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09/01/2025 | FRANCE | N°22BX00533

France | France, Cour administrative d'appel de BORDEAUX, 4ème chambre, 09 janvier 2025, 22BX00533


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



L'entreprise unipersonnelle à responsabilité limitée Pharmacie de Pombonne a demandé au tribunal administratif de Bordeaux de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre des exercices clos les 30 mars 2013, 2014 et 2015, pour un montant total, en droits et intérêts de retard, de 221 194 euros.



Par un jugement n° 2000376 du 2 novembre 2021, le tribunal administratif de Borde

aux a déchargé l'entreprise Pharmacie de Pombonne des cotisations supplémentaires d'impôt sur les so...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

L'entreprise unipersonnelle à responsabilité limitée Pharmacie de Pombonne a demandé au tribunal administratif de Bordeaux de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre des exercices clos les 30 mars 2013, 2014 et 2015, pour un montant total, en droits et intérêts de retard, de 221 194 euros.

Par un jugement n° 2000376 du 2 novembre 2021, le tribunal administratif de Bordeaux a déchargé l'entreprise Pharmacie de Pombonne des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés mises à sa charge au titre des années 2013, 2014 et 2015.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 17 février 2022, et un mémoire enregistré le 25 août 2023, qui n'a pas fait l'objet d'une communication, le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 2000376 du 2 novembre 2021 du tribunal administratif de Bordeaux ;

2°) de remettre à la charge de l'entreprise Pharmacie de Pombonne la cotisation d'impôt sur les sociétés et les pénalités y afférentes, auxquelles elle a été assujettie au titre des exercices clos en 2013, 2014 et 2015.

Il soutient que :

S'agissant de la justification de la provision dans son principe :

- la société n'a présenté aucun élément de nature à établir le respect de la condition tenant à une baisse significative du chiffre d'affaires et des bénéfices ; cette condition n'est pas satisfaite si l'on examine l'évolution du chiffre d'affaires lors des clôtures des exercices 2012, 2013 et 2014 et le résultat d'exploitation lors des clôtures d'exercice 2013 et 2014 ;

-la société n'a pas justifié de la baisse simultanée et notable de son chiffre d'affaires et de son résultat, condition requise pour l'admission en déduction des provisions pour dépréciation du fonds de commerce ; le tribunal ne pouvait admettre la déduction des provisions pour dépréciation du fonds de commerce sur la base de la seule et non significative diminution de chiffre d'affaires (5%) constatée entre l'exercice d'acquisition du fonds (clôture 2008) et les exercices de dotation, après avoir relevé la hausse du chiffre d'affaires intervenue entre la clôture 2013 et la clôture 2014 ;

-la divergence entre les données comparées est de nature à diminuer le taux modeste de la baisse de chiffre d'affaires sur une période de 5 ans ;

- la circonstance que des éléments purement externes à la société montrent une tendance à la baisse du prix de cession des officines, est sans influence pour déterminer le traitement fiscal de la provision en litige ;

-au titre des exercices clos en 2012, 2013 et 2014, la légère baisse du poste relatif aux charges générées par les salaires, constatée entre la clôture 2012 et la clôture 2013, ne se poursuit pas au titre de l'exercice clos en 2014 ; aucune diminution des salaires de la gérante n'est avérée au titre des exercices clos en mars 2012 et en mars 2013 ; elle est seulement constatée au titre de l'exercice clos en mars 2014 et a été maintenue au titre des revenus des années 2013 à 2021 malgré l'évolution de l'exploitation ;

-si, au titre de l'exercice clos en 2013, Mme A... a abandonné, pour un montant de 179 800 euros, la créance dont elle était titulaire à l'encontre de la société, cette créance a été partiellement rétablie au titre de l'exercice clos en 2014, en exécution d'une clause de retour à meilleure fortune, le solde étant quant à lui rétabli au titre de l'exercice clos en 2015 ;

S'agissant de la justification de la provision dans son montant :

-une société n'apporte pas la preuve qui lui incombe de l'ampleur de la dépréciation, lorsque la provision a été calculée en retenant un pourcentage de son chiffre d'affaires ou un multiple de son excédent brut d'exploitation, qui ressortent de données moyennes statistiques et ne sont pas propres à l'officine ;

-la société n'a pas justifié la provision dans son montant, dès lors, d'une part, qu'elle a retenu une valorisation du fonds résultant de la mise en œuvre d'une donnée purement statistique et, d'autre part, qu'elle a comparé la valeur ainsi obtenue à un montant intégrant des éléments non valorisables en cas de cession.

Par un mémoire en défense, enregistré le 19 avril 2022, l'entreprise Pharmacie de Pombonne, représentée par Me Moyaert, conclut au rejet de la requête et à ce que soit mise à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle fait valoir que :

- les moyens soulevés par le ministre ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Bénédicte Martin,

- les conclusions de M. Anthony Duplan, rapporteur public,

- et les observations de Me Lezer, représentant l'entreprise Pharmacie de Pombonne.

Considérant ce qui suit :

1. L'entreprise Pharmacie du Pombonne, qui exerce l'activité de vente au détail de produits pharmaceutiques dans une officine à Lembras (Dordogne), a fait l'objet d'une vérification de comptabilité sur les exercices clos aux 31 mars 2013, 2014, 2015 et 2016, à l'issue de laquelle le service a remis en cause, au titre des exercices clos les 31 mars 2013 et 2014, la déductibilité de provisions pour dépréciation du fonds de commerce d'un montant respectif de 268 388 euros et de 67 346 euros. Le montant du déficit reportable initialement imputé sur le résultat de l'exercice clos en 2015 a été également rectifié suite à ce rehaussement. Le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique relève appel du jugement du 2 novembre 2021 par lequel le tribunal administratif de Bordeaux a déchargé la société Pharmacie de Pombonne des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés mises à sa charge au titre des années 2013, 2014 et 2015.

Sur le bien-fondé de l'imposition :

2. Aux termes de l'article 39 du code général des impôts, applicable à l'impôt sur les sociétés en vertu de l'article 206 du même code : " 1. Le bénéfice net est établi sous déduction de toutes charges, celles-ci comprenant, sous réserve des dispositions du 5, notamment : (...)/ 5° Les provisions constituées en vue de faire face à des pertes ou charges nettement précisées et que des événements en cours rendent probables, à condition qu'elles aient été effectivement constatées dans les écritures de l'exercice. (...) ". Aux termes de l'article 38 sexies de l'annexe III au code général des impôts, dans sa rédaction applicable à l'imposition en litige : " La dépréciation des immobilisations qui ne se déprécient pas de manière irréversible, notamment les terrains, les fonds de commerce, les titres de participation, donne lieu à la constitution de provisions dans les conditions prévues au 5° du 1 de l'article 39 du code général des impôts ".

3. La déductibilité fiscale d'une provision est subordonnée, en application des dispositions du 5° du 1 de l'article 39 du code général des impôts et de l'article 38 quater de l'annexe II à ce code, outre aux conditions relatives à la dépréciation elle-même, à ce que la provision en cause ait été constatée dans les écritures de l'exercice conformément, en principe, aux prescriptions comptables. S'agissant de la dépréciation d'un élément d'actif, il résulte des dispositions du plan comptable général que la passation de l'écriture comptable correspondante est subordonnée au constat selon lequel la valeur actuelle de cet élément d'actif, valeur la plus élevée de la valeur vénale ou de la valeur d'usage, est devenue notablement inférieure à sa valeur nette comptable.

4. Il résulte de l'instruction que le 31 mars 2008, l'entreprise Pharmacie de Pombonne a acquis le fonds de commerce d'officine de pharmacie appartenant à la pharmacie Dubois pour une valeur de 1 775 000 euros, dont 1 767 500 euros pour les éléments incorporels. Au titre des exercices clos aux 31 mars 2013 et 2014, elle a déduit de son résultat fiscal des dotations de provisions pour dépréciation du fonds de commerce pour des montants respectifs de 268 388 euros et 67 346 euros.

5. Pour justifier, lors de la vérification de comptabilité, des provisions ainsi comptabilisées, l'entreprise Pharmacie de Pomponne a produit une étude réalisée par le cabinet d'expertise Interfimo, utilisant deux méthodes de valorisation du fonds de commerce. La valeur vénale a été déterminée en fonction du marché de la négociation des officines, tel qu'il ressort des données recueillies par la société Interfimo, en appliquant aux chiffres d'affaires nets, le taux moyen Interfimo, établi au mois de mars de chaque année (84 % pour 2013 et 83 % pour 2014). L'autre méthode a consisté à appliquer à l'excédent brut d'exploitation retraité, le coefficient de référence, retenu par Interfimo de 7,4 % en 2013 et de 6,9 % en 2014, la valorisation du fonds ainsi obtenue s'élevant à 1 653 352 euros pour l'exercice 2013 et à 1 586 006 euros pour l'exercice 2014. Les montants des provisions retenus ont respectivement représenté 100 % et 20,06 % de la dépréciation estimée sur la base la plus défavorable au titre de chaque exercice. Le service vérificateur a remis en cause la provision pour dépréciation du fonds de commerce en l'absence d'élément concret, qui résulterait d'évènements en cours à la clôture de chaque exercice et au motif que des statistiques sont établies sans qu'il soit tenu compte des particularités et spécificités du fonds exploité.

6. Pour justifier des provisions litigieuses, l'entreprise Pharmacie de Pomponne s'est prévalue d'une part, de la situation du marché des officines en France, en baisse depuis plusieurs années, et d'une baisse de son chiffre d'affaires HT au titre de l'exercice clos en 2013 inférieur de 15 % comparé au montant du chiffre d'affaires prévisionnel et au chiffre d'affaires de référence estimé au moment de l'acquisition du fonds de commerce. D'autre part, la gérante et associée unique a dû renoncer à sa rémunération au titre des exercices clos au 31 mars 2012, 2013 et 2014 et l'a réduite à hauteur de 24 000 euros en l'inscrivant en compte courant au titre de ce dernier exercice. Enfin, la gérante indique avoir procédé à un abandon de créance de 179 800 euros au titre de l'exercice clos au 31 mars 2013 dans le but de ne pas aggraver la situation de la société.

7. Il résulte toutefois de l'instruction en premier lieu, que si le fonds de commerce a été inscrit en comptabilité pour un montant de 1 921 740 euros, sa valeur doit être estimée hors frais d'agence et frais de notaire, au montant de 1 767 500 euros. En deuxième lieu, comparé au chiffre d'affaires de 1 876 700 euros hors taxes retenu lors de l'acquisition du fonds de commerce en 2008, aucune baisse n'est constatée au titre de l'exercice clos en 2014 et une baisse de 1, 69 %, non significative, est observée au titre de l'exercice clos en 2013. De même, il existe une stabilité tant de la marge commerciale que de l'excédent brut d'exploitation et du taux de marge réalisé entre l'exercice de référence et les exercices 2013 et 2014. Si la société fait valoir que le maintien de la rentabilité de l'entreprise n'a été rendu possible que par la diminution de la rémunération de la gérante et par l'apport réalisé en compte courant d'un montant de 179 800 euros, elle n'établit pas, en l'absence de baisse du chiffre d'affaires et de l'excédent brut d'exploitation, la baisse de la valeur d'usage du fonds par rapport à sa valeur nette comptable. En outre, l'entreprise intimée ne saurait utilement se prévaloir, pour justifier la comptabilisation des dépréciations litigieuses, des conclusions des études réalisées en 2013 et 2014 par la société financière Interfimo sur la situation des officines comparables situées dans la même région, s'agissant d'une donnée exogène à l'entreprise, ni, pour le même motif des prix de cession de quatre officines situées dans le département de la Dordogne. En tout état de cause, à supposer que ces éléments établissent la baisse de la valeur vénale du fonds, il y a lieu de retenir, ainsi qu'il a été dit au point 3, la valeur la plus élevée de la valeur vénale ou de la valeur d'usage, laquelle n'a pas baissé. Ainsi, en dépit de l'avis de la commission des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires du 22 septembre 2017, c'est à bon droit que le service vérificateur a considéré que la dépréciation du fonds de commerce n'était pas avérée eu égard aux circonstances de fait constatées à la date de clôture des exercices en cause et a réintégré les provisions litigieuses aux résultats imposables. Par suite, le ministre est fondé à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Bordeaux a fait droit, s'agissant des exercices clos aux 31 mars 2013, 2014 et 2015, aux conclusions de l'entreprise Pharmacie de Pombonne.

8. Il résulte de ce qui précède que le ministre est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Bordeaux a fait droit, pour les années 2013 à 2015, à la demande de l'entreprise Pharmacie de Pombonne. Pour les mêmes motifs, la requête de cette dernière doit être rejetée, ainsi que ses conclusions tendant au bénéfice des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

DECIDE :

Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Bordeaux du 2 novembre 2021 est annulé.

Article 2 : Les cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés auxquelles l'entreprise Pharmacie de Pombonne a été assujettie au titre des exercices clos les 30 mars 2013, 2014 et 2015 sont remises à sa charge.

Article 3 : Les conclusions de l'entreprise Pharmacie de Pombonne tendant au bénéfice des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à l'entreprise Pharmacie de Pombonne et au

ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.

Copie en sera adressée à la direction régionale du contrôle fiscal Sud-Ouest.

Délibéré après l'audience du 19 décembre 2024 à laquelle siégeaient :

Mme Frédérique Munoz-Pauziès, présidente,

Mme Bénédicte Martin, présidente-assesseure,

Mme Lucie Cazcarra, première conseillère,

Lu en audience publique, le 9 janvier 2025.

La rapporteure,

Bénédicte MartinLa présidente,

Frédérique Munoz-Pauziès

La greffière,

Laurence Mindine

La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

2

N° 22BX00533


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de BORDEAUX
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 22BX00533
Date de la décision : 09/01/2025
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : Mme MUNOZ-PAUZIES
Rapporteur ?: Mme Bénédicte MARTIN
Rapporteur public ?: M. DUPLAN
Avocat(s) : STE JURIDIQUE FISCALE MOYAERT DUPOURQUE BARALE&ASSOCIES

Origine de la décision
Date de l'import : 19/01/2025
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2025-01-09;22bx00533 ?
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