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14/01/2025 | FRANCE | N°23BX03197

France | France, Cour administrative d'appel de BORDEAUX, 3ème chambre, 14 janvier 2025, 23BX03197


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



La société anonyme Incendies, Accidents, Risques Divers et Techniques (IARDT) Prudence Créole et M. A... B... ont demandé au tribunal administratif de la Réunion de condamner l'État à leur verser, respectivement, les sommes de 30 750 euros et de 36 726 euros sur le fondement de l'article L. 211-10 du code de la sécurité intérieure.



Par un jugement n° 2101016 du 11 octobre 2023, le tribunal administratif de la Réunion a rejeté leurs demandes.

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Procédure devant la cour :



Par une requête enregistrée le 26 décembre 2023, la société I...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société anonyme Incendies, Accidents, Risques Divers et Techniques (IARDT) Prudence Créole et M. A... B... ont demandé au tribunal administratif de la Réunion de condamner l'État à leur verser, respectivement, les sommes de 30 750 euros et de 36 726 euros sur le fondement de l'article L. 211-10 du code de la sécurité intérieure.

Par un jugement n° 2101016 du 11 octobre 2023, le tribunal administratif de la Réunion a rejeté leurs demandes.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 26 décembre 2023, la société IARDT Prudence Créole et et M. B..., représentés par la SAS Bourbon Avocats, demandent à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de la Réunion du 11 octobre 2023 ;

2°) de condamner l'État à verser à la société IARDT Prudence Créole une somme de 30 750 euros augmentée des intérêts au taux légal et de la capitalisation de ces intérêts et une somme de 36 726 euros à M. B... sur le fondement de l'article L. 211-10 du code de la sécurité intérieure ;

3°) de mettre à la charge de l'État la somme de 2 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Ils soutiennent que :

- dans la commune du Port, durant la nuit du 18 au 19 novembre 2018, vers 23 h 40, cinq individus ont pillé le fonds de commerce de M. B... à l'enseigne " Motocash " ; plusieurs motocyclettes et du matériel ont été volés ;

- ces vols ont eu lieu en marge des manifestations revendicatrices dites des " gilets jaunes " présentes au carrefour giratoire voisin ; les cinq individus identifiés par la caméra de surveillance sont issus des manifestants ; ils ont agi spontanément et collectivement de façon désorganisée ;

- l'assureur a versé à M. B... l'indemnité au titre de la garantie plafonnée, d'un montant de 30 750 euros, le surplus, d'un montant de 36 726 euros a été supporté par la victime ;

- le jugement est mal-fondé dès lors qu'était établi un lien de causalité direct et certain entre les dommages subis résultant d'un vol avec effraction commis par un groupe d'individus agissant à l'occasion d'un rassemblement et le mouvement de contestation " des gilets jaunes ".

La requête a été communiquée au préfet de La Réunion qui n'a pas produit de mémoire en défense.

Par une ordonnance du 16 octobre 2024, la clôture d'instruction a été fixée au 15 novembre 2024.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code de la sécurité intérieure ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Valérie Réaut,

- et les conclusions de M. Julien Dufour, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. Au cours de la nuit du 18 au 19 novembre 2018, le commerce de M. B... à l'enseigne Motocash, situé rue Martin Hoareau au Port, a été dévalisé. La société IARDT Prudence Créole a indemnisé M. B... au titre de sa garantie contractuelle et lui a versé à ce titre une somme de 30 750 euros. Par un courrier du 25 mars 2019, l'assureur a saisi le préfet de la Réunion d'une réclamation préalable en vue d'obtenir le remboursement d'une somme de 66 726 euros sur le fondement de l'article L. 211-10 du code de la sécurité intérieure. Par un courrier du 15 décembre 2021, M. B... a saisi la même autorité d'une réclamation préalable tendant au paiement d'une somme de 36 725 euros. En l'absence de réponse de la part de l'État, ils ont saisi le tribunal administratif de la Réunion d'une requête indemnitaire tendant à la condamnation de l'État à leur verser respectivement les sommes de 30 750 euros et de 36 726 euros. La société IARDT Prudence Créole et M. B... relèvent appel du jugement du tribunal du 11 octobre 2023 qui a rejeté leurs demandes.

Sur les conclusions indemnitaires :

2. Aux termes de l'article L. 211-10 du code de la sécurité intérieure : " L'État est civilement responsable des dégâts et dommages résultant des crimes et délits commis, à force ouverte ou par violence, par des attroupements ou rassemblements armés ou non armés, soit contre les personnes, soit contre les biens. (...) ". L'application de ces dispositions est subordonnée à la condition que les dommages dont l'indemnisation est demandée résultent de manière directe et certaine de crimes ou de délits déterminés commis par des rassemblements ou attroupements précisément identifiés. En outre, ne peuvent être regardés comme étant le fait d'un attroupement ou rassemblement au sens de ces dispositions les actes délictuels ne procédant pas d'une action spontanée dans le cadre ou le prolongement d'un attroupement ou rassemblement mais d'une action préméditée et organisée par un groupe structuré à seule fin de les commettre.

3. Il résulte de l'instruction que, dans la nuit du 18 au 19 novembre 2018, des manifestations de protestation contre la hausse du prix des carburants et la perte de pouvoir d'achat dans le cadre du mouvement dit " des gilets jaunes " se sont déroulées sur le territoire de La Réunion, notamment dans la commune du Port. Ce mouvement social s'est accompagné de la commission de nombreux actes de vandalisme.

4. Il résulte de l'instruction, en particulier d'un rapport d'enquête privée du 19 février 2019, que le 18 novembre 2018, à 23h 43, cinq individus, arrivés sur les lieux dans des véhicules, se sont introduits par effraction dans le local commercial situé 8 rue Martin Hoareau au Port, regroupant trois fonds de commerce dont celui de M. B... à l'enseigne Motocash. Les individus, qui avaient pris le soin de dissimuler leurs visages et étaient munis de barres à mine, ont fracturé la porte à double vantaux pour accéder au local commercial et ont dérobé une voiture, six motocyclettes dont trois étaient en dépôt-vente, ainsi que de nombreux équipements. Les appelants soutiennent que ces délits ont été commis dans le prolongement des manifestations des " gilets jaunes " et font valoir que le giratoire situé à proximité du magasin exploité par M. B... était occupé par des manifestants durant la nuit du 18 novembre 2018. Toutefois, ces vols par effraction et les dégradations du local commercial ont été commis à force ouverte. Bien que ces faits se soient déroulés concomitamment au commencement du mouvement dit " des gilets jaunes ", à proximité du rond-point " des danseuses " occupé par des manifestants, n'est aucunement établie l'allégation des requérants selon laquelle l'intrusion dans le local commercial et les vols résulteraient d'une attaque fortuite de quelques-uns des manifestants. Il résulte au contraire de l'instruction que les vols et dégradations sont le fait d'une action concertée et organisée de quelques personnes, se déplaçant sur les lieux en voiture, munis des outils pour forcer l'entrée dans le local commercial. Dans ces conditions, les dommages en cause ne relèvent pas du champ d'application du régime de responsabilité sans faute de l'État prévu à l'article L. 211-10 du code de la sécurité intérieure.

5. Il résulte de ce qui précède que la société IARDT Prudence Créole et M. B... ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de La Réunion a rejeté leurs demandes.

Sur les frais liés à l'instance :

6. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'État, qui n'est pas la partie perdante à la présente instance, la somme que les requérants demandent au titre des frais non compris dans les dépens.

DECIDE :

Article 1er : La requête de la société IARDT Prudence Créole et de M. B... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la société IARDT Prudence Créole, à M. A... B... et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée au préfet de La Réunion.

Délibéré après l'audience du 17 décembre 2024 à laquelle siégeaient :

Mme Marie-Pierre Beuve Dupuy, présidente,

Mme Valérie Réaut, première conseillère,

M. Vincent Bureau, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 14 janvier 2025.

La rapporteure,

Valérie RéautLa présidente,

Marie-Pierre Beuve-Dupuy Le greffier,

Christophe Pelletier

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

2

N° 23BX03197


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de BORDEAUX
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 23BX03197
Date de la décision : 14/01/2025
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : Mme BEUVE-DUPUY
Rapporteur ?: Mme Valérie RÉAUT
Rapporteur public ?: M. DUFOUR
Avocat(s) : SAS BOURBON AVOCATS

Origine de la décision
Date de l'import : 19/01/2025
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2025-01-14;23bx03197 ?
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