fait existant à la date à laquelle il statue, si l'ouvrage est irrégulièrement implanté, puis, si tel est le cas, de rechercher, d'abord, si eu égard notamment à la nature de l'irrégularité, une régularisation appropriée est possible, puis, dans la négative, en tenant compte de l'écoulement du temps, de prendre en considération, d'une part les inconvénients que la présence de l'ouvrage entraîne pour les divers intérêts publics ou privés en présence, notamment, le cas échéant, pour le propriétaire du terrain d'assiette de l'ouvrage, d'autre part, les conséquences de la démolition pour l'intérêt général, et d'apprécier, en rapprochant ces éléments, si la démolition n'entraîne pas une atteinte excessive à l'intérêt général.
16. Aux termes de l'article L. 152-1 du code rural et de la pêche maritime : " Il est institué au profit des collectivités publiques, des établissements publics ou des concessionnaires de services publics qui entreprennent des travaux d'établissement de canalisations d'eau potable ou d'évacuation d'eaux usées ou pluviales une servitude leur conférant le droit d'établir à demeure des canalisations souterraines dans les terrains privés non bâtis, excepté les cours et jardins attenant aux habitations. / L'établissement de cette servitude ouvre droit à indemnité. Il fait l'objet d'une enquête publique réalisée selon les modalités prévues au livre Ier du code de l'expropriation pour cause d'utilité publique. " L'article R. 152-1 du même code prévoit : " Les personnes publiques définies au premier alinéa de l'article L. 152-1 et leurs concessionnaires, à qui les propriétaires intéressés n'ont pas donné les facilités nécessaires à l'établissement, au fonctionnement ou à l'entretien des canalisations souterraines d'eau potable ou d'évacuation d'eaux usées ou pluviales, peuvent obtenir l'établissement de la servitude prévue audit article, dans les conditions déterminées aux articles R. 152-2 à R. 152-15. ".
17. Ainsi qu'il a été ci-dessus, la canalisation litigieuse traverse la propriété de M. D... ce qui constitue une atteinte à son droit de propriété ne résultant d'aucun droit ni titre. L'intéressé expose subir un préjudice de perte de jouissance en raison de l'existence de cet ouvrage et en demande le dévoiement hors des parcelles de terrain dont il est propriétaire. Toutefois, il résulte de l'instruction, en particulier du rapport d'expertise et des photographies au dossier, que la canalisation passe en partie basse du terrain de l'intéressé dans une zone en friche et inexploitée. Elle ne peut, dans ces conditions, être regardée comme grevant un jardin ou une cour attenant à une habitation au sens et pour l'application des dispositions de l'article L. 152-l du code rural et de la pêche maritime précitées. Par suite, il y a lieu d'enjoindre à la CIVIS de régulariser l'implantation de la canalisation en engageant la procédure permettant l'instauration d'une servitude conformément aux dispositions des articles L. 152-1 et R. 152-1 du code rural et de la pêche maritime dans un délai de trois mois à compter de la notification du présent arrêt. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, d'assortir cette injonction d'une astreinte.
18. Il résulte de tout ce qui précède, d'une part, que la commune de Saint-Louis est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de La Réunion l'a condamnée à indemniser M. D... et lui a enjoint d'engager la procédure permettant l'instauration d'une servitude pour régulariser l'emprise de la canalisation sur sa propriété et, d'autre part, que les conclusions présentées par la voie de l'appel incident par M. D... doivent être rejetées.
Sur les conclusions de M. D... tendant à la condamnation de la commune de Saint-Louis au versement d'une amende :
19. Aux termes de l'article R. 741-12 du code de justice administrative : " Le juge peut infliger à l'auteur d'une requête qu'il estime abusive une amende dont le montant ne peut excéder 10 000 euros. " La faculté ouverte par ces dispositions constituant un pouvoir propre du juge, les conclusions de M. D... tendant à ce que la commune de Saint-Louis soit condamnée sur le fondement de ces dispositions ne peuvent, en tout état de cause, qu'être rejetées.
Sur les frais liés au litige :
20. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions présentées par les parties au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
DECIDE :
Article 1er : Les articles 1, 2 et 3 du jugement du tribunal administratif de La Réunion sont annulés.
Article 2 : Il est enjoint à la communauté intercommunale des Villes solidaires d'engager la procédure nécessaire à l'établissement d'une servitude sur les parcelles cadastrées DN 105 et DN 479 conformément aux dispositions des articles L. 152-1 et R. 152-1 du code rural et de la pêche maritime, dans un délai de trois mois à compter de la notification du présent arrêt.
Article 3 : La communauté intercommunale des Villes est condamnée à verser à M. D... la somme de 10 000 euros en réparation de ses préjudices.
Article 4 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à la commune de Saint-Louis, à M. A... D... et à la communauté intercommunale des Villes solidaires.
Délibéré après l'audience du 29 février 2024 à laquelle siégeaient :
M. Jean-Claude Pauziès, président,
Mme Christelle Brouard-Lucas, présidente-assesseure,
Mme Kolia Gallier, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 21 mars 2024.
La rapporteure,
Kolia GallierLe président,
Jean-Claude Pauziès
La greffière,
Marion Azam Marche
La République mande et ordonne au préfet de la Réunion en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
N° 21BX02474 2