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11/12/2024 | FRANCE | N°24BX01436

France | France, Cour administrative d'appel de BORDEAUX, 6ème chambre, 11 décembre 2024, 24BX01436


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



Par une première requête n° 2304886, M. C... F... D..., a demandé au tribunal administratif de Bordeaux d'annuler les arrêtés du 10 août 2023 par lesquels le préfet de la Gironde a prononcé son expulsion du territoire français et a fixé le pays de renvoi.

Par une seconde requête n° 2305556, M. C... F... D..., a demandé au tribunal administratif de Bordeaux d'annuler les arrêtés du 10 août 2023 par lesquels le préfet de la Gironde a prononcé son expulsio

n du territoire français et a fixé le pays de renvoi.

Par un jugement n° 2304886-2305556 du...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Par une première requête n° 2304886, M. C... F... D..., a demandé au tribunal administratif de Bordeaux d'annuler les arrêtés du 10 août 2023 par lesquels le préfet de la Gironde a prononcé son expulsion du territoire français et a fixé le pays de renvoi.

Par une seconde requête n° 2305556, M. C... F... D..., a demandé au tribunal administratif de Bordeaux d'annuler les arrêtés du 10 août 2023 par lesquels le préfet de la Gironde a prononcé son expulsion du territoire français et a fixé le pays de renvoi.

Par un jugement n° 2304886-2305556 du 27 mars 2024, le tribunal administratif de Bordeaux, après avoir joint les deux requêtes ayant le même objet, a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés le 10 juin 2024 et le 3 juillet 2024, M. D..., représenté par Me Lanne, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Bordeaux du 27 mars 2024 ;

2°) d'annuler les arrêtés du 10 août 2023 par lesquels le préfet de la Gironde a prononcé son expulsion du territoire français et a fixé le pays de renvoi ;

3°) d'enjoindre au préfet de la Gironde de réexaminer sa situation dans le délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir et de lui délivrer, dans cette attente, un récépissé l'autorisant à travailler ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros en application des dispositions combinées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Il soutient que :

- l'arrêté d'expulsion est entaché d'une erreur de droit dès lors qu'il ne représente pas une menace à l'ordre public et que son état de santé s'oppose à son expulsion ;

- il porte atteinte au droit à la réparation intégrale de son préjudice dès lors qu'il ferait obstacle à ce qu'il soit examiné par un expert dans une procédure judiciaire en cours ;

- il méconnaît le 5° de l'article L.631-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- il méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et est entaché d'erreur manifeste d'appréciation.

Par un mémoire en défense enregistré le 30 septembre 2024, le préfet de la Gironde conclut au rejet de la requête.

Il s'en remet à son mémoire de première instance.

Par une décision n° 2024/001009 du 25 avril 2024, le bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal judiciaire de Bordeaux a admis M. D... au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale.

Par une ordonnance du 11 septembre 2024, la clôture de l'instruction a été fixée le 21 octobre 2024 à 12h00.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Caroline Gaillard,

- et les conclusions de M. Anthony Duplan, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. M. C... F... D..., de nationalité algérienne, né le 20 février 1992, est entré irrégulièrement sur le territoire français en septembre 2018. Par trois arrêtés préfectoraux des 15 avril 2019, 5 septembre 2019 et 7 octobre 2020, il lui a été fait obligation de quitter le territoire français. M. D... a déposé une demande de titre de séjour en qualité d'étranger malade. Le 17 mai 2023, la présidente de la commission départementale d'expulsion de la Gironde a émis un avis favorable à l'expulsion de M. D.... Par un arrêté du 10 août 2023, le préfet de la Gironde a prononcé l'expulsion de M. D... et a fixé l'Algérie comme pays de renvoi. Par deux requêtes distinctes, M. E... a demandé au tribunal administratif de Bordeaux l'annulation de l'arrêté du 10 août 2023. Il relève appel du jugement par lequel le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande.

2. En premier lieu, aux termes de l'article L. 631-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'autorité administrative peut décider d'expulser un étranger lorsque sa présence en France constitue une menace grave pour l'ordre public, sous réserve des conditions propres aux étrangers mentionnés aux articles L. 631-2 et L. 631-3 ". Selon l'article L. 631-3 du même code, dans sa version alors en vigueur : " Ne peut faire l'objet d'une décision d'expulsion qu'en cas de comportements de nature à porter atteinte aux intérêts fondamentaux de l'État, ou liés à des activités à caractère terroriste, ou constituant des actes de provocation explicite et délibérée à la discrimination, à la haine ou à la violence contre une personne déterminée ou un groupe de personnes : (...) 5° L'étranger résidant habituellement en France si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé du pays de renvoi, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié (...) ".

3. L'autorité compétente pour prononcer une telle mesure de police administrative, qui a pour objet de prévenir les atteintes à l'ordre public qui pourraient résulter du maintien d'un étranger sur le territoire français, doit caractériser l'existence d'une menace grave, au vu du comportement de l'intéressé et des risques objectifs que celui-ci fait peser sur l'ordre public. Les infractions pénales commises par un étranger ne sauraient, à elles seules, justifier légalement une mesure d'expulsion et ne dispensent pas l'autorité compétente d'examiner, d'après l'ensemble des circonstances de l'affaire, si la présence de l'intéressé sur le territoire français est de nature à constituer une menace grave pour l'ordre public. Lorsque l'administration se fonde sur l'existence d'une telle menace pour prononcer l'expulsion d'un étranger, il appartient au juge de l'excès de pouvoir, saisi d'un moyen en ce sens, de rechercher si les faits qu'elle invoque, à cet égard, sont de nature à justifier légalement sa décision.

4. D'une part, il ressort des pièces du dossier et plus précisément de la fiche pénale de l'intéressé que M. D... a été condamné, premièrement, le 5 juin 2020, à une peine de 4 mois d'emprisonnement assortis d'un sursis pour des faits d'extorsion avec violence et recel de biens provenant d'un vol, deuxièmement, le 4 juin 2021, à une peine de 2 mois d'emprisonnement assortis d'un sursis pour des faits d'usage illicite de stupéfiants, cession, offre et acquisition non autorisée de stupéfiants, troisièmement, le 15 juillet 2021, à une peine de 8 mois d'emprisonnement assortis d'un sursis pour des faits de vol aggravé et refus de se soumettre au prélèvement biologique destiné à l'identification de son empreinte génétique, et à une peine de 2 mois d'emprisonnement assortis d'un sursis pour refus de se soumettre aux opérations de relevés signalétiques, quatrièmement, le 14 octobre 2022, à une peine de 3 mois d'emprisonnement pour des faits de violence commis en réunion sans incapacité. Enfin, par un jugement du 23 novembre 2022 confirmé en appel le 28 mars 2023, M. D... a été condamné à une peine de deux ans d'emprisonnement pour des faits de violence avec usage d'une arme suivie d'incapacité n'excédant pas huit jours commis en récidive et des faits d'extorsion avec violence. Dans ces conditions, et eu égard à la gravité et à la réitération des infractions, le préfet de la Gironde a pu légalement considérer qu'il représentait une menace grave pour l'ordre public au sens de l'article L. 631-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

5. D'autre part, M. D... fait valoir qu'eu égard à son état de santé, il doit bénéficier de la protection prévue à l'article L. 631-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Il ressort des pièces du dossier qu'il a subi un traumatisme crânien grave à la suite d'un accident de la circulation et qu'il souffre de douleurs en lien avec des troubles dystoniques du pied gauche séquellaire à ce traumatisme crânien. A cet égard, le collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, saisi dans le cadre d'une demande de titre de séjour " étranger malade ", a indiqué, par un avis du 15 mars 2023, que si l'état de santé de l'intéressé nécessitait une prise en charge médicale dont le défaut pouvait entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité, il pouvait bénéficier effectivement d'un traitement approprié dans son pays d'origine, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé de ce pays. Si le requérant fait valoir en appel que le traitement, à savoir des injections de toxine botulique, dont il a besoin n'est pas disponible en Algérie et produit une attestation d'un pharmacien algérien en ce sens du 16 août 2023 ainsi que la nomenclature nationale des produits pharmaceutiques à usage humain de février 2023, il ne ressort toutefois pas des éléments médicaux également produits, à savoir le certificat établi le 30 juin 2022 par le docteur A... indiquant que l'injection de toxine botulique dont il a bénéficié a eu un effet modéré et limité dans le temps, le certificat du docteur B..., médecin généraliste, du 25 octobre 2023 et une attestation établie par ce même médecin le 24 mars 2024, qui se bornent à évoquer la nécessité d'une prise en charge adaptée, que ces injections de toxine botulique seraient indispensables. En revanche, il ressort des pièces du dossier que l'intéressé est traité au propanolol et que ce médicament est disponible sur le territoire algérien. Si le requérant soutient également que le coût du traitement et les difficultés du système de santé en Algérie ne lui permettront pas d'y accéder aux soins, il n'établit pas cette impossibilité en se bornant à indiquer sans autre précision qu'il ne peut travailler au vu de son état de santé. Il ne ressort, en outre, pas des pièces du dossier que le régime algérien de protection sociale ne prévoirait pas la prise en charge des soins et des médicaments requis par l'état de santé du requérant, ni que celui-ci n'est pas en mesure d'en bénéficier. Dans ces conditions, le moyen tiré de la méconnaissance de l'article L.631-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doit être écarté.

6. En deuxième lieu, M. D... fait valoir qu'il est en couple avec une ressortissante française depuis avril 2022 et que de cette union est né en enfant en janvier 2024. Il ressort toutefois des pièces du dossier qu'il a été incarcéré en novembre 2022 et ne peut dès lors se prévaloir que d'une vie commune de quelques mois avec sa compagne. Enfin, s'il évoque la naissance de l'enfant du couple en janvier 2024, celle-ci est postérieure à l'arrêté attaqué. En outre, il n'est pas dépourvu de toute attache dans son pays d'origine, où vivent sa mère, son frère et ses deux sœurs. Par suite, les moyens tirés de la méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ainsi que celui tiré de l'erreur manifeste d'appréciation des conséquences de la décision sur sa situation personnelle doivent être écartés.

7. En troisième lieu, à supposer même que le principe de la réparation intégrale en matière de responsabilité puisse être invoqué dans un contentieux de l'annulation, il ressort des pièces du dossier que le requérant a fait l'objet d'une première expertise ordonnée par le tribunal correctionnel statuant sur les intérêts civils. Si l'expert, qui a pourtant rendu son rapport définitif, a estimé en juin 2022 qu'il convenait de revoir M. D... un an plus tard dès lors que son état n'était pas consolidé, l'intéressé, qui a été contacté par l'expert dans ce cadre, ne démontre pas avoir fait les diligences nécessaires pour se rendre à une telle rencontre. En outre, et en tout état de cause, il ne ressort pas des pièces du dossier que l'autorité préfectorale envisagerait d'exécuter la mesure litigieuse avant la sortie de prison de l'intéressé, prévue en février 2025, ce qui lui permet de se soumettre à l'éventuelle mesure d'expertise complémentaire. Par suite, ce moyen doit être écarté.

8. Il résulte de tout ce qui précède que M. D... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande d'annulation. Par suite, sa requête doit être rejetée y compris ses conclusions à fin d'injonction et celles présentées par son conseil au titre des dispositions de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. D... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... F... D... et au ministre de l'Intérieur. Copie en sera adressée au préfet de la Gironde.

Délibéré après l'audience du 21 novembre 2024 à laquelle siégeaient :

Mme Karine Butéri, présidente,

M. Stéphane Guéguein, président-assesseur,

Mme Caroline Gaillard, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 11 décembre 2024.

La rapporteure,

Caroline Gaillard

La présidente,

Karine Butéri

Le greffier,

Christophe Pelletier

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 24BX01436


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de BORDEAUX
Formation : 6ème chambre
Numéro d'arrêt : 24BX01436
Date de la décision : 11/12/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme BUTERI
Rapporteur ?: Mme Caroline GAILLARD
Rapporteur public ?: M. DUPLAN
Avocat(s) : LANNE

Origine de la décision
Date de l'import : 22/12/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-12-11;24bx01436 ?
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