Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
La société à responsabilité limitée (SARL) Prosecamp a demandé au tribunal administratif de Poitiers d'annuler la délibération du 20 octobre 2020 par laquelle le conseil municipal de la commune de Saint-Laurent-de-la-Prée a approuvé son projet de révision du plan local d'urbanisme (PLU), en tant qu'elle classe la partie de la parcelle cadastrée section ZE
n° 103 en zone A, ainsi que la décision implicite de rejet du recours gracieux formé le
21 décembre 2020, et d'enjoindre à la commune de Saint-Laurent-de-la Prée de classer l'intégralité de la parcelle cadastrée section ZE n° 103 en secteur Ulc, de substituer le secteur Nlc affectant la surface autorisée du terrain de camping par un secteur Ulcs et de maintenir dans le règlement écrit du PLU les dispositions spécifiques relatives à la zone Ulc, telles qu'elles figuraient dans les documents mis à la disposition de la population lors de l'enquête publique.
Par un jugement n° 2101084 du 11 mai 2023, le tribunal administratif de Poitiers a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête et des mémoires, respectivement enregistrés les 13 juillet 2023,
22 janvier 2024 et 2 mai 2024, la société Prosecamp, représentée par Me Repain, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Poitiers du 11 mai 2023 ;
2°) d'annuler la délibération du 20 octobre 2020 par laquelle le conseil municipal de la commune de Saint-Laurent-de-la-Prée a approuvé son projet de révision du plan local d'urbanisme (PLU) ainsi que la décision implicite de rejet du recours gracieux formé le
21 décembre 2020 ;
3°) le cas échéant, d'annuler partiellement cette délibération en tant qu'elle classe tout d'abord la partie de la parcelle cadastrée section ZE n° 103 -destinée à l'extension du terrain de camping- en zone A, en tant qu'elle classe ensuite en zone Nlc les parcelles cadastrées section ZE n° 103 pour partie, 118, 119, 71 et 61 pour partie -correspondant aux parcelles sur lesquelles son terrain de camping est aménagé-, et en ce qu'elle a déplacé enfin l'espace boisé classé en frange de la zone Nlc ;
4°) dans tous les cas, d'enjoindre à la commune de Saint-Laurent-de-la Prée de classer l'intégralité des parcelles sur lesquelles est aménagé son terrain de camping ainsi que la parcelle cadastrée section ZE n° 103 dans sa partie destinée à l'extension du camping en secteur Ub et Ulc, de maintenir dans le règlement écrit du PLU les dispositions spécifiques relatives à la zone Ulc, et de maintenir dans l'espace boisé classé à l'extrémité Est de la parcelle cadastrée section ZE n° 103, conformément à ce qui était indiqué dans les documents mis à la disposition de la population lors de l'enquête publique ;
5°) de mettre à la charge de la commune de Saint-Laurent-de-la Prée la somme de
3 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- son recours a été introduit dans le délai de deux mois suivant la notification du jugement attaqué, de sorte qu'il est recevable ;
- la délibération du 13 juillet 2020 approuvant le plan local d'urbanisme a fait l'objet d'un retrait par délibération du 20 octobre 2020 qui n'était pas devenue exécutoire le jour-même, de sorte que le conseil municipal ne pouvait pas reprendre, lors de la même séance, une nouvelle délibération approuvant la révision du plan local d'urbanisme ; il en résulte que la délibération du 20 octobre 2020 est intervenue à l'issue d'une procédure irrégulière ;
- elle a été prise à l'issue d'une procédure irrégulière dès lors que la commission " urbanisme " du conseil municipal n'a pas été consultée sur les modifications apportées au plan local d'urbanisme suite à la demande du sous-préfet de Rochefort-sur-Mer ;
- elle a été prise en méconnaissance de l'article L. 153-21 du code de l'urbanisme dès lors que la modification de la zone sur laquelle est implanté le camping ainsi qu'une partie de la parcelle cadastrée section ZE n° 103 en secteur Ub et Nlc, ne résulte pas de l'enquête publique ; la suppression, dans le règlement écrit, des dispositions spécifiques relatives à la zone Ulc ne résulte pas davantage de l'enquête publique ;
- le classement d'une partie de la parcelle cadastrée section ZE n° 103 en zone agricole est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation dans l'application des dispositions de l'article L. 121-8 du code de l'urbanisme.
Par des mémoires, enregistrés les 17 novembre 2023 et 29 mars 2024, ainsi qu'un mémoire non communiqué du 6 juin 2024, la commune de Saint-Laurent-de-la Prée conclut au rejet de la requête et à ce que soit mis à la charge de la société Prosecamp la somme de
2 500 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- la requête est tardive ;
- le moyen tiré de ce que la commission " urbanisme " du conseil municipal n'a pas été consultée sur les modifications apportées au PLU, suite au recours du sous-préfet, est un moyen nouveau présenté pour la première fois en cause d'appel ; ce moyen est donc irrecevable en application de l'article L. 600-5 du code de l'urbanisme ;
- les autres moyens soulevés par la société Prosecamp ne sont pas fondés.
Par ordonnance du 6 mai 2024, la clôture d'instruction a été fixée en dernier lieu au
6 juin 2024 à 12h00.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code général des collectivités territoriales ;
- le code de l'urbanisme ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Lucie Cazcarra,
- les conclusions de Mme Pauline Reynaud, rapporteure publique,
- et les observations de Me Porchet, représentant la commune de Saint-Laurent-de-la-Prée.
Considérant ce qui suit :
1. La société Prosecamp exploite le terrain de camping " Le pré vert ", également dénommé " Le lagon de la Prée ", situé sur le territoire de la commune de Saint-Laurent-de-la-Prée (Charente-Maritime). Par une délibération du 4 janvier 2016, le conseil municipal de
Saint-Laurent-de-la-Prée a prescrit la révision du plan local d'urbanisme de la commune, qui a été approuvé par délibération du 13 juillet 2020. Toutefois, le sous-préfet de Rochefort-sur-Mer ayant, à l'occasion du contrôle de la légalité de cette délibération, demandé le 28 août 2020 que des modifications soient apportées au plan local d'urbanisme tel qu'approuvé le 13 juillet 2020, le conseil municipal a, par délibération du 20 octobre 2020, approuvé un nouveau plan local d'urbanisme, après avoir retiré sa délibération précédente. Le 21 décembre 2020, la société Prosecamp a formé un recours gracieux tendant au retrait de la délibération du 20 octobre 2020. Son recours ayant été implicitement rejeté, la société Prosecamp a demandé au tribunal administratif de Poitiers d'annuler la délibération du 20 octobre 2020 en tant que le nouveau plan local d'urbanisme classe une partie de la parcelle ZE 103 en zone A. Elle a également sollicité l'annulation de la décision implicite de rejet de son recours gracieux. Par la présente requête, la société relève appel du jugement du 11 mai 2023 par lequel le tribunal administratif de Poitiers a rejeté sa demande.
Sur la légalité de la délibération du 20 octobre 2020 :
En ce qui concerne le caractère exécutoire de la délibération du 20 octobre 2020 portant retrait de la délibération du 13 juillet 2020 :
2. Aux termes de l'article L. 2131-1 du code général des collectivités territoriales, dans sa rédaction alors en vigueur : " Les actes pris par les autorités communales sont exécutoires de plein droit dès qu'il a été procédé à leur publication ou affichage ou à leur notification aux intéressés ainsi qu'à leur transmission au représentant de l'Etat dans le département ou à son délégué dans l'arrondissement. (...) ". L'article L. 2131-2 du même code prévoit que : " Sont soumis aux dispositions de l'article L. 2131-1 les actes suivants : / 1° Les délibérations du conseil municipal (...) ".
3. La légalité de la délibération approuvant le plan local d'urbanisme n'est pas subordonnée au caractère exécutoire de la délibération retirant le précédent plan local d'urbanisme. Dès lors, la circonstance que la délibération litigieuse du 20 octobre 2020 approuvant le plan local d'urbanisme a été adoptée le même jour que la délibération retirant la précédente délibération du 13 juillet 2020 par laquelle le conseil municipal avait approuvé le plan local d'urbanisme, est sans influence sur sa légalité.
En ce qui concerne les modifications apportées au projet postérieurement à l'enquête publique :
4. Aux termes de l'article L. 153-21 du code de l'urbanisme : " A l'issue de l'enquête, le plan local d'urbanisme, éventuellement modifié pour tenir compte des avis qui ont été joints au dossier, des observations du public et du rapport du commissaire ou de la commission d'enquête, est approuvé par : (...) / 2° Le conseil municipal dans le cas prévu au 2° de l'article L. 153-8. ".
5. Il résulte de ces dispositions que le projet de révision du plan local d'urbanisme ne peut subir de modifications, entre la date de sa soumission à l'enquête publique et celle de son approbation, qu'à la double condition que ces modifications ne remettent pas en cause l'économie générale du projet et qu'elles procèdent de l'enquête. Doivent être regardées comme procédant de l'enquête les modifications destinées à tenir compte des réserves et recommandations du commissaire enquêteur ou de la commission d'enquête, des observations du public et des avis émis par les autorités, collectivités et instances consultées et joints au dossier de l'enquête. Par ailleurs, l'atteinte à l'économie générale d'un projet de plan local d'urbanisme peut résulter de changements qui, par leur nature ou leur ampleur, eu égard à leurs effets propres ou combinés, modifient substantiellement les possibilités de construction et d'usage du sol sur le territoire concerné par rapport aux choix antérieurs.
6. Il ressort des pièces du dossier que postérieurement à l'enquête publique, le projet de plan local d'urbanisme a été modifié, notamment afin de classer la zone sur laquelle est implanté le terrain de camping et une partie de la parcelle cadastrée section ZE n° 103 en zone Ub et en zone Nlc, alors que ces parcelles étaient auparavant classées en zones Ub et Ulc, et de classer la partie de la parcelle ZE n° 103 dédiée à l'extension du camping en zone A. La société Prosecamp soutient que cette modification est illégale dès lors qu'elle ne procèderait pas de l'enquête publique. Il ressort toutefois de l'avis du sous-préfet de Rochefort du
28 octobre 2019, joint au dossier soumis à enquête publique et repris dans l'avis du commissaire enquêteur, que les services de l'Etat ont, d'une part, recommandé de retirer la zone Ulc correspondant à l'extension du camping du " Lagon de la Prée " pour une surface de
3,2 hectares et d'adapter le règlement du plan en conséquence, mais ont également indiqué que le classement du camping en zone U est contestable eu égard à sa superficie et à ses caractéristiques. Ainsi, contrairement à ce que soutient la société appelante, l'avis du sous-préfet de Rochefort et celui du commissaire enquêteur tendant à la modification de zonage du terrain de camping ne portaient pas seulement sur la partie de la parcelle cadastrée section ZE n° 103, d'une surface de 3,2 hectares, sur laquelle le camping serait susceptible de s'étendre, mais bien également à la surface du terrain de camping existant. Dans ces conditions, alors qu'il ne ressort pas des pièces du dossier, et n'est d'ailleurs pas allégué, que cette modification de zonage de la parcelle cadastrée section ZE n° 103 ainsi que de la surface autorisée du terrain de camping remettrait en cause l'économie générale du projet, la société Prosecamp n'est pas fondée à faire valoir que cette modification ne procèderait pas de l'enquête publique.
En ce qui concerne la consultation de la commission " urbanisme " :
7. Aux termes de l'article L. 2121-22 du code général des collectivités territoriales : " Le conseil municipal peut former, au cours de chaque séance, des commissions chargées d'étudier les questions soumises au conseil soit par l'administration, soit à l'initiative d'un de ses membres. (...) ".
8. Si, au visa de cet article, le conseil municipal de Saint-Laurent-de-La-Prée, par délibération du 9 juin 2020, a créé diverses commissions, dont une commission " urbanisme ", la délibération en cause précise qu'il s'agit de " commissions facultatives ". Ainsi, contrairement à ce que fait valoir la société Prosecamp, la commission " urbanisme " n'avait pas à être consultée, sous peine d'illégalité de la délibération contestée, sur les modifications apportées au plan local d'urbanisme. Le moyen tiré du défaut de consultation de cette commission doit donc être écarté.
En ce qui concerne le classement de la parcelle cadastrée section ZE n °103 en zone A :
9. En premier lieu, aux termes de l'article L. 121-8 du code de l'urbanisme : " L'extension de l'urbanisation se réalise en continuité avec les agglomérations et villages existants (...) ".
10. Ces dispositions ont vocation à limiter l'urbanisation du littoral, en autorisant une telle urbanisation dans les seules hypothèses où elle se réalise en continuité avec les agglomérations et villages existants. En revanche, elles n'imposent pas aux auteurs de plans locaux d'urbanisme de classer en zone constructible des parcelles situées en continuité des agglomérations et des villages existants. La société Prosecamp ne peut donc utilement se prévaloir de ces dispositions pour soutenir que la commune aurait dû maintenir la partie de la parcelle cadastrée ZE n° 103 concernée en zone Ulc au regard de sa situation.
11. En deuxième lieu, il ne ressort pas des pièces du dossier que la commune se serait estimée liée par la demande des services de l'Etat de classer la parcelle en litige en zone A.
12. En troisième et dernier lieu, la société Prosecamp reprend en appel, sans l'assortir d'arguments nouveaux ou de critique utile du jugement, le moyen tiré de l'erreur manifeste d'appréciation dont serait entaché le classement de la parcelle ZE n° 103. Il convient d'écarter ce moyen par adoption des motifs pertinents retenus par les premiers juges
13. Il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il y ait lieu d'examiner la fin de non-recevoir opposée par la commune, que la société Prosecamp n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Poitiers a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la délibération du 20 octobre 2020.
Sur les conclusions à fin d'injonction :
14. Le présent arrêt, qui rejette les conclusions à fin d'annulation, n'implique aucune mesure d'exécution. Par suite, les conclusions à fin d'injonction présentées par la société Prosecamp ne peuvent qu'être rejetées.
Sur les frais liés à l'instance :
15. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge de la société Prosecamp la somme de 1 500 euros à verser à la commune de Saint-Laurent-de-la-Prée au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Ces mêmes dispositions font obstacle à ce qu'une somme soit mise à la charge, à ce titre, de la commune de Saint-Laurent-de-la-Prée, qi n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante.
DECIDE :
Article 1er : La requête de la SARL Prosecamp est rejetée.
Article 2 : La société Prosecamp versera à la commune de Saint-Laurent-de-la-Prée la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la société Prosecamp et à la commune de Saint-Laurent-de-la-Prée.
Délibéré après l'audience du 17 octobre 2024 à laquelle siégeaient :
Mme Frédérique Munoz-Pauziès, présidente,
Mme Bénédicte Martin, présidente-assesseure,
Mme Lucie Cazcarra, première conseillère,
Rendu public par mise à disposition au greffe le 7 novembre 2024.
La rapporteure,
Lucie CazcarraLa présidente,
Frédérique Munoz-Pauziès La greffière,
Laurence Mindine
La République mande et ordonne au préfet de la Charente-Maritime en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
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N° 23BX01967