Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme B... A... a demandé au tribunal administratif de la Guadeloupe d'annuler l'arrêté du 30 septembre 2022 par lequel le préfet de la Guadeloupe a refusé de renouveler son titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination.
Par un jugement n° 2201364 du 26 octobre 2023, le tribunal administratif de la Guadeloupe a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête et un mémoire, enregistrés le 24 décembre 2023 et le 5 avril 2024, Mme A..., représentée par Me Diallo, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) d'annuler l'arrêté du préfet de la Guadeloupe du 30 septembre 2022 ;
3°) d'enjoindre au préfet de la Guadeloupe de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour dans un délai de deux mois à compter de la notification de la décision à intervenir, sous astreinte de 75 euros par jour de retard ;
4°) de mettre à la charge de l'État une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- c'est à tort que le préfet, puis le tribunal, ont retenu qu'elle pouvait effectivement bénéficier d'un traitement approprié à son état de santé dans son pays d'origine ;
- elle remplit les conditions pour se voir délivrer un titre de séjour sur le fondement de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la décision portant éloignement du territoire méconnaît les dispositions du 9° de l'article L. 611-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile compte tenu de l'impossibilité d'être soignée à Haïti ;
- l'arrêté est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation au regard de son droit à une vie privée et familiale normale.
Par ordonnance du 2 mai 2024, la clôture d'instruction a été fixée au 4 juin 2024.
Un mémoire présenté par le préfet de la Guadeloupe a été enregistré le 21 juin 2024.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Le rapport de Mme Kolia Gallier a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. Mme A..., ressortissante haïtienne née le 14 novembre 1978, indique être entrée en France au mois de février 2014. Une carte de séjour temporaire valable un an lui a été délivrée le 23 avril 2019 en raison de son état de santé, ainsi que plusieurs autorisations provisoires de séjour d'une durée de 6 mois entre 2018 et 2021. Le 21 décembre 2021, l'intéressée a sollicité le renouvellement de son titre de séjour en qualité d'étranger malade. Par un arrêté du 30 septembre 2022, le préfet de la Guadeloupe a refusé de lui délivrer le titre de séjour sollicité, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination. Mme A... relève appel du jugement du 26 octobre 2023 par lequel le tribunal administratif de la Guadeloupe a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.
2. Aux termes de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger, résidant habituellement en France, dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et qui, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié, se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " d'une durée d'un an. La condition prévue à l'article L. 412-1 n'est pas opposable. / La décision de délivrer cette carte de séjour est prise par l'autorité administrative après avis d'un collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, dans des conditions définies par décret en Conseil d'Etat. / Sous réserve de l'accord de l'étranger et dans le respect des règles de déontologie médicale, les médecins de l'office peuvent demander aux professionnels de santé qui en disposent les informations médicales nécessaires à l'accomplissement de cette mission. Les médecins de l'office accomplissent cette mission dans le respect des orientations générales fixées par le ministre chargé de la santé. / Si le collège de médecins estime dans son avis que les conditions précitées sont réunies, l'autorité administrative ne peut refuser la délivrance du titre de séjour que par une décision spécialement motivée. (...) ". L'article R. 425-11 du même code dispose : " Pour l'application de l'article L. 425-9, le préfet délivre la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " au vu d'un avis émis par un collège de médecins à compétence nationale de l'Office français de l'immigration et de l'intégration. / L'avis est émis dans les conditions fixées par arrêté du ministre chargé de l'immigration et du ministre chargé de la santé au vu, d'une part, d'un rapport médical établi par un médecin de l'office et, d'autre part, des informations disponibles sur les possibilités de bénéficier effectivement d'un traitement approprié dans le pays d'origine de l'intéressé. (...) ". Aux termes de l'article R. 425-12 du même code : " Le rapport médical mentionné à l'article R. 425-11 est établi par un médecin de l'Office français de l'immigration et de l'intégration à partir d'un certificat médical établi par le médecin qui suit habituellement le demandeur ou par un médecin praticien hospitalier inscrits au tableau de l'ordre (...) " L'article 3 de l'arrêté du 27 décembre 2016 de la ministre des affaires sociales et de la santé et du ministre de l'intérieur relatif aux conditions d'établissement et de transmission des certificats médicaux, rapports médicaux et avis mentionnés aux articles R. 313-22, devenu R. 425-11, R. 313-23, devenu R. 425-12, et R. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dispose : " Au vu du certificat médical et des pièces qui l'accompagnent ainsi que des éléments qu'il a recueillis au cours de son examen éventuel, le médecin de l'office établit un rapport médical, conformément au modèle figurant à l'annexe B du présent arrêté. " Enfin, l'article 6 du même arrêté dispose : " Au vu du rapport médical mentionné à l'article 3, un collège de médecins désigné pour chaque dossier dans les conditions prévues à l'article 5 émet un avis (...) ".
3. En vertu des dispositions citées au point précédent, le collège des médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, dont l'avis est requis préalablement à la décision du préfet relative à la délivrance de la carte de séjour prévue à l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, doit émettre son avis dans les conditions fixées par l'arrêté du 27 décembre 2016 cité au point précédent, au vu notamment du rapport médical établi par un médecin de l'Office français de l'immigration et de l'intégration. S'il est saisi, à l'appui de conclusions tendant à l'annulation de la décision de refus, d'un moyen relatif à l'état de santé du demandeur, aux conséquences de l'interruption de sa prise en charge médicale ou à la possibilité pour lui d'en bénéficier effectivement dans le pays dont il est originaire, il appartient au juge administratif de prendre en considération l'avis médical rendu par le collège des médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration. Si le demandeur entend contester le sens de cet avis, il appartient à lui seul de lever le secret relatif aux informations médicales qui le concernent, afin de permettre au juge de se prononcer en prenant en considération l'ensemble des éléments pertinents, notamment l'entier dossier du rapport médical au vu duquel s'est prononcé le collège des médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, en sollicitant sa communication, ainsi que les éléments versés par le demandeur au débat contradictoire.
4. Pour rejeter la demande de titre de séjour de Mme A..., le préfet de la Guadeloupe a retenu, en s'appuyant sur l'avis émis par le collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration du 1er avril 2022, que si l'état de santé de l'intéressée nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entrainer des conséquences d'une exceptionnelle gravité, elle peut effectivement bénéficier d'un traitement approprié dans son pays d'origine eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques de son système de santé. Mme A... justifie, par les pièces qu'elle produit, souffrir d'une pathologie lithiasique urinaire et d'antécédents de pyélonéphrite obstructive qui justifient des interventions et contrôles réguliers. Pour démontrer qu'elle ne pourrait effectivement bénéficier des soins nécessaires à son état de santé en cas de retour dans son pays d'origine, Mme A... se prévaut de quelques articles de journaux relatifs au système de santé en Haïti datés de 2019 ou 2020, ainsi que de deux articles plus récents sur les difficultés rencontrées par le système de santé Haïtien en raison du niveau de violence généralisé dans ce pays. Toutefois, ces seuls éléments, qui présentent un caractère daté ou général, ne sont pas de nature à établir que, contrairement à l'avis du collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration qui s'est prononcé au regard de l'offre de soins et des caractéristiques du système de santé du pays d'origine de l'intéressée, elle ne pouvait, à la date de l'arrêté attaqué, y bénéficier effectivement d'un traitement approprié à son état de santé. Par suite, le moyen tiré de l'erreur d'appréciation qu'aurait commis le préfet de la Guadeloupe au regard des dispositions précitées doit être écarté.
5. Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".
6. Mme A... expose être entrée en France au mois de février 2014, y avoir vécu régulièrement du mois de mars 2018 au mois d'avril 2020 et donné naissance à une fille, le 8 septembre 2016, désormais scolarisée. Si l'ancienneté du séjour de l'intéressée et le lien avec sa fille scolarisée sont démontrées par la requérante, elle ne se prévaut d'aucune attache privée ou familiale en France où elle n'exerce aucune activité professionnelle et n'allègue pas que sa fille ne pourrait poursuivre sa scolarité dans son pays d'origine. Dans ces conditions, le préfet de la Guadeloupe n'a pas porté au droit de Mme A... au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée par rapport au but en vue duquel l'arrêté litigieux a été édicté et le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations précitées doit être écarté.
7. Aux termes de l'article L. 611-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Ne peuvent faire l'objet d'une décision portant obligation de quitter le territoire français : (...) / 9° L'étranger résidant habituellement en France si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé du pays de renvoi, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié. (...) ".
8. Pour les mêmes motifs que ceux exposés au point 4 ci-dessus, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions précitées doit être écarté.
9. En revanche, la situation actuelle en Haïti est de nature à faire obstacle à l'exécution de la décision fixant Haïti comme pays de renvoi.
10. Il résulte de ce qui précède que Mme A... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de la Guadeloupe a rejeté sa demande. Sa requête doit, par suite, être rejetée en toutes ses conclusions.
DECIDE :
Article 1er : La requête de Mme A... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B... A... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.
Copie en sera adressée au préfet de la Guadeloupe.
Délibéré après l'audience du 27 juin 2024 à laquelle siégeaient :
M. Jean-Claude Pauziès, président,
Mme Christelle Brouard-Lucas, présidente-assesseure,
Mme Kolia Gallier, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 4 juillet 2024.
La rapporteure,
Kolia GallierLe président,
Jean-Claude Pauziès
La greffière,
Marion Azam Marche
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
N° 23BX03173 2