Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
La SELARL Apostoloff, Mme A... D..., le syndicat des pharmaciens de La Réunion et de Mayotte, la SELARL Benjamin, la SNC Pharmacie Dabout-Thazard et la SELURL Rouquette ont demandé au tribunal administratif de La Réunion d'annuler la décision du 4 février 2019 par laquelle la directrice générale de l'agence régionale de santé (ARS) de l'Océan indien a autorisé le transfert de l'officine de pharmacie exploitée par la SELAS JD Pharma du 10 rue Pajot à Sainte-Marie au 32 rue Michel-Ange dans la même commune, ainsi que la décision du 29 mai 2019 prise par la même autorité qui a, d'une part, retiré la décision du 4 février 2019 et, d'autre part, autorisé le transfert de l'officine de pharmacie exploitée par la SELAS JD Pharma du 10 rue Pajot à Sainte-Marie au 32 rue Michel-Ange dans la même commune.
Par un jugement n° 1900657, 1900661,1900743, 1901127 du 12 janvier 2022, le tribunal administratif de La Réunion a rejeté leurs demandes.
Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 10 mars 2022 et des mémoires enregistrés
le 2 novembre 2023 et le 19 décembre 2023, la SELARL Apostoloff, Mme A... D..., le syndicat des pharmaciens de La Réunion et de Mayotte, la SELARL Benjamin,
la SNC Pharmacie Dabout-Thazard et la SELARL Rouquette, représentés en dernier lieu par la SELARL Chicaud-Prévost Océan Indien, demandent à la cour :
1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de La Réunion ;
2°) d'annuler l'arrêté du 29 mai 2019 ;
3°) de mettre à la charge de l'Agence régionale de santé (ARS) de La Réunion la somme de 3 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Ils soutiennent que :
- le jugement attaqué est irrégulier : les premiers juges n'ont pas répondu aux moyens tirés de l'inexactitude du dossier de demande et de l'absence de transmission obligatoire de tous les éléments aux organes consultatifs ;
- les organes consultatifs ont unanimement émis des avis défavorables sur le transfert sollicité ; ils n'ont pas été consultés sur le nouveau local construit, qui n'est pas celui où le transfert a été autorisé ;
- il existe déjà une pharmacie implantée sur la zone Gillot - La Mare et Duparc à Sainte-Marie, dont la licence a été délivrée au cours de l'année 1986 et qui approvisionne déjà une population résidente ;
- le transfert autorisé ne permettra pas une meilleure répartition des officines au sein de la commune ; le quartier au sein duquel ledit transfert a été autorisé, qui a perdu 150 habitants en deux ans, est le moins densément peuplé de la commune et accueille déjà la pharmacie " N'Guyen " qui fournit une offre suffisante ; à l'inverse, la pharmacie B..., appelée à se déplacer, est la seule implantée dans l'ouest du centre-ville, qui compte 3 129 habitants et son emplacement initial permettait une meilleure desserte des hauts ; l'ARS n'apporte pas la preuve de l'augmentation de la population ou de l'amélioration de la desserte en médicaments ni celle d'une population résidente dans le quartier d'accueil, étant précisé que celui-ci est classé en zone UE du plan local d'urbanisme et qu'il a ainsi vocation à accueillir des activités économiques et à attirer une population de passage ; la réalité du projet d'aménagement " C... ", dont se prévaut l'ARS pour soutenir l'hypothèse d'un accroissement démographique, n'est pas établie ; les 265 logements dont la construction a été autorisée sont éloignés du lieu d'implantation autorisé ;
- un des actionnaires de la société JD Pharma est conseiller municipal, adjoint au service de l'urbanisme, ce qui aurait dû conduire les premiers juges à s'interroger sur son impartialité ; le courriel du 24 octobre 2018, annexé au dossier de demande, est peu crédible dès lors qu'il mentionne que seulement 14 permis de construire ont été délivrés entre 2016 et 2018 puis que 228 l'auraient été entre les seuls mois de novembre et décembre 2018 ;
- un permis de construire est affiché sur la parcelle destinée à accueillir la pharmacie JD Pharma, alors même que l'attestation sur l'honneur annexée au dossier de demande indiquait que le transfert n'impliquait ni une demande de permis de construire ni une déclaration de travaux, mais seulement, s'agissant d'un local existant, la délivrance d'un permis d'aménagement ; or, l'attestation de la société Mercialys confirme qu'un permis de construire a finalement été déposé ; l'ARS n'a été avisée de ces modifications que le 26 juin 2021 alors que le bail commercial a été signé le 17 décembre 2020 et que le permis de construire a été obtenu le 17 juin 2020 ; en outre, les documents relatifs au nouveau local de la pharmacie n'ont pas été soumis aux consultations préalables obligatoires auprès, notamment, de l'ordre des pharmaciens et des syndicats représentatifs de la profession ; ils ont interjeté appel du rejet de leur plainte disciplinaire contre Mme B... pour déclarations mensongères ;
- le dossier de demande mentionne l'existence d'un arrêt de bus dénommé " centre commercial Duparc ", mais cet arrêt n'existe pas à l'intérieur de la zone ; il est également impossible pour les personnes à mobilité réduite d'accéder à la pharmacie depuis l'arrêt de bus mentionné, d'autant plus qu'aucune distance n'est précisée, et la zone est accidentogène en ce qu'elle comprend un rond-point très fréquenté ;
- les limites de la zone d'implantation sont définies de manière à réduire la zone IRIS à la Mare Gillot Duparc, ce qui exclut la population de Gillot et de la Mare et diminue artificiellement le bassin de population ;
- le dossier de demande mentionne qu'un permis de construire afférent à un projet de Maison de Santé Pluriprofessionnelle (MSP) devait être déposé par le groupe Casino en 2019, mais cette affirmation repose sur un courriel invérifiable ; il n'existait d'ailleurs aucun permis de construire délivré pour ce projet à la date du 15 avril 2019 et sa mise en œuvre paraît d'autant moins probable que le groupe Casino doit quitter l'Océan Indien en cédant ses actifs au groupe GBH ;
- les voies et délais de recours ouverts contre la décision contestée n'ont pas été mentionnés, ce qui a été de nature à les induire en erreur.
Par des mémoires en défense enregistrés le 13 avril et le 1er décembre 2023 et
le 9 janvier 2024, la société JD Pharma, représentée par Me Bembaron, conclut au rejet de la requête et à ce que la somme de 5 000 euros soit mise à la charge des requérants au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle fait valoir que :
- l'absence de mention des voies et des délais de recours est sans incidence sur la légalité de la décision contestée ;
- il n'existe aucun risque que la desserte en médicaments de la population du quartier d'origine soit compromise ; il subsistera, après le transfert, deux pharmacies aisément accessibles par voie piétonnière ;
- le quartier d'accueil défini par l'ARS couvre une partie importante de la population de l'IRIS 601, mais la desserte doit inclure également les habitants des hauts de Sainte Marie Ouest, qui sont dépourvus de pharmacies ; le transfert améliore l'accès aux médicaments pour les habitants des zones mal desservies, notamment ceux résidant sur les hauteurs de la commune ainsi qu'au sein de la Cité de la Mare, de la Cité Geslin et de la zone d'habitation Gillot ; il en va de même en ce qui concerne les passagers empruntant l'aéroport Roland Garros ;
- 246 logements supplémentaires sont prévus dans la zone, représentant une population nouvelle estimée à 689 habitants ; par ailleurs, le programme " C... " prévoit la construction d'habitations sur 72 parcelles ;
- la pharmacie transférée est située dans le centre commercial Jumbo Duparc, desservi par deux arrêts de bus ; ce centre commercial dispose de passages adaptés pour les personnes à mobilité réduite ainsi que de nombreux emplacements de stationnement pour celles-ci ;
- le projet de création d'une maison de santé mentionné dans la demande de transfert n'a pas été retenu par l'ARS, mais l'inaboutissement de ce projet n'affecte pas la légalité du transfert, ainsi que l'ont retenu les premiers juges ; le permis de construire délivré à la SCI Timur concernait une extension du centre commercial, décidée après l'autorisation de transfert ; cette modification des conditions d'installation, impliquant un déplacement mineur de la pharmacie, a été portée à la connaissance de l'ARS en application de l'article R. 5125-11 du code de la santé publique , et celle-ci l'a déclarée conforme sans avoir besoin de consulter les syndicats et l'Ordre ; aucune déclaration mensongère sur la nécessité d'un permis de construire n'a été faite et la chambre de discipline de la section E de l'ordre des pharmaciens a rejeté le 28 juin 2023 la plainte déposée par les mêmes requérants contre Mme B... pour ce motif.
Par un mémoire en défense enregistré le 14 avril 2023, l'ARS de La Réunion, représentée par son directeur en exercice, conclut au rejet de la requête.
Elle fait valoir que :
- le moyen relatif à l'irrégularité du jugement n'est accompagné d'aucun développement ;
- les moyens de légalité interne sont la reproduction des moyens développés devant le tribunal administratif de La Réunion et n'apportent aucune critique du jugement ; la requête est dès lors irrecevable ;
- deux pharmacies aisément accessibles sont déjà implantées dans le quartier d'origine ;
- l'accès à la nouvelle officine est aisé et facilité par sa visibilité puisque qu'elle bénéficiera des infrastructures du centre commercial, comprenant des aménagements piétonniers, et des accès par les transports en commun ;
- les conditions d'accessibilité, notamment pour les personnes à mobilité réduite, sont respectées, de même que les conditions d'installation ;
- aucune disposition légale ou réglementaire n'interdit l'installation d'une officine au sein d'un centre commercial, pour autant que les autres conditions soient remplies, notamment la desserte de la population résidente alentour ;
- l'arrêté préfectoral portant décision pour l'aménagement de la desserte du quartier d'habitation Concorde-Caravelle, en date du 1er décembre 2016, ouvre la construction du programme d'aménagement " C... ", qui constituera une nouvelle zone de 240 logements sur 7 hectares au cœur de Duparc, bénéficiant d'une connexion avec le centre commercial ;
- l'évolution avérée de la population du quartier d'accueil est donc indéniable, au regard du nombre de logements créés, de l'absence de permis de démolir au niveau du quartier de Duparc et du nombre moyen d'habitants par logement, déterminé par l'étude INSEE à 2,6 ;
- les arguments développés par les requérants relatifs à l'impact économique sur l'officine déjà présente dans le quartier d'accueil, au projet de maison de santé à proximité du centre commercial et à la modification de l'aménagement du futur local sont inopérants.
Par une ordonnance du 21 décembre 2023, la clôture d'instruction a été fixée, en dernier lieu, au 11 janvier 2024.
Par un courrier du 23 septembre 2024, les parties ont été informées, en application des dispositions de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, de ce que l'arrêt à intervenir était susceptible d'être fondé sur un moyen relevé d'office, tiré de l'irrecevabilité du moyen relatif à la régularité du jugement attaqué du 12 janvier 2022, dès lors que les requérants n'ont critiqué une insuffisance de motivation de ce jugement que par un mémoire enregistré
le 2 novembre 2023, soit au-delà du délai d'appel.
Des réponses à ce moyen relevé d'office ont été présentées le 26 septembre 2024 et le 30 septembre 2024 pour les requérants, le 26 septembre 2024 pour la société JD Pharma et le 1er octobre 2024 pour l'ARS de la Réunion.
Vu les autres pièces des dossiers.
Vu :
- le code de la santé publique ;
- l'ordonnance n° 2018-3 du 3 janvier 2018 relative à l'adaptation des conditions de création, transfert, regroupement et cession des officines de pharmacie ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Antoine Rives,
- les conclusions de Mme Charlotte Isoard, rapporteure publique,
- et les observations de Me Bembaron, représentant la société JD Pharma.
Considérant ce qui suit :
1. La société JD Pharma, qui exploitait une officine de pharmacie au 10 rue Pajot, à Sainte Marie, a déposé un dossier de demande de transfert de son officine au sein de la galerie marchande du centre commercial Duparc au 32 rue Michel Ange, sur le territoire de la même commune, lequel a été réceptionné complet par l'ARS de l'Océan Indien le 26 octobre 2018. Par une décision du 4 février 2019, la directrice générale de l'ARS a autorisé le transfert sollicité. Cette décision a été retirée puis remplacée par une décision de même portée le 29 mai 2019, précisant la délimitation du quartier d'accueil. La SELARL Apostoloff, Mme A... D..., le syndicat des pharmaciens de la Réunion et de Mayotte, la SELARL Benjamin, la SNC Pharmacie Dabout-Thazard et la SELARL Rouquette ont demandé au tribunal administratif de La Réunion de prononcer l'annulation des décisions du 4 février 2019 et
du 29 mai 2019. Par un jugement du 12 janvier 2022, dont il est relevé appel, le tribunal a rejeté les conclusions tendant à l'annulation de celle du 29 mai 2019 et a prononcé en conséquence un non-lieu à statuer sur les conclusions tendant à l'annulation de la décision du 4 février 2019.
Sur la régularité du jugement :
2. Un requérant n'est plus recevable, après l'expiration du délai d'appel, à contester la régularité du jugement attaqué, qui constitue par elle-même une cause juridique distincte de la légalité externe comme de la légalité interne de la décision attaquée.
3. Il ressort des pièces du dossier que les requérantes, qui avaient initialement contesté le bien-fondé des motifs du jugement, n'ont critiqué une insuffisance de motivation du jugement que par un mémoire enregistré le 2 novembre 2023, au-delà du délai d'appel contre le jugement du 12 janvier 2022. Par suite, ce moyen n'est pas recevable.
Sur le bien-fondé du jugement attaqué :
4. Aux termes de l'article L. 5125-3 du code de la santé publique, dans sa rédaction issue de l'ordonnance du 3 janvier 2018 relative à l'adaptation des conditions de création, transfert, regroupement et cession des officines de pharmacie : " Lorsqu'ils permettent une desserte en médicaments optimale au regard des besoins de la population résidente et du lieu d'implantation choisi par le pharmacien demandeur au sein d'un quartier défini à
l'article L. 5125-3-1, d'une commune ou des communes mentionnées à l'article L. 5125-6-1, sont autorisés par le directeur général de l'agence régionale de santé, respectivement dans les conditions suivantes : / 1° Les transferts et regroupements d'officines, sous réserve de ne pas compromettre l'approvisionnement nécessaire en médicaments de la population résidente du quartier, de la commune ou des communes d'origine. / L'approvisionnement en médicaments est compromis lorsqu'il n'existe pas d'officine au sein du quartier, de la commune ou de la commune limitrophe accessible au public par voie piétonnière ou par un mode de transport motorisé répondant aux conditions prévues par décret, et disposant d'emplacements de stationnement ; (...) ". Aux termes de l'article L. 5125-3-1 du même code : " Le directeur général de l'agence régionale de santé définit le quartier d'une commune en fonction de son unité géographique et de la présence d'une population résidente. L'unité géographique est déterminée par des limites naturelles ou communales ou par des infrastructures de transport. / Le directeur général de l'agence régionale de santé mentionne dans l'arrêté prévu au cinquième alinéa de
l'article L. 5125-18 le nom des voies, des limites naturelles ou des infrastructures de transports qui circonscrivent le quartier. (...) ". Aux termes de l'article L. 5125-3-2 de ce code : " Le caractère optimal de la desserte en médicaments au regard des besoins prévu à
l'article L. 5125-3 est satisfait dès lors que les conditions cumulatives suivantes sont respectées : 1° L'accès à la nouvelle officine est aisé ou facilité par sa visibilité, par des aménagements piétonniers, des stationnements et, le cas échéant, des dessertes par les transports en commun ; 2° Les locaux de la nouvelle officine remplissent les conditions d'accessibilité mentionnées à l'article L. 111-7-3 du code de la construction et de l'habitation, ainsi que les conditions minimales d'installation prévues par décret. Ils permettent la réalisation des missions prévues à l'article L. 5125-1-1 A du présent code et ils garantissent un accès permanent du public en vue d'assurer un service de garde et d'urgence ; 3° La nouvelle officine approvisionne la même population résidente ou une population résidente jusqu'ici non desservie ou une population résidente dont l'évolution démographique est avérée ou prévisible au regard des permis de construire délivrés pour des logements individuels ou collectifs. "
5. Pour l'application de ces dispositions, il appartient à l'autorité administrative d'apprécier les effets du transfert envisagé non sur l'approvisionnement en médicaments à l'échelle de la commune, mais à celle du quartier d'origine et du quartier de destination de l'officine qui doit être transférée ainsi que, le cas échéant, des autres quartiers pour lesquels ce transfert est susceptible de modifier significativement l'approvisionnement en médicaments. Dès lors que la population résidente, au sens de ces dispositions, doit s'entendre, outre éventuellement de la population saisonnière, de la seule population domiciliée dans ces quartiers ou y ayant une résidence stable, ni la population de passage, ni la population active travaillant dans le quartier de destination, ni la population fréquentant ces centres commerciaux ne peuvent être légalement prises en considération pour apprécier la satisfaction des besoins. Toutefois, l'administration peut tenir compte, pour apprécier cette population, des éventuels projets immobiliers en cours ou certains à la date de sa décision. Enfin, le caractère optimal de la réponse apportée par le projet de transfert ne saurait résulter du seul fait que ce projet apporte une amélioration relative de la desserte par rapport à la situation d'origine.
6. En premier lieu, il ressort des pièces du dossier que, bien que la pharmacie du centre, exploitée par la société JD Pharma, soit la seule située au sein de la zone IRIS " Centre-ville Ouest ", le centre-ville de la commune de Sainte-Marie, qui compte 5 970 habitants selon les données du recensement de 2017, accueille néanmoins trois autres pharmacies et que, parmi celles-ci, deux sont implantées à moins de 300 mètres de la pharmacie transférée, sur l'axe " rue de la République " aisément accessible tant par voie piétonnière que par véhicules motorisés. Les requérantes, qui se bornent à affirmer que le transfert litigieux priverait la zone IRIS " Centre-ville Ouest " de toute officine, ne contestent toutefois pas, ce faisant, le caractère suffisant du maillage territorial dans le centre-ville au sein duquel est inclus cet IRIS alors, au demeurant, qu'une telle zone correspond à une notion purement statistique qui ne se confond pas avec un quartier au sens et pour l'application des dispositions précitées. Par suite, elles n'établissent pas que le transfert autorisé serait de nature à compromettre l'approvisionnement en médicaments du quartier d'origine.
7. En deuxième lieu, il ressort des pièces du dossier que le local du centre commercial au sein duquel le transfert de l'officine exploitée par la société JD Pharma a été autorisé se trouve au nord-ouest de la commune de Sainte-Marie, au sein d'un quartier défini par la directrice générale de l'ARS de l'Océan Indien comme étant délimité au Nord par les quatre voies routières, à l'Est et au Sud par la limite de la zone de l'ilot regroupé pour l'information statistique (ou IRIS) n° 601, dénommé " la Mare Gillot Duparc ", et à l'Ouest par la route nationale 6. La délimitation de ce quartier n'est plus contestée en appel. Il ressort des pièces du dossier que dans le cadre de la réhabilitation du secteur dit " C... ", ce quartier est appelé à connaître une croissance démographique significative, l'autorité d'urbanisme ayant déjà délivré, à la date de la décision contestée, 96 permis de construire pour un total estimé de 265 logements pouvant accueillir une population d'environ 700 habitants. La circonstance que lesdits logements soient édifiés à 1,5 kilomètre du lieu d'implantation autorisé et que celui-ci soit par ailleurs classé en zone UE du plan local d'urbanisme, où aucune construction à usage d'habitation n'est autorisée, est sans incidence dès lors que ces logements sont inclus au sein du quartier tel que défini par la directrice générale de l'agence régionale de santé. Enfin, s'agissant d'un transfert d'officine, la circonstance que le quartier d'accueil comporte déjà une pharmacie est sans incidence sur la légalité de la décision contestée.
8. En troisième lieu, il ressort des pièces du dossier que le lieu d'implantation du transfert autorisé bénéficie des infrastructures du centre commercial Duparc, notamment d'aménagements piétonniers et de 1 474 places de stationnements, dont certaines, situées en face de l'officine transférée, sont réservées aux personnes à mobilité réduite. Si les requérants soutiennent que les arrêts de bus assurant la desserte du centre commercial sont situés à proximité d'un échangeur autoroutier, rendant malaisé, voire impossible, le cheminement de ces personnes jusqu'à l'officine, il résulte néanmoins des planches photographiques et des plans versés au dossier que l'arrêt de bus " Centre commercial Duparc ", situé à proximité de la pharmacie permet un accès facilité à celle-ci du fait, en particulier, de la présence de rampes d'accès et de voies de passage dédiées.
9. En dernier lieu, les requérantes soutiennent que le dossier de demande de transfert déposé par la société JD Pharma comportait des déclarations erronées dès lors que, portant sur la construction d'un nouveau local destiné à accueillir l'officine et non sur l'aménagement d'un local existant, un tel transfert impliquait, contrairement à ce qu'avait indiqué sa présidente à la directrice générale de l'agence régionale de santé de l'Océan indien, que soit déposée une demande de permis de construire. Toutefois, il ressort des pièces du dossier, d'une part, qu'à la date de la demande, le 24 octobre 2018, le transfert sollicité consistait seulement dans le réaménagement de la coque d'un restaurant préexistant, qui devait alors accueillir l'officine transférée et, d'autre part, que ce n'est qu'à la suite de la décision du bailleur, la société Mercialys, de réaménager et d'étendre la galerie marchande du centre commercial, décision dont la société JD Pharma n'a été informée qu'en juillet 2019, qu'une demande de permis de construire est alors devenue nécessaire, celle-ci ayant été déposée le 3 mars 2020. Cette circonstance nouvelle, survenue après le dépôt du dossier de demande et l'octroi de l'autorisation de transfert, si elle devait faire l'objet d'une déclaration en application des dispositions de l'article R. 5125-11 du code de la santé publique, était néanmoins sans incidence sur la légalité de la décision contestée, qui s'apprécie à la date à laquelle elle a été édictée. Par suite, et alors que cette déclaration a été dûment déposée, aucune manœuvre frauduleuse n'est caractérisée.
10. Il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'examiner la fin de non-recevoir opposée en défense, que les requérantes ne sont pas fondées à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de la Réunion a rejeté leurs demandes.
Sur les frais liés au litige :
11. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de la société JD Pharma, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que les requérants sollicitent au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Il y a lieu en revanche, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge des requérants une somme de 2 000 euros à verser à la société JD Pharma en application de ces mêmes dispositions.
DECIDE :
Article 1er : La requête présentée par la SELARL Apostoloff, Mme A... D..., le syndicat des pharmaciens de la Réunion et de Mayotte, la SELARL Benjamin, la SNC Pharmacie Dabout-Thazard et la SELARL Rouquette est rejetée.
Article 2 : Les requérants verseront une somme de 2 000 euros à la société JD Pharma au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la SELARL Apostoloff, représentante unique de l'ensemble des requérants, à la société JD Pharma, et au ministre des solidarités et de la santé. Copie en sera adressée à l'Agence régionale de santé de l'Océan Indien.
Délibéré après l'audience du 8 octobre 2024 à laquelle siégeaient :
Mme Catherine Girault, présidente,
Mme Anne Meyer, présidente assesseure,
M. Antoine Rives, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 31 octobre 2024.
Le rapporteur,
Antoine Rives
La présidente,
Catherine Girault
La greffière,
Virginie Guillout
La République mande et ordonne à la ministre de la santé et de l'accès aux soins en ce qui la concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 22BX00783