Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. B... C... a demandé au tribunal administratif de Pau d'annuler l'arrêté du 1er novembre 2023 par lequel le préfet des Pyrénées-Atlantiques l'a obligé à quitter le territoire français sans lui accorder de délai de départ volontaire, a fixé le pays de destination de cette mesure d'éloignement et a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée d'un an.
Par un jugement n° 2302846 du 20 décembre 2023, la présidente du tribunal administratif de Pau a annulé l'arrêté du 1er novembre 2023 du préfet des Pyrénées-Atlantiques.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 5 janvier 2024, et un mémoire enregistré le 1er mars 2024, qui n'a pas fait l'objet de communication, le préfet des Pyrénées-Atlantiques demande à la cour d'annuler ce jugement et de rejeter la demande présentée par M. C....
Il soutient que :
- la décision n'avait pas pour objet de statuer sur le droit au séjour ; M. C... ne démontre pas avoir déposé une telle demande ;
- l'absence de mention dans les visas de la décision de l'accord franco-tunisien du 17 mars 1988 ne peut caractériser un défaut d'examen ;
-l'examen auquel il était tenu de procéder se limitait aux seuls éléments portés à sa connaissance à la date d'édiction de la décision ;
- faute pour M. C... de porter à sa connaissance des éléments de sa situation relatifs à l'exercice d'une éventuelle activité professionnelle, il n'était pas tenu d'examiner d'office s'il pouvait bénéficier d'une admission au séjour au regard des conditions prévues par l'article 3 de l'accord franco-tunisien ou d'une mesure de régularisation au titre du pouvoir discrétionnaire ;
S'agissant de l'obligation de quitter le territoire français :
- le moyen tiré de la compétence de l'auteur de l'acte manque en fait ;
- le moyen tiré de l'erreur manifeste d'appréciation doit être écarté ;
S'agissant de la décision fixant un délai de départ volontaire :
- le moyen tiré de la compétence de l'auteur de l'acte manque en fait ;
S'agissant de l'interdiction de retour sur le territoire français :
- le moyen tiré de la compétence de l'auteur de l'acte manque en fait ;
- le moyen tiré de l'erreur manifeste d'appréciation doit être écarté ;
S'agissant de la décision fixant le pays de renvoi
- le moyen tiré de la compétence de l'auteur de l'acte manque en fait ;
- l'arrêté n'est pas entaché d'un défaut de motivation en fait ;
- l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales n'a pas été méconnu.
Par un mémoire en défense, enregistré le 14 février 2024, M. C..., représenté par Me Sanchez-Rodriguez, conclut au rejet de la requête du préfet et demande que soit mise à la charge de l'Etat la somme de 1 200 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- les moyens soulevés par le préfet des Pyrénées-Atlantiques ne sont pas fondés ;
S'agissant de l'obligation de quitter le territoire français :
- il n'est pas justifié de la compétence de l'auteur de l'acte ;
- l'arrêté est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation ;
- il justifie d'une ancienneté de séjour supérieure à quatre ans et d'une intégration professionnelle ;
S'agissant de la décision fixant un délai de départ volontaire :
- il n'est pas justifié de la compétence de l'auteur de l'acte ;
S'agissant de l'interdiction de retour sur le territoire français :
- il n'est pas justifié de la compétence de l'auteur de l'acte ;
- la décision est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;
S'agissant de la décision fixant le pays de renvoi :
- il n'est pas justifié de la compétence de l'auteur de l'acte ;
- la décision est entachée d'une insuffisance de motivation.
Par ordonnance du 8 janvier 2024, la clôture d'instruction a été fixée au 8 mars 2024 à 12h00.
Vu :
- les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- l'accord entre le gouvernement de la République française et le gouvernement de la République de Tunisie en matière de séjour et de travail du 17 mars 1988 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code du travail ;
- le code de justice administrative.
La présidente de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Bénédicte Martin,
- et les observations de Me Sanchez-Rodriguez, représentant M. C....
Considérant ce qui suit :
1. M. C..., ressortissant tunisien né le 7 juin 1999, a fait l'objet d'un contrôle de police le 31 octobre 2023 et a été placé en garde à vue pour conduite d'un véhicule sans permis. Par arrêté du 1er novembre 2023, le préfet des Pyrénées-Atlantiques lui a fait obligation de quitter le territoire français sans délai, en fixant le pays de renvoi et lui a fait interdiction de retour sur le territoire français pour une durée d'un an. Le préfet des Pyrénées-Atlantiques relève appel du jugement du 20 décembre 2023 par lequel le tribunal administratif de Pau a annulé l'arrêté du 1er novembre 2023.
Sur le motif d'annulation retenu par la première juge :
2. Pour retenir un défaut d'examen de la situation de M. C..., la présidente du tribunal administratif de Pau a relevé qu'en ne visant pas, dans l'arrêté attaqué, l'accord franco-tunisien du 17 mars 1988 et en se bornant à mentionner que M. C... ne peut pas prétendre à la délivrance de plein droit d'un titre de séjour, dès lors qu'il ne relève pas de l'une des catégories énoncées dans le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, le préfet des Pyrénées-Atlantiques n'a pas procédé à un examen de sa situation au regard des stipulations de l'accord franco-tunisien.
3. Il ressort toutefois des pièces du dossier que le préfet des Pyrénées-Atlantiques, qui a notamment visé les éléments communiqués le 1er novembre 2023 par les services de la police aux frontières des Pyrénées-Atlantiques et des Landes, a mentionné que M. A... se disant C... se déclarait de nationalité tunisienne et avait été interpellé en situation irrégulière et placé en garde à vue pour conduite d'un véhicule sans permis de conduire. Le préfet constatait également que l'intéressé, qui déclarait être entré en France en 2017, était démuni de tout document d'identité ou de voyage en cours de validité, ne justifiait pas être entré régulièrement sur le territoire français et n'avait pas sollicité la régularisation de sa situation administrative alors même qu'il alléguait sans en justifier être titulaire d'un titre de séjour. Ces éléments démontrent que le préfet a, préalablement à l'édiction de ses décisions, procédé à un examen particulier de la situation personnelle de M. C.... Dans ces conditions, alors même que l'arrêté attaqué ne vise pas expressément l'accord franco-tunisien et les conditions de régularisation de plein droit des ressortissants tunisiens qu'il prévoit, lesquels ne font pas obstacle à ce qu'il soit fait application aux ressortissants tunisiens des dispositions du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, qui régissent l'octroi des cartes de séjour temporaire, c'est à tort que la première juge a retenu le défaut d'examen de la situation du requérant pour annuler l'arrêté en litige.
4. Il appartient à la cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par M. C... en première instance et en appel.
Sur les autres moyens :
En ce qui concerne la compétence de l'auteur de l'acte :
5. Par un arrêté du 30 août 2023, régulièrement publié au recueil des actes administratifs spécial n° 64-2023-210 de la préfecture des Pyrénées-Atlantiques du 1er septembre 2023, Mme D..., sous-préfète d'Oloron-Sainte-Marie, a reçu délégation du préfet des Pyrénées-Atlantiques, aux fins de signer, notamment, les arrêtés portant refus de délivrance des titres de séjour, obligations de quitter le territoire français, décisions relatives au délai de départ volontaire, interdictions de retour et décisions fixant le pays de renvoi, dont font partie les décisions en litige. Par suite, le moyen tiré du défaut de compétence du signataire de l'arrêté du 1er novembre 2023 doit être écarté.
En ce qui concerne l'obligation de quitter le territoire français :
6. Aux termes de l'article L. 611-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'autorité administrative peut obliger un étranger à quitter le territoire français lorsqu'il se trouve dans les cas suivants : / 1° L'étranger, ne pouvant justifier être entré régulièrement sur le territoire français, s'y est maintenu sans être titulaire d'un titre de séjour en cours de validité ; / 2° L'étranger, entré sur le territoire français sous couvert d'un visa désormais expiré ou, n'étant pas soumis à l'obligation du visa, entré en France plus de trois mois auparavant, s'est maintenu sur le territoire français sans être titulaire d'un titre de séjour ou, le cas échéant, sans demander le renouvellement du titre de séjour temporaire ou pluriannuel qui lui a été délivré ; (...) / 6° L'étranger qui ne réside pas régulièrement en France depuis plus de trois mois a méconnu les dispositions de l'article L. 5221-5 du code du travail.(...) ". Aux termes de l'article L. 5221-5 du code du travail : " Un étranger autorisé à séjourner en France ne peut exercer une activité professionnelle salariée en France sans avoir obtenu au préalable l'autorisation de travail mentionnée au 2° de l'article L. 5221-2. (...) ".
7. Pour faire obligation à M. C... de quitter le territoire français, le préfet des Pyrénées-Atlantiques s'est fondé sur la circonstance que l'intéressé ne justifiait pas être entré régulièrement sur le territoire français et ne disposait pas d'un titre de séjour. L'intimé verse au dossier de nombreuses pièces de différente nature établissant sa résidence habituelle en France à compter du mois de juillet 2019. La durée de son séjour n'est toutefois que de quatre ans et quatre mois à la date de la décision contestée. M. C... est célibataire et sans charge de famille en France. Il verse au dossier notamment des contrats à durée indéterminée, aux noms de M. C... ou Abdessalem, et des fiches de paye, concernant un emploi à temps partiel à compter du 2 décembre 2019, puis à compter du 17 juillet 2023 un emploi à temps plein auprès de l'entreprise BCH Transport, située dans l'Essonne. Cependant, cette activité professionnelle, laquelle n'a d'ailleurs pas fait l'objet d'une demande d'autorisation de travail en application des dispositions précitées de l'article L. 5221-5 du code du travail, présente un caractère récent à la date de la décision contestée. Au vu de l'ensemble de ces éléments, notamment la durée et les conditions du séjour de l'intéressé, et même si celui-ci exerce une activité professionnelle et subvient à ses besoins, le préfet des Pyrénées-Atlantiques en obligeant M. C... à quitter le territoire français, n'a pas commis d'erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de sa décision sur la situation personnelle de l'intéressé.
En ce qui concerne l'interdiction de retour sur le territoire français :
8. Aux termes de l'article L. 612-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa rédaction applicable à la date de la décision contestée : " Lorsqu'aucun délai de départ volontaire n'a été accordé à l'étranger, l'autorité administrative assortit la décision portant obligation de quitter le territoire français d'une interdiction de retour sur le territoire français. Des circonstances humanitaires peuvent toutefois justifier que l'autorité administrative n'édicte pas d'interdiction de retour. /Les effets de cette interdiction cessent à l'expiration d'une durée, fixée par l'autorité administrative, qui ne peut excéder trois ans à compter de l'exécution de l'obligation de quitter le territoire français ". Aux termes de l'article L. 612-10 de ce code : " Pour fixer la durée des interdictions de retour mentionnées aux articles L. 612-6 (...), l'autorité administrative tient compte de la durée de présence de l'étranger sur le territoire français, de la nature et de l'ancienneté de ses liens avec la France, de la circonstance qu'il a déjà fait l'objet ou non d'une mesure d'éloignement et de la menace pour l'ordre public que représente sa présence sur le territoire français. (...) ".
9. Il ressort des pièces du dossier, ainsi qu'il a déjà été dit, que M. C... n'établit, par les pièces qu'il produit, résider en France que depuis le mois de juillet 2019, soit depuis quatre ans et quatre mois à la date de la décision contestée. L'intéressé est célibataire et sans charge de famille en France. Au vu de ces éléments, et même si l'intéressé exerce une activité professionnelle salariée de gestionnaire de transports, en fixant à un an la durée de l'interdiction de retour sur le territoire français, le préfet n'a pas entaché sa décision d'une erreur d'appréciation.
En ce qui concerne la décision fixant le pays de renvoi :
10. La décision fixant le pays de renvoi comporte les considérations de fait et de droit qui en constituent le fondement. Par suite, M. C... n'est pas fondé à soutenir que cette décision serait insuffisamment motivée.
11. Il résulte de tout ce qui précède que le préfet des Pyrénées-Atlantiques est fondé à demander, outre l'annulation du jugement qu'il attaque, le rejet de la demande de M. C... présentée devant le tribunal administratif de Pau.
Sur les conclusions aux fins d'injonction et d'astreinte :
12. Le présent arrêt, qui rejette les conclusions aux fins d'annulation présentées par M. C..., n'appelle aucune mesure d'exécution. Par suite, ses conclusions présentées aux fins d'injonction et d'astreinte ne peuvent être accueillies.
Sur les frais liés à l'instance :
13. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que demande M. C... en application de ces dispositions.
DECIDE :
Article 1er : Le jugement n° 2302846 du 20 décembre 2023 de la présidente du tribunal administratif de Pau est annulé.
Article 2 : La demande de M. C... présentée devant le tribunal administratif de Pau et le surplus de ses conclusions devant la cour sont rejetés.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... C... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.
Copie en sera adressée au préfet des Pyrénées-Atlantiques.
Délibéré après l'audience du 30 avril 2024 à laquelle siégeaient :
Mme Evelyne Balzamo, présidente,
Mme Bénédicte Martin, présidente-assesseure,
Mme Pauline Reynaud, première conseillère,
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 21 mai 2024.
La rapporteure,
Bénédicte MartinLa présidente,
Evelyne BalzamoLe greffier,
Anthony Fernandez
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
2
N° 24BX00019