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10/12/2024 | FRANCE | N°24BX01171

France | France, Cour administrative d'appel de BORDEAUX, 5ème chambre, 10 décembre 2024, 24BX01171


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



Mme A... B... a demandé au tribunal administratif de Bordeaux d'annuler l'arrêté du 12 février 2024 par lequel le préfet de la Gironde l'a obligée à quitter le territoire français, a fixé le pays de renvoi et lui a interdit de retourner sur le territoire français pendant une durée d'un an.



Par un jugement n° 2401481 du 16 avril 2024, la magistrate désignée du tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande.



Procédure de

vant la cour :



Par une requête enregistrée le 15 mai 2024, Mme B..., représentée par Me Rivière, demande...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme A... B... a demandé au tribunal administratif de Bordeaux d'annuler l'arrêté du 12 février 2024 par lequel le préfet de la Gironde l'a obligée à quitter le territoire français, a fixé le pays de renvoi et lui a interdit de retourner sur le territoire français pendant une durée d'un an.

Par un jugement n° 2401481 du 16 avril 2024, la magistrate désignée du tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 15 mai 2024, Mme B..., représentée par Me Rivière, demande à la cour :

1°) de lui accorder le bénéfice de l'aide juridictionnelle provisoire ;

2°) d'infirmer le jugement du 16 avril 2024 du tribunal administratif de Bordeaux ;

3°) d'annuler l'arrêté du 12 février 2024 par lequel le préfet de la Gironde l'a obligée à quitter le territoire français, a fixé le pays de renvoi et lui a interdit de retourner sur le territoire français pendant une durée d'un an ;

4°) d'enjoindre au préfet de la Gironde de lui délivrer un titre de séjour dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir sous astreinte de 50 euros par jour de retard ;

5°) à titre subsidiaire, d'enjoindre au préfet de la Gironde de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour dans un délai quinze jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir et de réexaminer sa situation dans le délai d'un mois, sous astreinte de 50 euros par jour de retard ;

6°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros à verser à son avocat en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 ou directement à elle-même si l'aide juridictionnelle ne lui était pas accordée.

Elle soutient que :

- l'arrêté n'est pas suffisamment motivé ;

- le préfet n'a pas procédé à un examen sérieux de sa situation dès lors qu'il n'a pas pris en compte et ne se prononce pas sur sa situation médicale en se bornant à mentionner un avis de l'OFII ;

- l'arrêté est fondé sur des dispositions pourtant abrogées ;

- il méconnaît le 9° de l'article L. 611-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, certes abrogé mais visé dans l'arrêté attaqué ;

- il méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- il méconnaît les articles L. 613-2 et L. 612-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- il est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation.

Par un mémoire en défense enregistré le 12 septembre 2024, le préfet de la Gironde conclut au rejet de la requête.

Il soutient qu'il confirme les termes de son mémoire transmis en première instance.

Par une décision du 27 juin 2024, le bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal judiciaire de Bordeaux a admis Mme B... au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

La présidente de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de Mme Clémentine Voillemot a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. Mme B..., de nationalité arménienne, née le 7 septembre 1983, déclare être entrée en France le 17 février 2022. Sa demande d'asile a été rejetée par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides en procédure accélérée le 6 novembre 2023. Par un arrêté du 12 février 2024, le préfet de la Gironde a refusé de l'admettre au séjour au titre de l'asile, l'a obligée à quitter le territoire français, a fixé le pays de renvoi et lui a interdit de retourner sur le territoire français pendant une durée d'un an. Mme B... relève appel du jugement du 16 avril 2024 par lequel le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande d'annulation des décisions portant obligation de quitter le territoire français, fixant le pays de destination et lui faisant interdiction de retour pour une durée d'un an.

Sur l'admission à l'aide juridictionnelle à titre provisoire :

2. Par une décision du 27 juin 2024, le bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal judiciaire de Bordeaux a accordé l'aide juridictionnelle totale à Mme B.... Dans ces conditions, ses conclusions tendant au bénéfice de l'aide juridictionnelle provisoire sont devenues sans objet. Par suite, il n'y a pas lieu de statuer sur ces conclusions.

Sur les conclusions en annulation :

3. Il ressort des pièces du dossier et notamment des termes mêmes de l'arrêté du 12 février 2024 que Mme B... a sollicité le 20 juin 2022 la délivrance d'un titre de séjour sur le fondement de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et que cette demande aurait été " refusée " par l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII) le 11 octobre 2022. En revanche, l'arrêté attaqué ne mentionne ni l'état de santé de Mme B... ni les éléments figurant dans sa demande de titre de séjour en raison de sa situation médicale et dans l'avis qu'aurait rendu l'OFII, d'ailleurs non communiqué. Ainsi, il ne ressort ni des termes de l'arrêté attaqué ni des autres pièces du dossier que le préfet de la Gironde aurait procédé à un examen de la situation de Mme B... en prenant en compte les éléments relatifs à son état de santé. Dans ses écritures, le préfet de la Gironde fait valoir que Mme B... n'a jamais évoqué sa situation médicale depuis son entrée en France alors pourtant qu'il mentionne la demande de titre de séjour du 20 juin 2022 en raison de son état de santé. Dans ces circonstances, Mme B... est fondée à soutenir que le préfet de la Gironde a entaché la décision d'éloignement d'un défaut d'examen sérieux de sa situation. Cette décision doit, par suite, être annulée, ainsi que, par voie de conséquence, la décision fixant le pays de destination et celle portant interdiction de retour en France.

4. Il résulte de ce qui précède que Mme B... est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, la magistrate désignée du tribunal administratif de Bordeaux a rejeté les conclusions de sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 12 février 2024 du préfet de la Gironde.

Sur les conclusions à fin d'injonction :

5. Aux termes de l'article L. 911-1 du code de justice administrative : " Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public prenne une mesure d'exécution dans un sens déterminé, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision, cette mesure assortie, le cas échéant, d'un délai d'exécution (...) ". L'article L. 911-2 du même code dispose que : " Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public prenne à nouveau une décision après une nouvelle instruction, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision juridictionnelle, que cette nouvelle décision doit intervenir dans un délai déterminé (...) ". En application de l'article L. 614-16 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Si la décision portant obligation de quitter le territoire français est annulée, il est immédiatement mis fin aux mesures de surveillance prévues aux articles L. 721-6, L. 721-7, L. 731-1, L. 731-3, L. 741-1 et L. 743-13, et l'étranger est muni d'une autorisation provisoire de séjour jusqu'à ce que l'autorité administrative ait à nouveau statué sur son cas ".

6. L'annulation de la décision d'obligation de quitter le territoire français, si elle rend impossible l'exécution de cette mesure d'éloignement, n'implique pas par elle-même la délivrance d'un titre de séjour à l'intéressée. Par suite, les conclusions de Mme B... tendant à ce qu'il soit enjoint à l'administration de lui délivrer un titre de séjour doivent être rejetées. L'annulation de la décision d'obligation de quitter le territoire français implique en revanche, en application des articles précités L. 911-2 du code de justice administrative et L. 614-16 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, que l'administration préfectorale procède à un réexamen de la situation de l'intéressée, qu'elle prenne une nouvelle décision sur sa situation dans un délai qu'il y a lieu de fixer à trois mois et que, dans l'attente de cette décision, elle délivre sans délai une autorisation provisoire de séjour à l'intéressée. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu d'assortir cette injonction d'une astreinte.

Sur les frais d'instance :

7. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat et au profit de Me Rivière une somme de 1 200 euros en application des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991, ce versement entrainant renonciation de sa part à percevoir la part contributive de l'Etat à l'aide juridictionnelle.

DECIDE :

Article 1er : Il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions de Mme B... tendant au bénéfice de l'aide juridictionnelle provisoire.

Article 2 : Le jugement n° 2401481 du tribunal administratif de Bordeaux du 16 avril 2024 est annulé.

Article 3 : Les décisions du préfet de la Gironde du 12 février 2024 portant obligation de quitter le territoire français, fixant le pays de destination et lui faisant interdiction de retour pour une durée d'un an sont annulées.

Article 4 : Il est enjoint au préfet de la Gironde de réexaminer la situation de Mme B..., de prendre une nouvelle décision dans un délai de trois mois à compter de la notification du présent arrêt et, dans l'attente de cette nouvelle décision, de délivrer à Mme B... une autorisation provisoire de séjour.

Article 5 : L'Etat versera à Me Rivière, avocate de Mme B..., une somme de 1 200 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et du deuxième alinéa de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, ce versement entrainant renonciation à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat.

Article 6 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.

Article 7 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A... B..., au ministre de l'intérieur et au préfet de la Gironde.

Délibéré après l'audience du 19 novembre 2024 à laquelle siégeaient :

Mme Elisabeth Jayat, présidente de chambre,

M. Nicolas Normand, président assesseur,

Mme Clémentine Voillemot, première conseillère,

Rendu public par mise à disposition au greffe le 10 décembre 2024.

La rapporteure,

Clémentine Voillemot

La présidente,

Elisabeth Jayat

La greffière,

Virginie Santana

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

2

N°24BX01171


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de BORDEAUX
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 24BX01171
Date de la décision : 10/12/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme JAYAT
Rapporteur ?: Mme Clémentine VOILLEMOT
Rapporteur public ?: M. ELLIE
Avocat(s) : RIVIERE

Origine de la décision
Date de l'import : 15/12/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-12-10;24bx01171 ?
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