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19/12/2024 | FRANCE | N°23BX00740

France | France, Cour administrative d'appel de BORDEAUX, 1ère chambre, 19 décembre 2024, 23BX00740


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



M. C... B... a demandé au tribunal administratif de Pau de condamner le département du Gers à lui verser une somme de 30 000 euros en réparation du préjudice qu'il estime avoir subi du fait, d'une part, du comportement fautif de divers agents de la collectivité territoriale envers son épouse ayant conduit à une perturbation de sa vie conjugale, d'autre part, de divulgation d'informations portant atteinte à sa vie privée.



Par un jugement n° 2001120 du 30

décembre 2022, le tribunal administratif de Pau a rejeté les conclusions indemnitaires fondées s...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C... B... a demandé au tribunal administratif de Pau de condamner le département du Gers à lui verser une somme de 30 000 euros en réparation du préjudice qu'il estime avoir subi du fait, d'une part, du comportement fautif de divers agents de la collectivité territoriale envers son épouse ayant conduit à une perturbation de sa vie conjugale, d'autre part, de divulgation d'informations portant atteinte à sa vie privée.

Par un jugement n° 2001120 du 30 décembre 2022, le tribunal administratif de Pau a rejeté les conclusions indemnitaires fondées sur la prise en charge fautive de la mission d'assistance éducative comme portées devant un ordre de juridiction incompétent pour en connaître, a rejeté au fond le surplus des conclusions et a mis à la charge de M. B... la somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 13 mars 2023, M. C... B..., représenté par Me Turenne, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Pau du 30 décembre 2022 en tant qu'il a rejeté ses conclusions indemnitaires ;

2°) de condamner le département du Gers à lui verser une indemnité de 30 000 euros ;

3°) de mettre à la charge du département du Gers une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- les services du département du Gers, et plus précisément une assistante sociale relevant de la maison départementale des solidarités ainsi que plusieurs membres et le directeur de la maison départementale de l'enfance et de la famille à A..., ont commis une faute en adoptant une attitude envers son épouse tendant à le dénigrer, à s'immiscer dans leur relation entre époux, et en faisant pression sur sa conjointe pour qu'elle engage des procédures judiciaires à son encontre ;

- le département a commis une faute en transmettant au service de l'aide sociale à l'enfance la lettre qu'il lui avait adressée le 10 février 2020 pour se plaindre du comportement du directeur de la maison départementale de l'enfance et de la famille et qui contenait des éléments d'information sur des aspects intimes de sa vie ;

- ces fautes lui ont causé un préjudice moral.

Par un mémoire en défense, enregistré le 2 juillet 2024, le département du Gers, représenté par Me Cambot, conclut au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 2 000 euros soit mise à la charge de M. B... au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- c'est à bon droit que les premiers juges ont partiellement rejeté la demande indemnitaire au motif qu'elle était présentée devant un ordre de juridiction incompétent pour en connaitre ;

- la requête est irrecevable à défaut de conclusions aux fins d'annulation d'une décision ;

- en tout état de cause, les moyens soulevés par M. B... ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'action sociale et des familles ;

- le code civil ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Béatrice Molina-Andréo,

- et les conclusions de M. Michaël Kauffmann, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. M. C... B... a épousé le 16 juin 2019 une ressortissante togolaise, laquelle a donné naissance le 7 novembre suivant à un enfant, nommé Nathan Madhi Noa dont son époux ne reconnaît pas la paternité et qu'il n'a pas souhaité prendre en charge. Cette dernière a bénéficié d'un accueil de type " mère enfant " au sein de la maison départementale de l'enfance et de la famille A..., à compter du 6 janvier 2020. Puis, par une ordonnance du 8 janvier 2020, le procureur de la République près le tribunal judicaire A... a, dans le cadre d'une mesure de protection en urgence, confié le placement provisoire du nourrisson au département du Gers. Par une ordonnance du 21 janvier 2020, le juge des enfants du tribunal judiciaire A... a ordonné le maintien de ce placement provisoire auprès des services de l'aide sociale à l'enfance relevant des services du département jusqu'au 31 juillet 2020. Par une ordonnance du 20 février 2020, le même juge des enfants a suspendu l'accueil de l'enfant et de sa mère au sein du dispositif d'accueil " mère enfant " au profit d'un placement familial de l'enfant, assorti d'un droit de visite médiatisé hebdomadaire au profit de la mère. M. B... a saisi le tribunal administratif de Pau d'une demande tendant à la condamnation du département du Gers à l'indemniser des préjudices qu'il estime avoir subis du fait du comportement des agents des services sociaux auprès desquels son épouse a été accueillie et de l'absence de discrétion dont le président du conseil départemental du Gers aurait fait preuve à l'égard de sa vie privée. Par un jugement du 30 décembre 2022, le tribunal a rejeté les conclusions indemnitaires fondées sur la prise en charge fautive de la mission d'assistance éducative comme portées devant un ordre de juridiction incompétent pour en connaître et rejeté au fond le surplus des conclusions présentées. Par la présente requête, M. B... relève appel de ce jugement.

Sur les conclusions indemnitaires :

2. En premier lieu, d'une part, aux termes de l'article 375 du code civil, dans sa rédaction applicable au litige : " Si la santé, la sécurité ou la moralité d'un mineur non émancipé sont en danger, ou si les conditions de son éducation ou de son développement physique, affectif, intellectuel et social sont gravement compromises, des mesures d'assistance éducative peuvent être ordonnées par justice (...) ". Aux termes de l'article 375-1 du même code, dans sa rédaction applicable au litige : " Le juge des enfants est compétent, à charge d'appel, pour tout ce qui concerne l'assistance éducative. (...) ". Aux termes de l'article 375-3 du même code : " Si la protection de l'enfant l'exige, le juge des enfants peut décider de le confier : (...) 3° A un service départemental de l'aide sociale à l'enfance ; (...) ". Aux termes de l'article 375-7 du même code : " Les père et mère de l'enfant bénéficiant d'une mesure d'assistance éducative continuent à exercer tous les attributs de l'autorité parentale qui ne sont pas inconciliables avec cette mesure. (...) Si la situation de l'enfant le permet, le juge fixe la nature et la fréquence des droits de visite et d'hébergement et peut décider que leurs conditions d'exercice sont déterminées conjointement entre les titulaires de l'autorité parentale et la personne, le service ou l'établissement à qui l'enfant est confié, dans un document qui lui est alors transmis. Il est saisi en cas de désaccord. Si la situation de l'enfant le permet, le juge fixe la nature et la fréquence des droits de visite et d'hébergement et peut décider que leurs conditions d'exercice sont déterminées conjointement entre les titulaires de l'autorité parentale et la personne, le service ou l'établissement à qui l'enfant est confié, dans un document qui lui est alors transmis. Il est saisi en cas de désaccord. (...) ".

3. D'autre part, aux termes de l'article L. 221-1 du code de l'action sociale et des familles dans sa rédaction applicable au litige : " Le service de l'aide sociale à l'enfance est un service non personnalisé du département chargé des missions suivantes : / 1° Apporter un soutien matériel, éducatif et psychologique tant aux mineurs et à leur famille ou à tout détenteur de l'autorité parentale, confrontés à des difficultés risquant de mettre en danger la santé, la sécurité, la moralité de ces mineurs ou de compromettre gravement leur éducation ou leur développement physique, affectif, intellectuel et social (...) ". Aux termes de l'article L. 221-2 du même code : " Le service de l'aide sociale à l'enfance est placé sous l'autorité du président du conseil départemental. / Le département organise sur une base territoriale les moyens nécessaires à l'accueil et à l'hébergement des enfants confiés au service. (...) Le département doit en outre disposer de structures d'accueil pour (...) les mères avec leurs enfants. / (...)". Aux termes de l'article L. 222-5 du même code : " Sont pris en charge par le service de l'aide sociale à l'enfance sur décision du président du conseil départemental : / (...) 3° Les mineurs confiés au service en application du 3° de l'article 375-3 du code civil (...) ".

4. Il résulte de l'instruction que, par l'ordonnance du 21 janvier 2020, le juge des enfants du tribunal judiciaire A... a, sur le fondement des dispositions précitées des articles 375 à 375-8 du code civil, décidé de confier l'enfant, Nathan Madhi Noa, au service de l'aide sociale à l'enfance relevant des services du département du Gers et d'accorder à sa mère, Mme B..., le bénéfice d'un droit de visite et d'hébergement élargi permettant un accueil quotidien de l'enfant au sein de la maison départementale de l'enfance et de la famille A.... Si M. B... soutient que certains agents de la structure d'accueil auraient eu un comportement fautif en le dénigrant, en s'immisçant dans la relation qu'il a avec son épouse et en essayant de convaincre celle-ci de se séparer de lui, les faits allégués ne sont pas détachables des obligations que le service de l'aide sociale à l'enfance assume dans l'exercice de la mission d'assistance éducative qui lui a été confiée par le juge des enfants sur ce mineur. Dès lors, il appartient à la juridiction judiciaire d'en connaître. Par suite, M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Pau a rejeté ses conclusions indemnitaires fondées sur la prise en charge fautive du service de l'aide sociale à l'enfance de la mission d'assistance éducative, comme portées devant un ordre de juridiction incompétent pour en connaître.

5. En second lieu, il résulte de l'instruction que M. B... a adressé un courrier, daté du 13 février 2020, au président du conseil départemental du Gers en vue de dénoncer les modalités de mise en œuvre de la mesure d'assistance éducative dont bénéficie l'enfant, Nathan Madhi Noa, et du droit d'accueil et de visite de son épouse. S'il soutient à ce titre que le président du conseil départemental du Gers aurait commis une faute en communiquant ce courrier qui contenait des informations sur sa vie personnelle au service de l'aide sociale à l'enfance placé sous son autorité, la transmission de cette lettre, qui ne comportait au demeurant aucune mention de confidentialité, relevait des relations normales pouvant exister entre une autorité hiérarchique et les responsables des services qui lui sont subordonnés, chargés de la mission d'assistance éducative. Par suite, ainsi que l'ont estimé les premiers juges, le département du Gers n'a pas commis de faute de nature à engager sa responsabilité.

6. Il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'examiner la fin de non-recevoir opposée par le département du Gers en défense, que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort, que par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Pau a rejeté sa demande.

Sur les frais liés au litige :

7. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge du département du Gers, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que M. B... demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. En revanche, dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge du requérant la somme de 1 500 euros, à verser à la collectivité défenderesse au titre des mêmes dispositions.

DECIDE :

Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.

Article 2 : M. B... versera la somme de 1 500 euros au département du Gers au titre des dispositions de l'article L.761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... B... et au département du Gers.

Délibéré après l'audience du 28 novembre 2024 à laquelle siégeaient :

Mme Béatrice Molina-Andréo, présidente,

M. Nicolas Normand, président-assesseur,

Mme Kolia Gallier Kerjean, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 19 décembre 2024.

Le président-assesseur,

Nicolas NormandLa présidente rapporteure,

Béatrice Molina-Andréo

La greffière,

Sylvie HayetLa République mande et ordonne au préfet du Gers en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

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N° 23BX00740


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de BORDEAUX
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 23BX00740
Date de la décision : 19/12/2024
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : Mme MOLINA-ANDREO
Rapporteur ?: Mme Béatrice MOLINA-ANDREO
Rapporteur public ?: M. KAUFFMANN
Avocat(s) : TURENNE

Origine de la décision
Date de l'import : 29/12/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-12-19;23bx00740 ?
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