Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme A... B... a demandé au tribunal administratif de Bordeaux d'annuler l'arrêté du 12 février 2024 par lequel le préfet de la Gironde l'a obligée à quitter le territoire français, a fixé le pays de renvoi et lui a interdit de retourner sur le territoire français pendant une durée d'un an.
Par un jugement n° 2401480 du 16 avril 2024, la magistrate désignée du tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 15 mai 2024, Mme C..., représentée par Me Rivière, demande à la cour :
1°) de lui accorder le bénéfice de l'aide juridictionnelle provisoire ;
2°) d'infirmer le jugement du 16 avril 2024 du tribunal administratif de Bordeaux ;
3°) d'annuler l'arrêté du 12 février 2024 par lequel le préfet de la Gironde l'a obligée à quitter le territoire français, a fixé le pays de renvoi et lui a interdit de retourner sur le territoire français pendant une durée d'un an ;
4°) d'enjoindre au préfet de la Gironde de lui délivrer un titre de séjour dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir sous astreinte de 50 euros par jour de retard ;
5°) à titre subsidiaire, d'enjoindre au préfet de la Gironde de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour dans un délai quinze jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir et de réexaminer sa situation dans le délai d'un mois, sous astreinte de 50 euros par jour de retard ;
6°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros à verser à son avocat en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 ou directement à elle-même si l'aide juridictionnelle ne lui était pas accordée.
Elle soutient que :
- les décisions attaquées méconnaissent l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- elles sont entachées d'une erreur manifeste d'appréciation ;
- la décision d'interdiction de retour sur le territoire français méconnaît les articles L. 613-2 et L. 612-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
Par un mémoire en défense enregistré le 12 septembre 2024, le préfet de la Gironde conclut au rejet de la requête.
Il soutient qu'il confirme les termes de son mémoire transmis en première instance.
Par une décision du 27 juin 2024, le bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal judiciaire de Bordeaux a admis Mme B... au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
La présidente de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de Mme Clémentine Voillemot a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. Mme B..., de nationalité arménienne, née le 5 mai 1962, déclare être entrée en France le 17 février 2022. Sa demande d'asile a été rejetée par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides en procédure accélérée le 6 novembre 2023. Par un arrêté du 12 février 2024 le préfet de la Gironde a refusé de l'admettre au titre de l'asile, l'a obligée à quitter le territoire français, a fixé le pays de renvoi et lui a interdit de retourner sur le territoire français pendant une durée d'un an. Mme B... relève appel du jugement du 16 avril 2024 par lequel le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande d'annulation des décisions portant obligation de quitter le territoire français, fixant le pays de destination et portant interdiction de retour sur le territoire français pour une durée d'un an.
Sur l'admission à l'aide juridictionnelle à titre provisoire :
2. Par une décision du 27 juin 2024, le bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal judiciaire de Bordeaux a accordé l'aide juridictionnelle totale à Mme B.... Dans ces conditions, ses conclusions tendant au bénéfice de l'aide juridictionnelle provisoire sont devenues sans objet. Par suite, il n'y a pas lieu de statuer sur ces conclusions.
Sur les conclusions en annulation :
3. En premier lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2° Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui. ".
4. Il ressort des pièces du dossier que Mme B... est arrivée en France récemment en 2022 et elle ne justifie pas d'une intégration professionnelle et de liens personnels en France par la seule production de documents justifiant qu'elle est bénévole à la Croix-Rouge et qu'elle participe à des ateliers de français. Si elle établit que sa fille majeure, avec qui elle est entrée en France, a eu des problèmes de santé postérieurement à l'arrêté attaqué, il ne ressort, en tout état de cause, pas des pièces du dossier et, notamment pas des éléments médicaux produits, que sa présence serait nécessaire auprès de sa fille, âgée de quarante ans à la date de l'arrêté attaqué. Enfin, si Mme B... soutient qu'en raison de l'homosexualité de sa fille, elle sera isolée en cas de retour dans son pays d'origine, elle ne produit aucun élément susceptible d'étayer cette allégation alors qu'elle a vécu dans ce pays jusqu'à plus de soixante ans. Ainsi, les décisions attaquées du 12 février 2024 n'ont pas porté une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale ni méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
5. En deuxième lieu, compte tenu des circonstances exposées au point précédent, il ne ressort pas des pièces du dossier que le préfet de la Gironde aurait entaché ses décisions d'une erreur manifeste d'appréciation quant à leurs conséquences sur la situation personnelle de M. B.... Par suite, ce moyen doit être écarté.
6. Aux termes de l'article L. 613-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Les décisions relatives au refus et à la fin du délai de départ volontaire prévues aux articles L. 612-2 et L. 612-5 et les décisions d'interdiction de retour et de prolongation d'interdiction de retour prévues aux articles L. 612-6, L. 612-7, L. 612-8 et L. 612-11 sont distinctes de la décision portant obligation de quitter le territoire français. Elles sont motivées ". Aux termes de l'article L. 612-10 de ce code : " Pour fixer la durée des interdictions de retour mentionnées aux articles L. 612-6 et L. 612-7, l'autorité administrative tient compte de la durée de présence de l'étranger sur le territoire français, de la nature et de l'ancienneté de ses liens avec la France, de la circonstance qu'il a déjà fait l'objet ou non d'une mesure d'éloignement et de la menace pour l'ordre public que représente sa présence sur le territoire français. / Il en est de même pour l'édiction et la durée de l'interdiction de retour mentionnée à l'article L. 612-8 ainsi que pour la prolongation de l'interdiction de retour prévue à l'article L. 612-11 ".
7. Il ressort des termes mêmes de ces dispositions que l'autorité compétente doit, pour décider de prononcer à l'encontre de l'étranger soumis à l'obligation de quitter le territoire français une interdiction de retour et en fixer la durée, tenir compte, dans le respect des principes constitutionnels, des principes généraux du droit et des règles résultant des engagements internationaux de la France, des quatre critères qu'elles énumèrent, sans pouvoir se limiter à ne prendre en compte que l'un ou plusieurs d'entre eux. La décision d'interdiction de retour doit comporter l'énoncé des considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement, de sorte que son destinataire puisse à sa seule lecture en connaître les motifs. Si cette motivation doit attester de la prise en compte par l'autorité compétente, au vu de la situation de l'intéressé, de l'ensemble des critères prévus par la loi, aucune règle n'impose que le principe et la durée de l'interdiction de retour fassent l'objet de motivations distinctes, ni que soit indiquée l'importance accordée à chaque critère.
8. Il incombe ainsi à l'autorité compétente qui prend une décision d'interdiction de retour d'indiquer dans quel cas susceptible de justifier une telle mesure se trouve l'étranger. Elle doit par ailleurs faire état des éléments de la situation de l'intéressé au vu desquels elle a arrêté, dans son principe et dans sa durée, sa décision, eu égard notamment à la durée de la présence de l'étranger sur le territoire français, à la nature et à l'ancienneté de ses liens avec la France et, le cas échéant, aux précédentes mesures d'éloignement dont il a fait l'objet. Elle doit aussi, si elle estime que figure au nombre des motifs qui justifie sa décision une menace pour l'ordre public, indiquer les raisons pour lesquelles la présence de l'intéressé sur le territoire français doit, selon elle, être regardée comme une telle menace. En revanche, si, après prise en compte de ce critère, elle ne retient pas cette circonstance au nombre des motifs de sa décision, elle n'est pas tenue, à peine d'irrégularité, de le préciser expressément.
9. Il ressort des termes de la décision contestée que le préfet de la Gironde a pris en compte la faible durée de présence sur le territoire de Mme B... et le fait que cette durée était en lien avec celle des délais d'instruction de sa demande d'asile. En outre, la décision indique qu'elle ne justifie pas de liens avec la France et que la présence de sa fille majeure faisant également l'objet d'une obligation de quitter le territoire français ne lui confère pas un droit au séjour. Si le préfet n'invoque pas de menace pour l'ordre public et n'a pas indiqué que l'intéressée a déjà fait l'objet d'une mesure d'éloignement, il a ainsi décidé de ne pas retenir ces circonstances dans le cadre de l'analyse de la situation de la requérante et n'avait pas à le préciser expressément. La motivation retenue atteste de la prise en compte de l'ensemble des critères prévus par les dispositions citées au point 6.
10. En outre, il ressort des pièces du dossier que si Mme B... ne constitue pas une menace à l'ordre public et ne s'est pas soustraite à une précédente mesure d'éloignement, toutefois, ainsi qu'il a été dit au point 4, sa présence en France n'est justifiée que par les délais d'instruction de sa demande d'asile et elle ne justifie pas d'attache familiale en France à part sa fille majeure. Dans ces conditions, le préfet de la Gironde n'a pas commis d'erreur d'appréciation en prenant à l'encontre de l'intéressé une décision d'interdiction de retour sur le territoire français d'un an, la légalité de cette décision devant s'apprécier à la date à laquelle elle a été prise.
11. Il résulte de tout ce qui précède que Mme B... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 12 février 2024. Par voie de conséquence, ses conclusions en injonction et celles tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent qu'être rejetées.
DECIDE :
Article 1er : Il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions de Mme B... tendant au bénéfice de l'aide juridictionnelle provisoire.
Article 2 : Le surplus de la requête de Mme B... est rejeté.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A... B... et au ministre de l'intérieur.
Une copie en sera adressée au préfet de la Gironde.
Délibéré après l'audience du 19 novembre 2024 à laquelle siégeaient :
Mme Elisabeth Jayat, présidente,
M. Nicolas Normand, président assesseur,
Mme Clémentine Voillemot, première conseillère,
Rendu public par mise à disposition au greffe le 10 décembre 2024.
La rapporteure,
Clémentine Voillemot
La présidente,
Elisabeth Jayat
La greffière,
Virginie Santana
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
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N°24BX01174