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28/11/2024 | FRANCE | N°22BX03155

France | France, Cour administrative d'appel de BORDEAUX, 1ère chambre, 28 novembre 2024, 22BX03155


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



M. B... C... a demandé au tribunal administratif de la Guadeloupe d'annuler la décision du 8 juin 2021 par laquelle le directeur de l'établissement national de la solde a rejeté son recours administratif préalable formé contre le titre de perception du 23 mars 2021 relatif à la régularisation d'un trop-perçu de prime de qualification attribuée aux officiers issus de certaines écoles d'un montant de 14 862,02 euros, ensemble le titre de perception du 23 mars 2021.

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Par un jugement n° 2100588 du 3 novembre 2022, le tribunal administratif de la Guadel...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... C... a demandé au tribunal administratif de la Guadeloupe d'annuler la décision du 8 juin 2021 par laquelle le directeur de l'établissement national de la solde a rejeté son recours administratif préalable formé contre le titre de perception du 23 mars 2021 relatif à la régularisation d'un trop-perçu de prime de qualification attribuée aux officiers issus de certaines écoles d'un montant de 14 862,02 euros, ensemble le titre de perception du 23 mars 2021.

Par un jugement n° 2100588 du 3 novembre 2022, le tribunal administratif de la Guadeloupe a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et des mémoires complémentaires, enregistrés les 23 décembre 2022, 14 juin 2023 et 4 juin 2024, M. C..., représenté par Me Desingly, demande à la cour :

1°) l'annulation du jugement n° 2100588 rendu par le tribunal administratif de la Guadeloupe le 3 novembre 2022 ;

2°) à titre principal :

- d'annuler la décision du 8 juin 2021 par laquelle le directeur de l'établissement national de la solde a rejeté son recours administratif préalable formé contre le titre de perception du 23 mars 2021 relatif à la régularisation d'un trop-perçu de prime de qualification attribuée aux officiers issus de certaines écoles d'un montant de 14 862,02 euros, ensemble le titre de perception du 23 mars 2021 ;

- de condamner l'Etat à rembourser la somme de 14 862,02 euros augmentée des intérêts au taux légal à compter du 4 janvier 2021 et de la capitalisation des intérêts, dans un délai de deux mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir et sous astreinte de 150 euros par jour de retard ;

3°) à titre subsidiaire, de prononcer la décharge de la totalité de la créance de 14 862,02 euros ou de ramener ce montant à 3 715,54 euros en réparation de la carence fautive de l'Etat, et de condamner le ministre des armées à restituer les sommes dues, augmentées des intérêts au taux légal avec capitalisation de ces intérêts dans un délai de deux mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 150 euros par jour de retard ;

4°) enfin, de mettre à la charge de l'Etat le versement d'une somme de 2 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- il abandonne en appel les moyens tirés de la prescription biennale de la créance et du défaut de motivation de la décision du 8 juin 2021 ;

- le jugement a été rendu au terme d'une procédure irrégulière dès lors que le premier mémoire en défense du ministre ne lui a été communiqué que le 17 octobre 2022 à 23H14 pour une audience le 20 octobre soit deux jours francs avant l'audience qui n'a été ni suspendue ni reportée, postérieurement à la clôture automatique d'instruction, méconnaissant ainsi le principe du contradictoire au sens de l'article L 5 du code de justice administrative ainsi que le droit à un procès équitable garanti par l'article 6 1 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme ; il n'a pu disposer d'un délai suffisant avant l'audience pour discuter des éléments du mémoire d'autant que le sens des conclusions lui a été communiqué le 18 octobre avant même qu'il n'ait produit son mémoire ;

- le jugement est irrégulier dès lors qu'il est insuffisamment motivé en droit et en fait ;

- le tribunal s'est mépris sur la portée du mécanisme de l'acquiescement aux faits prévu par l'article R 612-6 du code de justice administrative en l'absence de défense recevable de l'administration, compte tenu de la production tardive du mémoire en défense et de sa communication après clôture, s'agissant de la compétence de l'auteur du titre de perception et du comptable public chargé du recouvrement, de l'identité de l'auteur et l'authenticité de la signature sur l'état récapitulatif des créances et de la signature apposée sur le bordereau de recouvrement ;

- le titre de perception du 23 mars 2021 est entaché de l'incompétence territoriale du directeur de l'établissement national de la solde pour l'ordonner ainsi que de celle du comptable public chargé du recouvrement de Moselle pour le recouvrer dès lors qu'il est affecté en Guadeloupe dans un organisme dépendant du ministère de l'outre-mer et que l'ordonnateur secondaire compétent est le directeur du commissariat d'outre-mer des forces armées aux Antilles et que le comptable assignataire est le directeur régional des finances publiques de la Martinique;

- le titre de perception du 23 mars 2021 méconnaît les articles L. lll-2 et L. 212-1 du code des relations entre le public et l'administration dès lors qu'il est dépourvu de la signature de son ordonnateur, et que l'adresse administrative figurant sur celui-ci ne correspond pas à l'adresse postale de l'ordonnateur secondaire figurant sur l'accréditation de l'ordonnateur ;

- la signature apparaissant sur l'état récapitulatif des créances pour mise en recouvrement est différente de celle figurant sur l'accréditation de l'ordonnateur, ce qui est susceptible de créer un doute sérieux quant à l'identité de l'ordonnateur et à l'authenticité de la signature apparaissant sur cet état récapitulatif, au sens des articles 1365 et 1367 du code civil ;

- en raison d'une succession de carences et d'erreurs de l'administration militaire ayant conduit cette dernière à lui accorder le bénéfice de la prime de qualification, il est fondé à engager la responsabilité de l'Etat afin que lui soit versé, une somme de 14 862,02 euros, ou a minima une somme de 3 715, 54 euros ;

- s'agissant de ses conclusions subsidiaires, c'est à tort que le tribunal a considéré sa demande de décharge de la créance comme relevant du plein contentieux alors qu'elle relève de l'excès de pouvoir.

Par un mémoire en défense, enregistré le 6 mai 2024, le ministre des armées conclut au rejet de la requête de M. C....

Il soutient que les moyens soulevés par M. C... ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le décret n° 2012-1246 du 7 novembre 2012 ;

- l'arrêté du 23 avril 2015 portant délégation des pouvoirs d'ordonnateur du ministre de la défense ;

- l'arrêté du 21 décembre 2018 relatif au rapport sur l'organisation des dispositifs de contrôle interne de lutte contre le blanchiment des capitaux et le financement du terrorisme et de gel des avoirs ;

- l'arrêté du 25 juillet 2013 fixant les modalités d'accréditation des ordonnateurs auprès des comptables publics assignataires en application de l'article 10 du décret n° 2012-1246 du 7 novembre 2012 relatif à la gestion budgétaire et comptable publique ;

- la loi n° 2000-321 du 12 avril 2000 ;

- la loi n° 2010-1658 du 29 décembre 2010 ;

- le code civil ;

- le code de la défense ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Evelyne Balzamo,

- et les conclusions de M. Mickaël Kauffmann, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. M. B... C..., qui exerce la profession de militaire depuis le 1er octobre 1997, s'est vu attribuer, par le ministère des armées, le bénéfice de la prime de qualification attribuée aux officiers issus de certaines écoles, dite QAL 68, pour la période comprise entre le 1er août 2013 et le 31 mai 2017, pour un montant total de 16 306,80 euros. Par une décision du 30 mai 2017, le centre expert des ressources humaines et de la solde lui a demandé le remboursement de la somme de 14 862,02 euros correspondant à un trop-versé au titre de la prime de qualification QAL 68 attribuée, déduction faite d'un moins-versé de 1 444,78 euros au titre de cotisations sociales pour la même période. L'intéressé a contesté cette décision devant la commission des recours des militaires par un recours formé le 17 juillet 2017, qui a été rejeté par une décision de la ministre des armées en date du 28 février 2018. Il a ensuite formé un recours contentieux contre ces deux décisions, lequel a été rejeté par le tribunal administratif de Caen par un jugement n° 1800955 du 18 juin 2020 passé en force de chose jugée. Enfin, M. C... a été destinataire le 6 avril 2021 d'un titre de perception, émis le 23 mars 2021 par la direction départementale des finances publiques de Moselle lui demandant la restitution d'un indu de solde d'un montant total net de 14 862,02 euros. Il a formé un recours administratif préalable contre ce titre, rejeté par le directeur de l'établissement de la solde par une décision du 8 juin 2021. M. C... relève appel du jugement n° 2100588 du 3 novembre 2022 par lequel le tribunal administratif de la Guadeloupe a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cette décision du 8 juin 2021, ainsi que du titre de perception du 23 mars 2021.

Sur la régularité du jugement :

2. Aux termes de l'article R. 611-1 du code de justice administrative : " La requête et les mémoires, ainsi que les pièces produites par les parties, sont déposés ou adressés au greffe. / La requête, le mémoire complémentaire annoncé dans la requête et le premier mémoire de chaque défendeur sont communiqués aux parties avec les pièces jointes dans les conditions prévues aux articles R. 611-3, R. 611-5 et R. 611-6. / Les répliques, autres mémoires et pièces sont communiqués s'ils contiennent des éléments nouveaux.". Aux termes du premier alinéa de l'article R. 613-2 du même code : " Si le président de la formation de jugement n'a pas pris une ordonnance de clôture, l'instruction est close trois jours francs avant la date de l'audience indiquée dans l'avis d'audience prévu à l'article R. 711-2. Cet avis le mentionne.", et aux termes de l'article R. 613-3 du même code : " Les mémoires produits après la clôture de l'instruction ne donnent pas lieu à communication et ne sont pas examinés par la juridiction. / Si les parties présentent avant la clôture de l'instruction des conclusions nouvelles ou des moyens nouveaux, la juridiction ne peut les adopter sans ordonner un supplément d'instruction. ". Enfin, aux termes de l'article R. 613-4 du même code : " Le président de la formation de jugement peut rouvrir l'instruction par une décision qui n'est pas motivée et ne peut faire l'objet d'aucun recours. (...) / La réouverture de l'instruction peut également résulter d'un jugement ou d'une mesure d'investigation ordonnant un supplément d'instruction. / Les mémoires qui auraient été produits pendant la période comprise entre la clôture et la réouverture de l'instruction sont communiqués aux parties. " ;

3. Il résulte de ces dispositions que lorsqu'il décide de soumettre au contradictoire une production de l'une des parties après la clôture de l'instruction, le président de la formation de jugement du tribunal administratif ou de la cour administrative d'appel doit être regardé comme ayant rouvert l'instruction. Lorsque le délai qui reste à courir jusqu'à la date de l'audience ne permet plus l'intervention de la clôture automatique trois jours francs avant l'audience prévue par l'article R. 613-2 du code de justice administrative mentionné ci-dessus, il appartient à ce dernier, qui, par ailleurs, peut toujours, s'il l'estime nécessaire, fixer une nouvelle date d'audience, de clore l'instruction ainsi rouverte.

4. Il ressort des pièces du dossier de première instance que le 17 octobre 2022 à 23h06, soit moins de trois jours francs avant l'audience du 20 octobre 2022 au terme de laquelle a été rendu le jugement attaqué et, par suite, après clôture automatique de l'instruction en application des dispositions précitées de l'article R 613-2 du code de justice administrative, le greffe du tribunal administratif de la Guadeloupe a communiqué à M. C... le premier mémoire en défense de l'administration en le priant de produire ses observations éventuelles le plus rapidement possible. Il résulte de ce qui a été dit plus haut que cette communication a eu pour effet de rouvrir l'instruction et, par suite, en s'abstenant clore à nouveau l'instruction alors que le délai de trois jours francs prévu par l'article R 613-2 était expiré, le tribunal administratif a rendu son jugement au terme d'une procédure irrégulière ainsi que le soutient le requérant. Dès lors, M. C... est fondé à en demander l'annulation pour irrégularité.

5. Il y a lieu, dès lors, d'évoquer et de statuer immédiatement sur la demande de première instance et les conclusions d'appel présentées par M. C....

Sur la légalité du titre de perception du 23 mars 2021 :

En ce qui concerne l'exception de chose jugée invoquée par le ministre des armées :

6. Le ministre des armées fait valoir que la demande tendant à l'annulation du titre de perception du 23 mars 2021 est irrecevable en raison de l'autorité de chose jugée s'attachant au jugement du tribunal administratif de Caen n°1800955 du 18 juin 2020.

7. Toutefois, il résulte de l'instruction que, par ce jugement, le tribunal administratif de Caen a rejeté la demande de M. C... tendant à l'annulation de la décision du 28 février 2018 par laquelle la ministre des armées a rejeté son recours devant la commission des recours des militaires dirigé contre la décision du 30 mai 2017 portant régularisation d'un trop-versé sur rémunération, sur la période comprise entre le 1er août 2013 et le 31 mai 2017, d'un montant de 14 802,02 euros au titre de la prime de qualification dite QAL 68. Or, les conclusions à fin d'annulation présentées par M. C... dans la présente instance tendent à l'annulation de la décision du 8 juin 2021 par laquelle le directeur de l'établissement national de la solde a rejeté son recours administratif préalable contre le titre de perception du 23 mars 2021, relatif à la régularisation d'un trop-perçu de la prime de qualification attribuée aux officiers issus de certaines écoles pour un montant de 14 862,02 euros, ensemble le titre de perception du 23 mars 2021. Par suite, dès lors qu'il n'existe pas d'identité d'objet entre ces instances, il y a lieu d'écarter le moyen tiré de l'exception de chose jugée opposée par le ministre des armées.

En ce qui concerne la régularité du titre de perception :

8. En premier lieu, aux termes de l'article 11 du décret du 7 novembre 2012 relatif à la gestion budgétaire et comptable publique : " Les ordonnateurs constatent les droits et les obligations, liquident les recettes et émettent les ordres de recouvrer. (...) Ils transmettent au comptable public compétent les ordres de recouvrer et de payer assortis des pièces justificatives requises, ainsi que les certifications qu'ils délivrent (...) ". Aux termes de l'article 74 du même décret : " Les ministres sont seuls ordonnateurs principaux des recettes et des dépenses du budget général, des budgets annexes et des comptes spéciaux, pour les crédits mis à leur disposition en application du IV de l'article 7 de la loi organique du 1er août 2001 ". Aux termes de l'article 75 du même décret : " Les ordonnateurs secondaires agissent en vertu d'une délégation de pouvoir des ordonnateurs principaux, dans le cadre d'une compétence fonctionnelle ou territoriale. (...) Des arrêtés conjoints du ministre chargé du budget et des ministres intéressés désignent les autres agents publics auxquels la qualité d'ordonnateur secondaire est conférée ". Aux termes de l'article 2 de l'arrêté du 23 avril 2015 portant délégation des pouvoirs d'ordonnateur du ministre de la défense, dans sa version applicable à la date du titre en litige : " Sont instituées ordonnateurs secondaires et, à ce titre, reçoivent délégation de pouvoirs du ministre de la défense pour l'engagement, la liquidation et l'ordonnancement des recettes et des dépenses de programmes du ministère de la défense les autorités mentionnées à l'annexe II, dans la limite de leurs attributions. (...) ". L'annexe II de l'arrêté du 23 avril 2015 dans sa version alors applicable, mentionne notamment le directeur de l'établissement national de la solde, s'agissant notamment du programme 212 qui concerne " le soutien de la politique de la défense ". Cette action couvre les domaines du recrutement, de la formation, de la condition du personnel, des parcours de carrière comme de la reconversion et comprend ainsi les primes dont peuvent bénéficier les militaires.

9. Si le requérant se prévaut de l'instruction n° 2728/DEF/DCSCA/SD/REJ/BREG du 15 mai 2012, et notamment des attributions financières des directions du commissariat d'outre-mer qui y sont définies, il ressort des dispositions de cette instruction que ces directions sont compétentes dans les domaines de l'administration et du soutien définis à l'article R. 3232-1 et suivants du code de la défense, et qu'elles participent pleinement à la contribution du service aux activités opérationnelles. À ce titre, les militaires occupant des fonctions au sein d'une DICOM peuvent être projetés en exercice ou en opération extérieure, à titre individuel ou en détachement constitué. Les DICOM peuvent également assurer le soutien de théâtres, d'éléments de forces ou de militaires isolés en opération extérieure en application d'une directive administrative et logistique de l'EMA. Il ressort, en revanche, de l'instruction ministérielle 1596/ARM/DCSCA/SDDIE/BREG alors en vigueur, relative aux attributions, à l'organisation et au fonctionnement des organismes extérieurs du service du commissariat des armées du 26 juillet 2019, publiée au bulletin officiel le 20 août 2019, que l'établissement national de la solde est le seul organisme opérateur de la solde, qu'il a en charge le contrôle et la liquidation des soldes et le traitement des trop-versés, ainsi que l'ordonnancement de la solde et le rétablissement des recettes.

10. Par suite, dès lors qu'il ressort des pièces du dossier que l'ordonnateur secondaire du titre de perception litigieux est M. D... A..., accrédité en tant que directeur de l'établissement national de la solde, le moyen tiré de l'incompétence de l'ordonnateur doit être écarté.

11. En deuxième lieu, aux termes de l'article 2 de l'arrêté du 21 décembre 2018 fixant l'assignation des dépenses et des recettes des ordonnateurs secondaires du ministère de la défense : " Les ordres de payer, les dépenses sans ordonnancement imputées sur le programme 200 "Remboursements et dégrèvements d'impôts d'Etat" et les ordres de recouvrer émanant des autres ordonnateurs secondaires du ministère de la défense sont assignés sur les comptables principaux de l'Etat désignés à l'annexe B (...) ". Il résulte de l'annexe B de l'arrêté du 21 décembre 2018 que le directeur départemental des finances publiques de la Moselle est le comptable public compétent auquel sont assignés les ordres de recouvrer émis par le directeur de l'établissement national de la solde. Par suite, le moyen tiré de l'incompétence territoriale du comptable public chargé du recouvrement du titre de perception doit être écarté.

12. En troisième lieu, aux termes de l'article L. 111-2 du code des relations entre le public et l'administration : " Toute personne a le droit de connaître le prénom, le nom, la qualité et l'adresse administratives de l'agent chargé d'instruire sa demande ou de traiter l'affaire qui la concerne ; ces éléments figurent sur les correspondances qui lui sont adressées. Si des motifs intéressant la sécurité publique ou la sécurité des personnes le justifient, l'anonymat de l'agent est respecté ". Aux termes de l'article L. 212-1 du même code, dans sa rédaction applicable au litige : " Toute décision prise par une administration comporte la signature de son auteur ainsi que la mention, en caractères lisibles, du prénom, du nom et de la qualité de celui-ci. (...) ". Le V de l'article 55 de la loi du 29 décembre 2010 de finances rectificative pour 2010 prévoit que, pour l'application de ces dispositions " aux titres de perception délivrés par l'Etat en application de l'article L. 252 A du livre des procédures fiscales, afférents aux créances de l'Etat ou à celles qu'il est chargé de recouvrer pour le compte de tiers, la signature figure sur un état revêtu de la formule exécutoire, produit en cas de contestation ".

13. Il résulte de ces dispositions, d'une part, que le titre de perception individuel délivré par l'Etat doit mentionner les nom, prénom et qualité de l'auteur de cette décision, et d'autre part, qu'il appartient à l'autorité administrative de justifier, en cas de contestation, que l'état revêtu de la formule exécutoire comporte la signature de cet auteur. Ces dispositions n'imposent pas de faire figurer sur cet état les nom, prénom et qualité du signataire. Les nom, prénom et qualité de la personne ayant signé l'état revêtu de la formule exécutoire doivent, en revanche, être mentionnés sur le titre de perception, de même que sur l'ampliation adressée au redevable.

14. En l'espèce, conformément aux dispositions de l'article L. 212-1 du code des relations entre le public et l'administration, le titre de perception émis le 23 mars 2021 comporte les nom, prénom et qualité de l'ordonnateur ayant émis ce titre, M. D... A..., en qualité d'ordonnateur secondaire de la solde. L'état récapitulatif des créances produit est également revêtu d'une signature manuscrite de M. D... A..., signant pour l'ordonnateur et par délégation, en tant que directeur de l'établissement national de la solde, contrairement à ce qui est soutenu. Si le requérant se prévaut par ailleurs, de ce que l'adresse postale de l'ordonnateur secondaire figurant sur l'accréditation serait différente de celle indiquée sur la décision du 8 juin 2021 et sur le titre de perception litigieux du 23 mars 2021, une telle circonstance est sans incidence. Enfin, contrairement à ce qui est soutenu, le titre de perception mentionne l'établissement national de la solde et ses coordonnées comme point de contact en vue d'obtenir des renseignements. Par suite, le moyen doit être écarté.

15. En quatrième lieu, le requérant soutient que la signature apparaissant sur l'état récapitulatif des créances pour mise en recouvrement est différente de celle figurant sur l'accréditation de l'ordonnateur, ce qui est de nature à créer un doute sérieux quant à l'identité de l'ordonnateur et à l'authenticité de la signature apparaissant sur l'état récapitulatif précité.

16. Aux termes de l'article 6 de l'arrêté du 25 juillet 2013 fixant les modalités d'accréditation des ordonnateurs auprès des comptables publics assignataires en application de l'article 11 du décret n° 2012-1246 du 7 novembre 2012 relatif à la gestion budgétaire et comptable publique : " La transmission d'un ordre ou d'un certificat sous forme non dématérialisée est subordonnée à la production préalable d'un spécimen de la signature manuscrite de l'ordonnateur ou de ses délégataires au comptable public assignataire ". Aux termes de l'article 1367 du code civil : " La signature nécessaire à la perfection d'un acte juridique identifie son auteur. Elle manifeste son consentement aux obligations qui découlent de cet acte. Quand elle est apposée par un officier public, elle confère l'authenticité à l'acte. (...) ".

17. En l'espèce, la signature figurant sur l'accréditation de l'ordonnateur, qui est suffisamment claire, intelligible, et manuscrite et ne se borne pas en la réalisation d'un signe triangulaire comme il est soutenu, ne diffère pas substantiellement de celle figurant sur l'état récapitulatif des créances, et il résulte de l'instruction qu'elle provient du même auteur. Par suite, le requérant n'est pas fondé à soutenir qu'il existerait un doute sérieux concernant l'authenticité de cette signature et, par conséquent, l'authenticité de l'état récapitulatif des créances litigieux. Le moyen doit par suite, être écarté.

En ce qui concerne le bien-fondé du titre de perception :

18. Le requérant a expressément abandonné le moyen tiré de que ce que la créance serait prescrite en application de la prescription biennale de l'article 37-1 de la loi du 12 avril 2000. Par suite, il n'y a pas lieu pour la cour d'examiner ce moyen.

Sur la légalité de la décision du 8 juin 2021 :

19. Le requérant a expressément abandonné le moyen tiré de ce que serait insuffisamment motivée la décision du 8 juin 2021 par laquelle le directeur de l'établissement national de la solde a rejeté son recours administratif préalable formé contre le titre de perception du 23 mars 2021 relatif à la régularisation d'un trop-perçu de prime de qualification attribuée aux officiers issus de certaines écoles d'un montant de 14 862,02 euros. Par suite, il n'y a pas lieu pour la cour d'examiner ce moyen.

20. Il résulte de tout ce qui précède que doivent être rejetées les conclusions tendant à l'annulation d'une part, de la décision du 8 juin 2021 par laquelle le directeur de l'établissement national de la solde a rejeté le recours administratif préalable formé par M. C... contre le titre de perception du 23 mars 2021 relatif à la régularisation d'un trop-perçu de prime de qualification attribuée aux officiers issus de certaines écoles d'un montant de 14 862,02 euros, et d'autre part, du titre de perception du 23 mars 2021.

Sur les conclusions subsidiaires :

21. Il résulte de l'instruction que la perception prolongée par M. C... de la prime de qualification QUAL 68 entre le 1er août 2013 et le 31 mai 2017, n'a été rendue possible que par la carence fautive des services de l'administration. Dans les circonstances de l'affaire, compte tenu de la durée pendant laquelle se sont étendus les versements irréguliers ainsi que de la difficulté pour l'intéressé de prendre conscience du versement indu de cette prime, il sera fait une juste appréciation du préjudice subi par le requérant en ramenant le montant du reversement à la moitié de la somme réclamée à M. C..., soit 7 431 euros, tous intérêts compris, sans qu'il y ait lieu de faire droit aux conclusions à fin d'injonction et d'astreinte.

Sur les frais liés au litige :

22. Dans les circonstances de l'espèce il y a lieu de mettre à la charge de l'Etat, le versement à M. C... de la somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article L 761-1 du code de justice administrative.

DECIDE :

Article 1er : Le jugement n° 2100588 rendu par le tribunal administratif de la Guadeloupe le 3 novembre 2022 est annulé.

Article 2 : La somme que M. C... doit à l'Etat, fixée par le titre de perception émis le 23 mars 2021, est ramenée de 14 862,02 euros à 7 431 euros.

Article 3 : L'Etat versera à M. C... la somme de 1 500 euros au titre de l'article L 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... C... et au ministre des armées et des anciens combattants.

Délibéré après l'audience du 14 novembre 2024 à laquelle siégeaient :

Mme Evelyne Balzamo, présidente,

Mme Béatrice Molina-Andréo, présidente-assesseure,

Mme Kolia Gallier Kerjean, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 28 novembre 2024.

La présidente-assesseure,

Béatrice Molina-AndréoLa présidente- rapporteure,

Evelyne Balzamo

La greffière,

Sylvie Hayet

La République mande et ordonne au ministre des armées et des anciens combattants en ce qui le concerne et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

N° 22BX03155 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de BORDEAUX
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 22BX03155
Date de la décision : 28/11/2024
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : Mme BALZAMO
Rapporteur ?: Mme Evelyne BALZAMO
Rapporteur public ?: M. KAUFFMANN
Avocat(s) : SCP AUBERSON DESINGLY

Origine de la décision
Date de l'import : 09/02/2025
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-11-28;22bx03155 ?
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