Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme B... D... A... a demandé au tribunal administratif de La Réunion d'annuler l'arrêté du 4 mai 2023 par lequel le préfet de La Réunion lui a refusé le renouvellement de son titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai d'un mois, lui a interdit le retour sur le territoire français pendant une durée d'un an et a fixé le pays de renvoi.
Par un jugement n° 2300762 du 12 février 2024, le tribunal administratif de La Réunion a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 23 mai 2024, Mme A..., représentée par Me Ali, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de La Réunion du 12 février 2024 ;
2°) d'annuler l'arrêté du 4 mai 2023 par lequel le préfet de La Réunion lui a refusé le renouvellement de son titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai d'un mois, lui a interdit le retour sur le territoire français pendant une durée d'un an et a fixé le pays de renvoi ;
3°) d'enjoindre audit préfet de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale ", ou, à défaut, de réexaminer sa situation, dans un délai d'un mois à compter de la notification la décision à intervenir sous astreinte de 100 euros par jour de retard, et de lui délivrer, dans l'attente, une autorisation provisoire de séjour l'autorisant à travailler ;
4°) de mettre à la charge de l'État la somme de 2 500 euros à lui verser au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
En ce qui concerne le refus de titre de séjour :
- il est insuffisamment motivé en droit ;
- il est entaché d'une erreur de droit dès lors que le préfet n'a pas examiné sa situation sur le fondement des articles L. 423-23 et L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- il méconnaît les articles R. 5221-20 et R. 5221-2 du code du travail ;
- il méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
En ce qui concerne la décision portant obligation de quitter le territoire français :
- elle est entachée d'une erreur de droit dès lors que le préfet n'a pas examiné sa situation sur le fondement des articles L. 423-23 et L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
En ce qui concerne la décision portant interdiction de retour sur le territoire français :
- elle est insuffisamment motivée au regard de l'article L. 612-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation au regard de ses conséquences sur sa situation personnelle.
Par un mémoire en défense enregistré le 25 septembre 2024, le préfet de La Réunion conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens invoqués ne sont pas fondés.
Mme A... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision n° 2024/000569 du 19 mars 2024 du bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal judiciaire de Bordeaux.
Vu :
- les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales,
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile,
- le code des relations entre le public et l'administration,
- le code de justice administrative.
La présidente de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de M. Stéphane Gueguein, a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. Mme A..., ressortissante mauricienne née le 1er novembre 1981, est entrée sur le territoire français le 18 mars 2020 sous couvert d'un visa de long séjour et s'est vue délivrer une carte de séjour pluriannuelle " vie privée et familiale ", le 19 mars 2021, en sa qualité de conjointe d'un ressortissant français. Elle a demandé au tribunal administratif de La Réunion l'annulation de l'arrêté du 4 mai 2023 par lequel le préfet de La Réunion a refusé de lui délivrer un nouveau titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai d'un mois, lui a interdit le retour sur le territoire français pendant une durée d'un an et a fixé le pays de renvoi. Elle relève appel du jugement du 12 février 2024 par lequel ce tribunal administratif a rejeté sa demande.
Sur la décision portant refus de titre de séjour :
2. En premier lieu, il ressort des pièces du dossier, et notamment des pièces produites à l'appui de la demande de titre et des mentions du récépissé qu'elle s'est vue remettre sans protestation de sa part, que Mme A... a sollicité le renouvellement de la carte pluriannuelle de séjour mention " vie privée et familiale " qui lui avait été délivrée, en application des dispositions de l'article L. 423-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, en sa qualité de conjointe d'un ressortissant français. La décision en litige, qui fait mention des dispositions pertinentes du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, et notamment des articles L. 423-1, L. 421-1 et L. 611-1 de ce code, et expose de façon suffisante les circonstances de faits propres à la situation personnelle de l'intéressée permettant l'examen de sa demande, et notamment qu'elle a porté plainte contre son conjoint pour des faits de violences, que leur divorce a été prononcé par jugement du 21 septembre 2021, qu'elle a signalé cette situation à l'occasion de sa demande de renouvellement et qu'elle se prévaut d'un contrat à durée indéterminée pour un emploi de cuisinière. Dans ces conditions, la requérante n'est pas fondée à soutenir que la décision en litige serait insuffisamment motivée.
3. En deuxième lieu, dès lors que Mme A... n'a pas sollicité la délivrance d'un titre de séjour sur le fondement des dispositions des articles L. 423-23 et L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et que le préfet de La Réunion, qui n'y était pas tenu, n'a pas procédé d'office à l'examen de sa situation sur l'un de ces fondements, elle n'est pas fondée à soutenir que le préfet aurait commis une erreur de droit en omettant d'examiner la possibilité de lui délivrer un titre de séjour sur le fondement de ces dispositions.
4. En troisième lieu, aux termes de l'article L. 421-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger qui exerce une activité salariée sous contrat de travail à durée indéterminée se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " salarié " d'une durée maximale d'un an. / La délivrance de cette carte de séjour est subordonnée à la détention préalable d'une autorisation de travail, dans les conditions prévues par les articles L. 5221-2 et suivants du code du travail. (...) ". Aux termes de l'article L. 421-4 du même code : " Conformément à l'article L. 414-13, lorsque la demande de l'étranger concerne un métier et une zone géographique caractérisés par des difficultés de recrutement, les cartes de séjour prévues aux articles L. 421-1 et L. 421-3 lui sont délivrées sans que lui soit opposable la situation de l'emploi. (...). ".
5. Aux termes de l'article L. 5221-2 du code du travail : " Pour entrer en France en vue d'y exercer une profession salariée, l'étranger présente : / 1° Les documents et visas exigés par les conventions internationales et les règlements en vigueur ; / 2° Un contrat de travail visé par l'autorité administrative ou une autorisation de travail. ". Aux termes de l'article R. 5221-20 du même code : " L'autorisation de travail est accordée lorsque la demande remplit les conditions suivantes : / 1° S'agissant de l'emploi proposé : / a) Soit cet emploi relève de la liste des métiers en tension prévue à l'article L. 421-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et établie par un arrêté conjoint du ministre chargé du travail et du ministre chargé de l'immigration ; / b) Soit l'offre pour cet emploi a été préalablement publiée pendant un délai de trois semaines auprès des organismes concourant au service public de l'emploi et n'a pu être satisfaite par aucune candidature répondant aux caractéristiques du poste de travail proposé ; (...) ". Aux termes de l'article R. 5221-2 dudit code : " Sont dispensés de l'autorisation de travail prévue à l'article R. 5221-1 : (...) / 4° Le titulaire de la carte de séjour temporaire ou pluriannuelle portant la mention " vie privée et familiale ", délivrée en application des articles L. 423-1, L. 423-2, L. 423-7, L. 423-13, L. 423-14, L. 423-15, L. 423-21, L. 423-22, L. 423-23, L. 425-1, L. 425-6, L. 425-9, L. 426-5, L. 433-4, L. 433-5 et L. 433-6 du même code ou du visa de long séjour valant titre de séjour mentionné aux 6° et 15° de l'article R. 431-16 du même code ; (...) / 16° Le titulaire d'une autorisation provisoire de séjour ou d'un document provisoire de séjour portant la mention " autorise son titulaire à travailler " ; (...) ".
6. Pour refuser de délivrer à Mme A... un titre de séjour en tant que salariée, le préfet de La Réunion a relevé que si la requérante avait produit un contrat à durée indéterminée en date du 9 février 2023 en tant que cuisinière au sein de la société " SAS Chez Bobonne ", son employeur n'avait pas déposé de demande d'autorisation de travail, et que le secteur d'activité dans lequel l'intéressée exerçait se caractérisait par un grand nombre de demandes d'emploi pour un petit nombre d'offres sur le marché du travail local.
7. D'une part, contrairement à ce que soutient la requérante, la circonstance qu'elle a été autorisée à travailler jusqu'au 18 mars 2023 sous couvert de la carte pluriannuelle de séjour qui lui a été délivrée le 19 mars 2021 ne l'exonérait pas, pour pouvoir prétendre à un changement de statut en qualité de " salarié ", du respect de la condition liée à la détention préalable d'une autorisation de travail prévue par les dispositions citées au point 3 de l'article L. 421-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
8. D'autre part, ainsi que l'ont relevé à bon droit les premiers juges, outre que Mme A... n'apporte aucun élément de nature à établir que son employeur aurait éprouvé de grandes difficultés à pourvoir l'emploi qu'elle occupait à la date de la demande, il ne ressort d'aucune pièce du dossier que l'emploi de cuisinière relevait de la liste des métiers en tension ou était caractérisé par des difficultés de recrutement à la date de la décision contestée. Le préfet de La Réunion, qui pouvait, à bon droit, lui opposer la situation de l'emploi et retenir que les conditions relatives à l'obtention d'une autorisation de travail n'étaient pas remplies, a pu, sans méconnaitre les dispositions citées aux points 3 et 4, lui opposer l'absence d'autorisation de travail pour refuser de lui délivrer un titre de séjour en qualité de salarié.
9. En dernier lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1° Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance ; / 2° Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui. ".
10. Mme A..., qui réside sur le territoire français depuis le 18 mars 2020, se prévaut de la présence de ses sœurs à La Réunion et de ses activités associatives et fait valoir qu'elle a noué des liens amicaux forts à La Réunion, territoire où elle peut subvenir à ses besoins. Toutefois, l'intéressée, qui est divorcée depuis le 21 septembre 2021, est célibataire et sans charge de famille et n'est pas dépourvue d'attaches dans son pays d'origine où elle a vécu jusqu'à ses 38 ans. Dans ces conditions, le préfet de La Réunion n'a pas porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels sa décision a été prise. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté.
Sur la décision portant obligation de quitter le territoire français :
11. Pour les mêmes motifs que ceux retenus au point 2, Mme A... n'est pas fondée à soutenir que la décision lui faisant obligation de quitter le territoire français serait entachée d'une erreur de droit.
Sur la décision portant interdiction de retour sur le territoire français :
12. En premier lieu, aux termes de l'article L. 612-8 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Lorsque l'étranger n'est pas dans une situation mentionnée aux articles L. 612-6 et L. 612-7, l'autorité administrative peut assortir la décision portant obligation de quitter le territoire d'une interdiction de retour sur le territoire français. Les effets de cette interdiction cessent à l'expiration d'une durée, fixée par l'autorité administrative, qui ne peut excéder deux ans à compter de l'exécution de l'obligation de quitter le territoire français ". Aux termes de l'article L. 612-10 de ce code : " Pour fixer la durée des interdictions de retour mentionnées aux articles L. 612-6 et L. 612-7, l'autorité administrative tient compte de la durée de présence de l'étranger sur le territoire français, de la nature et de l'ancienneté de ses liens avec la France, de la circonstance qu'il a déjà fait l'objet ou non d'une mesure d'éloignement et de la menace pour l'ordre public que représente sa présence sur le territoire français. Il en est de même pour l'édiction et la durée de l'interdiction de retour mentionnée à l'article L. 612-8 (...) ".
13. Il ressort des termes mêmes des dispositions de l'article L. 612-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile que l'autorité compétente doit, pour décider de prononcer à l'encontre de l'étranger soumis à l'obligation de quitter le territoire français une interdiction de retour et en fixer la durée, tenir compte, dans le respect des principes constitutionnels, des principes généraux du droit et des règles résultant des engagements internationaux de la France, des quatre critères qu'elles énumèrent, sans pouvoir se limiter à ne prendre en compte que l'un ou plusieurs d'entre eux. La décision d'interdiction de retour doit comporter l'énoncé des considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement, de sorte que son destinataire puisse à sa seule lecture en connaître les motifs. Si cette motivation doit attester de la prise en compte par l'autorité compétente, au vu de la situation de l'intéressé, de l'ensemble des critères prévus par la loi, aucune règle n'impose que le principe et la durée de l'interdiction de retour fassent l'objet de motivations distinctes, ni que soit indiquée l'importance accordée à chaque critère. Il incombe ainsi à l'autorité compétente qui prend une décision d'interdiction de retour d'indiquer dans quel cas susceptible de justifier une telle mesure se trouve l'étranger. Elle doit par ailleurs faire état des éléments de la situation de l'intéressé au vu desquels elle a arrêté, dans son principe et dans sa durée, sa décision, eu égard notamment à la durée de la présence de l'étranger sur le territoire français, à la nature et à l'ancienneté de ses liens avec la France et, le cas échéant, aux précédentes mesures d'éloignement dont il a fait l'objet. Elle doit aussi, si elle estime que figure au nombre des motifs qui justifient sa décision une menace pour l'ordre public, indiquer les raisons pour lesquelles la présence de l'intéressé sur le territoire français doit, selon elle, être regardée comme une telle menace. En revanche, si, après prise en compte de ce critère, elle ne retient pas cette circonstance au nombre des motifs de sa décision, elle n'est pas tenue, à peine d'irrégularité, de le préciser expressément.
14. L'interdiction de retour attaquée vise les articles L. 612-6, et L. 612-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Elle est justifiée par le fait que l'intéressée, qui est entrée de manière régulière sur le territoire français, y réside depuis moins de cinq ans et ne fait état de l'établissement d'aucun lien d'aucune nature avec la France. Ainsi, et alors que cette décision n'avait pas à préciser que Mme A... n'a jamais fait l'objet de mesures d'éloignement et ne constitue pas une menace pour l'ordre public ni à faire état de manière exhaustive de l'ensemble des éléments de la situation de Mme A..., elle est suffisamment motivée.
15. En second lieu, pour les mêmes motifs que ceux exposés au point 9, le moyen tiré de l'erreur manifeste d'appréciation quant aux conséquences de la décision en litige sur la situation personnelle de Mme A... doit être écarté.
16. Il résulte de tout ce qui précède que Mme A... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement critiqué, le tribunal administratif de La Réunion a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions aux fins d'injonction ainsi que celles présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées.
DECIDE
Article 1er : La requête de Mme A... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B... D... A... et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera communiquée au préfet de La Réunion.
Délibéré après l'audience du 17 octobre 2024 à laquelle siégeaient :
Mme Karine Butéri, présidente,
M. Stéphane Gueguein, président-assesseur,
Mme Caroline Gaillard, première conseillère,
Rendu public par mise à disposition au greffe le 6 novembre 2024.
Le rapporteur,
Stéphane Gueguein La présidente,
Karine Butéri
La greffière,
Laurence Mindine
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
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N° 24BX01245