Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme A... C... B... a demandé au tribunal administratif de Bordeaux d'annuler l'arrêté du 24 mai 2023 par lequel le préfet de la Gironde a refusé de lui délivrer un titre de séjour.
Par un jugement n°2304057 du 6 mai 2024, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 15 juillet 2024, Mme B..., représentée par Me Blaise, demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Bordeaux du 6 mai 2024 ;
2°) d'annuler l'arrêté du 24 mai 2023 ;
3°) d'enjoindre au préfet de la Gironde, à titre principal, de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale" ou, à titre subsidiaire, portant la mention "exceptionnel", dans un délai d'un mois à compter de la date de notification du jugement à intervenir, sous astreinte de 50 euros par jour de retard ou, à titre infiniment subsidiaire, de procéder au réexamen de sa situation, dans les mêmes conditions de délai et d'astreinte ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à son conseil de la somme de 1 500 euros en application de l'article 37 alinéa 2 de la loi du 10 juillet 1991 et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- la décision attaquée est insuffisamment motivée ; elle fait mention de ce qu'elle a fait l'objet, le 6 février 2023, d'un arrêté portant refus de séjour, obligation de quitter le territoire français et portant interdiction de retour pendant une durée de 2 ans alors qu'elle n'a jamais été rendue destinataire d'une telle décision qui n'est d'ailleurs pas jointe à la décision contestée ;
- elle méconnaît les articles 2, 3 et 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme et des libertés fondamentales ;
- elle méconnaît les articles 3-1 et 28 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;
- elle méconnaît les articles L. 423-23 et L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation de sa situation personnelle.
Par un mémoire en défense, enregistré le 25 novembre 2024, le préfet de la Gironde conclut au rejet de la requête.
Il fait valoir que les moyens soulevés ne sont pas fondés.
Mme B... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale, par une décision du 13 juin 2024.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme et des libertés fondamentales ;
- la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
La présidente de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
A été entendu au cours de l'audience publique le rapport de M. Nicolas Normand.
Considérant ce qui suit :
1. Mme A... C... B..., ressortissante nigériane née en 1986, est irrégulièrement entrée en France le 31 octobre 2009. Par un courrier reçu en préfecture le 7 avril 2023, elle a sollicité son admission exceptionnelle au séjour. Par une décision du 24 mai 2023, le préfet de la Gironde a refusé de faire droit à sa demande. Mme B... relève appel du jugement du 6 mai 2024 par lequel le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.
Sur les conclusions à fin d'annulation :
2. En premier lieu, il y a lieu d'écarter le moyen tiré du défaut de motivation de l'arrêté contesté par adoption de motifs retenus à bon droit par les premiers juges.
3. En deuxième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1° Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance ; 2° Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui ". Aux termes de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : "L'étranger qui n'entre pas dans les catégories prévues aux articles L. 423-1, L. 423-7, L. 423-14, L. 423-15, L. 423-21 et L. 423-22 ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, et qui dispose de liens personnels et familiaux en France tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " d'une durée d'un an, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 412-1 (...) ".
4. Il ressort des pièces du dossier que Mme B..., qui déclare être entrée en 2009 à l'âge de 23 ans sous une fausse identité, fuyant un réseau de proxénètes lui ayant imposé le sortilège du " juju ", a trois enfants, nés les 13 mai 2018, 20 mars 2021 et 20 mai 2023. Elle se prévaut de la scolarisation en moyenne section de maternelle de son fils ainé, d'un projet personnalisé conclu avec l'association Diaconat le 17 novembre 2015, d'un contrat d'accueil auprès de la structure " Les petits chaperons rouges " et d'une attestation selon laquelle elle a suivi des cours de français au Centre social et culturel " Le Puzzle ". Toutefois, l'intéressée ne justifie, par les pièces qu'elle produit, ni d'une insertion particulière en France, ni même résider en France de manière continue depuis 2009, en l'absence de toute pièce de nature à établir sa présence en France en 2012 et 2013. Elle s'est d'ailleurs maintenue irrégulièrement en France malgré trois mesures d'éloignement édictées à son encontre le 30 mai 2011, le 17 avril 2014 et le 6 février 2023. Au demeurant, les conditions de vie et de séjour en France qu'elle invoque ne font pas obstacle à ce que la cellule familiale puisse se reconstituer dans son pays d'origine et à ce que la scolarité de son enfant puisse s'y poursuivre, d'autant que le père des enfants dispose de la même nationalité nigériane. Dans ces conditions, la décision en litige n'a pas porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels elle a été prise. Par suite, le préfet de la Gironde n'a méconnu ni les dispositions de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, ni les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et sa décision n'est pas davantage entachée d'une erreur manifeste d'appréciation des conséquences qu'elle emporte sur la situation personnelle de la requérante.
5. En troisième lieu, aux termes de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir peut se voir délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " salarié ", " travailleur temporaire " ou " vie privée et familiale ", sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 412-1. / Lorsqu'elle envisage de refuser la demande d'admission exceptionnelle au séjour formée par un étranger qui justifie par tout moyen résider habituellement en France depuis plus de dix ans, l'autorité administrative est tenue de soumettre cette demande pour avis à la commission du titre de séjour prévue à l'article L. 432-14. / Les modalités d'application du présent article sont définies par décret en Conseil d'Etat ".
6. Pour les mêmes motifs que ceux exposés au point 4 du présent arrêt, le moyen tiré de la méconnaissance de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doit être écarté.
7. En quatrième lieu, aux termes de l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait des institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale ". Il résulte de ces stipulations que, dans l'exercice de son pouvoir d'appréciation, l'autorité administrative doit accorder une attention primordiale à l'intérêt supérieur de l'enfant dans toutes les décisions le concernant.
8. Ainsi que l'ont relevé à juste titre les premiers juges " Si Mme B... soutient que la décision méconnaît l'intérêt supérieur de ses enfants dès lors que l'un d'eux, Raphael, est scolarisé depuis 2021 en France, cette seule circonstance ne peut, à elle seule, caractériser une méconnaissance de l'intérêt supérieur de l'enfant dès lors que rien ne fait obstacle à ce que la cellule familiale se reconstitue dans le pays d'origine et alors que, par la simple production d'un article de presse, il n'est pas démontré l'impossibilité pour l'enfant Raphael de poursuivre une scolarité normale au Nigéria. En outre, si Mme B... produit également à l'instance un certificat médical d'un praticien hospitalier du CHU de Pellegrin indiquant que l'enfant Joshua est suivi pour une hémoglobinopathie majeure, nécessitant la présence de sa mère à proximité d'un environnement équipé des structures adéquates, il ne ressort pas des pièces du dossier que l'enfant ne [pourrait pas] bénéficier d'un traitement adéquat au Nigéria ". Si la requérante produit en appel un certificat médical du 29 mai 2024 d'un pédiatre du service de pédiatrie médicale près le CHU de Bordeaux selon lequel pour soigner la maladie héréditaire grave dont souffre l'enfant Joshua, les structures de soins au Nigéria sont inadaptées et le suivi de ces enfants y est très difficile, certaines situations d'urgence engageant leur pronostic vital, la requérante, qui n'a pas déposé de demande de titre de séjour en qualité de parent étranger d'enfant malade, n'établit pas, par ce seul certificat, que l'enfant est exposé à un risque vital en cas de retour du foyer dans le pays d'origine de la requérante. Il suit de là que le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant doit être écarté.
9. En cinquième lieu, si Mme B... entend invoquer le moyen tiré de la méconnaissance des articles 2 et 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, de tels moyens sont, en tout état de cause, inopérants à l'encontre d'une décision de refus de titre de séjour.
10. En dernier lieu, les stipulations de l'article 28 de la convention internationale des droits de l'enfant, relatives au droit à l'éducation, créent seulement des obligations entre Etats sans ouvrir de droits aux individus. Par suite, Mme B... ne peut utilement s'en prévaloir dans la présente instance.
11. Il résulte de tout ce qui précède que Mme B... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande. Par suite, ses conclusions présentées aux fins d'injonction ainsi que celles présentées sur le fondement combiné des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 doivent être rejetées.
DECIDE
Article 1er : La requête de Mme B... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A... C... B... et au ministre de l'intérieur. Copie en sera adressée au préfet de la Gironde.
Délibéré après l'audience du 14 janvier 2025 à laquelle siégeaient :
Mme Fabienne Zuccarello, présidente.
M. Nicolas Normand, président-assesseur,
Mme Clémentine Voillemot, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 4 février 2025.
Le rapporteur,
Nicolas Normand
La présidente,
Fabienne Zuccarello La greffière,
Virginie Santana
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
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N° 24BX01757