Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. C... E... a demandé au tribunal administratif de Bordeaux d'annuler, d'une part, la décision implicite par laquelle la préfète de la Gironde a refusé de lui délivrer un titre de séjour, et d'autre part, l'arrêté du 22 novembre 2022 par lequel la même autorité a explicitement rejeté sa demande de titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi.
Par un jugement n° 2206135, 2206508 du 13 septembre 2023, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté ses demandes.
Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 11 juillet 2024, M. A... se disant E..., représenté par M D..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Bordeaux du 13 septembre 2023 ;
2°) d'annuler l'arrêté du 22 novembre 2022 par lequel la préfète de la Gironde a explicitement rejeté sa demande de titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi ;
3°) d'enjoindre au préfet de la Gironde de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " ou, à défaut, " salarié ", dans le délai de quinze jours à compter de la date de notification de l'arrêt à intervenir ou, à titre subsidiaire, de réexaminer sa situation dans le délai d'un mois à compter de la même date, sous astreinte de 100 euros par jour de retard, et de lui délivrer, dans cette attente, une autorisation provisoire de séjour l'autorisant à travailler ;
4°) d'enjoindre au préfet de la Gironde de procéder à la suppression des informations le concernant du fichier de traitement informatisé de données à caractère personnel relatives aux étrangers faisant l'objet d'une mesure d'éloignement ;
5°) de mettre à la charge de l'Etat le versement, à son conseil, d'une somme de 1 500 euros sur le fondement des dispositions combinées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et du 2ème alinéa de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique.
Il soutient que :
- la décision portant refus de titre de séjour méconnaît les dispositions des articles R. 142- 1 et suivants du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile en ce qu'elle se fonde sur la consultation de données au fichier " Visabio " qui, eu égard à leur ancienneté, auraient dû être effacées ;
- elle est entachée d'erreur de droit et d'erreur manifeste d'appréciation en ce qui concerne la fraude alléguée ; le rapport des services de police ne conclut pas à une falsification de l'acte contrairement à ce que retient le tribunal administratif ;
- elle méconnait l'article L.435-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
Par une ordonnance du 19 août 2024, la clôture de l'instruction a été fixée au 23 septembre 2024 à 12h.
Un mémoire présenté par le préfet de la Gironde a été enregistré le 20 septembre 2024.
M. C... E... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision n° 2023/009572 du bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal judiciaire de Bordeaux du 16 janvier 2024.
Vu :
- les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code civil ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative
La présidente de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de M. Stéphane Gueguein, a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. A... se disant E..., qui déclare être entré en France le 8 novembre 2018, a été confié au service de l'aide sociale à l'enfance du département de la Gironde, entre le 22 juillet 2019 et le 10 avril 2020, et a bénéficié d'un contrat jeune majeur. Il a sollicité, le 6 avril 2021, son admission au séjour sur le fondement de l'article L. 435-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Après avoir demandé au tribunal administratif de Bordeaux l'annulation de la décision implicite rejetant cette demande par une requête enregistrée sous le n° 2206135, il a demandé, par une requête enregistrée sous le n° 2206508, l'annulation de l'arrêté du 22 novembre 2022 par lequel la préfète de la Gironde a explicitement rejeté sa demande de titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi. M. A... se disant E... relève appel du jugement du 13 septembre 2023 par lequel le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande regardée comme dirigée contre la décision du 22 novembre 2022.
2. En premier lieu, M. A... se disant E... reprend en appel, dans des termes similaires et sans critique utile du jugement, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions des articles R. 142-1 et suivants du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile en ce que pour adopter l'arrêté critiqué, la préfète s'est fondée sur des données émanant du fichier " Visabio " qui, eu égard à leur ancienneté, auraient dû être effacées.Dès lors qu'il n'apporte aucun élément de droit ou de fait nouveau au soutien de ce moyen, il y a lieu de l'écarter par adoption des motifs pertinents retenus par le tribunal administratif de Bordeaux.
3. En deuxième lieu, d'une part, aux termes de l'article L. 435-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " A titre exceptionnel, l'étranger qui a été confié à l'aide sociale à l'enfance entre l'âge de seize ans et l'âge de dix-huit ans et qui justifie suivre depuis au moins six mois une formation destinée à lui apporter une qualification professionnelle peut, dans l'année qui suit son dix-huitième anniversaire, se voir délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " salarié " ou " travailleur temporaire ", sous réserve du caractère réel et sérieux du suivi de cette formation, de la nature de ses liens avec sa famille restée dans le pays d'origine et de l'avis de la structure d'accueil sur l'insertion de cet étranger dans la société française. La condition prévue à l'article L. 412-1 n'est pas opposable ".
4. Lorsqu'il examine une demande d'admission exceptionnelle au séjour en qualité de " salarié " ou " travailleur temporaire ", présentée sur le fondement de ces dispositions, le préfet vérifie tout d'abord que l'étranger est dans l'année qui suit son dix-huitième anniversaire, qu'il a été confié à l'aide sociale à l'enfance entre l'âge de seize ans et dix-huit ans, qu'il justifie suivre depuis au moins six mois une formation destinée à lui apporter une qualification professionnelle et que sa présence en France ne constitue pas une menace pour l'ordre public. Il lui revient ensuite, dans le cadre du large pouvoir dont il dispose, de porter une appréciation globale sur la situation de l'intéressé, au regard notamment du caractère réel et sérieux du suivi de cette formation, de la nature de ses liens avec sa famille restée dans son pays d'origine et de l'avis de la structure d'accueil sur l'insertion de cet étranger dans la société française.
5. D'autre part, selon l'article R. 431-10 du même code : " L'étranger qui demande la délivrance ou le renouvellement d'un titre de séjour présente à l'appui de sa demande : / 1°Les documents justifiants de son état civil ; / 2° Les documents justifiants de sa nationalité ; / (...) La délivrance du premier récépissé et l'intervention de la décision relative au titre de séjour sollicité sont subordonnées à la production de ces documents. (...) ". Aux termes de l'article L. 811-2 du même code : " La vérification de tout acte d'état civil étranger est effectuée dans les conditions définies par l'article 47 du code civil ". L'article 47 du code civil prévoit que : " Tout acte de l'état civil des français et des étrangers fait en pays étranger et rédigé dans les formes usitées dans ce pays fait foi, sauf si d'autres actes ou pièces détenus, des données extérieures ou des éléments tirés de l'acte lui-même établissent, le cas échéant après toutes vérifications utiles, que cet acte est irrégulier, falsifié ou que les faits qui y sont déclarés ne correspondent pas à la réalité ".
6. La délivrance à un étranger d'un titre de séjour sur le fondement de l'article L. 435-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile est subordonnée au respect par l'étranger des conditions qu'il prévoit, en particulier concernant l'âge de l'intéressé, que l'administration vérifie au vu notamment des documents d'état civil produits par celui-ci. A cet égard, la force probante d'un acte d'état civil établi à l'étranger peut être combattue par tout moyen susceptible d'établir que l'acte en cause est irrégulier, falsifié ou inexact. En cas de contestation par l'administration de la valeur probante d'un acte d'état civil établi à l'étranger, il appartient au juge administratif de former sa conviction au vu de l'ensemble des éléments produits par les parties. Pour juger qu'un acte d'état civil produit devant lui est dépourvu de force probante, qu'il soit irrégulier, falsifié ou inexact, le juge doit en conséquence se fonder sur tous les éléments versés au dossier dans le cadre de l'instruction du litige qui lui est soumis. Ce faisant, il lui appartient d'apprécier les conséquences à tirer de la production par l'étranger d'une carte consulaire ou d'un passeport dont l'authenticité est établie ou n'est pas contestée, sans qu'une force probante particulière puisse être attribuée ou refusée par principe à de tels documents.
7. Pour justifier de son identité, M.X se disant E... a produit une carte consulaire guinéenne, un extrait du registre de l'état-civil guinéen et un jugement supplétif de Dixinn du 26 avril 2019, lequel a été légalisé. Il ressort du rapport technique d'analyse documentaire établi par les analystes en fraude documentaire de la direction zonale de la police aux frontières (DZPAF) de Bordeaux le 31 juillet 2021 que, si le jugement supplétif ne présente pas de signes notables de falsification, et a été régulièrement légalisé, opération qui se borne à attester de la régularité formelle d'un acte, il demeure que des incohérences dans sa rédaction, et notamment la mention d'un article du code civil guinéen n'existant pas à la date de sa rédaction, sont de nature à établir qu'il a été falsifié. L'extrait du registre de l'état civil produit se bornant à transcrire le jugement supplétif en cause, il est également dénué de force probante. La carte consulaire produite ne peut, à elle seule, justifier de l'état civil du requérant ni de son âge. La seule circonstance que le tribunal correctionnel de Bordeaux ait, par un jugement dépourvu de l'autorité de la chose jugée quant au caractère probant des actes produits, relaxé le requérant des poursuites diligentées par le procureur de la République au titre de l'utilisation de faux documents n'est pas de nature à établir la véracité des informations fournies à l'occasion de la demande de titre de séjour quant à l'identité ou l'âge de M. A... se disant E.... Enfin, la consultation du fichier " Visabio " a permis à la préfète de la Gironde de constater, en se fondant sur la correspondance des empreintes digitales et des photographies fournies, que l'intéressé avait sollicité, le 4 octobre 2017, un visa auprès des autorités consulaire de Conakry sous l'identité de M. F... B..., né le 1er janvier 1992 à N'zerekore. Dans ces conditions, les moyens tirés de la méconnaissance de l'erreur de droit et de l'erreur d'appréciation qu'aurait commise la préfète de la Gironde dans l'appréciation du caractère authentique des documents d'état civil produits, au regard des dispositions des articles L. 811-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et 47 du code civil, doivent être écartés. Par suite, en refusant de délivrer à M. A... se disant E... le titre de séjour demandé au motif que, malgré le caractère réel et sérieux du suivi de sa formation, celui-ci ne justifiait pas remplir la condition d'âge prévue par les dispositions de l'article L. 435-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, la préfète de la Gironde n'a pas fait une inexacte application de ces dispositions.
8. En dernier lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui. ".
9. Le requérant fait valoir qu'il réside en France depuis plus de quatre années, y a suivi une formation qualifiante et dispose de perspectives professionnelles lui permettant de justifier d'une bonne intégration sociale et professionnelle ainsi que d'une certaine autonomie financière. Toutefois, les circonstances dont il se prévaut sont insuffisantes pour justifier d'une insertion professionnelle particulière en France où il est célibataire et sans charge de famille tandis qu'il n'est pas dépourvu d'attaches dans son pays d'origine où résident les membres de sa famille. Par suite, en refusant de lui délivrer un titre de séjour, la préfète de la Gironde n'a pas porté une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale tel que protégé par les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Le moyen tiré de la méconnaissance de ces stipulations doit donc être écarté.
10. Il résulte de ce qui précède que M. A... se disant E... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande. Par suite, ses conclusions aux fins d'injonction et d'astreinte ainsi que celles tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 doivent être rejetées.
DECIDE :
Article 1er : La requête de M. A... se disant E... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... se disant C... E... et au ministre de l'intérieur.
Copie sera communiquée au préfet de la Gironde.
Délibéré après l'audience du 17 octobre 2024 à laquelle siégeaient :
Mme Karine Butéri, présidente,
M. Stéphane Gueguein, président-assesseur,
Mme Caroline Gaillard, première conseillère,
Rendu public par mise à disposition au greffe le 6 novembre 2024.
Le rapporteur,
Stéphane Gueguein La présidente,
Karine Butéri
La greffière,
Laurence Mindine
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
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N° 24BX01715