Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Bordeaux d'annuler l'arrêté du 15 novembre 2023 par lequel le préfet de Lot-et-Garonne a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi.
Par un jugement n° 2306796 du 2 mai 2024, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête et un mémoire complémentaire enregistrés les 31 mai et 14 octobre 2024, M. A..., représenté par Me Bochnakian, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Bordeaux du 2 mai 2024 ;
2°) d'annuler l'arrêté du 15 novembre 2023 par lequel le préfet de Lot-et-Garonne a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi ;
3°) d'enjoindre au préfet de Lot-et-Garonne, sous astreinte de 50 euros par jour de retard à compter de l'expiration d'un délai de quinze jours suivant la notification de l'arrêt à intervenir de lui délivrer un titre de séjour mention " vie privée et familiale " ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- dès lors qu'il a demandé le renouvellement de son droit au séjour avant l'expiration de sa carte de séjour temporaire portant la mention " saisonnier ", sa demande de changement de statut n'était pas assujettie à la détention d'un visa long séjour, par application de l'article L. 433-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; en lui opposant l'absence de détention du visa long séjour pour estimer qu'il ne remplissait pas les conditions pour obtenir un titre de séjour en qualité de conjoint d'une ressortissante française sur le fondement de l'article L. 423-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, le préfet de Lot-et-Garonne a commis une première erreur de droit ;
- en supposant même qu'il ne se situait pas dans une hypothèse de changement de statut, toutes ses entrées en France ont été régulières ; elles ont été permises par la détention d'une carte de séjour mention " saisonnier ", sans que puisse lui être opposée l'absence de production d'un contrat de travail visé ou, s'agissant de la dernière entrée en France, par la détention d'un récépissé de demande de carte de séjour lui permettant de faire des allers et retours dans son pays d'origine ; en lui opposant l'absence d'entrée régulière pour estimer qu'il ne remplissait pas les conditions pour obtenir un titre de séjour en qualité de conjoint d'une ressortissante française sur le fondement de l'article L. 423-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, le préfet de Lot-et-Garonne a commis une seconde erreur de droit.
Par un mémoire en défense, enregistré le 25 septembre 2024, le préfet de Lot-et-Garonne conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens soulevés ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- l'accord franco-marocain en matière de séjour et d'emploi du 9 octobre 1987 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code du travail ;
- le code de justice administrative.
La présidente de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de Mme Béatrice Molina-Andréo a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. B... A..., ressortissant marocain né le 20 février 1990, est entré sur le territoire français, une première fois, le 27 septembre 2019, muni d'un passeport en cours de validité et d'un visa de long séjour " travailleur saisonnier ", portant la mention " carte de séjour à solliciter ", délivré le 23 septembre 2019 par les autorités consulaires français à Casablanca et valable jusqu'au 22 décembre 2019. Il s'est vu délivrer, par le préfet du Vaucluse, une carte de séjour pluriannuelle " travailleur saisonnier ", valable du 13 décembre 2019 au 12 décembre 2022. A la suite de son mariage célébré le 26 février 2022 à Tonneins (Lot-et-Garonne) avec une ressortissante de nationalité française, M. A... a sollicité le 8 août 2022 la délivrance d'un titre de séjour temporaire " vie privée et familiale ", en qualité de conjoint d'une ressortissante française. Par un arrêté du 15 novembre 2023, le préfet de Lot-et- Garonne lui a refusé la délivrance du titre de séjour sollicité, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi. Par la présente requête, M. A... relève appel du jugement du 2 mai 2024 par lequel le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.
2. Aux termes de l'article L. 411-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sous réserve des engagements internationaux de la France ou du livre II, tout étranger âgé de plus de dix-huit ans qui souhaite séjourner en France pour une durée supérieure à trois mois doit être titulaire de l'un des documents de séjour suivants : / 1° Un visa de long séjour ; / 2° Un visa de long séjour conférant à son titulaire, en application du second alinéa de l'article L. 312-2, les droits attachés à une carte de séjour temporaire ou à la carte de séjour pluriannuelle prévue aux articles L. 421-9 à L. 421-11 ou L. 421-13 à L. 421-24, ou aux articles L. 421-26 et L.421-28 lorsque le séjour envisagé sur ce fondement est d'une durée inférieure ou égale à un an (...) ". Aux termes de l'article L. 412-1 du même code : " Sous réserve des engagements internationaux de la France et des exceptions prévues aux articles L. 412-2 et L. 412-3, la première délivrance d'une carte de séjour temporaire ou d'une carte de séjour pluriannuelle est subordonnée à la production par l'étranger du visa de long séjour mentionné aux 1° ou 2° de l'article L. 411-1 ".
3. Aux termes de l'article L. 421-34 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger qui exerce un emploi à caractère saisonnier, tel que défini au 3° de l'article L. 1242-2 du code du travail, et qui s'engage à maintenir sa résidence habituelle hors de France, se voit délivrer une carte de séjour pluriannuelle portant la mention " travailleur saisonnier " d'une durée maximale de trois ans. / Cette carte peut être délivrée dès la première admission au séjour de l'étranger. / Elle autorise l'exercice d'une activité professionnelle et donne à son titulaire le droit de séjourner et de travailler en France pendant la ou les périodes qu'elle fixe et qui ne peuvent dépasser une durée cumulée de six mois par an. / (...) ". Aux termes de l'article R. 5221-25 du code du travail : " Le contrat de travail saisonnier de l'étranger est visé, avant son entrée en France, par le préfet territorialement compétent (...). / La procédure de visa par le préfet s'applique également lors du renouvellement de ce contrat et lors de la conclusion d'un nouveau contrat de travail saisonnier en France. ". Pour revenir en France après être retourné dans son pays d'origine au terme de son contrat, l'étranger détenteur d'une carte de séjour pluriannuelle en qualité de travailleur saisonnier doit avoir conclu un nouveau contrat de travail saisonnier visé par le préfet.
4. Aux termes des dispositions de l'article L. 433-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger qui sollicite la délivrance d'une carte de séjour temporaire ou pluriannuelle sur un autre fondement que celui au titre duquel lui a été délivré la carte de séjour ou le visa de long séjour mentionné au 2° de l'article L. 411-1, se voit délivrer le titre demandé lorsque les conditions de délivrance, correspondant au motif de séjour invoqué, sont remplies, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 412-1. / (...) ".
5. Aux termes de l'article L. 423-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger marié avec un ressortissant français, se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " d'une durée d'un an lorsque les conditions suivantes sont réunies : 1° La communauté de vie n'a pas cessé depuis le mariage ; / 2° Le conjoint a conservé la nationalité française ; / 3° Lorsque le mariage a été célébré à l'étranger, il a été transcrit préalablement sur les registres de l'état civil français ". ". Aux termes de l'article L. 423-2 du même code : " L'étranger, entré régulièrement et marié en France avec un ressortissant français avec lequel il justifie d'une vie commune et effective de six mois en France, se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " d'une durée d'un an. La condition prévue à l'article L. 412-1 n'est pas opposable ".
6. Si, en vertu de ces dispositions, la première délivrance d'une carte de séjour temporaire est, en principe, sous réserve des engagements internationaux de la France et des exceptions prévues par la loi, subordonnée à la production par l'étranger d'un visa d'une durée supérieure à trois mois, il en va différemment pour l'étranger déjà admis à séjourner en France et qui sollicite le renouvellement, même sur un autre fondement, de la carte de séjour temporaire dont il est titulaire. Toutefois, l'étranger admis à séjourner en France pour l'exercice d'un emploi à caractère saisonnier en application des dispositions de l'article L. 421-34 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile précité, est titulaire à ce titre de la carte de séjour pluriannuelle portant la mention " travailleur saisonnier ", lui donnant le droit de séjourner et de travailler en France pendant la ou les périodes qu'elle fixe et qui ne peut dépasser une durée cumulée de six mois par an, et lui imposant ainsi de regagner, entre ces séjours, son pays d'origine où il s'engage à maintenir sa résidence habituelle.
7. D'une part, il ressort des pièces du dossier que M. A..., alors qu'il était titulaire d'une carte de séjour pluriannuelle portant la mention " travailleur saisonnier " valable du 13 décembre 2019 au 12 décembre 2022, a sollicité, le 8 août 2022, un changement pour le statut de conjoint d'une ressortissante française. Pour les motifs exposés au point précédent, sa demande de titre de séjour temporaire vie privée et familiale, qui autorise une résidence habituelle sur le territoire français, devait être regardée comme portant sur la délivrance d'une première carte de séjour temporaire subordonnée à la production d'un visa de long séjour. Dès lors qu'il est constant que M. A... ne disposait pas d'un tel visa en cours de validité, le préfet de Lot-et-Garonne pouvait légalement, pour ce seul motif, lui refuser la délivrance d'une carte de séjour temporaire en qualité de conjoint d'une ressortissante française sur le fondement des dispositions précitées de l'article L. 423-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
8. D'autre part, M. A... se prévaut des dispositions précitées de l'article L. 423-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, qui prévoient la délivrance d'un titre de séjour à l'étranger, entré régulièrement et marié en France avec un ressortissant français avec lequel il justifie d'une vie commune et effective de six mois en France, sans que lui soit opposable la condition liée à la présentation d'un visa de long séjour. Toutefois, si le requérant avait obtenu une autorisation de travail pour un contrat de travail saisonnier à durée déterminée entre le 3 octobre 2019 et le 25 janvier 2020, ce qui lui avait permis d'entrer régulièrement en France le 27 septembre 2019, il ne ressort d'aucune pièce du dossier et n'est pas allégué que l'intéressé aurait conclu un nouveau contrat de travail saisonnier visé par le préfet ou obtenu une nouvelle autorisation de travail lui permettant de revenir régulièrement en France à la date de sa dernière entrée, le 27 novembre 2021. Dans ces conditions, et alors même que sa carte de séjour portant la mention " travailleur saisonnier " n'était pas encore expirée à cette dernière date, il ne pouvait être regardé comme étant entré régulièrement sur le territoire national à la date de l'arrêté en litige. Par ailleurs, il ne peut davantage utilement se prévaloir des récépissés de demande de titre de séjour qui lui ont été délivrés de manière continue du 9 novembre 2022 et 20 décembre 2023 pour établir que son entrée en France du 27 novembre 2021 aurait été régulière. Par suite, dès lors qu'il ne remplissait pas la condition d'entrée régulière sur le territoire français, M. A... n'est pas fondé à soutenir que le préfet de Lot-et-Garonne aurait méconnu les dispositions précitées de l'article L. 423-2 précité du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile en refusant de lui délivrer un titre de séjour en qualité de conjoint d'une ressortissante française.
9. Il résulte de ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction sous astreinte et celles présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées.
DECIDE :
Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A... et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet de Lot-et-Garonne.
Délibéré après l'audience du 28 novembre 2024 à laquelle siégeaient :
Mme Béatrice Molina-Andréo, présidente,
M. Nicolas Normand, président-assesseur,
Mme Kolia Gallier Kerjean, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 19 décembre 2024.
Le président-assesseur,
Nicolas NormandLa présidente rapporteure,
Béatrice Molina-Andréo
La greffière,
Sylvie Hayet
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
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N° 24BX01332