Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme A... B... a demandé au tribunal administratif de Limoges d'annuler l'arrêté du 8 décembre 2023 par lequel le préfet des Hauts-de-Seine a rejeté sa demande de titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de 30 jours, a fixé le pays de renvoi et a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée d'un an.
Par un jugement n° 2400171 du 28 mars 2024, le tribunal administratif de Limoges a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 30 avril 2024, Mme B..., représentée par Me Dumont, demande à la cour :
1°) de lui accorder le bénéfice de l'aide juridictionnelle provisoire ;
2°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Limoges du 28 mars 2024 ;
3°) d'annuler l'arrêté du 8 décembre 2023 par lequel le préfet des Hauts-de-Seine a rejeté sa demande de titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de 30 jours, a fixé le pays de renvoi et a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée d'un an ;
4°) d'enjoindre au préfet des Hauts-de-Seine de procéder au réexamen de sa situation, sous astreinte de 50 euros par jour de retard, à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ;
5°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 200 euros à verser à son conseil en application des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Mme B... soutient que :
- la décision portant refus de séjour méconnait les dispositions de l'article L. 422-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;
- la décision portant obligation de quitter le territoire français est illégale en raison de l'illégalité de la décision portant refus de séjour ;
- la décision portant interdiction de retour sur le territoire français pour une durée d'un an est illégale en raison de l'illégalité des décisions portant refus de séjour et obligation de quitter le territoire français ;
- la décision portant interdiction de retour sur le territoire français pour une durée d'un an est entachée d'un défaut de motivation ;
- la décision portant interdiction de retour sur le territoire français pour une durée d'un an est illégale dès lors qu'elle ne prévoit pas de pays de renvoi.
Par un mémoire en défense, enregistré le 4 septembre 2024, le préfet des Hauts- de- Seine conclut au rejet de la requête.
Il fait valoir que les moyens soulevés par Mme B... ne sont pas fondés.
Par ordonnance du 6 août 2024, la clôture d'instruction a été fixée au 7 septembre 2024 à 12h.
Mme B... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision n° 2024/001258 du bureau d'aide juridictionnelle du tribunal judiciaire de Bordeaux du 28 mai 2024.
Par un courrier du 11 octobre 2024, les parties ont été informées, en application de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, de ce que la cour était susceptible de relever d'office le moyen d'ordre public tiré de la méconnaissance du champ d'application des dispositions de l'article L. 422-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile au regard des stipulations de l'article 2.2 du protocole relatif à la gestion concertée des migrations entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République tunisienne du 28 avril 2008.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- l'accord franco-tunisien du 17 mars 1988 ;
- le protocole relatif à la gestion concertée des migrations entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République tunisienne du 28 avril 2008 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
La présidente de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique le rapport de M. E....
Considérant ce qui suit :
1. Mme A... B..., ressortissante tunisienne née le 12 juillet 1999 à Mahdia, est entrée en France le 6 septembre 2022 sous couvert d'un visa long séjour mention " étudiant ", valable du 15 août 2022 au 15 août 2023. Le 19 septembre 2023, Mme B... a sollicité un titre de séjour portant la mention " recherche d'emploi ou création d'entreprise ", qui lui a été refusé par un arrêté du 8 décembre 2023 par lequel le préfet des Hauts-de-Seine lui a également fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours, a fixé le pays à destination duquel elle était susceptible d'être éloignée à l'expiration de ce délai et a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée d'un an. Mme B... relève appel du jugement n° 2400171 du 28 mars 2024 par lequel le tribunal administratif de Limoges a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.
Sur les conclusions tendant à l'admission provisoire au bénéfice de l'aide juridictionnelle :
2. Mme B... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision n° 2024/001258 du bureau d'aide juridictionnelle du tribunal judiciaire de Bordeaux du 28 mai 2024. Par suite, ses conclusions tendant à son admission provisoire au bénéfice de l'aide juridictionnelle sont devenues sans objet, de telle sorte qu'il n'y a plus lieu de statuer sur ces conclusions.
Sur les conclusions à fin d'annulation :
3. Les dispositions du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile relatives aux titres de séjour qui peuvent être délivrés aux étrangers et aux conditions de délivrance de ces titres s'appliquent, ainsi que le rappelle l'article L. 110-1 du même code, " sous réserve des conventions internationales ". En ce qui concerne les ressortissants tunisiens, l'article 11 de l'accord franco-tunisien du 17 mars 1988 stipule que : " Les dispositions du présent Accord ne font pas obstacle à l'application de la législation des deux Etats sur le séjour des étrangers sur tous les points non traités par l'Accord. /Chaque Etat délivre notamment aux ressortissants de l'autre Etat tous titres de séjour autres que ceux visés au présent Accord, dans les conditions prévues par sa législation ". Et l'article 2.2.2 du protocole relatif à la gestion concertée des migrations entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République tunisienne du 28 avril 2008 stipule que : " Une autorisation de séjour d'une durée de validité de six mois, renouvelable une fois, est délivrée de plein droit au ressortissant tunisien qui, ayant achevé avec succès, dans un établissement d'enseignement supérieur français habilité au plan national ou dans un établissement d'enseignement supérieur tunisien lié à un établissement d'enseignement supérieur français par une convention de délivrance de diplôme en partenariat international, un cycle de formation conduisant à un diplôme au moins équivalent au master ou à la licence professionnelle, souhaite compléter sa formation par une première expérience professionnelle en France dans la perspective de son retour en Tunisie ".
4. Aux termes de l'article L. 422-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa rédaction en vigueur à la date de la décision attaquée : " L'étranger titulaire d'une assurance maladie qui justifie soit avoir été titulaire d'une carte de séjour temporaire ou pluriannuelle portant la mention " étudiant " délivrée sur le fondement des articles L. 422-1, L. 422-2 ou L. 422-6 et avoir obtenu dans un établissement d'enseignement supérieur habilité au plan national un diplôme au moins équivalent au grade de master ou figurant sur une liste fixée par décret, soit avoir été titulaire d'une carte de séjour pluriannuelle portant la mention " passeport talent-chercheur " délivrée sur le fondement de l'article L. 421- 14 et avoir achevé ses travaux de recherche, se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " recherche d'emploi ou création d'entreprise " d'une durée d'un an dans les cas suivants : 1° Il entend compléter sa formation par une première expérience professionnelle, sans limitation à un seul emploi ou à un seul employeur ; / 2° Il justifie d'un projet de création d'entreprise dans un domaine correspondant à sa formation ou à ses recherches. "
5. L'article 2.2 de l'accord franco-tunisien de 2008 déroge à l'article L. 422-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile en ce qu'il prévoit qu'une autorisation de séjour d'une durée de validité de six mois, renouvelable une fois, est délivrée de plein droit au ressortissant tunisien qui, ayant achevé avec succès, dans un établissement d'enseignement supérieur français habilité au plan national ou dans un établissement d'enseignement supérieur tunisien lié à un établissement d'enseignement supérieur français par une convention de délivrance de diplôme en partenariat international, un cycle de formation conduisant à un diplôme au moins équivalent au master ou à la licence professionnelle, souhaite compléter sa formation par une première expérience professionnelle en France dans la perspective de son retour en Tunisie.
6. En l'espèce, il ressort des termes de l'arrêté en litige que, pour examiner la demande de Mme B..., ressortissante tunisienne ayant achevé avec succès une formation conduisant à la délivrance d'un diplôme équivalent au master ou à la licence professionnelle, qui avait sollicité la délivrance d'un titre de séjour " recherche d'emploi - création d'entreprise " dans l'optique de compléter sa formation par une première expérience professionnelle, notamment en qualité de doctorante contractuelle, le préfet des Hauts-de-Seine s'est fondé sur les dispositions de l'article L. 422-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile alors que seules les stipulations de l'accord franco-tunisien et celles du protocole relatif à la gestion concertée des migrations entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République tunisienne lui étaient applicables. Il a ainsi méconnu le champ d'application de la loi et a, par suite, entaché sa décision d'une erreur de droit.
7. Il résulte de ce qui précède, et sans qu'il soit besoin de se prononcer sur les autres moyens de la requête, que Mme B... est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Limoges a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cette décision. Il y a donc lieu d'annuler ce jugement, la décision portant refus de titre de séjour contenue dans l'arrêté du 8 décembre 2023 du préfet des Hauts-de-Seine ainsi que, par voie de conséquence, les décisions que cet arrêté contient également portant obligation de quitter le territoire français dans un délai de 30 jours, fixant le pays de renvoi et prononçant une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée d'un an.
Sur les conclusions à fin d'injonction et d'astreinte :
8. Il y a lieu d'enjoindre au préfet des Hauts-de-Seine de réexaminer la situation de Mme B... dans un délai de deux mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir. Il n'y a pas lieu d'assortir cette injonction d'une astreinte.
Sur les frais d'instance :
9. Mme B... bénéficie de l'aide juridictionnelle totale. Par suite, son avocat peut se prévaloir des dispositions de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 200 euros à verser à Me Dumont.
DECIDE :
Article 1er : Il n'y a plus lieu de statuer sur les conclusions présentées par Mme B... tendant à son admission provisoire au bénéfice de l'aide juridictionnelle.
Article 2 : Le jugement n° 2400171 du 28 mars 2024 du tribunal administratif de Limoges et l'arrêté du préfet des Hauts-de-Seine du 8 décembre 2023 sont annulés.
Article 3 : Il est enjoint au préfet des Hauts-de-Seine de réexaminer la situation de Mme B... dans un délai de deux mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir.
Article 4 : L'Etat versera à Me Dumont la somme de 1 200 euros au titre des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 alinéa 2 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique.
Article 5 : le surplus des conclusions de la requête est rejeté.
Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A... B..., à Me Dumont, ainsi qu'au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet des Hauts-de-Seine.
Délibéré après l'audience du 17 octobre 2024 à laquelle siégeaient :
Mme Karine Butéri, présidente,
M. Stéphane Gueguein, président-assesseur,
Mme C... D..., première-conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 6 novembre 2024.
Le rapporteur,
Stéphane E...
La présidente,
Karine Butéri
La greffière,
Laurence Mindine La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 24BX01072