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31/10/2024 | FRANCE | N°22BX02002

France | France, Cour administrative d'appel de BORDEAUX, 4ème chambre, 31 octobre 2024, 22BX02002


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



La SELARL Pharmacie du Château a demandé au tribunal administratif de Poitiers de prononcer la décharge, en droits et pénalités, des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre de l'année 2015.



Par un jugement n° 2100081 du 17 juin 2022, le tribunal administratif de Poitiers a rejeté sa demande.



Procédure devant la cour :



Par une requête et un mémoire, e

nregistrés les 21 juillet et 15 décembre 2022, la SELARL Pharmacie du Château, représentée par Me Moyaert, demande à la cour :
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Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La SELARL Pharmacie du Château a demandé au tribunal administratif de Poitiers de prononcer la décharge, en droits et pénalités, des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre de l'année 2015.

Par un jugement n° 2100081 du 17 juin 2022, le tribunal administratif de Poitiers a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés les 21 juillet et 15 décembre 2022, la SELARL Pharmacie du Château, représentée par Me Moyaert, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Poitiers du 17 juin 2022 ;

2°) de prononcer la décharge, en droits et pénalités, des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre de l'année 2015 pour un montant de 106 087 euros, ainsi que la restitution de la somme acquittée ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- son chiffre d'affaires a baissé de manière significative depuis l'acquisition du fonds de commerce le 30 avril 2010, cette baisse s'élevant en 2013 à -11,13 % et représentant une somme de 320 568 euros en valeur absolue ;

- le tribunal administratif a commis une erreur de droit en ne prenant pas en considération le montant du chiffre d'affaires observé lors de l'année de référence ayant permis de déterminer la valeur d'acquisition du fonds - en l'occurrence, le dernier exercice d'exploitation du cédant - pour apprécier la baisse du chiffre d'affaires ;

- la baisse du chiffre d'affaires doit être un élément suffisant pour permettre de comptabiliser une dépréciation ;

- le maintien de la rentabilité de la société entre 2013 et 2016 n'a été rendu possible que par l'augmentation du temps de travail et la diminution des frais de personnel, éléments de contexte que le tribunal n'a pas pris en compte ;

- les données statistiques nationales ressortant des études de la société Interfimo relatives aux prix et valeurs des pharmacies, que le tribunal a refusé de prendre en compte, corroborent la dépréciation du fonds de commerce et plus particulièrement le quantum de la provision pour dépréciation litigieuse.

Par des mémoires en défense, enregistrés les 9 décembre 2022 et 11 décembre 2023, le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique conclut au rejet de la requête.

Il soutient que :

- les conclusions tendant au remboursement des intérêts moratoires sont irrecevables ;

- les autres moyens soulevés par la société ne sont pas fondés.

Par ordonnance du 5 décembre 2023, la clôture d'instruction a été fixée au 22 décembre 2023 à 12h00.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Lucie Cazcarra,

- les conclusions de Mme Pauline Reynaud, rapporteure publique,

- et les observations de Me Darzacq, représentant la société Pharmacie du Château.

Considérant ce qui suit :

1. La société d'exercice libéral à responsabilité limitée (SELARL) Pharmacie du Château, qui exploite une officine de pharmacie sur la commune de Montendre (17130), a fait l'objet d'un examen de comptabilité en matière d'impôt sur les sociétés, portant sur les exercices clos au 31 décembre 2015 et au 31 décembre 2016. A l'issue de cet examen, l'administration a remis en cause la provision que la société avait constituée au titre de la dépréciation de son fonds de commerce, à hauteur de 290 915 euros. Par une proposition de rectification du 11 septembre 2018, l'administration a notifié à la société une cotisation supplémentaire d'impôt sur les sociétés ainsi que les pénalités correspondantes au titre de l'exercice clos le 31 décembre 2015. Ces impositions, d'un montant de 106 087 euros, ont été mises en recouvrement le 16 août 2019. La société a adressé à l'administration une réclamation préalable. Celle-ci ayant été rejetée par décision du 9 novembre 2020, la société a porté le litige devant le tribunal administratif de Poitiers. Par la présente requête, la société Pharmacie du Château relève appel du jugement du 17 juin 2022 par lequel le tribunal administratif de Poitiers a rejeté sa demande tendant à la décharge de la cotisation supplémentaire d'impôt sur les sociétés et des pénalités correspondantes mises à sa charge.

Sur le bien-fondé de l'imposition :

2. D'une part, aux termes de l'article 39 du code général des impôts : " 1. Le bénéfice net est établi sous déduction de toutes charges, celles-ci comprenant (...) notamment : / (...) 5° Les provisions constituées en vue de faire face à des pertes ou charges nettement précisées et que des événements en cours rendent probables, à condition qu'elles aient été effectivement constatées dans les écritures de l'exercice (...) ". Aux termes de l'article 38 quater de l'annexe III à ce code : " Les entreprises doivent respecter les définitions édictées par le plan comptable général, sous réserve que celles-ci ne soient pas incompatibles avec les règles applicables pour l'assiette de l'impôt ". Aux termes de l'article 38 sexies de la même annexe dans sa rédaction applicable au litige : " La dépréciation des immobilisations qui ne se déprécient pas de manière irréversible, notamment (...) les fonds de commerce, (...) donne lieu à la constitution de provisions dans les conditions prévues au 5° du 1° de l'article 39 du code général des impôts ".

3. D'autre part, aux termes de l'article 214-5 du plan comptable général : " La dépréciation d'un actif est la constatation que sa valeur actuelle est devenue inférieure à sa valeur nette comptable. " Aux termes de l'article 214-6 de ce même plan : " La valeur brute d'un actif est sa valeur d'entrée dans le patrimoine (...). / La valeur nette comptable d'un actif correspond à sa valeur brute diminuée des amortissements cumulés et des dépréciations. / La valeur actuelle est la valeur la plus élevée de la valeur vénale ou de la valeur d'usage (...). / La valeur vénale est le montant qui pourrait être obtenu, à la date de clôture, de la vente d'un actif lors d'une transaction conclue à des conditions normales de marché, net des coûts de sortie. (...) La valeur d'usage d'un actif est la valeur des avantages économiques futurs attendus de son utilisation et de sa sortie. (...) ".

4. La déductibilité fiscale d'une provision est subordonnée, en application des dispositions du 5° du 1 de l'article 39 du code général des impôts et de l'article 38 quater de l'annexe III à ce code, outre aux conditions relatives à la dépréciation elle-même, à ce que la provision en cause ait été constatée dans les écritures de l'exercice conformément, en principe, aux prescriptions comptables. S'agissant de la dépréciation d'un élément d'actif, il résulte des dispositions du plan comptable général que la passation de l'écriture comptable correspondante est subordonnée au constat selon lequel la valeur actuelle de cet élément d'actif, valeur la plus élevée de la valeur vénale ou de la valeur d'usage, est devenue notablement inférieure à sa valeur nette comptable.

5. La société Pharmacie du Château a acquis le 30 avril 2010 un fonds de commerce de la pharmacie du Château, pour un prix de 1 845 000 euros, et 60 % des éléments résiduels et incorporels du fonds de commerce de la pharmacie Pillet, pour un prix de 852 000 euros. Au titre de l'exercice clos le 31 décembre 2013, la société a constitué une provision pour dépréciation de son fonds de commerce pour un montant de 290 915 euros, qu'elle a maintenue au titre des exercices 2014, 2015 et 2016.

6. Pour justifier la provision litigieuse, la société Pharmacie du Château fait valoir que son chiffre d'affaires n'a cessé de diminuer par rapport au chiffre d'affaires de référence ayant servi à l'établissement du prix d'acquisition du fonds. Son chiffre d'affaires avait ainsi baissé de 11,13 % à la clôture de l'exercice 2013, représentant un montant de 320 568 euros. Elle indique également que le maintien de sa rentabilité entre 2013 et 2016 n'a été rendu possible que par l'augmentation du temps de travail et la diminution des frais de personnel.

7. Il résulte toutefois de l'instruction que si le chiffre d'affaires de la société a respectivement baissé de 11,13 %, 9,59 %, 11,83 % et 15,51 % en 2013, 2014, 2015 et 2016 par rapport à l'exercice de référence 2008-2009, cette baisse n'est pas suffisamment significative et ne permet pas de considérer que la valeur d'usage du fonds de commerce serait devenue notablement inférieure à sa valeur nette comptable. Si la société requérante soutient également qu'entre 2013 et 2017, l'excédent brut d'exploitation a diminué de 10,78 %, elle reconnait elle-même ne pas être en mesure de reconstituer l'excédent brut d'exploitation de la période de référence. Enfin, la société requérante ne peut utilement se prévaloir, pour justifier de l'existence d'une perte de valeur du fonds, des données statistiques nationales ressortant des études de la société Interfimo qui font état de données générales. Dans ces conditions, la société n'établit pas que la valeur actuelle du fonds est notablement inférieure à sa valeur nette comptable.

8. Il résulte de ce qui précède que la société Pharmacie du Château n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Poitiers a rejeté sa demande.

Sur le surplus des conclusions de la requête :

9. En l'absence de dégrèvement, la société requérante n'est en tout état de cause pas fondée à demander que le remboursement des sommes soit assorti des intérêts dus au titre de l'article L. 208 du livre des procédures fiscales.

10. Par voie de conséquence, il y a lieu de rejeter les conclusions de la société Pharmacie du Château tendant à ce qu'il soit mis à la charge de l'Etat le versement de la somme de 2 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

DECIDE :

Article 1er : La requête de la société Pharmacie du Château est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la société d'exercice libéral à responsabilité limitée Pharmacie du Château et au ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.

Copie en sera adressée à la direction spécialisée de contrôle fiscal du Sud-ouest.

Délibéré après l'audience du 3 octobre 2024 à laquelle siégeaient :

Mme Frédérique Munoz-Pauziès, présidente,

Mme Bénédicte Martin, présidente-assesseure,

Mme Lucie Cazcarra, première conseillère,

Rendu public par mise à disposition au greffe le 31 octobre 2024.

La rapporteure,

Lucie CazcarraLa présidente,

Frédérique Munoz-Pauziès La greffière,

Laurence Mindine

La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de l'industrie en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

2

N° 22BX02002


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de BORDEAUX
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 22BX02002
Date de la décision : 31/10/2024
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : Mme MUNOZ-PAUZIES
Rapporteur ?: Mme Lucie CAZCARRA
Rapporteur public ?: Mme REYNAUD
Avocat(s) : STE JURIDIQUE FISCALE MOYAERT DUPOURQUE BARALE&ASSOCIES

Origine de la décision
Date de l'import : 03/11/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-10-31;22bx02002 ?
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