Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme A... a demandé au tribunal administratif de Bordeaux d'annuler les arrêtés du 21 août et du 13 novembre 2020 par lesquels le maire de Bazas a refusé de lui délivrer un permis de construire modificatif ensemble la décision implicite de rejet de son recours gracieux.
Par un jugement n°2100108 du 28 septembre 2022, le tribunal administratif de Bordeaux a annulé ces décisions du maire de Bazas et a enjoint au maire de délivrer à Mme A... le permis de construire sollicité dans un délai de deux mois à compter de la notification du jugement.
Procédure devant la cour :
Par une requête et des mémoires enregistrés le 24 novembre 2022, 4 mai 2023 et
6 novembre 2024, la commune de Bazas, représentée par la selarl HMS Atlantique Avocats, demande à la cour :
- de réformer le jugement du tribunal administratif de Bordeaux du 28 septembre 2022 ;
- de rejeter la demande d'annulation des arrêtés du 21 août et du 13 novembre 2020 de Mme A... ;
- de mettre à la charge de Mme A... le versement à son profit de la somme de
2 000 euros au titre de l'article L 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- la demande de Mme A... devant le tribunal était irrecevable ;
- le moyen tiré de l'incompétence de l'auteur de l'arrêté du 21 août 2020, sur lequel le tribunal a cru pouvoir ne pas se prononcer bien qu'il s'agisse de contentieux de l'urbanisme, manque en fait ;
- contrairement à ce qu'a estimé le tribunal administratif, l'article UD 11 du règlement du POS qui impose la réalisation des couvertures des habitations en tuiles creuse de Gironde dites canal ou tuiles canal romanes, comporte des prescriptions relatives à la teinte de couvertures compte tenu du type de tuile qu'il mentionne, qui sont seulement de teinte ocre, et prohibe donc d'autres teintes telles le gris anthracite qui ne correspond pas aux caractéristiques des tuiles imposées par le POS ;
-c'est à tort que le tribunal administratif a considéré que le maire avait commis une erreur d'appréciation en se fondant sur l'article R 111-27 du code de l'urbanisme et estimé que le quartier ne présentait pas de caractère homogène en ce qui concerne la teinte des toitures, moins de 2,5 % des bâtiments ne comportant pas de toiture conforme à l'article UD11 du règlement ; les constructions présentant des toitures gris anthracite dont se prévaut la requérante sont situées dans la zone d'activités et non dans le quartier résidentiel où se situe le terrain d'assiette du projet.
Par un mémoire en défense enregistré le 14 octobre 2024, Mme A..., représentée par Me Roncin, demande à la cour de rejeter la requête et de mettre à la charge de la commune de Bazas une somme de 2 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article L.761-1 du code de justice administrative.
Elle fait valoir que les moyens de la requête ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- le code de l'urbanisme ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendu au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Evelyne Balzamo,
- les conclusions de M. Michaël Kauffmann rapporteur public
- et les observations de Me Cordier Amour représentant la commune de Bazas et de Me Valdes représentant Mme A....
Considérant ce qui suit :
1. Mme A... a obtenu le 24 janvier 2019 un permis de construire une habitation sur des parcelles, cadastrées F 2210 et 2213, situées rue Edouard Ferret à Bazas. Par arrêté du
21 août 2020, le maire de Bazas a refusé de lui délivrer un permis de construire modificatif ayant pour objet de modifier la toiture initialement prévue en " tuiles romanes en terre cuite vieillies et ton mélangé " en une toiture en " tuiles romanes en terre cuite ton ardoisé ". Le 21 octobre 2020, Mme A... a simultanément saisi le maire de Bazas d'un recours administratif contre ce refus d'autorisation modificative et déposé une nouvelle demande de permis de construire modificatif portant sur la toiture. Par arrêté du 13 novembre 2020, le maire, qui n'a pas répondu au recours administratif de Mme A..., a rejeté cette demande de permis de construire modificatif. Par jugement du 28 septembre 2022, le tribunal administratif de Bordeaux a annulé les arrêtés de refus de permis de construire modificatifs du maire du Bazas des 21 aout et 13 novembre 2020 ainsi que le rejet implicite du recours administratif présenté par Mme A... et a enjoint au maire de délivrer l'autorisation modificative sollicitée. Par la présente requête, la commune de Bazas relève appel de ce jugement.
Sur la régularité du jugement :
2. Il résulte des termes du jugement attaqué que le tribunal administratif a omis de répondre au moyen qu'il n'a d'ailleurs pas visé, soulevé par Mme A... dans sa demande introductive d'instance, tiré de l'incompétence du signataire de l'arrêté attaqué du 21 août 2020. Alors même que la commune de Bazas avait la qualité de défenderesse, elle peut utilement se prévaloir de cette irrégularité à l'encontre du jugement qui a fait droit à d'autres moyens de la demanderesse, eu égard aux dispositions de l'article L 600-4-1 du code de l'urbanisme imposant au juge de se prononcer sur l'ensemble des moyens susceptibles de fonder une annulation. Par suite, la commune est fondée à demander l'annulation du jugement attaqué qui est entaché d'irrégularité. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur la demande et les conclusions d'appel présentées par la commune de Bazas et Mme A....
Sur les conclusions à fin d'annulation :
En ce qui concerne la recevabilité des conclusions d'annulation :
3. D'une part, aux termes de l'article L. 410-1 du code des relations entre le public et l'administration : " Pour l'application du présent titre, on entend par : / 1° Recours administratif : la réclamation adressée à l'administration en vue de régler un différend né d'une décision administrative ; / 2° Recours gracieux : le recours administratif adressé à l'administration qui a pris la décision contestée ; (...) ". Aux termes de l'article L. 231-1 du même code : " Le silence gardé pendant deux mois par l'administration sur une demande vaut décision d'acceptation. ". D'autre part, aux termes de l'article R. 421-1 du code de justice administrative : " La juridiction ne peut être saisie que par voie de recours formé contre une décision, et ce, dans les deux mois à partir de la notification ou de la publication de la décision attaquée (...) ". Aux termes de l'article L. 411-2 du code des relations entre le public et l'administration : " Toute décision administrative peut faire l'objet, dans le délai imparti pour l'introduction d'un recours contentieux, d'un recours gracieux ou hiérarchique qui interrompt le cours de ce délai. (...) ".
4. Il ressort des pièces du dossier de première instance que l'arrêté de refus de permis de construire modificatif du 21 août 2020 a été notifié à Mme A... le 10 septembre 2020 ;
celle-ci a alors adressé le 21 octobre 2020 au maire de Bazas, dans le délai de deux mois à compter de la notification de ce refus, un recours administratif, intitulé " recours hiérarchique " contestant cette décision de refus et a présenté également une nouvelle demande de permis de construire modificatif visant de nouveau à obtenir l'autorisation de modifier la teinte de la toiture. Le maire de Bazas a rejeté cette demande de permis de construire modificatif par arrêté du
13 novembre 2020, et n'a pas répondu au recours administratif présenté par Mme A.... Celle-ci a alors saisi le 12 janvier 2021, le tribunal administratif d'une demande d'annulation des deux arrêtés et du rejet tacite de son recours administratif.
5. Si la commune de Bazas soutient que la demande présentée par Mme A... devant le tribunal administratif et enregistrée le 12 janvier 2021 était tardive, il ressort toutefois des pièces du dossier que contrairement à ce qu'elle soutient, le " recours hiérarchique " présenté par la pétitionnaire le 21 octobre 2020 à l'encontre du refus initial d'autorisation modificative, qui contestait la teneur de cette décision et tendait à faire revenir le maire sur sa décision de refus présentait le caractère d'un recours administratif et a donc interrompu le délai de recours contentieux à l'encontre de cette décision de refus, quand bien même ce recours était accompagné d'une nouvelle demande de permis de construire modificatif identique. Mme A... a donc pu régulièrement contester dans sa demande introductive d'instance, l'arrêté du 21 août 2020 à l'encontre duquel le délai de recours contentieux avait été prolongé. Enfin, la commune n'est pas fondée à soutenir que l'arrêté de refus du permis de construire modificatif en date du 13 novembre 2020, qui doit être regardé comme rejetant expressément le recours gracieux, était purement confirmatif de l'arrêté du 21 août 2020 dès lors que le délai de recours n'ayant pas expiré à l'encontre de ce dernier, celui-ci n'était pas devenu définitif.
6. Il résulte de ce qui précède que les fins de non-recevoir opposées par la commune de Bazas doivent être écartées.
En ce qui concerne la légalité des décisions attaquées :
7. En premier lieu, aux termes de l'article UD 11 du règlement du plan d'occupation des sols (POS) de la commune de Bazas alors en vigueur, relatif à l'aspect extérieur des constructions : " L'aspect des constructions sera basé sur la typologie du bâtiment selon qu'il est ancien ou contemporain. En UD et UDb : Les constructions chercheront à s'intégrer à l'environnement existant. Les constructions seront couvertes en tuiles creuses de Gironde, dites canal, ou tuiles canal romanes. Les couleurs vives sont interdites. (...) ".
8. Pour s'opposer aux demandes de permis de construire modificatif de Mme A... tendant à modifier la toiture de son habitation et à remplacer les tuiles romanes de teinte " terre cuite vieillie et ton mélangé " par des tuiles romanes de terre cuite " ton ardoisé ", le maire de Bazas s'est fondé sur les dispositions précitées de l'article UD 11 et a estimé que les termes " tuiles creuses de Gironde " faisaient " référence aux tuiles traditionnellement utilisées dans le secteur et dans la région, à savoir en terre cuite, et donc de teinte ocre ou rouge ". Toutefois, l'article précité du règlement du POS ne comporte aucune prescription relative à la teinte des tuiles imposées pour la réalisation des couvertures, hormis celle qui interdit les couleurs vives. Si les tuiles dites canal ou tuiles canal romanes sont traditionnellement de teinte ocre, rouge ou de ton mélangé, contrairement à ce que soutient la commune, même en terre cuite, elles sont également commercialisées dans d'autres teintes, notamment le gris ardoisé, qui d'ailleurs ne constitue pas une couleur vive, seule prescription relative à la teinte figurant à l'article UD11. Par suite, Mme A... est fondée à soutenir que le maire ne pouvait légalement se fonder sur les dispositions de l'article UD 11 du règlement du POS pour refuser l'autorisation modificative sollicitée pour ce motif.
9. En deuxième lieu, aux termes de l'article R 111-27 du code de l'urbanisme : " Le projet peut être refusé ou n'être accepté que sous réserve de l'observation de prescriptions spéciales si les constructions, par leur situation, leur architecture, leurs dimensions ou l'aspect extérieur des bâtiments ou ouvrages à édifier ou à modifier, sont de nature à porter atteinte au caractère ou à l'intérêt des lieux avoisinants, aux sites, aux paysages naturels ou urbains ainsi qu'à la conservation des perspectives monumentales. ".
10. Les dispositions de l'article UD 11 du règlement du POS, citées au point 3, ont le même objet que celles de l'article R 111-27 du code de l'urbanisme et posent des exigences qui ne sont pas moindres. Dès lors, c'est au regard des dispositions du règlement du POS de Bazas que doit être appréciée la légalité du refus de permis de construire modificatif en litige.
11. Pour rechercher l'existence d'une atteinte à un paysage naturel ou urbain de nature à fonder le refus de permis de construire ou les prescriptions spéciales accompagnant la délivrance de ce permis, il appartient à l'autorité administrative d'apprécier, dans un premier temps, la qualité du site naturel ou urbain sur lequel la construction est projetée et d'évaluer, dans un second temps, l'impact que cette construction, compte tenu de sa nature et de ses effets, pourrait avoir sur le site.
12. En l'espèce, si le projet d'habitation en litige est situé à l'extrémité d'une zone résidentielle comprenant de nombreux pavillons d'habitation disposant pour la plupart de toitures de tuiles aux tons ocre à brun, il ressort des pièces du dossier, notamment des plans et photographies du secteur d'implantation, qu'une zone d'activités existe à proximité immédiate au sein de laquelle de nombreux bâtiments ont une toiture de couleur foncée dans les tons gris. Par suite, et alors que le permis de construire initial autorise la réalisation d'un bâtiment aux murs recouverts d'un bardage bois de couleur chêne foncé présentant une typologie contemporaine, et que les habitations et le quartier pavillonnaire environnants ne présentent pas de caractère particulier, il ne ressort pas des pièces du dossier que le ton ardoisé ou gris anthracite de la toiture de l'habitation projetée ne s'intégrerait pas à l'environnement existant et serait de nature à porter atteinte au caractère ou à l'intérêt des lieux avoisinants au sens des dispositions précitées de l'article R 111-27 du code de l'urbanisme et de l'article UD 11 du règlement du POS. Il suit de là que le maire de Bazas a fait une inexacte application de ces dispositions en estimant que la demande de modification de la teinte de la toiture ne permettait pas une insertion harmonieuse du projet dans son environnement urbain.
13. Pour l'application de l'article L 600-4-1 du code de l'urbanisme, aucun autre moyen n'est de nature à justifier l'annulation des décisions attaquées.
14. Il résulte de ce qui précède que Mme A... est fondée à demander l'annulation des arrêtés du 21 août et 13 novembre 2020 par lesquels le maire de Bazas a refusé de lui délivrer un permis de construire modificatif.
Sur les conclusions à fin d'injonction :
15. Aux termes de l'article L 911-1 du code de justice administrative : " Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public prenne une mesure d'exécution dans un sens déterminé, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision, cette mesure assortie, le cas échéant, d'un délai d'exécution. La juridiction peut également prescrire d'office cette mesure. "
16. Lorsque le juge annule un refus d'autorisation d'urbanisme, y compris une décision de sursis à statuer, ou une opposition à une déclaration, après avoir censuré l'ensemble des motifs que l'autorité compétente a énoncés dans sa décision conformément aux prescriptions de l'article L. 424-3 du code de l'urbanisme ainsi que, le cas échéant, les motifs qu'elle a pu invoquer en cours d'instance, il doit, s'il est saisi de conclusions à fin d'injonction, ordonner à cette autorité de délivrer l'autorisation ou de prendre une décision de non-opposition sur le fondement de l'article L. 911-1 du code de justice administrative. Il n'en va autrement que s'il résulte de l'instruction soit que les dispositions en vigueur à la date de la décision annulée, qui eu égard aux dispositions de l'article L 600-2 du code de l'urbanisme demeurent applicables à la demande, interdisent de l'accueillir pour un motif que l'administration n'a pas relevé, soit que, par suite d'un changement de circonstances, la situation de fait existant à la date du jugement y fait obstacle.
17. En l'espèce, il ne résulte pas de l'instruction que les dispositions en vigueur à la date des arrêtés portant refus de permis de construire modificatif dont l'annulation est prononcée en interdisaient la délivrance pour un autre motif que ceux que censure le présent jugement. Il ne résulte pas non plus de l'instruction qu'un changement dans les circonstances de fait se soit produit depuis l'édiction des arrêtés annulés ni, à plus forte raison, que la situation de fait existant à la date du présent arrêt fasse obstacle à la délivrance du permis de construire modificatif sollicité par Mme A.... Dès lors, il y a lieu d'enjoindre au maire de la commune de Bazas de délivrer à Mme A... le permis modificatif sollicité dans le délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt.
Sur les frais liés au litige :
18. Les dispositions de l'article L 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de Mme A... qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme demandée par la commune de Bazas, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge de la commune de Bazas la somme de 1 500 euros à verser à Mme A... sur le fondement des mêmes dispositions.
DECIDE :
Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Bordeaux du 28 septembre 2022 est annulé.
Article 2 : Les arrêtés de refus de permis de construire modificatifs des 21 août 2020 et
13 novembre 2020 du maire de Bazas, sont annulés.
Article 3 : Il est enjoint au maire de Bazas de délivrer le permis de construire sollicité par Mme A... dans le délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt.
Article 4 : La commune de Bazas versera à Mme A... la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 5 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté.
Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à la commune de Bazas et à Mme A....
Délibéré après l'audience du 12 décembre 2024 à laquelle siégeaient :
Mme Evelyne Balzamo, présidente de chambre,
Mme Béatrice Molina-Andreo présidente-assesseure,
Mme Kolia Gallier Kerjean, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 19 décembre 2024.
La présidente-assesseure,
Béatrice Molina-AndreoLa présidente-rapporteure,
Evelyne Balzamo
La greffière,
Sylvie Hayet
La République mande et ordonne au préfet de la Gironde en ce qui le concerne et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
N° 22BX02923 2