Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
L'association Vive la forêt et l'association des riverains du lac de Lacanau ont demandé au tribunal administratif de Bordeaux d'annuler l'arrêté du 22 janvier 2021 par lequel le maire de la commune de Lacanau a délivré à la société civile de construction vente (SCCV) Moutchic un permis de construire en vue de l'édification d'une résidence pour personnes âgées, d'un établissement d'hébergement pour personnes âgées dépendantes (EHPAD), d'un pôle de santé et d'une crèche, sur un terrain situé avenue du docteur A... B... sur le territoire de la commune de Lacanau, ainsi que la décision implicite de rejet du recours gracieux formé contre cet arrêté, et l'arrêté du 28 avril 2022 par lequel cette même autorité a délivré à la société Moutchic un permis de construire modificatif.
Par un jugement n° 2103740 du 18 janvier 2023, le tribunal administratif de Bordeaux a annulé l'arrêté du 22 janvier 2021, la décision implicite de rejet de son recours gracieux et l'arrêté du 28 avril 2022.
Procédure devant la cour :
I. Par une requête n° 23BX00767 et un mémoire, enregistrés le 16 mars 2023 et le 22 mars 2024, la société Moutchic, représentée par Me Bonneau, demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement n° 2103740 du tribunal administratif de Bordeaux du 18 janvier 2023 ;
2°) de déclarer l'arrêté du 22 janvier 2021 légal ou à titre subsidiaire, de l'inviter à déposer une demande de permis de construire modificatif afin de régulariser un éventuel vice dont serait entaché l'arrêté du 22 janvier 2021, en application de l'article L. 600-5-1 du code de l'urbanisme ou à défaut de prononcer l'annulation partielle de l'arrêté du 22 janvier 2021 en application de l'article L. 600-5 du code de l'urbanisme ;
3°) de mettre à la charge de l'association Vive la forêt le paiement de la somme de 3 000 euros au titre des frais exposés non compris dans les dépens, en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- contrairement à ce qu'a retenu le tribunal administratif de Bordeaux, le projet n'est pas situé dans un espace naturel remarquable ; le tribunal a confondu les critères tenant à la qualification des espaces naturels remarquables et ceux tenant à celle d'une unité paysagère ;
- le terrain d'assiette ne constitue pas, par lui-même, un espace remarquable au sens de l'article L. 121-23 du code de l'urbanisme ; la plus grande majorité de l'unité foncière a été anthropisé avant même que ne soit réalisé le lotissement limitrophe du terrain ; des bâtiments ont été édifiés et des voies ont été réalisées sur la totalité de la surface du terrain pour les desservir, confirmant le terrain de friche du terrain d'assiette ;
- ce terrain est dépourvu d'intérêt écologique, dès lors qu'il n'est inclus dans aucune zone naturelle d'intérêt écologique floristique et faunistique (ZNIEFF), ni zone importante pour la conservation des oiseaux (ZICO) ni zone Natura 2000 ; il ne fait pas l'objet d'une protection spécifique ; aucune étude réalisée au stade de l'élaboration des documents d'urbanisme ne justifie que le terrain d'assiette soit regardé comme constituant un espace naturel remarquable ;
- le terrain d'assiette ne participe pas à la préservation de l'espace remarquable forestier composé de pins maritimes et ne saurait de ce fait constituer une unité paysagère avec lui, compte tenu de ses caractéristiques ; la protection écologique du terrain est inopérante s'agissant de la qualification d'une unité paysagère, qui tient à la nécessité de préserver l'espace naturel ; le terrain d'assiette fait état d'une faible densité d'arbres qui étaient, avant leur coupe, pour la majorité d'entre eux malades de sorte que le terrain d'assiette rompt toute possibilité d'unité paysagère ; rudéralisé, le terrain ne participe pas à la préservation de la forêt ;
- le tribunal administratif de Bordeaux a estimé à tort que le projet ne se situait pas en continuité d'une agglomération ou d'un village ou au sein d'un secteur déjà urbanisé, au sens de l'article L. 121-8 du code de l'urbanisme ;
- le terrain d'assiette du projet est situé aux confins de deux quartiers pouvant être qualifiés de villages compte tenu de la densité de constructions ; il constitue une dent creuse ; d'une part, un lotissement composé d'une cinquantaine de maisons est implanté au sud-ouest du terrain ; d'autre part, le tribunal a écarté à tort le schéma de cohérence territoriale (SCOT) des lacs médocains qui identifiait le quartier du Moutchic comme un village susceptible de se développer et au sein duquel le terrain d'assiette présente un rôle central ;
- le terrain d'assiette du projet pourrait être regardé comme implanté dans un espace déjà urbanisé au sens de l'article L. 121-8 du code de l'urbanisme ; les auteurs du SCOT et du plan local d'urbanisme (PLU) qualifient le quartier du Moutchic de secteur urbanisé pouvant bénéficier de l'implantation de services publics ;
- la cour pourra faire usage des pouvoirs qu'elle tire des articles L. 600-5 et L. 600-5-1 du code de l'urbanisme si elle venait à considérer que le permis de construire attaqué est entaché d'un vice affectant sa légalité ; elle devrait alors surseoir à statuer en vue d'une régularisation, ou prononcer une annulation partielle du permis ;
- l'adoption, par délibération du 26 octobre 2023, du SCOT de la communauté de communes Médoc Atlantique confirme la volonté des élus locaux de réaliser un pôle de santé au Moutchic, qui présente un intérêt de service public ; le terrain d'assiette du projet se situe bien en continuité d'un village au sens de la loi littoral ; cette adoption confirme la démonstration selon laquelle le Moutchic et Carreyre constituent des villages au sens de la loi littoral ;
- contrairement à ce soutiennent les associations en appel, le projet respecte les règles applicables en espaces proches du rivage au sens de l'article L. 121-13 du code de l'urbanisme ; le projet pourrait être qualifié de simple opération de construction et non d'extension de l'urbanisation ; l'extension de l'urbanisation est autorisée à la fois par le SCOT et par le PLU de la commune.
Par des mémoires en défense, enregistrés les 6 octobre 2023, 23 avril et 25 juillet 2024, l'association Vive la forêt, représentée par Me Vieira, conclut au rejet de la requête de la société Moutchic, et à ce que soit mis à la charge de la société Moutchic et de la commune de Lacanau, chacune, le versement de la somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle fait valoir que :
- elle justifie d'un intérêt à agir contre l'arrêté attaqué ;
- contrairement à ce que soutient la société Moutchic, le tribunal administratif de Bordeaux n'a pas eu à juger de la compatibilité des dispositions du SCOT avec la loi littoral ; le jugement n° 1704634 du 24 mai 2018 du tribunal administratif de Bordeaux ne préjuge dès lors pas de la légalité des autorisations individuelles avec la loi littoral ; l'arrêt n° 13BX02278 n'a pas tranché la question de la légalité du secteur du Moutchic au regard de la loi littoral ; aucune autorité de chose jugée n'interfère avec le jugement attaqué ;
- l'emprise du projet ne correspond pas à un site aujourd'hui anthropisé ; le projet serait circonscrit à la partie naturelle de la parcelle ; le terrain d'assiette du projet n'est pas dépourvu d'intérêt écologique, la demande d'autorisation de dérogation au titre des espèces protégées confirmant les enjeux de biodiversité ;
- le terrain d'assiette du projet appartient à une unité paysagère ; il se situe en bordure immédiate du site classé du lac de Lacanau, en partie dans la bande des cents mètres du littoral ;
- le schéma de cohérence territoriale des lacs médocains ne fait pas écran à la loi littoral dès lors que celui-ci a été adopté en 2014 soit avant l'instauration de l'article L. 121-3 du code de l'urbanisme ; il n'avait pas pour objet de déterminer les critères d'identification des villages, agglomérations et autres secteurs déjà urbanisés prévus à l'article L. 121-8, et d'en définir la localisation ;
- le projet, situé en continuité avec le quartier Carreyre, dans une zone d'urbanisation diffuse, ne peut être autorisé ; il ne se situe pas en continuité avec le quartier du Moutchic dès lors qu'il en est séparé par une route départementale ; ce quartier du Moutchic ne saurait être qualifié de village ;
- les dispositions du SCOT ne déterminent pas les critères d'identification des villages et agglomérations et autres secteurs, ni leur localisation ;
- le projet en litige méconnait l'article L. 121-13 du code de l'urbanisme, dès lors qu'il constitue une extension non limitée de l'urbanisation en espace proche du rivage ; compte tenu de ses caractéristiques, le projet est conséquent et significatif pour l'urbanisation du secteur concerné ;
- cette autorisation d'urbanisme ne peut être mise en œuvre sans autorisation de défrichement et sans dérogation à la destruction d'espèces protégée, deux procédures dépendant de l'État, invalidées par le tribunal administratif de Bordeaux ;
- par courrier du 5 janvier 2024, le préfet de la Gironde a prononcé la suspension de l'exécution du SCOT des lacs médocains ;
- la commune de Lacanau n'a pas été mise en cause dans la présente instance et ne peut prétendre au versement d'une somme d'argent sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Par un mémoire en intervention volontaire, enregistré le 23 mai 2024, un mémoire en production de pièces, enregistré le 24 mai 2024, et un mémoire complémentaire enregistré le 28 août 2024, qui n'a pas fait l'objet de communication, la commune de Lacanau, représentée par Me Chatel, demande à la cour :
1°) de déclarer son intervention volontaire recevable et fondée ;
2°) de réformer le jugement n° 2103740 du tribunal administratif de Bordeaux du 18 janvier 2023 ;
3°) de constater l'irrecevabilité de la requête des associations requérantes en première instance ;
4°) de mettre à la charge de l'association Vive la forêt et de l'association des riverains du lac de Lacanau le versement de la somme de 5 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- elle demande la jonction de la requête avec l'instance n° 23BX00767 ;
- le jugement attaqué dénature les faits en affirmant que le schéma de cohérence territoriale des lacs médocains n'identifie pas le secteur de Carreyre et l'assiette du projet comme agglomération ou village au sens de l'article L. 121-8 du code de l'urbanisme ;
- l'orientation d'aménagement et de programmation n° 5 est compatible avec le SCOT, ainsi que l'a jugé le tribunal administratif de Bordeaux dans son jugement du 24 mai 2018 ; le projet est situé dans un espace urbanisé de la commune, et ne constitue pas une extension de l'urbanisation au sens de l'article L. 121-8 du code de l'urbanisme ;
- depuis le jugement contesté, par une délibération du 26 octobre 2023, le territoire est couvert par un nouveau SCOT, qui classe, au titre de la loi littoral, le secteur de Carreyre et le foncier de l'opération contestée en village ;
- le tribunal a dénaturé les faits et méconnu les articles L. 121-8 et L. 121-23 du code de l'urbanisme en refusant de reconnaître le caractère d'agglomération, village ou même de secteur déjà urbanisé au secteur du Carreyre et à l'assiette du projet ; le tribunal ne pouvait, sans méconnaitre l'autorité de chose jugée et le principe de sécurité juridique, estimer que le projet, conforme aux prescriptions du plan local d'urbanisme, ne l'était plus au titre des dispositions du code de l'urbanisme issues de la loi littoral ;
- le jugement est mal fondé au regard de l'article L. 121-23 du code de l'urbanisme dès lors que le SCOT des lacs médocains écarte le secteur du Moutchic et de Carreyre des espaces naturels remarquables au titre de la loi littoral pour l'inclure dans les espaces urbanisés du territoire ; le terrain d'assiette du projet est par ailleurs classé en zone 1AU5 du plan local d'urbanisme de Lacanau ; l'assiette du projet conserve les bâtiments de l'ancien centre médico-scolaire fermé en 1985 et atteste ainsi de l'anthropisation du site ; la présence à proximité d'une ZNIEFF, d'un site classé ou d'une espèce de végétation littorale, ne suffit pas à justifier la qualification d'espace naturel remarquable.
II. Par une requête n° 23BX00776 et des mémoires, enregistrés les 17 mars 2023, 23 mai 2024, 24 mai 2024 et 28 août 2024, ce dernier mémoire n'ayant pas été communiqué, la commune de Lacanau, représentée en dernier lieu par Me Chatel, demande à la cour :
1°) de réformer le jugement n° 2103740 du tribunal administratif de Bordeaux ;
2°) de constater la légalité de l'arrêté du 22 janvier 2021 par lequel le maire de Lacanau a délivré à la société Moutchic un permis de construire, et de l'arrêté du 28 avril 2022 portant permis de construire modificatif ;
3°) de mettre à la charge de l'association Vive la forêt et de l'association des riverains du lac de Lacanau le paiement de la somme de 5 000 euros au titre des frais exposés non compris dans les dépens, en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- la requête présentée par l'association Vive la forêt en première instance était irrecevable ; si le jugement a retenu à bon droit l'irrecevabilité de l'association des riverains du lac de Lacanau en relevant que l'association ne justifiait pas de la date de dépôt de ses statuts modifiés, il doit être réformé en ce qu'il n'a pas appliqué le même principe à l'association Vive la forêt ; cette dernière n'a pas produit la preuve de l'agrément conforme de la préfecture à la date d'affichage du dépôt du permis attaqué, le 23 décembre 2019 ; l'association n'a pas indiqué les personnes physiques ayant qualité à agir en son nom ; enfin, l'association ne justifie pas que le conseil d'administration aurait habilité son président à la représenter pour cette procédure ;
- en critiquant le permis de construire sur le fondement de la loi littoral, les associations soulevaient implicitement l'illégalité par la voie de l'exception du schéma de cohérence territoriale des lacs médocains et du plan local d'urbanisme, en particulier l'orientation d'aménagement et de programmation n° 5, spécifiquement dédié à cette opération ; or, le juge administratif a rejeté deux recours engagés par l'association Vive la Forêt contre ce schéma de cohérence territoriale et le plan local d'urbanisme de Lacanau, par un jugement n° 1704634 du tribunal administratif de Bordeaux et par un arrêt n° 13BX02278 de la cour administrative d'appel de Bordeaux, lesquels ont acquis autorité de chose jugée ; le jugement attaqué aurait dû confirmer la conformité du projet avec les dispositions des articles L. 121-8 et L. 121-23 du code de l'urbanisme, et plus largement avec l'ensemble des dispositions du code de l'urbanisme issues de la loi littoral ;
- le jugement attaqué dénature les faits en considérant que le SCOT des lacs médocains n'identifiait pas le secteur de Carreyre et le terrain d'assiette du projet comme agglomération ou village au sens des articles L. 121-8 et L. 121-23 du code de l'urbanisme ; le projet en litige est situé dans un espace urbanisé de la commune et ne constitue pas une extension de l'urbanisation au sens de l'article L. 121-8 du code de l'urbanisme ;
- depuis le jugement contesté, par une délibération du 26 octobre 2023, le territoire est couvert par un nouveau SCOT, qui classe, au titre de la loi littoral, le secteur de Carreyre et le foncier de l'opération contestée en village ;
- le jugement dénature les faits en refusant de reconnaître le caractère d'agglomération, de village ou même de secteur déjà urbanisé au secteur de Carreyre et à l'assiette du projet ;
- le jugement est mal fondé au regard des articles L. 121-3 et L. 121-8 du code de l'urbanisme dès lors que le SCOT des lacs médocains écarte le secteur du Moutchic et de Carreyre des espaces naturels remarquables au titre de la loi littoral pour l'inclure dans les espaces urbanisés du territoire ; le terrain d'assiette du projet est par ailleurs classé en zone 1AU5 du plan local d'urbanisme de Lacanau ; l'assiette du projet conserve les bâtiments de l'ancien centre médico-scolaire fermé en 1985 et atteste ainsi de l'anthropisation du site ; la présence à proximité d'une ZNIEFF, d'un site classé ou d'une espèce de végétation littorale, ne suffit pas à justifier la qualification d'espace naturel remarquable.
Par un mémoire en défense, enregistré le 2 octobre 2023, et un mémoire complémentaire enregistré le 23 juillet 2024, l'association Vive la forêt, représentée par Me Vieira, conclut au rejet de la requête, à la confirmation du jugement du 18 janvier 2023 du tribunal administratif de Bordeaux, et à ce que soit mis à la charge de la commune de Lacanau le versement de la somme de 1 500 euros au titre des frais exposés non compris dans les dépens, en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle fait valoir que :
- elle justifie d'un intérêt à agir contre l'arrêté attaqué ;
- contrairement à ce que soutient la commune de Lacanau, le tribunal administratif de Bordeaux n'a jamais eu à juger de la compatibilité des dispositions du SCOT des lacs médocains avec la loi littoral ; le jugement n° 1704634 du 24 mai 2018 du tribunal administratif de Bordeaux ne préjuge dès lors pas de la légalité des autorisations individuelles avec la loi littoral ; l'arrêt n° 13BX02278 n'a pas tranché la question de la légalité du secteur du Moutchic au regard de la loi littoral ; aucune autorité de chose jugée n'interfère avec le jugement attaqué ;
- le SCOT des lacs médocains ne fait pas écran à la loi littoral dès lors que celui-ci a été adopté en 2019, soit postérieurement à l'instauration de l'article L. 121-3 du code de l'urbanisme par la loi Elan, entrée en vigueur le 25 novembre 2018 ;
- il s'agit de vérifier la conformité du permis directement au regard de l'article L. 121-8 du code de l'urbanisme ; le quartier Carreyre ne peut être regardé comme une agglomération au sens de la loi littoral ; dans ces conditions, le projet en litige, en continuité avec ce quartier dans une zone d'urbanisation diffuse, ne peut être autorisé ; le projet ne se situe pas en continuité avec le quartier du Moutchic, qui ne constitue en tout état de cause pas un village ;
- les dispositions du SCOT ne déterminent pas les critères d'identification des villages et agglomérations et autres secteurs, ni leur localisation ;
- le projet en litige méconnait l'article L. 121-13 du code de l'urbanisme, dès lors qu'il constitue une extension non limitée de l'urbanisation en espace proche du rivage ; compte tenu de ses caractéristiques, le projet est conséquent et significatif pour l'urbanisation du secteur concerné ;
- le site en litige doit être regardé comme constituant un espace remarquable au sens de l'article L. 121-23 du code de l'urbanisme ; en l'espèce, le milan noir est présent dans l'emprise du site ;
- l'autorisation d'urbanisme ne peut être mise en œuvre sans autorisation de défrichement et sans dérogation à la destruction d'espèces protégées, deux procédures dépendant de l'État, invalidées par le tribunal administratif de Bordeaux.
Par un mémoire en défense, enregistré le 3 octobre 2023, l'association des riverains du lac de Lacanau, représentée par Me Vieira, conclut, à titre principal, au rejet de la requête, à défaut à ce que la somme prononcée à son encontre sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative soit ramenée à de plus justes proportions, et à ce que soit mis à la charge de la commune de Lacanau le paiement de la somme de 600 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- elle a pris acte du jugement du tribunal administratif de Bordeaux et n'a pas souhaité faire appel ; la demande formée par la commune de Lacanau tendant à sa condamnation à lui verser la somme de 4 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, n'est pas fondée ; il serait par ailleurs inéquitable de la condamner à payer une partie des frais dont la commune de Lacanau demande le versement ; à titre subsidiaire, il est demandé à la cour que la condamnation soit ramenée à de plus justes proportions au nom du principe d'équité.
Vu :
- les autres pièces des dossiers.
Vu :
- le code de l'environnement ;
- le code de l'urbanisme ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Bénédicte Martin,
- les conclusions de Mme Pauline Reynaud, rapporteure publique,
- et les observations de Me Chatel pour la commune de Lacanau et les observations de Me Vieira, pour les associations Vive la forêt et des riverains du lac de Lacanau.
Considérant ce qui suit :
1. Par un arrêté du 22 janvier 2021, le maire de la commune de Lacanau a délivré à la société Moutchic un permis de construire une résidence pour personnes âgées, un établissement d'hébergement pour personnes âgées dépendantes (EHPAD), un pôle de santé et une crèche sur des parcelles section AK n°1 et 41, au lieu-dit " le Moutchic " sur le territoire de la commune de Lacanau. Le recours gracieux formé le 20 mars 2021 contre cet arrêté ayant fait l'objet d'une décision implicite de rejet, l'association Vive la Forêt et l'association des riverains du lac de Lacanau ont demandé au tribunal administratif de Bordeaux l'annulation de l'arrêté du 22 janvier 2021, de la décision implicite de rejet du recours gracieux ainsi que de l'arrêté du 28 avril 2022 par lequel le maire de Lacanau a accordé à la société Moutchic un permis de construire modificatif, portant sur les voies, les places de stationnement, les locaux à vélos, la collecte des déchets et la correction de la surface taxable créée. Par un jugement du 18 janvier 2023, le tribunal administratif de Bordeaux a annulé l'arrêté du 22 janvier 2021, l'arrêté du 28 avril 2022 et la décision implicite du rejet du recours gracieux formé par l'association Vive la Forêt (VLF) et l'association des Riverains du lac de Lacanau (ARRL). Par des requêtes n° 23BX00767 et 23BX00776, la société Moutchic et la commune de Lacanau relèvent appel de ce jugement.
Sur la demande de jonction :
2. Dans l'intérêt d'une bonne administration de la justice, le juge administratif dispose, sans jamais y être tenu, de la faculté de joindre deux ou plusieurs affaires. Les requêtes enregistrées sous les n° 23BX00767 et n° 23BX00776 concernent le même projet et les mêmes parties. Il y a lieu de les joindre pour qu'il y soit statué par un seul arrêt. En revanche, dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de joindre les requêtes, objets du présent arrêt, avec la requête n° 23BX00768 déposée par la société Moutchic.
Sur la recevabilité de la demande de première instance :
3. En premier lieu, aux termes de l'article L. 600-1-1 du code de l'urbanisme : " Une association n'est recevable à agir contre une décision relative à l'occupation ou l'utilisation des sols que si le dépôt des statuts de l'association en préfecture est intervenu au moins un an avant l'affichage en mairie de la demande du pétitionnaire. ".
4. Il ressort des pièces du dossier que l'association Vive la Forêt justifie, par la production de ses statuts de 2007 et d'un extrait du journal officiel du 28 avril 2007, de la date de dépôt de ses statuts auprès de la sous-préfecture de Lesparre-Médoc, le 28 mars 2007. Au surplus, le préfet de la Gironde a renouvelé son agrément au titre de la protection de l'environnement dans le département de la Gironde pour une durée de cinq ans, par arrêté du 15 mars 2019. Par suite, la commune de Lacanau n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Bordeaux a écarté la fin de non-recevoir tirée du défaut de respect des dispositions précitées de l'article L. 600-1-1 du code de l'urbanisme.
5. En second lieu, contrairement à ce que soutient la commune de Lacanau, il ressort du compte-rendu du conseil d'administration du 18 mars 2021 que l'association Vive la Forêt a habilité son président à déposer, en son nom, un recours gracieux puis un recours contentieux contre l'arrêté du 22 janvier 2021. Par suite, la commune de Lacanau n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Bordeaux a écarté la fin de non-recevoir tirée du défaut d'habilitation du président de l'association Vive la Forêt à ester en justice en son nom.
Sur la recevabilité de l'intervention de la commune de Lacanau dans l'instance n° 23BX00767 :
6. Il ressort des pièces du dossier que la commune de Lacanau, qui avait la qualité de partie en première instance, avait qualité pour faire appel du jugement attaqué qui lui a été notifié le 18 janvier 2023, ainsi qu'elle l'a d'ailleurs fait par sa requête enregistrée sous le n° 23BX00776. Dès lors, ses conclusions " en intervention " devant la cour dans le dossier n° 23BX00767 tendant à l'annulation de ce jugement, ne peuvent être regardées que comme un appel principal, lequel a été enregistré le 23 mai 2024, soit après l'expiration du délai d'appel. Par suite, les conclusions de la commune de Lacanau dans l'instance n° 23BX00767 sont tardives, et irrecevables.
Sur les moyens d'annulation retenus par le tribunal administratif de Bordeaux :
7. En premier lieu, aux termes de l'article L. 121-23 du code de l'urbanisme : " Les documents et décisions relatifs à la vocation des zones ou à l'occupation et à l'utilisation des sols préservent les espaces terrestres et marins, sites et paysages remarquables ou caractéristiques du patrimoine naturel et culturel du littoral, et les milieux nécessaires au maintien des équilibres biologiques. / Un décret fixe la liste des espaces et milieux à préserver, comportant notamment, en fonction de l'intérêt écologique qu'ils présentent, les dunes et les landes côtières, les plages et lidos, les forêts et zones boisées côtières, les îlots inhabités, les parties naturelles des estuaires, des rias ou abers et des caps, les marais, les vasières, les zones humides et milieux temporairement immergés ainsi que les zones de repos, de nidification et de gagnage de l'avifaune désignée par la directive 79/409 CEE du 2 avril 1979 concernant la conservation des oiseaux sauvages ". Aux termes de l'article L. 121-24 du même code : " Des aménagements légers, dont la liste limitative et les caractéristiques sont définies par décret en Conseil d'État, peuvent être implantés dans ces espaces et milieux lorsqu'ils sont nécessaires à leur gestion, à
leur mise en valeur notamment économique ou, le cas échéant, à leur ouverture au public, et qu'ils ne portent pas atteinte au caractère remarquable du site. (...)". Aux termes de l'article R. 121-4 du même code : " En application de l'article L. 121-23, sont préservés, dès lors qu'ils constituent un site ou un paysage remarquable ou caractéristique du patrimoine naturel et culturel du littoral et sont nécessaires au maintien des équilibres biologiques ou présentent un intérêt écologique : / 1° Les dunes, les landes côtières, les plages et les lidos, les estrans, les falaises et les abords de celles-ci ; / 2° Les forêts et zones boisées proches du rivage de la mer et des plans d'eau intérieurs d'une superficie supérieure à 1 000 hectares ; (...) / 6° Les milieux abritant des concentrations naturelles d'espèces animales ou végétales (...) / 7° Les parties naturelles des sites inscrits ou classés en application des articles L. 341-1 et L. 341-2 du code de l'environnement (...) ".
8. Le juge de l'excès de pouvoir exerce un contrôle normal sur l'application des dispositions de l'article L. 121-23 du code de l'urbanisme en vertu desquelles les documents et décisions relatifs à la vocation des zones ou à l'occupation et à l'utilisation des sols préservent les espaces terrestres et marins, sites et paysages remarquables ou caractéristiques du patrimoine naturel et culturel du littoral, et les milieux nécessaires au maintien des équilibres biologiques.
9. Pour apprécier si les parcelles en litige présentent le caractère d'un paysage remarquable à protéger au sens des dispositions précitées, l'autorité compétente ne peut se fonder sur leur seule continuité avec un espace présentant un tel caractère, sans rechercher si elles constituent avec cet espace une unité paysagère justifiant dans son ensemble cette qualification de site ou paysage remarquable à préserver.
10. Le projet en litige consiste en la construction d'un centre médico-social, d'un établissement d'hébergement pour personnes âgées dépendantes, d'un pôle de santé et d'une crèche pour une surface de plancher totale de 9 768 m2 sur une emprise foncière de 66 086 m2. Il ressort des pièces du dossier que les parcelles cadastrées section AK n° 1 et n° 41, terrain d'assiette du projet en litige, sont pour partie classées en zone NR du plan local d'urbanisme (PLU) de la commune de Lacanau correspondant aux espaces remarquables au titre de la loi littoral, et bordées en leur partie nord et ouest par une dune boisée, espace boisé classé, elle-même en zone NR. Selon l'article NR 2 du PLU, " peuvent être autorisés au sein des espaces littoraux remarquables les aménagements légers (...), à condition que leur localisation et leur aspect ne dénaturent pas le caractère des sites, ne compromettent pas leur qualité architecturale et paysagère et ne portent pas atteinte à la préservation des milieux ". Le même article autorise les aménagements nécessaires à la gestion et à la remise en état d'éléments de patrimoine bâti reconnus par un classement au titre de la loi du 31 décembre 1913 ou localisés dans un site inscrit ou classé au titre des article L. 341-1 et L. 341-2 du code de l'environnement.
11. Les parcelles cadastrées section AK n°1 et 41 sont distantes de 50 mètres du site Natura 2000 d'habitats naturels d'intérêt floristique fort " zones humides de l'arrière-dune du littoral girondin " et de 230 m du site Natura 2000 " côte médocaine et dépressions humides ". Elles se situent au sein d'une partie naturelle du site inscrit depuis 1968 des étangs girondins et sont incluses dans le site inscrit des étangs arrière-dunaires.
12. Ces parcelles sont constituées d'un boisement de pins maritimes, d'au moins 80 ans et en bon état sanitaire et d'un sous-bois, peu dense, composé de robiniers, arbousiers, ajoncs et brandes. Elles jouxtent au nord et au nord-est une vaste zone naturelle et boisée. Contrairement à ce que soutient la société Moutchic, la présence de trois bâtiments, laissés à l'abandon, témoignant de l'existence passée d'une ancienne base aéronautique, puis d'un sanatorium et d'un centre médico-scolaire, lequel a fermé en 1985, encore présents sur ces parcelles, est insuffisante pour retenir que le terrain présente un caractère anthropisé. La présence, au sud-ouest, d'un lotissement, d'ailleurs séparé par une bande de terrain, classée " espace boisé classé ", n'est pas de nature à ôter au terrain d'assiette du projet, son caractère naturel.
13. Il ressort également des pièces du dossiers que les parcelles en litige présentent un enjeu écologique, sur leur partie nord, eu égard notamment à la présence de trois espèces d'intérêt communautaire, le milan noir, le grand rhinolophe et le murin à oreilles échancrées, espèces protégées et inscrites aux annexes II et IV de la directive Habitats, faune, flore. Une station de lotier velu, espèce végétale patrimoniale protégée au niveau régional, a également été identifiée.
14. Dans ces conditions, les parcelles en litige doivent être regardées comme constituant, avec les espaces boisés classés situés en continuité, classés en zone NR du PLU de Lacanau, depuis le littoral du lac de Lacanau jusqu'à l'ancienne dune boisée, une unité paysagère justifiant qu'elles soient qualifiées d'espace remarquable au sens des dispositions de l'article L. 121-23 du code de l'urbanisme, nonobstant la présence d'une route séparant ces parcelles du littoral du lac de Lacanau, et le classement d'une partie de ces parcelles en zone 1AU du PLU de la commune de Lacanau. Par suite, c'est à bon droit que le tribunal administratif de Bordeaux a estimé que l'arrêté du 22 janvier 2021 par lequel le maire de Lacanau a délivré à la société Moutchic un permis de construire, a été pris en méconnaissance des dispositions de l'article L. 121-23 du code de l'urbanisme.
15. En second lieu, il résulte, d'une part, des dispositions du premier alinéa de l'article L. 121-8 du code de l'urbanisme, dans sa version applicable en l'espèce, que l'extension de l'urbanisation doit se réaliser, dans les communes littorales, soit en continuité avec les agglomérations et les villages existants, soit en hameaux nouveaux intégrés à l'environnement. Constituent des agglomérations ou des villages où l'extension de l'urbanisation est possible, au sens et pour l'application de ces dispositions, les secteurs déjà urbanisés caractérisés par un nombre et une densité significatifs de constructions.
16. D'autre part, le deuxième alinéa de l'article L. 121-8 du code de l'urbanisme, dans sa rédaction issue de la loi du 23 novembre 2018 portant évolution du logement, de l'aménagement et du numérique, ouvre la possibilité, dans les autres secteurs urbanisés qui sont identifiés par le schéma de cohérence territoriale et délimités par le plan local d'urbanisme, à seule fin de permettre l'amélioration de l'offre de logement ou d'hébergement et l'implantation de services publics, de densifier l'urbanisation, à l'exclusion de toute extension du périmètre bâti et sous réserve que ce dernier ne soit pas significativement modifié. En revanche, aucune construction ne peut être autorisée, même en continuité avec d'autres, dans les espaces d'urbanisation diffuse éloignés de ces agglomérations et villages. Il ressort des dispositions de ce deuxième alinéa de l'article L. 121-8 du code de l'urbanisme que les secteurs déjà urbanisés qu'elles mentionnent se distinguent des espaces d'urbanisation diffuse par, entre autres, la densité de l'urbanisation, sa continuité, sa structuration par des voies de circulation et des réseaux d'accès aux services publics de distribution d'eau potable, d'électricité, d'assainissement et de collecte de déchets, ou la présence d'équipements ou de lieux collectifs. Par ailleurs, le III de l'article 42 de la loi du 23 novembre 2018 portant évolution du logement, de l'aménagement et du numérique autorise, par anticipation, jusqu'au 31 décembre 2021 et sous réserve de l'accord de l'État, les constructions qui n'ont pas pour effet d'étendre le périmètre du bâti existant, ni de modifier de manière significative les caractéristiques de ce bâti dans les secteurs déjà urbanisés non encore identifiés par le schéma de cohérence territoriale ou non délimités par le plan local d'urbanisme.
17. Il appartient à l'autorité administrative chargée de se prononcer sur une demande d'autorisation d'occupation ou d'utilisation du sol de s'assurer, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, de la conformité du projet avec les dispositions du code de l'urbanisme particulières au littoral, notamment celles de l'article L. 121-8 du code de l'urbanisme qui prévoient que l'extension de l'urbanisation ne peut se réaliser qu'en continuité avec les agglomérations et villages existants. A ce titre, l'autorité administrative s'assure de la conformité d'une autorisation d'urbanisme avec l'article L. 121-8 de ce code compte tenu des dispositions du schéma de cohérence territoriale applicable, déterminant les critères d'identification des villages, agglomérations et autres secteurs déjà urbanisés et définissant leur localisation, dès lors qu'elles sont suffisamment précises et compatibles avec les dispositions législatives particulières au littoral. Le respect du principe de continuité posé par l'article L. 121-8 du code de l'urbanisme s'apprécie en resituant le terrain d'assiette du projet dans l'ensemble de son environnement, sans s'en tenir aux constructions situées sur les seules parcelles limitrophes de ce terrain.
18. Ni la commune de Lacanau, ni la société Moutchic ne peuvent utilement se prévaloir, en l'absence d'identité d'objet, de l'autorité de chose jugée s'attachant d'une part, à un jugement définitif n° 1704634 du 24 mai 2018 du tribunal administratif de Bordeaux, rejetant la contestation de l'association Vive la Forêt contre la délibération du 11 mai 2017 du conseil municipal de Lacanau approuvant le plan local d'urbanisme, d'autre part, à un arrêt définitif n°13BX02278 du 2 décembre 2014 de la cour administrative d'appel de Bordeaux, rejetant la contestation formée par cette même association contre le schéma de cohérence territoriale des lacs médocains adopté par délibération du 6 avril 2012.
19. Il ressort des pièces du dossier que le terrain d'assiette du projet se situe à plus de trois kilomètres à l'est de Lacanau-océan, dont il est séparé par de vastes espaces naturels et boisés, ainsi que par le golf de Lacanau, et à environ cinq kilomètres à l'ouest du bourg de Lacanau, dont il est séparé par le lac de Lacanau et de vastes étendues naturelles. Il ressort également des pièces du dossier que, d'une part, les parcelles en litige sont éloignées de plus de sept cents mètres du quartier du Moutchic, situé au nord est, par de vastes espaces forestiers classés. D'autre part, si les parcelles en litige jouxtent, au sud-ouest, le quartier de Carreyre, qui longe sur environ 920 mètres le lac de Lacanau et se compose de trois lotissements plus ou moins bâtis, d'une quarantaine de constructions chacun, ce quartier est séparé en sa largeur des parcelles en litige par une bande boisée d'une vingtaine de mètres, classée en espace boisé classé. Dans ces conditions, le projet en litige ne peut être regardé comme se situant en continuité du village du Moutchic et du hameau de Carreyre.
20. Le schéma de cohérence territoriale des lacs médocains, en vigueur à la date de l'arrêté attaqué, entend parmi ses objectifs interdire l'urbanisation en dehors des zones urbaines ou à urbaniser identifiés dans les PLU, préserver un patrimoine paysager fortement lié à la présence du pin maritime, mettre en valeur les centre-bourgs et procéder à une extension limitée de l'urbanisation autorisée sur les stations littorales. D'une part, il ressort des pièces du dossier que le terrain d'assiette, d'une superficie de 12 hectares, sur lequel la surface créée sera de 9 768 m², hors bâti existant, ne peut être regardé comme une emprise déjà aménagée au motif qu'il conserverait aux abords du site quelques bâtiments anciens et inoccupés du centre médico-scolaire, qualifié de friche. D'autre part, si " le Moutchic " est classé comme constituant un village, le secteur de Carreyre est qualifié de hameau à savoir " un groupe d'habitations situées à l'écart d'un village ou hors de l'agglomération principale d'une commune ", relevant d'un " espace d'urbanisation limitée ". Enfin, le projet, compte tenu de son volume en termes de constructions, d'aménagements et de circulation, ne peut être regardé comme relevant d'une extension limitée, ni, compte tenu de la distance (environ 800 m) séparant le village " le Moutchic " du hameau Carreyre, comme contribuant à la constitution d'un ensemble urbain. Dans ces conditions, dès lors que le principe d'inconstructibilité " quasi absolue dans les espaces remarquables " est posé et concerne la forêt établie sur l'ensemble des dunes primitives, les grands lacs, les étangs et leurs abords, que seuls les villages, agglomérations et hameaux nouveaux intégrés à l'environnement peuvent être étendus et densifiés, de manière limitée en regard de l'existant, la circonstance que le SCOT admette au titre d'un renforcement significatif de l'espace déjà urbanisé la modification de façon importante des caractéristiques d'un quartier existant en le densifiant fortement et cite le cas du Moutchic qui " bénéficiera certes d'un complément par le biais d'une structure spécialisée pour personnes âgées (équipement d'intérêt public) ", est sans incidence. Les appelants ne peuvent davantage se prévaloir des dispositions du SCOT des lacs médocains approuvé par délibération du 26 octobre 2023, postérieurement aux arrêtés litigieux. Par suite, c'est à bon droit que les juges de première instance ont jugé que le maire de Lacanau avait méconnu les dispositions de l'article L. 121-8 du code de l'urbanisme en délivrant le permis de construire initial.
21. Il résulte de tout ce qui précède que ni la commune de Lacanau, ni la société Moutchic ne sont fondées à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Bordeaux a annulé l'arrêté du 22 janvier 2021, ainsi que, par voie de conséquence, la décision rejetant le recours gracieux formé contre cet arrêté et l'arrêté du 28 avril 2022 modifiant le permis de construire initial.
Sur l'application des articles L. 600-5 et L. 600-5-1 du code de l'urbanisme :
22. Aux termes de l'article L. 600-5 du code de l'urbanisme : " Sans préjudice de la mise en œuvre de l'article L. 600-5-1, le juge administratif qui, saisi de conclusions dirigées contre un permis de construire, (...), estime, après avoir constaté que les autres moyens ne sont pas fondés, qu'un vice n'affectant qu'une partie du projet peut être régularisé, limite à cette partie la portée de l'annulation qu'il prononce et, le cas échéant, fixe le délai dans lequel le titulaire de l'autorisation pourra en demander la régularisation, même après l'achèvement des travaux. Le refus par le juge de faire droit à une demande d'annulation partielle est motivé ". Aux termes de l'article L. 600-5-1 du même code: " Sans préjudice de la mise en œuvre de l'article L. 600-5, le juge administratif qui, saisi de conclusions dirigées contre un permis de construire, (...) estime, après avoir constaté que les autres moyens ne sont pas fondés, qu'un vice entraînant l'illégalité de cet acte est susceptible d'être régularisé, sursoit à statuer, après avoir invité les parties à présenter leurs observations, jusqu'à l'expiration du délai qu'il fixe pour cette régularisation, même après l'achèvement des travaux. Si une mesure de régularisation est notifiée dans ce délai au juge, celui-ci statue après avoir invité les parties à présenter leurs observations. Le refus par le juge de faire droit à une demande de sursis à statuer est motivé ".
23. Il résulte de ces dispositions, éclairées par les travaux parlementaires, que lorsque le ou les vices affectant la légalité de l'autorisation d'urbanisme dont l'annulation est demandée, sont susceptibles d'être régularisés, le juge doit surseoir à statuer sur les conclusions dont il est saisi contre cette autorisation. Il invite au préalable les parties à présenter leurs observations sur la possibilité de régulariser le ou les vices affectant la légalité de l'autorisation d'urbanisme. Le juge n'est toutefois pas tenu de surseoir à statuer, d'une part, si les conditions de l'article L. 600-5 du code de l'urbanisme sont réunies et qu'il fait le choix d'y recourir, d'autre part, si le bénéficiaire de l'autorisation lui a indiqué qu'il ne souhaitait pas bénéficier d'une mesure de régularisation. Un vice entachant le bien-fondé de l'autorisation d'urbanisme est susceptible d'être régularisé, même si cette régularisation implique de revoir l'économie générale du projet en cause, dès lors que les règles d'urbanisme en vigueur à la date à laquelle le juge statue permettent une mesure de régularisation qui n'implique pas d'apporter à ce projet un bouleversement tel qu'il en changerait la nature même.
24. Les vices dont sont entachés les arrêtés du 22 janvier 2021 et du 28 avril 2022 concernent, compte tenu de leur nature, l'ensemble du projet, eu égard à sa localisation et à ses caractéristiques, et, par suite, ne sont pas susceptibles de faire l'objet d'un permis de régularisation dès lors qu'une mesure de régularisation impliquerait d'apporter à ce projet un bouleversement tel qu'il en changerait la nature même. Par suite, les conclusions présentées par la société Moutchic tendant à l'application des dispositions précitées des articles L. 600-5 et L. 600-5-1 du code de l'urbanisme, doivent être rejetées.
Sur les frais liés au litige :
25. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'association Vive la Forêt, ainsi que de l'association des riverains du lac de Lacanau, qui ne sont pas les parties perdantes dans la présente instance, le versement des sommes demandées par la société Moutchic et la commune de Lacanau au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. En revanche, il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la commune de Lacanau et de la société Moutchic le versement à l'association Vive la Forêt de la somme de 1 500 euros chacun sur le même fondement. Il est également mis à la charge de la commune de Lacanau le versement à l'association des riverains du lac de Lacanau de la somme de 600 euros sur le même fondement.
DECIDE :
Article 1er : L'intervention de la commune de Lacanau dans la requête n° 23BX00767 n'est pas admise.
Article 2 : Les requêtes de la société Moutchic et de la commune de Lacanau sont rejetées.
Article 3 : La société Moutchic et la commune de Lacanau verseront chacune à l'association Vive la Forêt la somme de 1 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : La commune de Lacanau versera à l'association des riverains du lac de Lacanau la somme de 600 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à la société Moutchic, à la commune de Lacanau, à l'association Vive la Forêt et à l'association des riverains du lac de Lacanau.
Copie en sera adressée au préfet de la Gironde.
Délibéré après l'audience du 19 décembre 2024 à laquelle siégeaient :
Mme Frédérique Munoz-Pauziès, présidente,
Mme Bénédicte Martin, présidente-assesseure,
Mme Lucie Cazcarra, première conseillère,
Rendu public par mise à disposition au greffe le 14 janvier 2025.
La rapporteure,
Bénédicte Martin La présidente,
Frédérique Munoz-PauzièsLa greffière,
Laurence Mindine
La République mande et ordonne au préfet de la Gironde en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
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N° 23BX00767 ; 23BX00776