Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Par deux requêtes distinctes, M. D... B... et Mme A... C... ont demandé au tribunal administratif de Bordeaux d'annuler les arrêtés du 29 novembre 2023 par lesquels le préfet de la Gironde a refusé de leur délivrer un titre de séjour, les a obligés à quitter le territoire français dans un délai de trente jours, a fixé le pays à destination duquel ils pourraient être reconduits à l'expiration de ce délai et a prononcé à leur encontre une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée d'un an.
Par un jugement n° 2306903, 2306904 du 29 janvier 224, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté leurs demandes après les avoir jointes.
Procédure devant la cour :
I. Par une requête, enregistrée sous le n° 24BX00773 le 27 mars 2024, M. B..., représenté par Me Lanne, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Bordeaux du 29 janvier 2024 ;
2°) d'annuler l'arrêté du préfet de la Gironde du 29 novembre 2023 ;
3°) d'enjoindre au préfet de la Gironde de réexaminer sa situation dans un délai d'un mois à compter de l'arrêt à intervenir et de lui délivrer dans l'attente un récépissé l'autorisant à travailler ;
4°) d'enjoindre au préfet de la Gironde de procéder à l'effacement de son signalement aux fins de non-admission dans le système d'information Schengen ;
5°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros sur le fondement des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Il soutient que :
- l'arrêté attaqué n'a pas été précédé d'un examen réel et sérieux de sa situation et de celle de son épouse ;
- il est illégal en raison de l'illégalité de l'arrêté pris à l'encontre de son épouse compte tenu du caractère indissociable de leurs situations ;
- il méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- il méconnaît l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ainsi que l'article L. 721-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- l'interdiction de retour sur le territoire français prononcée à son encontre est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation, tant dans son principe que dans sa durée.
Par une ordonnance du 10 octobre 2024, la clôture de l'instruction a été fixée au 25 novembre 2024 à 12 heures.
M. B... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision n° 2024/000367 du 5 mars 2024 du bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal judiciaire de Bordeaux.
II. Par une requête, enregistrée sous le n° 24BX00774 le 27 mars 2024, Mme C..., représentée par Me Lanne, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Bordeaux du 29 janvier 2024 ;
2°) d'annuler l'arrêté du préfet de la Gironde du 29 novembre 2023 ;
3°) d'enjoindre au préfet de la Gironde de réexaminer sa situation dans un délai d'un mois à compter de l'arrêt à intervenir et de lui délivrer dans l'attente un récépissé l'autorisant à travailler ;
4°) d'enjoindre au préfet de la Gironde de procéder à l'effacement de son signalement aux fins de non-admission dans le système d'information Schengen ;
5°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros sur le fondement des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Elle soutient que :
- l'arrêté attaqué n'a pas été précédé d'un examen réel et sérieux de sa situation médicale ;
- il est illégal en raison de l'illégalité de l'arrêté pris à l'encontre de son époux compte tenu du caractère indissociable de leurs situations ;
- il méconnaît le 9° de l'article L. 611-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- il méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- il méconnaît l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ainsi que l'article L. 721-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- l'interdiction de retour sur le territoire français prononcée à son encontre est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation, tant dans son principe que dans sa durée.
Par une ordonnance du 10 octobre 2024, la clôture de l'instruction a été fixée au 25 novembre 2024 à 12 heures.
Mme C... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision n° 2024/000370 du 5 mars 2024 du bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal judiciaire de Bordeaux.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
La présidente de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
A été entendu au cours de l'audience publique le rapport de Mme Lucie Cazcarra.
Considérant ce qui suit :
1. M. B... et Mme C..., ressortissants géorgiens respectivement nés les 20 août 1958 et 13 décembre 1959, déclarent être entrés en France le 26 avril 2023. Ils ont sollicité le bénéfice de l'asile le 22 mai 2023 qui leur a été refusé par des décisions de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) du 29 août 2023, confirmées par la Cour nationale du droit d'asile (CNDA) le 6 décembre 2023. Par deux arrêtés du 29 novembre 2023, le préfet de la Gironde a refusé l'admission au séjour des intéressés, les a obligés à quitter le territoire français dans un délai de trente jours, a fixé le pays de destination et a prononcé à leur encontre une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée d'un an. Par les présentes requêtes, M. B... et Mme C... relèvent appel du jugement du 29 janvier 2024 par lequel le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté leurs demandes tendant à l'annulation de ces arrêtés.
2. Les requêtes précitées n° 24BX00773 et 24BX00774 sont dirigées contre le même jugement. Il y a lieu de les joindre pour statuer par un seul arrêt.
Sur les conclusions à fin d'annulation :
3. Mme C... soutient que la décision portant refus d'admission au séjour est entachée d'un défaut d'examen réel et sérieux de sa situation personnelle, faute pour le préfet d'avoir pris en compte sa demande de titre de séjour présentée pour raison de santé. Mme C... produit en ce sens un courrier de convocation à un examen médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII) du 28 novembre 2023 qui précise faire suite aux démarches administratives qu'elle a engagées auprès de la préfecture de Bordeaux en vue d'obtenir un titre de séjour pour raisons de santé. Ce faisant, Mme C... établit avoir présenté devant la préfecture de la Gironde et avant que soit pris l'arrêté en litige une demande de titre de séjour sur le fondement de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Dès lors, en refusant l'admission au séjour de Mme C... avant même d'avoir examiné sa demande présentée au titre de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, le préfet n'a pas procédé à un examen particulier de sa situation, entachant ainsi d'illégalité l'arrêté en litige. La circonstance que le préfet de la Gironde a pris, postérieurement au dépôt des présentes requêtes, un nouvel arrêté rejetant la demande de titre de séjour présentée par Mme C... pour raison de santé est sans incidence sur l'arrêté en litige dès lors que l'arrêté du 4 avril 2024 n'est pas devenu définitif. Corrélativement, le refus d'admission au séjour de M. B..., avec lequel Mme C... partage une communauté de vie, méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Par suite, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens des requêtes, les refus d'admission au séjour en litige et, par voie de conséquence, les obligations de quitter le territoire français dans un délai de trente jours, les décisions fixant le pays de renvoi et les interdictions de retour sur le territoire français prononcées à l'encontre des requérants sont entachés d'illégalité et doivent être annulés.
4. Il résulte ce qui précède que M. B... et Mme C... sont fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté leurs demandes.
Sur les conclusions à fin d'injonction :
5. Eu égard à ses motifs, le présent arrêt aurait seulement impliqué que le préfet de la Gironde procède au réexamen de la situation des requérants. Toutefois, dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de prononcer une injonction de procéder à ce réexamen dès lors que le préfet a, par arrêté du 4 avril 2024, statué sur la demande de titre de séjour présentée par Mme C... sur le fondement de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et, par arrêté du 3 septembre 2024, a statué sur la demande de titre de séjour présentée le 4 avril 2024 par M. B... sur le fondement des articles L. 423-23 et L. 435-1. Il y a lieu en revanche d'enjoindre au préfet de la Gironde de faire procéder à l'effacement du signalement des requérants aux fins de non-admission dans le système d'information Schengen dans un délai d'un mois à compter de la notification du présent arrêt.
Sur les frais liés à l'instance :
6. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et de mettre à la charge de l'Etat le versement au conseil des requérants, Me Lanne, d'une somme de 1 200 euros au titre des frais exposés et non compris dans les dépens, sous réserve que Me Lanne renonce à percevoir la part contributive de l'Etat au titre de l'aide juridictionnelle.
DECIDE :
Article 1er : Le jugement n° 2306903, 2306904 du 29 janvier 2024 du tribunal administratif de Bordeaux et les arrêtés du 29 novembre 2023 du préfet de la Gironde sont annulés.
Article 2 : Il est enjoint au préfet de la Gironde de faire procéder à l'effacement du signalement de M. B... et de Mme C... aux fins de non admission dans le système d'information Schengen dans un délai d'un mois à compter de la notification du présent arrêt.
Article 3 : L'Etat versera à Me Lanne, avocat de M. B... et de Mme C..., sous réserve de sa renonciation à percevoir la part contributive de l'Etat au titre de l'aide juridictionnelle, la somme de 1 200 euros au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. D... B..., à Mme A... C..., à Me Lanne et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet de la Gironde.
Délibéré après l'audience du 19 décembre 2024 à laquelle siégeaient :
Mme Frédérique Munoz-Pauziès, présidente,
Mme Bénédicte Martin, présidente-assesseure,
Mme Lucie Cazcarra, première conseillère,
Rendu public par mise à disposition au greffe le 14 janvier 2025.
La rapporteure,
Lucie CazcarraLa présidente,
Frédérique Munoz-Pauziès La greffière,
Laurence Mindine
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
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N° 24BX00773, 24BX00774