Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme B... A... a demandé au tribunal administratif de la Martinique d'annuler l'arrêté du 8 avril 2024 par lequel le préfet de la Martinique lui a fait obligation de quitter le territoire français, l'a interdite de retour sur le territoire français pour une durée d'un an et a fixé le pays de renvoi.
Par un jugement n° 2400300 du 28 juin 2024, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de la Martinique a annulé la décision fixant le pays de renvoi et a rejeté le surplus de sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 27 août 2024, Mme A..., représentée par Me Corin, demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de la Martinique du 28 juin 2024 en tant qu'il a rejeté le surplus de sa demande ;
2°) d'annuler l'arrêté du 8 avril 2024 par lequel le préfet de la Martinique lui a fait obligation de quitter le territoire français et l'a interdite de retour sur le territoire français pour une durée d'un an ;
3°) d'enjoindre au préfet de la Martinique de lui délivrer une carte de séjour temporaire mention " vie privée et familiale ", sous astreinte de dix euros par jour de retard à compter d'un délai de quinze jours suivant la notification de l'arrêt à intervenir, et subsidiairement, de réexaminer sa situation dans le délai de quinze jours suivant l'arrêt à intervenir et de lui délivrer durant cet examen une autorisation provisoire de séjour l'autorisant à travailler, sous astreinte de 50 euros par jour de retard ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros en application des dispositions combinées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Elle soutient que :
En ce qui concerne la décision portant obligation de quitter le territoire français :
- le préfet n'a pas procédé à un examen sérieux de sa situation personnelle et familiale ;
- elle méconnait les articles L. 423-23 et L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- elle méconnait l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- elle méconnait l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant.
En ce qui concerne la décision d'interdiction de retour sur le territoire français :
- elle est dépourvue de base légale compte tenu de l'illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français ;
- elle méconnait les articles L. 612-6 et L. 612-10 alinéa 2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
La requête a été communiquée au préfet de la Martinique qui n'a pas produit de mémoire en défense.
Par une ordonnance du 1er octobre 2024, la clôture de l'instruction a été fixée au 4 novembre 2024.
Mme A... a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision n° 2024/002615 du 21 novembre 2024.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
La présidente de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de Mme Caroline Gaillard a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. Mme A..., ressortissante de nationalité haïtienne née le 4 septembre 1993, a déclaré être entrée en France le 28 juin 2019. Sa demande d'asile a été rejetée en dernier lieu par une décision du 10 mars 2020 de la Cour nationale du droit d'asile (CNDA). Par un arrêté du 8 avril 2024, le préfet de la Martinique a fait obligation à Mme A... de quitter le territoire français dans un délai de 30 jours, a fixé le pays de renvoi et l'a interdite de retour sur le territoire français pour une durée d'un an. Mme A... a demandé au tribunal administratif de la Martinique de prononcer l'annulation de l'arrêté du 8 avril 2024. Par un jugement du 28 juin 2024, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de la Martinique a annulé la décision du 8 avril 2024 fixant le pays de renvoi et a rejeté le surplus de la demande de Mme A.... Cette dernière relève appel de ce jugement en tant qu'il a rejeté le surplus de sa demande.
Sur la décision portant obligation de quitter le territoire français :
2. En premier lieu, il ressort des termes mêmes de l'arrêté du 8 avril 2024, portant notamment obligation de quitter le territoire français, qu'il cite les textes dont il fait application et en particulier le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et qu'il rappelle la situation personnelle et familiale de Mme A... en indiquant qu'elle est célibataire et mère de deux enfants mineurs âgés de 4 et 3 ans et qu'elle a vécu jusqu'à l'âge de 26 ans dans son pays d'origine dans lequel elle conserve des attaches familiales. Dans ces conditions, le moyen tiré de ce que le préfet de la Martinique n'aurait pas procédé à un examen sérieux de la situation de Mme A... doit être écarté.
3. En deuxième lieu, il ne ressort d'aucune pièce du dossier que Mme A... aurait présenté au préfet de la Martinique, sur le fondement de l'article L. 423-23 ou de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, une demande d'admission au séjour qui aurait été rejetée par l'arrêté litigieux. Dans ces conditions, le moyen tiré de la méconnaissance de ces dispositions ne peut qu'être écarté comme inopérant.
4. En troisième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".
5. Mme A... fait valoir qu'elle vit sur le territoire français depuis 2018, qu'elle a donné naissance à deux enfants à C..., tous deux scolarisés et qui seraient placés à l'aide sociale à l'enfance depuis le 30 janvier 2024. Il ressort toutefois des pièces du dossier que Mme A..., qui est célibataire et n'allègue pas que le père des enfants, dont elle ne parle pas, prendrait part à leur éducation ou à leur entretien, n'établit pas, alors qu'elle ne produit aucun document relatif au placement des enfants, que sa cellule familiale ne pourrait se reconstituer avec ses deux enfants mineurs à l'étranger, ni que ces derniers ne pourraient poursuivre leur scolarité ailleurs qu'en France. Elle n'établit pas davantage son insertion professionnelle particulière et durable sur le territoire français, et ne justifie pas ne pas avoir conservé des attaches familiales dans son pays d'origine où elle a vécu jusqu'à l'âge de 26 ans. Dans ces conditions, la décision attaquée n'a pas porté au droit au respect de la vie privée et familiale de l'intéressée une atteinte excessive au regard des buts en vue desquels elle a été prise. Le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit, dès lors, être écarté.
6. En quatrième lieu, aux termes de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant : " 1. Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait des institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale ".
7. Si la requérante se prévaut du placement de ses deux enfants mineurs auprès des services de l'aide sociale à l'enfance, elle ne donne aucun élément précis quant aux raisons de ce placement allégué, à l'effectivité de ses visites auprès de ses enfants, ni au fait que ces derniers auraient fait l'objet d'une interdiction de sortie du territoire. Ainsi, dans ces circonstances particulières, rien ne fait obstacle à ce que l'intéressée puisse reconstituer sa cellule familiale à l'étranger, accompagnée de ses enfants mineurs, et à ce que ces derniers y poursuivent leur scolarité. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 3 de la convention internationale des droits de l'enfant doit être écarté.
Sur la décision d'interdiction de retour sur le territoire français :
8. En premier lieu, compte tenu de l'absence d'illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire, la décision portant interdiction de retour sur le territoire français n'est pas dépourvue de base légale.
9. En second lieu, aux termes de l'article L. 612-8 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Lorsque l'étranger n'est pas dans une situation mentionnée aux articles L. 612-6 et L. 612-7, l'autorité administrative peut assortir la décision portant obligation de quitter le territoire d'une interdiction de retour sur le territoire français. Les effets de cette interdiction cessent à l'expiration d'une durée, fixée par l'autorité administrative, qui ne peut excéder deux ans à compter de l'exécution de l'obligation de quitter le territoire français ". Aux termes de l'article L. 612-10 de ce code : " Pour fixer la durée des interdictions de retour mentionnées aux articles L. 612-6 et L. 612-7, l'autorité administrative tient compte de la durée de présence de l'étranger sur le territoire français, de la nature et de l'ancienneté de ses liens avec la France, de la circonstance qu'il a déjà fait l'objet ou non d'une mesure d'éloignement et de la menace pour l'ordre public que représente sa présence sur le territoire français. Il en est de même pour l'édiction et la durée de l'interdiction de retour mentionnée à l'article L. 612-8 (...) ".
10. Il ressort des termes des dispositions de l'article L. 612-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile que l'autorité compétente doit, pour décider de prononcer à l'encontre de l'étranger soumis à l'obligation de quitter le territoire français une interdiction de retour et en fixer la durée, tenir compte, dans le respect des principes constitutionnels, des principes généraux du droit et des règles résultant des engagements internationaux de la France, des quatre critères qu'elles énumèrent, sans pouvoir se limiter à ne prendre en compte que l'un ou plusieurs d'entre eux.
11. Il ressort des pièces du dossier que, pour prendre la décision en litige, le préfet s'est fondé sur ce que Mme A... était entrée en France il y a moins de 4 ans à la date de l'arrêté litigieux et qu'elle ne se prévalait pas de liens personnels sur le territoire caractérisés par leur ancienneté et leur intensité. Ainsi, en décidant de fixer à douze mois la durée de l'interdiction de retour dont elle fait objet, le préfet n'a pas commis d'erreur d'appréciation.
12. Il résulte de tout ce qui précède que Mme A... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de la Martinique a rejeté le surplus de sa demande. Par suite, sa requête doit être rejetée y compris ses conclusions à fin d'injonction et d'astreinte ainsi que celles présentées au titre des dispositions de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique.
DECIDE :
Article 1er : La requête de Mme A... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B... A... et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet de la Martinique et au ministre chargé de l'outre-mer.
Délibéré après l'audience du 19 décembre 2024 à laquelle siégeaient :
Mme Karine Butéri, présidente,
M. Stéphane Gueguein, président-assesseur,
Mme Caroline Gaillard, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 9 janvier 2025.
La rapporteure,
Caroline Gaillard
La présidente,
Karine Butéri
La greffière,
Sylvie Hayet
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur, et à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 24BX02063