Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. B... A... a demandé au tribunal administratif de la Guyane d'annuler la décision en date du 23 mai 2022 par laquelle le préfet de la Guyane lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour.
Par un jugement n° 2201144 du 29 février 2024, le tribunal administratif de la Guyane a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête et un mémoire, enregistrés les 10 et 29 mai 2024, M. A..., représenté par Me Lobeau demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement du 29 février 2024 du tribunal administratif de la Guyane ;
2°) d'annuler la décision du 23 mai 2022 du préfet de la Guyane ;
3°) de mettre à la charge de l'État une somme de 2 500 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- la décision attaquée est entachée d'erreur manifeste d'appréciation au regard de sa vie privée et familiale ;
- elle est entachée d'erreur manifeste d'appréciation en ce qui concerne la caractérisation d'une atteinte à l'ordre public.
Le préfet de la Guyane, auquel la requête a été régulièrement notifiée, n'a pas produit d'observations.
Par une ordonnance du 27 août 2024, la clôture de l'instruction a été fixée au 29 octobre 2024 à 12h00.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Le rapport de M. Vincent Bureau a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. A..., ressortissant surinamais né en juin 2003, est entré en France avec ses parents en novembre 2003 selon ses déclarations. Le 18 octobre 2021, il a déposé une demande de titre de séjour sur le fondement de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par une décision du 23 mai 2022, le préfet de la Guyane a rejeté sa demande. M. A... relève appel du jugement du 29 février 2024 par lequel le tribunal administratif de la Guyane a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cette décision.
Sur le bien-fondé du jugement attaqué :
2. Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance ; / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui ". Pour l'application des stipulations précitées, l'étranger qui invoque la protection due à son droit au respect de sa vie privée et familiale en France doit apporter toute justification permettant d'apprécier la réalité et la stabilité de ses liens personnels et familiaux effectifs en France au regard de ceux qu'il a conservés dans son pays d'origine.
3. Il ressort des pièces du dossier que pour refuser de délivrer un titre de séjour à M. A..., le préfet de la Guyane a relevé que l'intéressé fait l'objet de signalements dans le fichier de traitement des antécédents judiciaires pour des faits de meurtre et de violence avec usage ou menace d'une arme suivie d'incapacité n'excédant pas huit jours lors d'une manifestation sur la voie publique. Aucun des faits ainsi mentionnés dans le fichier n'a toutefois donné lieu à condamnation, et l'existence de procédures judiciaires à l'encontre de l'intéressé n'est d'ailleurs aucunement établie par l'administration. Par ailleurs, M. A... établit résider en France depuis 2003, soit depuis dix-neuf ans à la date de la décision attaquée. Il ressort également des pièces du dossier qu'il a suivi l'intégralité de sa scolarité en France, où il réside depuis au plus l'âge de trois mois, et il n'est pas sérieusement contesté qu'il ne dispose d'aucune attache familiale au Suriname, alors que ses parents, frères et sœurs résident régulièrement en France ou disposent de la nationalité française. Dans ces conditions, compte tenu de l'ancienneté de sa présence en France, où il dispose de ses seuls liens familiaux et où il suit désormais des études supérieures après avoir obtenu son baccalauréat avec mention, M. A... est fondé à soutenir que la décision lui refusant la délivrance d'un titre de séjour porte une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale, en méconnaissance des stipulations précitées de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
4. Il résulte de ce qui précède que M. A... est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de la Guyane a rejeté sa demande d'annulation de la décision du 23 mai 2022 lui refusant la délivrance d'un titre de séjour.
Sur les frais liés au litige :
5. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 200 euros à verser à M. A... au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
D E C I D E :
Article 1er : Le jugement n° 2201144 du 29 février 2024 du tribunal administratif de la Guyane est annulé.
Article 2 : La décision du 23 mai 2022 du préfet de la Guyane est annulée.
Article 3 : L'Etat versera à M. A... la somme de 1 200 euros en application de l'article L. 761 1 du code de justice administrative.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A... et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet de la Guyane.
Délibéré après l'audience du 3 décembre 2024, à laquelle siégeaient :
M. Laurent Pouget, président,
Mme Marie-Pierre Beuve Dupuy, présidente-assesseure,
M. Vincent Bureau, conseiller,
Rendu public par mise à disposition au greffe le 23 décembre 2024.
Le rapporteur,
Vincent Bureau
Le président,
Laurent Pouget
Le greffier,
Christophe Pelletier
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
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N° 24BX01177