Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. A... F..., Mme D... G... épouse F..., Mme C... F... et l'association Frénet ont demandé au tribunal administratif de la Guadeloupe, d'une part, d'annuler la décision prise par le recteur de l'académie de la Guadeloupe en date du 31 août 2017 procédant à la radiation de l'immatriculation de l'établissement " petit collège Frénet ", la décision prise par le recteur de l'académie de la Guadeloupe en date du 31 août 2017 procédant à la radiation de l'immatriculation de l'établissement " Victor Schoelcher ", ensemble la décision de rejet de leur recours hiérarchique et, d'autre part, de condamner l'Etat à réparer les préjudices nés de ces décisions illégales.
Par un jugement n° 2000255 du 30 mars 2022, le tribunal administratif de la Guadeloupe a rejeté leur demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête et un mémoire ampliatif, enregistrés les 30 juin et 27 septembre 2022, M. A... F..., Mme D... G... épouse F..., Mme C... F... et l'association Frénet, représentés par Me Gury, demandent à la cour :
1°) d'annuler le jugement n° 2000255 du tribunal administratif de la Guadeloupe du 30 mars 2022 ;
2°) d'annuler la décision prise par le recteur de l'académie de la Guadeloupe en date du 31 août 2017 procédant à la radiation de l'immatriculation de l'établissement " petit collège Frénet " ainsi que la décision prise par le recteur de l'académie de la Guadeloupe en date du 31 août 2017 procédant à la radiation de l'immatriculation de l'établissement " Victor Schoelcher " ;
3°) de condamner l'Etat à réparer le préjudice causé par ces décisions illégales en versant, avec intérêts et capitalisation des intérêts, les sommes de :
- 1 450 000 euros au titre du préjudice économique à M. A... F... ;
- 200 000 euros au titre du préjudice moral à M. A... F... ;
- 100 000 euros au titre du préjudice moral à Mme D... F... ;
- 100 000 euros au titre du préjudice moral à Mme C... F... ;
- 50 000 euros au titre du préjudice moral à l'association Frénet ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Ils soutiennent que :
- le jugement est irrégulier dès lors que tous les mémoires échangés entre les parties n'ont pas été régulièrement notifiés ;
- le jugement est irrégulier en ce qu'en méconnaissance de l'article R. 741-7 du code de justice administrative, il ne comporte pas les signatures du président de la formation de jugement, du rapporteur et du greffier d'audience ;
- le jugement est irrégulier en ce qu'en méconnaissance de l'article L. 9 du code de justice administrative, le tribunal n'a pas répondu à ses moyens opérants selon lesquels la décision prise par le rectorat à l'égard de l'établissement dénommé Petit Collège Frénet et de l'établissement dénommé Victor Schoelcher est entachée de plusieurs vices de procédure ; il s'agit des moyens tirés de ce que seule l'autorité judiciaire peut ordonner la fermeture des établissements scolaires privés hors contrat et de ce qu'aucun déménagement des établissements scolaires nécessitant une nouvelle déclaration d'ouverture n'est jamais intervenu puisque les établissements en cause sont restés sur les terrains d'assiette cadastrés BW 133 et BW 139 qu'ils ont toujours occupés ;
- c'est à tort que le tribunal administratif de la Guadeloupe a accueilli la fin de non-recevoir soulevée par l'académie de la Guadeloupe, tirée de l'irrecevabilité pour tardiveté des conclusions pour excès de pouvoir contre les décisions du recteur de l'académie de la Guadeloupe du 31 août 2017 ; ces conclusions n'étaient pas tardives, compte tenu de circonstances particulières justifiant qu'ils déposent leur demande postérieurement au délai de deux mois prévu par l'article R. 421-1 du code de justice administrative ;
- en limitant, " à supposer la responsabilité de l'État engagée ", la " période indemnisable " à celle comprise entre le 1er septembre 2017 et le 22 novembre 2018, motif pris de l'existence d'un jugement du tribunal correctionnel du 22 novembre 2018 prononçant la fermeture des établissements " école Frénet " et école " Victor Schoelcher ", le tribunal administratif de la Guadeloupe a entaché sa décision d'erreur de droit et de fait ; ledit jugement correctionnel date du 21 février 2019 et non du 22 novembre 2018 et ils avaient interjeté un appel à caractère suspensif, le 21 février 2019, contre ce jugement ;
- c'est à tort que le tribunal administratif de la Guadeloupe a estimé qu'en décidant, le 31 août 2017, la fermeture des écoles du premier degré " petit collège Frénet " et " école Frénet ", et en avisant les parents de cette fermeture par communiqué de presse du 1er septembre 2017, l'académie de la Guadeloupe n'avait pas commis de faute de nature à engager sa responsabilité dès lors que la décision de fermer un établissement privé hors contrat ne pouvait être prise, sauf à commettre un détournement de procédure, que par le juge judiciaire, dans des cas et selon des procédures expressément prévus par la loi ; le recteur ne pourrait d'ailleurs aucunement revendiquer les nouvelles dispositions de l'article L. 441-3-1 du code de l'éducation, entrées en vigueur le 26 août 2021, qui permettent désormais expressément au préfet de prononcer la fermeture des établissements privés hors contrat dont il constaterait l'ouverture sans déclaration ; en outre, et contrairement à ce qu'a retenu le tribunal administratif de la Guadeloupe, l'établissement situé 10, impasse Augustin Baker, n'a jamais été distinct de celui ayant fait l'objet d'une déclaration en 2011, et dont l'adresse déclarée était 8 Village de Concordia, à Saint-Martin ; enfin, l'application rétroactive de la décision du 31 août 2017 entachait nécessairement celle-ci d'illégalité, compte tenu de ce que les actes administratifs ne peuvent produire d'effets que pour l'avenir ;
- c'est à tort que le tribunal administratif de la Guadeloupe a estimé, d'une part, que M. F... ne justifiait d'aucun préjudice économique lié à la fermeture de l'établissement " Victor Schoelcher ", alors pourtant et notamment qu'il a produit une attestation du chiffre d'affaires de l'établissement pour l'année scolaire 2016-2017, justifiant du bien fondé de ses demandes, d'autre part, qu'aucun lien de causalité direct n'était établi entre la faute de l'académie de la Guadeloupe en ce qui concerne la décision que le recteur a prise s'agissant de cet établissement " Victor Schoelcher ", et les préjudices moraux dont M. F..., Mmes F... et l'association Frénet se sont prévalus.
Par un mémoire en défense, enregistré le 8 août 2023, le recteur de l'académie de Guadeloupe conclut au rejet de la requête.
Il soutient à titre principal que la demande était bien irrecevable et à titre subsidiaire, que les moyens ne sont pas fondés.
Par ordonnance du 9 août 2023, la clôture d'instruction a été fixée en dernier lieu au 27 septembre 2023 à 12 heures.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de l'éducation ;
- la loi n° 68-1250 du 31 décembre 1968 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. E...,
- les conclusions de M. Ellie, rapporteur public.
Considérant ce qui suit :
1. Par décision du 31 août 2017 adressée à M. A... F..., en qualité de directeur de l'école " Petit collège Frénet ", le recteur de l'académie de la Guadeloupe a procédé à la radiation de l'immatriculation n° 9711119Y de cet établissement d'enseignement privé sans contrat du premier degré et indiqué qu'" en conséquence, l'établissement que M. A... F... dirige n'est pas autorisé à fonctionner ". Par une autre décision du 31 août 2017, adressée à M. A... F..., en qualité de directeur de l'école " Victor Schoelcher ", le recteur de l'académie de la Guadeloupe a procédé à la radiation de l'immatriculation n° 9711099T de cet établissement d'enseignement privé sans contrat du second degré et indiqué qu' " en conséquence, l'établissement que M. A... F... dirige n'est pas autorisé à fonctionner ". Ces deux décisions ont été suivies d'un communiqué relayé par la presse par lequel le service de l'éducation de Saint-Martin invitait les parents des élèves des écoles Frénet et Victor Schoelcher à prendre l'attache de l'académie pour se voir proposer une solution adaptée. M. F..., Mme G... épouse F..., Mme F... et l'Association Frénet relèvent appel du jugement du 30 mars 2022 par lequel le tribunal administratif de la Guadeloupe a rejeté leur demande tendant, d'une part, à l'annulation des deux décisions du 31 août 2017 et, d'autre part, à la condamnation de l'Etat à réparer le préjudice économique et moral qu'ils ont subis.
Sur la régularité du jugement attaqué :
2. En premier lieu, outre que le moyen tiré de ce que le jugement attaqué serait irrégulier en ce que tous les mémoires échangés entre les parties n'ont pas été régulièrement notifiés, n'est pas assorti des précisions complètes permettant à la cour d'en apprécier correctement le bien fondé, il ressort d'un extrait de la fiche " télérecours " du dossier de première instance que la demande et le mémoire complémentaire enregistrés les 17 mars 2020 et 10 août 2021 ont été respectivement communiqués au défendeur les 1er avril 2020 et 23 août 2021 et que le mémoire du recteur de l'académie de Guadeloupe enregistré le 12 juin 2020 a été communiqué à l'avocat des requérants le 10 juin 2021. Il suit de là que le moyen précité ne peut qu'être écarté.
3. En deuxième lieu, aux termes de l'article R. 741-7 du code de justice administrative : " Dans les tribunaux administratifs et les cours administratives d'appel, la minute de la décision est signée par le président de la formation de jugement, le rapporteur et le greffier d'audience ".
4. Il ressort de la minute du jugement attaqué qu'elle a été signée par le rapporteur, le président et le greffier, conformément aux prescriptions de l'article R. 741-7 du code de justice administrative cité au point précédent. La circonstance que l'ampliation du jugement qui a été notifiée aux parties ne comporte pas ces signatures est sans incidence sur la régularité de ce jugement.
5. En troisième lieu, par le jugement attaqué, le tribunal a, d'une part, rejeté comme irrecevables les conclusions en annulation dirigées contre les décisions prises par le recteur de l'académie de la Guadeloupe en date du 31 août 2017 procédant à la radiation de l'immatriculation de l'établissement " petit collège Frénet " et à la radiation de l'immatriculation de l'établissement " Victor Schoelcher ", a, d'autre part, en ce qui concerne les conclusions en indemnisation résultant de l'illégalité de la décision prise par le recteur de l'académie de la Guadeloupe du 31 août 2017 procédant à la radiation de l'immatriculation de l'établissement " petit collège Frénet ", rejeté la demande comme infondée et a enfin, s'agissant des conclusions en indemnisation résultant de l'illégalité de la décision du recteur de l'académie de la Guadeloupe du 31 août 2017 procédant à la radiation de l'immatriculation de l'établissement " Victor Schoelcher ", estimé que le recteur de l'académie de la Guadeloupe avait commis une faute mais rejeté les conclusions indemnitaires faute de justification du préjudice économique et, s'agissant du préjudice moral invoqué, faute de lien de causalité entre le préjudice et la radiation de l'établissement, le préjudice étant la conséquence des infractions pénales reprochées aux demandeurs. Il suit de là que le tribunal, d'une part, n'avait pas à examiner les moyens soulevés au soutien des conclusions en annulation puisqu'il les avait jugées irrecevables, et, d'autre part, pouvait, sans examiner l'ensemble des moyens soulevés, retenir que le rectorat avait commis une faute en procédant à la radiation de l'immatriculation de l'établissement " Victor Schoelcher ", tout en rejetant les conclusions indemnitaires.
6. Il ressort du jugement attaqué que le tribunal, après avoir visé au point 13 du jugement l'article L. 441-1 du code de l'éducation dans sa version applicable aux termes duquel " Toute personne qui veut ouvrir une école privée doit préalablement déclarer son intention au maire de la commune où il veut s'établir, et lui désigner les locaux de l'école. (...) La même déclaration doit être faite en cas de changement des locaux de l'école, ou en cas d'admission d'élèves internes. " et l'article L. 441-4 du même code aux termes duquel " Le fait d'ouvrir ou diriger une école sans remplir les conditions prescrites par les articles L. 914-4 et L. 921-1 et par la présente section est puni de 3750 euros d'amende. L'école sera fermée. Lorsque l'ouverture d'une école a fait l'objet d'une décision d'opposition, la peine prévue au premier alinéa ne peut être prononcée qu'après que cette décision est devenue définitive. " et indiqué en son point 15 " que si le non-respect des obligations déclaratives est pénalement sanctionnée par une peine d'amende et la fermeture de l'école, l'administration en charge de l'éducation ne saurait quant à elle, dans l'attente de la réponse pénale, dans l'intérêt de l'ordre public ou de la protection de l'enfance et de la jeunesse dont elle a la charge, laisser perdurer une situation pour laquelle elle n'a pas été mise à même d'exercer le contrôle limité préalable à une possibilité d'opposition. " a jugé, d'une part, que si M. A... F... avait le 4 mars 2010, en qualité de gérant de la SARL Saint John Perse, " déclaré son intention d'ouvrir une école de premier degré sise 8 village de concordia à Saint Martin pour des classes de cm1 à la troisième ", la SARL Saint John Perse a toutefois été " radiée du registre du commerce et des sociétés depuis le 9 mai 2012 " et d'autre part, que le code UAI n° 9711119Y attribué à l'établissement " petit collège Frénet " était utilisé depuis 2015 pour le fonctionnement d'une autre école appelée " école Frénet " située 2 rue Augustin Baker ouverte par l'association " Ecole Frénet " déclarée en préfecture le 3 février 2015 et ayant pour présidente Mme C... F... alors " que ce nouvel établissement situé à une autre adresse que le petit collège Frénet ne pouvait être ouverte sans initier une nouvelle procédure de déclaration d'intention aux fins d'obtenir un code " UAI " propre, le code " UAI " attribué au " petit collège Frénet " n'ayant plus d'objet ". Il suit de là que contrairement à ce que soutiennent les requérants, le tribunal a bien répondu aux moyens tirés de ce que seule l'autorité judiciaire peut ordonner la fermeture des établissements scolaires privés hors contrat et de ce qu'aucun déménagement des établissements scolaires ne nécessitait une nouvelle déclaration d'ouverture. Si les requérants soutiennent encore que le tribunal n'a pas répondu, s'agissant de ce dernier moyen, à l'argument tiré de ce que les établissements en cause sont restés sur les terrains d'assiette cadastrés BW 133 et BW 139 qu'ils ont toujours occupés, le tribunal n'était toutefois pas tenu, à peine d'irrégularité du jugement, de répondre à l'ensemble de leurs arguments.
7. En dernier lieu, pour faire droit à la fin de non-recevoir soulevée par le recteur de l'académie de la Guadeloupe tirée de ce que les conclusions en annulation dirigées contre les décisions du 31 août 2017 sont tardives en application des dispositions de l'article R. 421-1 du code de justice administrative, le tribunal après avoir relevé qu' " Il résulte du principe de sécurité juridique que le destinataire d'une décision administrative individuelle qui a reçu notification de cette décision ou en a eu connaissance dans des conditions telles que le délai de recours contentieux ne lui est pas opposable doit, s'il entend obtenir l'annulation ou la réformation de cette décision, saisir le juge dans un délai raisonnable, qui ne saurait, en règle générale et sauf circonstances particulières, excéder un an. ", a jugé qu' " Il résulte de l'instruction que du fait de l'instruction pénale ouverte à leur encontre et de la saisine par M. A... F... du juge des référés du tribunal administratif de la Guadeloupe, les consorts F... ne pouvaient ignorer, au moins depuis octobre 2017, les décisions du 31 août 2017 contestées dans le cadre de la présente instance " et que dès lors, les conclusions en annulation desdites décisions enregistrées le 17 mars 2020 devaient être rejetées comme tardives.
8. Si les requérants soutiennent dans leur requête d'appel que des circonstances particulières justifiaient qu'ils déposent leur demande postérieurement au délai de deux mois prévu par l'article R. 421-1 du code de justice administrative, ils ne développent toutefois aucune de ces circonstances dans leur mémoire complémentaire. Ce faisant, le moyen tiré de ce que c'est à tort que le jugement attaqué a fait droit la fin de non-recevoir soulevée par le recteur de l'académie de Guadeloupe ne peut qu'être écarté.
Sur les conclusions en indemnisation :
En ce qui concerne les écoles du premier degré " petit collège Frénet " et " école Frénet " :
9. Aux termes des dispositions de l'article L. 441-1 de la Section 1 du chapitre 1er " L'ouverture des établissements d'enseignement du premier degré privés. (Articles L441-1 à L441-4) " du titre IV du livre IV de la deuxième partie du code de l'éducation, dans sa version applicable à date de la décision : " Toute personne qui veut ouvrir une école privée doit préalablement déclarer son intention au maire de la commune où il veut s'établir, et lui désigner les locaux de l'école. Le maire remet immédiatement au demandeur un récépissé de sa déclaration et fait afficher celle-ci à la porte de la mairie, pendant un mois. Si le maire juge que les locaux ne sont pas convenables, pour des raisons tirées de l'intérêt des bonnes mœurs ou de l'hygiène, il forme, dans les huit jours, opposition à l'ouverture de l'école, et en informe le demandeur. La même déclaration doit être faite en cas de changement des locaux de l'école, ou en cas d'admission d'élèves internes. ". Aux termes de l'article L. 441-2 suivant :" Le demandeur adresse la déclaration mentionnée à l'article L. 441-1 au représentant de l'Etat dans le département, à l'autorité de l'Etat compétente en matière d'éducation et au procureur de la République; il y joint en outre, pour l'autorité de l'Etat compétente en matière d'éducation, son acte de naissance, ses diplômes, l'extrait de son casier judiciaire, l'indication des lieux où il a résidé et des professions qu'il a exercées pendant les dix années précédentes, le plan des locaux affectés à l'établissement et, s'il appartient à une association, une copie des statuts de cette association. L'autorité de l'Etat compétente en matière d'éducation, soit d'office, soit sur la requête du procureur de la République, peut former opposition à l'ouverture d'une école privée, dans l'intérêt des bonnes mœurs ou de l'hygiène. (...) . A défaut d'opposition, l'école est ouverte à l'expiration d'un délai d'un mois à compter du dépôt de la déclaration d'ouverture, sans aucune formalité. ". Aux termes de l'article L. 441-4 suivant : " Le fait d'ouvrir ou diriger une école sans remplir les conditions prescrites par les articles L. 914-4 et L. 921-1 et par la présente section est puni de 3750 euros d'amende. L'école sera fermée. Lorsque l'ouverture d'une école a fait l'objet d'une décision d'opposition, la peine prévue au premier alinéa ne peut être prononcée qu'après que cette décision est devenue définitive. ". Aux termes de l'article L. 442-2 commun au premier et second degré : " Le contrôle de l'Etat sur les établissements d'enseignement privés qui ne sont pas liés à l'Etat par contrat se limite aux titres exigés des directeurs et des maîtres, à l'obligation scolaire, à l'instruction obligatoire, au respect de l'ordre public et des bonnes mœurs, à la prévention sanitaire et sociale. (...) ".
10. Il résulte de ces dispositions, d'une part, que le régime consacré pour l'ouverture d'une école privée sans contrat est un régime déclaratif et que la personne souhaitant ouvrir une école doit présenter auprès de l'autorité compétente en matière d'éducation, son acte de naissance, ses diplômes, l'extrait de son casier judiciaire, l'indication des lieux où il a résidé et des professions qu'il a exercées pendant les dix années précédentes, le plan des locaux affectés à l'établissement et, s'il appartient à une association, une copie des statuts de cette association. Cette autorité vérifie alors que l'établissement dont l'ouverture est envisagée ne contrevient pas à l'intérêt des bonnes mœurs ou de l'hygiène et peut pour ces seuls motifs former opposition à l'ouverture. A défaut d'opposition, l'école est ouverte à l'expiration d'un délai d'un mois à compter du dépôt de la déclaration d'ouverture, sans aucune formalité.
11. Il ressort des pièces du dossier que M. A... F... a le 4 mars 2010, en qualité de gérant de la SARL Saint John Perse, déclaré son intention d'ouvrir une école de premier degré sise 8 Village de Concordia à Saint-Martin pour des classes de cm1 à la troisième. En l'absence d'opposition, cet établissement dénommé " petit collège Frénet " a reçu un numéro d'immatriculation UAI 10711219 Y et a ouvert le 1er janvier 2011. Si la SARL Saint John Perse, exploitante de l'établissement, a été radiée du registre du commerce et des sociétés le 9 mai 2012, cette circonstance n'autorisait pas le recteur de l'académie de la Guadeloupe au regard des textes précités alors applicables, à procéder à la radiation de l'immatriculation de l'établissement " petit collège Frénet " alors d'ailleurs qu'un autre établissement scolaire sans contrat appelé " école Frénet ", déclaré en préfecture le 3 février 2015 et ayant pour présidente en droit Mme C... F... et en fait M. A... F..., comportait les classes de cm1 à la troisième objets de la précédente déclaration, et ce quand bien même le dit établissement comportait, en sus, sans déclaration, un niveau " maternelle " supplémentaire implanté sur le même terrain d'assiette référencé 10, impasse Augustin Baker, anciennement 8 Village de Concordia, à Saint-Martin. Ainsi, le recteur de l'académie ne disposait pas du pouvoir de procéder à la radiation de l'immatriculation de l'établissement " petit collège Frénet ".
12. Il résulte de ce qui précède, que s'agissant des écoles du premier degré " petit collège Frénet " et " école Frénet ", en prenant la décision du 31 août 2017 et en avisant les parents de cette situation par le communiqué de presse du 1er septembre 2017, l'académie de la Guadeloupe a commis une faute de nature à engager la responsabilité de l'Etat.
En ce qui concerne l'école du second degré " Victor Schœlcher " :
13. Aux termes de l'article L. 441-5 de la Section 2 du chapitre 1er : " L'ouverture des établissements d'enseignement du second degré privés. (Articles L441-5 à L441-9) " du titre IV du livre IV de la deuxième partie du code de l'éducation, dans sa version applicable à date de la décision : " Tout Français ou ressortissant d'un autre Etat membre de la Communauté européenne ou d'un autre Etat partie à l'accord sur l'espace économique européen, âgé de vingt-cinq ans au moins, et n'ayant encouru aucune des incapacités mentionnées à l'article L. 911-5, peut ouvrir un établissement d'enseignement du second degré privé, sous la condition de faire au recteur de l'académie où il se propose de s'établir les déclarations prescrites par l'article L. 441-1, et en outre de déposer entre ses mains les pièces suivantes, dont il lui est donné récépissé : 1° Un certificat de stage constatant qu'il a rempli, pendant cinq ans au moins, les fonctions de professeur ou de surveillant dans un établissement d'enseignement du second degré public ou privé d'un Etat membre de la Communauté européenne ou d'un autre Etat partie à l'accord sur l'espace économique européen ; 2° Soit le diplôme du baccalauréat, soit le diplôme de licence, soit un des certificats d'aptitude à l'enseignement secondaire ; 3° Le plan des locaux et l'indication de l'objet de l'enseignement. Le recteur à qui le dépôt des pièces a été fait en donne avis au procureur de la République et au représentant de l'Etat dans le département dans lequel l'établissement doit être ouvert. (...)". Aux termes de l'article L. 441-1 du même code : " Toute personne qui veut ouvrir une école privée doit préalablement déclarer son intention au maire de la commune où il veut s'établir, et lui désigner les locaux de l'école. (...) La même déclaration doit être faite en cas de changement des locaux de l'école, ou en cas d'admission d'élèves internes. ". Aux termes de l'article L. 441-7 suivant : " Pendant le mois qui suit le dépôt des pièces requises par l'article L. 441-5, le recteur, le représentant de l'Etat dans le département et le procureur de la République peuvent s'opposer à l'ouverture de l'établissement, dans l'intérêt des bonnes mœurs ou de l'hygiène. Après ce délai, s'il n'est intervenu aucune opposition, l'établissement peut être immédiatement ouvert. (...). ". Aux termes de l'article L. 441-9 suivant : " Le fait d'ouvrir un établissement d'enseignement du second degré privé, sans remplir les conditions prescrites par l'article L. 911-5 et par la présente section est puni de 3750 euros d'amende. L'établissement sera fermé. Lorsque l'ouverture d'un établissement a fait l'objet d'une décision d'opposition, la peine prévue au premier alinéa ne peut être prononcée qu'après que cette décision est devenue définitive. ".
14. Il résulte de ces dispositions que l'ouverture d'une école du second degré sans contrat nécessite, pour le déclarant, de présenter des documents relatifs à ses diplômes et ses compétences en matière d'enseignement. La personne devant déclarer son intention d'ouvrir une école privée du second degré sans contrat ne peut ainsi qu'être une personne physique devant, pour être recevable, présenter un dossier comportant l'ensemble des éléments requis qui sera soumis dans le délai d'un mois à une opposition possible pour motif tiré des bonnes mœurs ou de l'hygiène. En l'absence d'opposition, l'établissement ayant par suite obtenu de l'académie un numéro d'immatriculation " UAI ", ne pourrait le perdre que pour les cas déterminés par la loi, que sont une sanction judiciaire faisant suite à une enquête pénale ou à la suite du contrôle administratif prévu par l'article L. 442-2 du code de l'éducation. Dès lors, l'identité de la personne assurant la gestion matérielle de l'école, sauf pour motif qui la concernerait de bonnes mœurs ou d'hygiène, est étrangère aux questions relatives à l'immatriculation de l'établissement qui ne concerne que le déclarant.
15. D'une part, ainsi que l'a relevé à juste titre le tribunal " Le rectorat a produit la fiche descriptive du code " UAI " obtenu pour l'école Victor Schœlcher indiquant le 1er septembre 2001 pour date d'ouverture et pour seul nom celui de M. A... F... en qualité " d'encadrement ". Cette école initialement exploitée par la SARL Eponine dirigée par Mme B..., n'a pas changé d'adresse ni de cursus scolaire et est restée dirigée par M. A... F.... Il n'est en outre pas prétendu que la décision prise le 31 août 2017 serait la conséquence d'un contrôle de l'Etat au sens de l'article L. 442-2 du code de l'éducation ou serait motivée par les bonnes mœurs ou l'hygiène. Dès lors, le fait, à le supposer établi, que la SARL Eponine, gestionnaire de l'école Victor Schœlcher ait " fermé " en 2016, et ait été remplacée, à une date imprécise, par l'association " Frénet ", est sans incidence sur l'immatriculation de cet l'établissement scolaire, M. F... restant " l'encadrant " effectif de l'école ". Il suit de là qu'en radiant, par décision du 31 août 2017, l'immatriculation de l'école Victor Schœlcher et en n'autorisant plus cet établissement dirigé par M. F... à fonctionner, le rectorat a commis une faute, laquelle n'est d'ailleurs pas sérieusement contestée par l'intimée.
16. D'autre part, si toute décision illégale est, en principe, fautive, quelle que soit la nature de l'illégalité en cause, il n'en résulte pas nécessairement que cette illégalité soit directement à l'origine, pour le destinataire de cette décision, d'un préjudice. Il appartient au juge, saisi de conclusions indemnitaires en ce sens, de vérifier l'existence et le caractère direct du lien de causalité entre l'illégalité commise et le préjudice allégué.
S'agissant du préjudice économique :
17. Pour justifier de l'existence d'un préjudice économique, les requérants se prévalent d'un procès-verbal de gendarmerie dont il ressort que suite à une perquisition à l'association Frénet ont été saisis des documents aux termes desquels cette association " aurait " perçu la somme de 237 386 euros au titre des frais de scolarité pour l'exercice 2016-2017, des relevés bancaires de cette association qui émanent de la banque Crédit Mutuel pour la période comprise entre janvier et décembre 2015 et du Crédit Lyonnais pour la période comprise entre la fin d'année 2015 et septembre 2017, de ce que l'association Frénet a été mise en liquidation judiciaire immédiate, par jugement du 14 mars 2018, de ce que onze salariés de l'association ont été licenciés, de ce que M. et Mme F... ont rencontré de graves difficultés bancaires et de ce que M. A... F... a été contraint de faire valoir ses droits à la retraite de façon anticipée. Toutefois, si par les pièces qu'ils produisent au soutien de leurs allégations, les requérants établissent effectivement que la décision en cause qui a eu pour conséquence la fermeture de leurs établissements, les a privés de l'encaissement de recettes, ils ne produisent aucun document comptable certifié par un expert-comptable de nature à déterminer les charges alors supportées par l'association gérant cet établissement et par suite la réalité de leur préjudice financier. S'ils produisent également des justificatifs de leurs pensions de retraite et soulignent la faiblesse de leur montant, ils n'apportent aucune précision ni aucun justificatif permettant de retenir qu'ils auraient pu prétendre à un niveau de retraite supérieur en l'absence de la décision de fermeture des établissements concernés.
S'agissant du préjudice moral :
18. Les requérants soutiennent que M. A... F... et son épouse, qui étaient très réputés pour la gestion de leurs différents établissements, voient leur nom associé à la pratique d'un enseignement ne remplissant pas les conditions légales d'ouverture d'un établissement privé hors contrat et qu'ils souffrent en conséquence, pour l'un d'un syndrome post traumatique et pour l'autre d'une dépression, de ce qu'aucune banque n'accepte de leur ouvrir un compte et de ce que cette situation a été médiatisée par le communiqué de presse du 1er septembre 2017 à destination des parents et est d'ailleurs à l'origine d'agressions verbales subies par M. A... F..., son fils et sa fille. Eu égard à l'intervention ultérieure du jugement du tribunal correctionnel de Basse-Terre en date du 22 février 2019 qui a condamné M. F... et consorts pour escroquerie au préjudice d'une personne publique, ouverture d'établissement privé d'enseignement primaire sans déclaration préalable, exécution d'un travail dissimulé, abus de confiance et blanchiment d'argent, qui a nécessairement contribué au préjudice moral invoqué, il sera, dans les circonstances de l'espèce, fait une juste appréciation de la réparation de la part de ce préjudice imputable à l'Etat, en fixant les sommes dues à ce titre à M. A... F..., Mme D... G... épouse F..., Mme C... F... et l'association Frénet aux montants respectifs de 2 000 euros, 1 000 euros, 1 000 euros et 500 euros, tous intérêts compris.
19. Il résulte de tout ce qui précède que les requérants sont fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de la Guadeloupe a rejeté l'entièreté de leur demande indemnitaire.
Sur les frais liés au litige :
20. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu, de mettre à la charge de l'Etat, qui est la partie perdante, une somme globale de 1 500 euros à verser aux requérants sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
DECIDE :
Article 1er : L'Etat versera à M. A... F..., Mme D... G... épouse F..., Mme C... F... et l'association Frénet les sommes respectives de 2 000 euros, 1 000 euros, 1 000 euros et 500 euros, tous intérêts compris.
Article 2 : Le jugement du tribunal administratif de la Guadeloupe du 30 mars 2022 est réformé en ce qu'il est contraire à l'article 1er ci-dessus.
Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.
Article 4 : L'Etat versera à M. A... F..., Mme D... G... épouse F..., Mme C... F... et l'association Frénet une somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... F..., à Mme D... G... épouse F..., à Mme C... F..., à l'association Frénet et à la ministre de l'éducation nationale.
Copie en sera adressée à la rectrice de l'Académie de la Guadeloupe.
Délibéré après l'audience du 1er octobre 2024 à laquelle siégeaient :
Mme Elisabeth Jayat, présidente,
M. Nicolas Normand, président-assesseur,
Mme Clémentine Voillemot, première conseillère,
Rendu public par mise à disposition au greffe le 22 octobre 2024.
Le rapporteur,
Nicolas E...
La présidente,
Elisabeth Jayat
La greffière,
Virginie Santana
La République mande et ordonne à la ministre de l'éducation nationale en ce qui la concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
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N° 22BX01764