Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. C... A... a demandé au tribunal administratif de Bordeaux d'annuler l'arrêté du 15 novembre 2023 par lequel le préfet de la Gironde a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi.
Par un jugement n° 2306671 du 13 mars 2024, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête et un mémoire, enregistrés le 24 juillet 2024 et le 8 novembre 2024, M. A..., représenté par Me Bâ, demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Bordeaux du 13 mars 2024 ;
2°) d'annuler l'arrêté du 15 novembre 2023 par lequel le préfet de la Gironde a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi ;
3°) d'enjoindre au préfet de la Gironde de lui délivrer un titre de séjour " vie privée et familiale " dans un délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard, ou à défaut de réexaminer sa situation dans un délai d'un mois dans les mêmes conditions d'astreinte, et de lui délivrer dans cette attente une autorisation provisoire de travail ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros en application des dispositions combinées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Il soutient que :
En ce qui concerne le refus de séjour :
- la décision est insuffisamment motivée et est entachée d'un défaut d'examen de sa situation ;
- le collège des médecins ne s'est prononcé que sur ses problèmes auriculaires mais pas sur sa pathologie psychiatrique laquelle a été portée à la connaissance de la préfecture lors d'une précédente demande de titre de séjour ;
- elle est entachée d'une erreur d'appréciation au regard de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
En ce qui concerne l'obligation de quitter le territoire français :
- elle est illégale par voie de conséquence de l'illégalité du refus de titre de séjour ;
- elle méconnaît l'article L. 611-3 9° du code de l'entée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
En ce qui concerne le pays de renvoi :
- la décision fixant le pays de renvoi est illégale par voie de conséquence de l'illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français ;
- elle méconnaît l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
Par un mémoire en défense, enregistré le 21 octobre 2024, le préfet de la Gironde conclut au rejet de la requête.
Il s'en remet à son mémoire de première instance.
Par une ordonnance du 12 novembre 2024, la clôture de l'instruction a été fixée au 12 décembre 2024.
M. A... a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision n° 2024/001139 du 27 juin 2024.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
La présidente de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Caroline Gaillard,
- et les observations de Me Bâ, représentant M. A....
Considérant ce qui suit :
1. M. C... A..., de nationalité nigériane, né le 1er juillet 1985, déclare être entré en France en septembre 2018. Sa demande d'asile a été rejetée par une décision du 30 octobre 2019 de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) confirmée par une décision du 14 octobre 2020 de la Cour nationale du droit d'asile (CNDA). Sa demande de réexamen au titre de l'asile a été rejetée comme irrecevable par une décision du 21 mars 2023 de l'OFPRA, confirmée par une décision du 31 juillet 2023 de la CNDA. M. A... a également demandé un titre de séjour sur le fondement de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par un arrêté du 15 novembre 2023, le préfet de la Gironde a refusé de faire droit à sa demande, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi. M. A... relève appel du jugement du 13 mars 2024 par lequel le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande d'annulation de l'arrêté du 15 novembre 2023.
Sur les conclusions à fin d'annulation :
En ce qui concerne la décision de refus de titre de séjour :
2. En premier lieu, M. A... reprend en appel, dans des termes similaires et sans critique utile du jugement, ses moyens de première instance tirés du défaut de motivation de la décision litigieuse et de l'absence d'examen réel et sérieux de sa situation, au soutien desquels il n'apporte aucun élément de droit ou de fait nouveau. Il y a lieu, dès lors, d'écarter ces moyens par adoption des motifs pertinents retenus par les premiers juges.
3. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger, résidant habituellement en France, dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et qui, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié, se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " d'une durée d'un an. La condition prévue à l'article L. 412-1 n'est pas opposable. La décision de délivrer cette carte de séjour est prise par l'autorité administrative après avis d'un collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, dans des conditions définies par décret en Conseil d'Etat (...) ".
4. Aux termes de l'article 1 de l'arrêté du 27 décembre 2016 relatif aux conditions d'établissement et de transmission des certificats médicaux, rapports médicaux et avis mentionnés aux [anciens] articles R. 313-22, R. 313-23 et R. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger qui dépose une demande de délivrance ou de renouvellement d'un document de séjour pour raison de santé est tenu, pour l'application des articles R. 313-22 et R. 313-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, de faire établir un certificat médical relatif à son état de santé par le médecin qui le suit habituellement ou par un médecin praticien hospitalier (...) ". Aux termes de l'article 2 de cet arrêté : " Le certificat médical, dûment renseigné et accompagné de tous les documents utiles, est transmis sans délai, par le demandeur, par tout moyen permettant d'assurer la confidentialité de son contenu, au service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, dont l'adresse a été préalablement communiquée au demandeur ". Aux termes de l'article 3 du même arrêté : " Au vu du certificat médical et des pièces qui l'accompagnent ainsi que des éléments qu'il a recueillis au cours de son examen éventuel, le médecin de l'office établit un rapport médical, conformément au modèle figurant à l'annexe B du présent arrêté ".
5. D'une part, M. A... fait valoir que si le collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII) a examiné ses problèmes auditifs, il n'a pas statué sur sa pathologie psychiatrique. Il ressort du rapport médical du médecin de l'office qu'il a été exclusivement établi sur la base du certificat du docteur B... qui porte sur les problèmes auriculaires de l'intéressé. Si M. A... produit un certificat médical du 23 mai 2022 d'une psychiatre en vue d'une éventuelle demande de titre de séjour, il ne ressort pas des pièces du dossier qu'il aurait transmis ce document au collège de médecins ni qu'il l'aurait produit à l'appui de sa demande de titre de séjour du 9 mai 2023. Il en va de même du certificat médical du 27 février 2023. Par suite, le moyen tiré de ce que la décision en litige aurait été prise à l'issue d'une procédure irrégulière doit être écarté.
6. D'autre part, si M. A... soutient que sa pathologie psychiatrique justifie la délivrance d'un titre de séjour mention " étranger malade ", il ne ressort pas des pièces du dossier que l'intéressé aurait mis en mesure le collège de médecins de statuer sur cette pathologie ni informé le préfet de ladite pathologie. Au demeurant, s'il produit un document attestant d'un suivi psychiatrique mensuel depuis 2021, un certificat médical d'une psychiatre constatant l'existence d'un trouble de stress post-traumatique aggravé et l'amélioration progressive de son état de santé depuis le début de ses soins ainsi qu'un certificat médical du 6 octobre 2024 indiquant qu'il remplit les conditions pour présenter une demande de titre de séjour au titre de son état de santé, ces éléments ne suffisent pas à démontrer que le défaut de sa prise en charge médicale pourrait entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité de nature à justifier son admission au séjour. Par suite, et sans que l'intéressé puisse utilement soutenir qu'il ne pourra pas déposer de nouvelle demande dans l'année suivant la décision en litige, les moyens tirés de la méconnaissance des dispositions de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et de l'erreur d'appréciation doivent être écartés.
En ce qui concerne l'obligation de quitter le territoire français :
7. En premier lieu, les moyens soulevés à l'encontre du refus de titre de séjour ayant été écartés, M. A... n'est pas fondé à soutenir que l'obligation de quitter le territoire français serait fondée sur une décision illégale et à en demander l'annulation par voie de conséquence.
8. En second lieu, aux termes de l'article L. 611-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Ne peuvent faire l'objet d'une décision portant obligation de quitter le territoire français : (...) / 9° L'étranger résidant habituellement en France si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé du pays de renvoi, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié (...) ".
9. M. A... persiste à soutenir qu'il ne peut bénéficier effectivement d'un traitement approprié à sa pathologie psychiatrique dans son pays d'origine et que le défaut de soins entraînerait des conséquences d'une exceptionnelle gravité. Toutefois, il résulte de ce qui a été dit au point 6 que le préfet de la Gironde pouvait légalement refuser de délivrer à M. A... un titre de séjour en qualité d'étranger malade. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance de l'article L. 611-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doit être écarté.
En ce qui concerne le pays de renvoi :
10. En premier lieu, les moyens soulevés à l'encontre de l'obligation de quitter le territoire français ayant été écartés, M. A... n'est pas fondé à soutenir que la décision fixant le pays de renvoi serait fondée sur une décision illégale et à en demander l'annulation par voie de conséquence.
11. En second lieu, aux termes de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants ". M. A... fait valoir qu'il craint pour sa vie en cas de retour dans son pays d'origine qu'il aurait fui en raison de son agression par la société secrète Black-Axe qui aurait tué ses parents. Alors qu'il ressort des pièces du dossier que la demande d'asile de M. A... a été rejetée par l'OFPRA et la CNDA et que sa demande de réexamen a également été rejetée par ces institutions, le certificat médical du 8 juin 2015 attestant de son admission dans un hôpital nigérian à la suite d'une agression physique ainsi que le certificat du service psychiatrique du centre hospitalier Charles Perrens du 27 février 2023 mentionnant son suivi pour un trouble post-traumatique résultant de cette agression ne suffisent pas à établir à eux seuls les risques dont il fait état en cas de retour dans son pays d'origine. Enfin, si M. A... fait valoir que l'absence d'accès à un traitement effectif des pathologies mentales au Nigéria fait obstacle à ce qu'il soit éloigné à destination de ce pays, il résulte de ce qui a été dit au point 6 qu'il n'est pas établi par les pièces produites que le défaut de prise en charge de sa pathologie entraînerait des conséquences d'une exceptionnelle gravité. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté.
12. Il résulte de tout ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande. Par suite, sa requête doit être rejetée y compris ses conclusions à fin d'injonction et d'astreinte ainsi que celles présentées au titre des dispositions de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique.
DECIDE :
Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... A... et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet de la Gironde.
Délibéré après l'audience du 19 décembre 2024 à laquelle siégeaient :
Mme Karine Butéri, présidente,
M. Stéphane Gueguein, président-assesseur,
Mme Caroline Gaillard, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 9 janvier 2025.
La rapporteure,
Caroline Gaillard
La présidente,
Karine Butéri
La greffière,
Sylvie Hayet
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur, et à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 24BX01860