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07/11/2024 | FRANCE | N°24BX01791

France | France, Cour administrative d'appel de BORDEAUX, 4ème chambre, 07 novembre 2024, 24BX01791


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure



M. D... C... a demandé au tribunal administratif de Bordeaux d'annuler d'une part, la décision implicite de refus d'abroger, dans le cadre du réexamen quinquennal, l'arrêté d'expulsion du 12 juillet 2018 du préfet des Alpes-Maritimes, d'autre part, la décision du 15 janvier 2024 par laquelle le préfet de la Gironde l'a assigné à résidence.



Par un jugement n° 2305644, 2400291 du 10 juillet 2024, le tribunal administratif de Bordeaux a d'une part, annulé

la décision refusant implicitement l'abrogation de l'arrêté du 12 juillet 2018 prononçant l'expuls...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. D... C... a demandé au tribunal administratif de Bordeaux d'annuler d'une part, la décision implicite de refus d'abroger, dans le cadre du réexamen quinquennal, l'arrêté d'expulsion du 12 juillet 2018 du préfet des Alpes-Maritimes, d'autre part, la décision du 15 janvier 2024 par laquelle le préfet de la Gironde l'a assigné à résidence.

Par un jugement n° 2305644, 2400291 du 10 juillet 2024, le tribunal administratif de Bordeaux a d'une part, annulé la décision refusant implicitement l'abrogation de l'arrêté du 12 juillet 2018 prononçant l'expulsion de M. C... et l'arrêté du 15 janvier 2024 par lequel le préfet de la Gironde l'a assigné à résidence, d'autre part, enjoint au préfet des Alpes-Maritimes d'abroger l'arrêté d'expulsion en date du 12 juillet 2018, enfin, enjoint au préfet de la Gironde de délivrer à M. C... un récépissé l'autorisant à travailler dans un délai de 2 mois à compter de la notification du présent jugement.

Procédure devant la cour :

I°) Par une requête enregistrée le 19 juillet 2024 sous le n° 24BX01791, le préfet des Alpes-Maritimes demande à la cour d'annuler le jugement n° 2305644, 2400291 du 10 juillet 2024 du tribunal administratif de Bordeaux.

Il soutient que :

- quand bien même M. C... n'aurait fait l'objet d'aucune condamnation depuis 2016, ses antécédents judiciaires interrogent compte tenu du nombre de condamnations prononcées et de la gravité des faits reprochés ; l'arrêté d'expulsion du 12 juillet 2018 a d'ailleurs été pris en considération des faits d'apologie publique d'un acte de terrorisme ; l'intéressé n'a jamais fait état d'une forme de remord ou de repentance sur son comportement au regard du contexte national ; la menace d'attentat demeure vive aujourd'hui, le plan Vigipirate étant au niveau " urgence attentat " ;

- les articles L. 632-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales n' ont pas été méconnus ; M. C... ne justifie pas à ce jour d'une insertion professionnelle d'une intensité et d'une qualité suffisantes ; il ne témoigne ni d'une intégration suffisamment caractérisée dans la société française, ni d'une connaissance suffisante de la langue française et des valeurs républicaines.

Par des mémoires en défense enregistrés les 11 septembre et 13 octobre 2024, M. C..., représenté par Me Lestrade, conclut au rejet de la requête et demande que lui soit octroyée l'aide juridictionnelle provisoire.

Il fait valoir que :

- les moyens soulevés par le préfet ne sont pas fondés ;

- S'agissant du refus d'abroger l'arrêté d'expulsion ;

- il n'est pas justifié de la délégation de signature de l'auteur de la décision implicite ;

- la décision préfectorale est insuffisamment motivée au regard tant de l'article 8 de la convention européenne des droits de l'homme que de la menace à l'ordre public ;

- la décision implicite de ne pas abroger l'arrêté d'expulsion porte une atteinte disproportionnée à sa vie privée et familiale au sens de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- il ne représente plus une menace pour l'ordre public au sens de l'article L. 632-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- S'agissant de l'assignation à résidence ;

- il n'est pas justifié de la délégation de signature de l'auteur de la décision ;

- la décision préfectorale est insuffisamment motivée ;

- il n'a pas pu formuler des observations écrites, ni se faire assister par un mandataire de son choix en méconnaissance des articles L. 121-1 et L. 121-2 du code des relations entre le public et l'administration ;

- la durée cumulée de ces assignations durant toutes ces années est excessive et injustifiée.

Par ordonnance du 12 août 2024, la clôture d'instruction a été fixée au 14 octobre 2024 à 12 h 00.

II°). Par une requête enregistrée le 19 juillet 2024, sous le n° 24BX01792, le préfet des Alpes-Maritimes demande à la cour de prononcer, sur le fondement de l'article R. 811-15 du code de justice administrative, le sursis à exécution du jugement n° 2305644, 2400291 du 10 juillet 2024 du tribunal administratif de Bordeaux jusqu'à ce qu'il soit statué sur sa requête au fond.

Il soutient que :

- quand bien même M. C... n'aurait fait l'objet d'aucune condamnation depuis 2016, ses antécédents judiciaires interrogent compte tenu du nombre de condamnations prononcées et de la gravité des faits reprochés ; l'arrêté d'expulsion du 12 juillet 2018 a d'ailleurs été pris en considération des faits d'apologie publique d'un acte de terrorisme ; l'intéressé n'a jamais fait état d'une forme de remord ou de repentance sur son comportement au regard du contexte national ; la menace d'attentat demeure vive aujourd'hui, le plan Vigipirate étant au niveau " urgence attentat " ;

- les articles L. 632-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales n' ont pas été méconnus ; M. C... ne justifie pas à ce jour d'une insertion professionnelle d'une intensité et d'une qualité suffisantes ; il ne témoigne ni d'une intégration suffisamment caractérisée dans la société française, ni d'une connaissance suffisante de la langue française et des valeurs républicaines.

Par des mémoires en défense enregistrés les 11 septembre et 13 octobre 2024, M. C..., représenté par Me Lestrade, conclut au rejet de la requête et demande que lui soit octroyée l'aide juridictionnelle provisoire.

Il fait valoir que :

- les moyens soulevés par le préfet ne sont pas fondés ;

- S'agissant du refus d'abroger l'arrêté d'expulsion ;

- il n'est pas justifié de la délégation de signature de l'auteur de la décision implicite ;

- la décision préfectorale est insuffisamment motivée au regard tant de l'article 8 de la convention européenne des droits de l'homme que de la menace à l'ordre public ;

- la décision implicite de ne pas abroger l'arrêté d'expulsion porte une atteinte disproportionnée à sa vie privée et familiale au sens de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

-il ne représente plus une menace pour l'ordre public au sens de l'article L. 632-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- S'agissant de l'assignation à résidence ;

- il n'est pas justifié de la délégation de signature de l'auteur de la décision ;

- la décision préfectorale est insuffisamment motivée ;

- il n'a pas pu formuler des observations écrites, ni se faire assister par un mandataire de son choix en méconnaissance des articles L. 121-1 et L. 121-2 du code des relations entre le public et l'administration ;

- la durée cumulée de ces assignations durant toutes ces années est excessive et injustifiée.

Par ordonnance du 12 août 2024, la clôture d'instruction a été fixée au 14 octobre 2024 à 12 h 00.

III°) Par une requête enregistrée le 23 août 2024 sous le n° 24BX02040, le préfet de la Gironde demande à la cour d'annuler le jugement n° 2305644, 2400291 du 10 juillet 2024 du tribunal administratif de Bordeaux.

Il soutient que :

- sa requête est recevable ;

- il n'avait pas d'obligation de réexaminer la décision d'expulsion, celle-ci ayant été prise par le préfet des Alpes-Maritimes ; aucune décision implicite de rejet de réexamen n'a pu naître de la part de la préfecture de la Gironde, qui n'a pas le pouvoir de l'abroger ; son incompétence fait obstacle à l'existence d'une décision implicite de rejet ;

- l'assignation à résidence constitue une mesure prise en application de l'arrêté d'expulsion en application des dispositions de l'article L. 731-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- M. C... a commis au moins un nouveau délit depuis l'édiction de l'arrêté préfectoral d'expulsion à son encontre, ayant été interpellé par les forces de l'ordre le 7 février 2022 pour des faits de vol à l'étalage ; il a fait l'objet d'une interpellation pour vol à l'étalage avec dégradation pour un montant de 89 euros le 14 août 2024 ; ce comportement délictueux démontre de nouveau une absence de garantie d'insertion et d'intégration et de déférence aux lois de la République.

Par un mémoire en défense enregistré le 13 octobre 2024, M. C..., représenté par Me Lestrade, conclut au rejet de la requête et demande que lui soit octroyée l'aide juridictionnelle provisoire.

Il fait valoir que :

- les moyens soulevés par le préfet ne sont pas fondés ;

- S'agissant du refus d'abroger l'arrêté d'expulsion ;

- il n'est pas justifié de la délégation de signature de l'auteur de la décision implicite ;

- la décision préfectorale est insuffisamment motivée au regard tant de l'article 8 de la convention européenne des droits de l'homme que de la menace à l'ordre public ;

- la décision implicite de ne pas abroger l'arrêté d'expulsion porte une atteinte disproportionnée à sa vie privée et familiale au sens de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- il ne représente plus une menace pour l'ordre public au sens de l'article L. 632-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- S'agissant de l'assignation à résidence ;

- il n'est pas justifié de la délégation de signature de l'auteur de la décision ;

- la décision préfectorale est insuffisamment motivée ;

- il n'a pas pu formuler des observations écrites, ni se faire assister par un mandataire de son choix en méconnaissance des articles L. 121-1 et L. 121-2 du code des relations entre le public et l'administration ;

- la durée cumulée de ces assignations durant toutes ces années est excessive et injustifiée.

Par ordonnance du 26 août 2024, la clôture d'instruction a été fixée au 14 octobre 2024 à 12 h 00.

IV°) Par une requête enregistrée le 23 août 2024, sous le n° 24BX02045, le préfet de la Gironde demande à la cour de prononcer, sur le fondement de l'article R. 811-15 du code de justice administrative, le sursis à exécution du jugement n° 2305644, 2400291 du 10 juillet 2024 du tribunal administratif de Bordeaux, en ce qu'il lui enjoint de délivrer à M. C... un récépissé l'autorisant à travailler, jusqu'à ce qu'il soit statué sur sa requête au fond.

Il soutient que :

- il n'avait pas d'obligation de réexaminer la décision d'expulsion, celle-ci ayant été prise par le préfet des Alpes-Maritimes ; aucune décision implicite de rejet de réexamen n'a pu naître de la part de la préfecture de la Gironde, qui n'a pas le pouvoir de l'abroger ; son incompétence fait obstacle à l'existence d'une décision implicite de rejet ;

- l'assignation à résidence constitue une mesure prise en application de l'arrêté d'expulsion en application des dispositions de l'article L. 731-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- M. C... a commis au moins un nouveau délit depuis l'édiction de l'arrêté préfectoral d'expulsion à son encontre, ayant été interpellé par les forces de l'ordre le 7 février 2022 pour des faits de vol à l'étalage ; il a été interpellé pour vol à l'étalage avec dégradation pour un montant de 89 euros le 14 août 2024 ; ce comportement délictueux démontre de nouveau une absence de garantie d'insertion et d'intégration et de déférence aux lois de la République.

Par un mémoire en défense enregistré le 13 octobre 2024, M. C..., représenté par Me Lestrade, conclut au rejet de la requête et demande que lui soit octroyée l'aide juridictionnelle provisoire.

Il fait valoir que :

- les moyens soulevés par le préfet ne sont pas fondés ;

- S'agissant du refus d'abroger l'arrêté d'expulsion ;

- il n'est pas justifié de la délégation de signature de l'auteur de la décision implicite ;

- la décision préfectorale est insuffisamment motivée au regard tant de l'article 8 de la convention européenne des droits de l'homme que de la menace à l'ordre public ;

- la décision implicite de ne pas abroger l'arrêté d'expulsion porte une atteinte disproportionnée à sa vie privée et familiale au sens de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- il ne représente plus une menace pour l'ordre public au sens de l'article L. 632-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- S'agissant de l'assignation à résidence ;

- il n'est pas justifié de la délégation de signature de l'auteur de la décision ;

- la décision préfectorale est insuffisamment motivée ;

- il n'a pas pu formuler des observations écrites, ni se faire assister par un mandataire de son choix en méconnaissance des articles L. 121-1 et L. 121-2 du code des relations entre le public et l'administration ;

- la durée cumulée de ces assignations durant toutes ces années est excessive et injustifiée.

Par ordonnance du 26 août 2024, la clôture d'instruction a été fixée au 14 octobre 2024 à 12 h 00.

M. C... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 17 octobre 2024.

Vu les autres pièces des dossiers.

Vu :

- la convention de Genève du 28 juillet 1951 et le protocole signé à New York le 31 janvier 1967 relatifs aux réfugiés ;

- la directive 2011/95/UE du Parlement européen et du Conseil du 13 décembre 2011 ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- la loi n° 91-147 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme A...,

- et les conclusions de Mme B....

Considérant ce qui suit :

1. M. C..., ressortissant russe d'origine tchétchène, né le 7 août 1974, est entré en France le 22 octobre 2009. Il a obtenu la qualité de réfugié par décision de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) le 25 août 2011. Par une décision du 20 février 2017 prise en application du 2° de l'article L. 711-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, l'OFPRA a mis fin au statut de réfugié de M. C..., en estimant que sa présence sur le territoire français constituait une menace grave pour la société. Cette décision fait suite à quatre condamnations pénales définitives entre 2011 et 2016, la première à six mois d'emprisonnement pour port prohibé d'armes de 6ème catégorie, vol en réunion et vol aggravé, la deuxième à huit mois d'emprisonnement pour violence sur sa conjointe et son enfant mineur, la troisième à un an d'emprisonnement dont neuf mois avec sursis pour des faits d'apologie publique d'un acte de terrorisme. Par un arrêté du 12 juillet 2018, le préfet des Alpes-Maritimes a prononcé l'expulsion du territoire français de M. C.... Par jugement du 8 juin 2021, confirmé par la cour administrative d'appel de Marseille le 22 septembre 2022, le tribunal administratif de Nice a annulé l'arrêté d'expulsion en tant qu'il fixe le pays de renvoi. Par une décision n° 431239 du 12 février 2021, le Conseil d'Etat a confirmé la décision de la Cour nationale du droit d'asile (CNDA) du 5 mars 2019 annulant la décision de l'OFPRA du 20 février 2017 et maintenant M. C... dans le statut de réfugié. Par lettre du 10 août 2023, l'intéressé a sollicité du préfet de la Gironde dans le cadre du réexamen quinquennal prévu par les dispositions de l'article L. 632-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, l'abrogation de l'arrêté d'expulsion, qui a fait l'objet d'un rejet implicite, le 13 septembre 2023.

2. M. C... est assigné à résidence dans le département de la Gironde depuis le 17 avril 2019 et soumis à l'obligation de pointage une fois par semaine au commissariat de Bordeaux. Cette mesure a été renouvelée à plusieurs reprises par la préfecture de la Gironde.

3. Par deux requêtes, M. C... a demandé au tribunal administratif de Bordeaux d'annuler, d'une part, l'arrêté d'expulsion du préfet des Alpes-Maritimes du 12 juillet 2018 et la décision implicite de refus d'abrogation de cet arrêté du préfet de la Gironde, d'autre part, l'arrêté du 15 janvier 2024 l'assignant à résidence pour une nouvelle durée de six mois. Par le jugement n° 2305644, 2400291 du 10 juillet 2024, le tribunal administratif de Bordeaux a annulé le refus implicite d'abrogation et l'assignation à résidence, puis enjoint au préfet des Alpes-Maritimes d'abroger l'arrêté d'expulsion en date du 12 juillet 2018 et au préfet de la Gironde de délivrer à M. C... un récépissé l'autorisant à travailler. Le préfet des Alpes-Maritimes et le préfet de la Gironde relèvent respectivement appel de ce jugement, par les requêtes, enregistrées sous les n°s 24BX01791 et 24BX02040, et demandent à la cour de prononcer le sursis à exécution de ce jugement, par requêtes enregistrées sous le n° 24BX01792 et le n° 24BX02045.

4. Les requêtes enregistrées sous les n°s 24BX01791 et 24BX01792 présentées par le préfet des Alpes-Maritimes, et les requêtes enregistrées sous les n°s 24BX02040 et 24BX02045 présentées par le préfet de la Gironde tendent respectivement à l'annulation et au sursis à l'exécution du même jugement du 10 juillet 2024 du tribunal administratif de Bordeaux et ont fait l'objet d'une instruction commune. Il y a lieu de les joindre pour y statuer par un seul arrêt.

Sur la demande d'aide juridictionnelle provisoire :

5. Aux termes de l'article 20 de la loi du 10 juillet 1991 : " Dans les cas d'urgence, (...), l'admission provisoire à l'aide juridictionnelle peut être prononcée par la juridiction compétente ou son président. ". M. C... ayant été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du bureau d'aide juridictionnelle du 17 octobre 2024, il n'y pas lieu de statuer sur les conclusions tendant au bénéfice de l'aide juridictionnelle à titre provisoire.

Sur les conclusions à fin d'annulation :

En ce qui concerne le refus d'abrogation de la décision d'expulsion :

6. En premier lieu, aux termes de l'article L. 632-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sans préjudice des dispositions des articles L. 632-3 et L. 632-4, les motifs de la décision d'expulsion donnent lieu à un réexamen tous les cinq ans à compter de sa date d'édiction. L'autorité compétente tient compte de l'évolution de la menace pour l'ordre public que constitue la présence de l'intéressé en France, des changements intervenus dans sa situation personnelle et familiale et des garanties de réinsertion professionnelle ou sociale qu'il présente, en vue de prononcer éventuellement l'abrogation de cette décision. L'étranger peut présenter des observations écrites. / A défaut de notification à l'intéressé d'une décision explicite d'abrogation dans un délai de deux mois, ce réexamen est réputé avoir conduit à une décision implicite de ne pas abroger. Cette décision est susceptible de recours. Le réexamen ne donne pas lieu à consultation de la commission mentionnée à l'article L. 632-1. " et aux termes de l'article R. 632-9 du même code : " La décision d'expulsion peut à tout moment être abrogée par l'autorité qui l'a prise. /L'abrogation d'une décision d'expulsion prise, avant l'entrée en vigueur du décret n° 97-24 du 13 janvier 1997, par le ministre de l'intérieur, sur le fondement des dispositions de l'article 23 de l'ordonnance n° 45-2658 du 2 novembre 1945, désormais codifiées à l'article L. 631-1, et après accomplissement des formalités prévues par les dispositions de l'article 24 de la même ordonnance, désormais codifiées à l'article L. 632-1, relève de la compétence du préfet du département dans le ressort duquel l'étranger avait sa résidence à la date de l'arrêté d'expulsion. (...) ".

7. Aux termes de l'article L. 114-2 du code des relations entre le public et l'administration : " Lorsqu'une demande est adressée à une administration incompétente, cette dernière la transmet à l'administration compétente et en avise l'intéressé. "

8. Le préfet de la Gironde soutient qu'il était incompétent pour statuer sur la demande de réexamen de la décision d'expulsion que l'intimé lui a présenté le 16 août 2023 et que pour ce motif, aucune décision implicite de refus n'est née. D'une part, en l'absence de notification d'une décision explicite, conformément aux dispositions précitées de l'article L. 632-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, le réexamen est réputé avoir conduit à une décision implicite de ne pas abroger la décision, née à la date du 12 septembre 2023. Par suite, les conclusions de la demande tendant à l'annulation d'une telle décision implicite de rejet enregistrées au greffe du tribunal administratif de Bordeaux le 12 octobre 2023 étaient recevables. D'autre part, toute autorité de l'Etat, saisie d'une demande dont l'examen relève d'une autre autorité, est tenue de transmettre la demande à l'autorité compétente. La transmission est réputée faite dès le dépôt de la demande. Dès lors, le préfet de la Gironde, saisi de la demande de réexamen de la décision d'expulsion, était tenu de la transmettre au préfet des Alpes-Maritimes. La décision implicite de rejet née du silence gardé pendant deux mois par l'administration doit être regardée comme émanant de ce préfet, alors même que cette demande n'a pas été effectivement transmise par le préfet de la Gironde.

9. En second lieu, d'une part, aux termes de l'article 33 de la convention de Genève du 28 juillet 1951 : " 1. Aucun des Etats Contractants n'expulsera ou ne refoulera, de quelque manière que ce soit, un réfugié sur les frontières des territoires où sa vie ou sa liberté serait menacée en raison de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de son appartenance à un certain groupe social ou de ses opinions politiques. / 2. Le bénéfice de la présente disposition ne pourra toutefois être invoqué par un réfugié qu'il y aura des raisons sérieuses de considérer comme un danger pour la sécurité du pays où il se trouve ou qui, ayant été l'objet d'une condamnation définitive pour un crime ou délit particulièrement grave, constitue une menace pour la communauté dudit pays. " Aux termes de l'article 21 de la directive du 13 décembre 2011 : " 1. Les États membres respectent le principe de non-refoulement en vertu de leurs obligations internationales. / 2. Lorsque cela ne leur est pas interdit en vertu des obligations internationales visées au paragraphe 1, les États membres peuvent refouler un réfugié, qu'il soit ou ne soit pas formellement reconnu comme tel :/ a) lorsqu'il y a des raisons sérieuses de considérer qu'il est une menace pour la sécurité de l'État membre où il se trouve ; ou/ b) lorsque, ayant été condamné en dernier ressort pour un crime particulièrement grave, il constitue une menace pour la société de cet État membre. / (...) ". Il résulte de ces dispositions que les Etats membres peuvent déroger au principe de non-refoulement lorsqu'il existe des raisons sérieuses de considérer que le réfugié représente un danger pour la sécurité de l'Etat membre où il se trouve ou lorsque, ayant été condamné définitivement pour un crime particulièrement grave, il constitue une menace pour la société de cet Etat.

10. D'autre part, aux termes de l'article L. 631-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa rédaction applicable à la date de la décision attaquée : " Ne peut faire l'objet d'une décision d'expulsion que si elle constitue une nécessité impérieuse pour la sûreté de l'Etat ou la sécurité publique et sous réserve que l'article L. 631-3 n'y fasse pas obstacle : (...)/3° L'étranger qui réside régulièrement en France depuis plus de dix ans, sauf s'il a été pendant toute cette période titulaire d'une carte de séjour temporaire ou pluriannuelle portant la mention " étudiant " ; (...) ". L'article L. 424-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile prévoit la délivrance d'une carte de résident d'une durée de dix ans à l'étranger auquel la qualité de réfugié a été reconnue. Aux termes de l'article L. 424-6 du même code : " Lorsqu'il est mis fin au statut de réfugié par décision définitive de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides ou par décision de justice ou lorsque l'étranger renonce à ce statut, la carte de résident prévue aux articles L. 424-1 et L. 424-3 est retirée. L'autorité administrative statue sur le droit au séjour des intéressés à un autre titre dans un délai fixé par décret en Conseil d'Etat. La carte de résident ne peut être retirée en application du premier alinéa quand l'étranger est en situation régulière depuis au moins cinq ans. ".

11. Il appartient au juge de l'excès de pouvoir, lorsqu'il est saisi d'un moyen en ce sens à l'appui d'un recours dirigé contre le refus d'abroger une mesure d'expulsion, de rechercher si les faits sur lesquels l'autorité administrative s'est fondée pour estimer que la présence en France de l'intéressé constituait toujours, à la date à laquelle elle s'est prononcée, une menace pour l'ordre public sont de nature à justifier légalement que la mesure d'expulsion ne soit pas abrogée.

12. L'administration soutient que l'évolution de la menace à l'ordre public que constitue la présence de l'intimé en France ne peut permettre d'écarter tout danger. M. C..., qui est en France depuis le 22 octobre 2009, a fait l'objet, le 12 juillet 2018, d'un arrêté du préfet des Alpes-Maritimes ordonnant son expulsion du territoire français aux motifs que son statut de réfugié, obtenu le 25 août 2011, lui avait été retiré par décision de l'OFPRA du 20 février 2017 et que sa présence en France constituait une menace grave pour l'ordre public pour avoir commis plusieurs faits délictueux rappelés au point 1, parmi lesquels l'apologie publique d'un acte de terrorisme, qui lui ont valu des condamnations prononcées entre 2011 et 2016. Toutefois, par décision du 12 février 2021, le Conseil d'Etat a confirmé la décision de la CNDA du 2 avril 2019, par laquelle elle a maintenu le statut de réfugié de l'intimé aux motifs que les délits ayant donné lieu aux condamnations de celui-ci étaient punis de peines inférieures à dix ans d'emprisonnement et que les faits d'apologie publique d'un acte de terrorisme pour lesquels il avait été condamné le 18 février 2015 ne constituaient pas un acte de terrorisme. Il ne ressort d'aucune des pièces du dossier que l'intéressé, titulaire en raison de son statut de réfugié d'une carte de résident d'une durée de dix ans en application de l'article L. 424-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, se serait rendu coupable d'une autre infraction alors que le préfet des Alpes-Maritimes ne fait état d'aucun fait criminel ou délictueux qu'aurait commis M. C... ni depuis la dernière condamnation prononcée le 30 mai 2016, ni depuis son incarcération qui a pris fin le 1er septembre 2018, ni encore pendant l'exécution de l'assignation à résidence du 17 avril 2019 au 15 juin 2024. Si le préfet de la Gironde soutient que l'intimé s'est rendu coupable de deux vols à l'étalage les 7 février 2022 et 14 août 2023, il ne produit aucune pièce de nature à justifier de la commission de la première infraction et ne peut utilement se prévaloir de la seconde, constatée postérieurement à la date de la décision attaquée. Dans ces conditions, alors même que M. C... ne justifierait d'aucune insertion personnelle ou professionnelle, en refusant de procéder à l'abrogation de l'arrêté d'expulsion pris le 12 juillet 2018 à l'encontre de l'intéressé, sans justifier de cette décision par une nécessité impérieuse pour la sûreté de l'Etat ou la sécurité publique, l'administration a commis une erreur de droit.

En ce qui concerne l'arrêté d'assignation à résidence :

13. Aux termes de l'article L. 731-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'autorité administrative peut autoriser l'étranger qui justifie être dans l'impossibilité de quitter le territoire français ou ne pouvoir ni regagner son pays d'origine ni se rendre dans aucun autre pays, à se maintenir provisoirement sur le territoire en l'assignant à résidence jusqu'à ce qu'existe une perspective raisonnable d'exécution de son obligation, dans les cas suivants : (...) / 6° L'étranger fait l'objet d'une décision d'expulsion ; (...) ".

14. L'arrêté d'assignation à résidence en date du 15 janvier 2024 a été pris sur le fondement de la décision d'expulsion dont fait l'objet M. C.... Par voie de conséquence de l'annulation du refus d'abrogation de l'arrêté d'expulsion de l'intéressé, l'arrêté d'assignation à résidence doit également être annulé.

15. Il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens des requêtes, que, ni le préfet des Alpes-Maritimes, ni le préfet de la Gironde ne sont fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Bordeaux a annulé la décision implicite de refus d'abrogation de l'arrêté du 12 juillet 2018 prononçant l'expulsion de M. C..., ainsi que l'arrêté du 15 janvier 2024 d'assignation à résidence et a enjoint au préfet des Alpes-Maritimes de procéder à l'abrogation de l'arrêté d'expulsion du 12 juillet 2018.

Sur la demande de sursis à exécution :

16. La cour se prononçant, par le présent arrêt, sur les requêtes des préfets des Alpes-Maritimes et de la Gironde tendant à l'annulation du jugement du tribunal administratif de Bordeaux du 10 juillet 2024, les requêtes des mêmes autorités tendant à ce qu'il soit sursis à l'exécution de ce jugement sont désormais privées d'objet.

DECIDE :

Article 1er : Il n'y a plus lieu de statuer ni sur les conclusions de M. C... d'admission à l'aide juridictionnelle provisoire, ni sur les requêtes n°s 24BX01792 et 24BX02045.

Article 2 : Les requêtes n°s 24BX01791 et 24BX02040 sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. D... C... et au ministre de l'intérieur. Copie en sera communiquée au préfet des Alpes-Maritimes et au préfet de la Gironde.

Délibéré après l'audience du 17 octobre 2024 à laquelle siégeaient :

Mme Frédérique Munoz-Pauziès, présidente,

Mme Bénédicte Martin, présidente-assesseure,

Mme Lucie Cazcarra, première conseillère,

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 7 novembre 2024.

La rapporteure,

Bénédicte A...La présidente,

Frédérique Munoz-Pauziès La greffière,

Laurence Mindine

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

2

N° 24BX01791...


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de BORDEAUX
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 24BX01791
Date de la décision : 07/11/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme MUNOZ-PAUZIES
Rapporteur ?: Mme Bénédicte MARTIN
Rapporteur public ?: Mme REYNAUD
Avocat(s) : LESTRADE

Origine de la décision
Date de l'import : 13/11/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-11-07;24bx01791 ?
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