Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
La SARL Cybertech Computer a demandé au tribunal administratif de Bordeaux de prononcer la décharge, en droits et pénalités, des rappels de taxe sur la valeur ajoutée déductible mis à sa charge au titre de la période du 1er avril 2014 au 31 mars 2015.
Par un jugement n° 2003181 du 6 octobre 2022, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête et des mémoires enregistrés les 11 novembre 2022, 19 septembre, 17 novembre et 20 décembre 2023 et le 12 juin 2024, la société Groupe Cybertek, qui vient aux droits de la société Cybertech Computer, représentée par Me Michelot, doit être regardée comme demandant à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Bordeaux du 6 octobre 2022 ;
2°) de prononcer la décharge, en droits et pénalités, des rappels de taxe sur la valeur ajoutée déductible mis à sa charge au titre de la période du 1er avril 2014 au 31 mars 2015.
La société Groupe Cybertek soutient que :
- les transactions ont été réalisées, sur le plan formel, en conformité avec la législation relative à un assujetti à la taxe sur la valeur ajoutée établi en France ; le fait pour la société 2X Connection de n'avoir reporté sur ses propres déclarations de taxe sur la valeur ajoutée que la somme de 259 150 euros alors qu'elle lui avait facturé une somme de 7 086 469 euros ne constitue pas un argument susceptible d'emporter un rejet de la taxe sur la valeur ajoutée déductible qu'elle avait collectée ;
- les transactions en litige ont été réalisées en conformité avec la législation sur le plan formel ; s'agissant de livraisons de biens effectuées en France par un fournisseur établi en France, il y avait donc lieu de facturer la taxe sur la valeur ajoutée ; les factures ont été régulièrement établies ; il n'était pas manifeste que la société 2X Connection ne remplissait pas les obligations l'autorisant à faire figurer la taxe sur la valeur ajoutée sur ses factures ;
- l'administration a retenu à tort que la société Cybertech Computer et M. B..., co-gérant de cette dernière, étaient impliqués dans un circuit de fraude à la taxe sur la valeur ajoutée ; M. B... a admis avoir organisé un réseau fictif de transport et sa participation à un circuit frauduleux et a déclaré avoir agi seul et en avoir retiré seul les éventuels bénéfices ; seule la responsabilité pénale de M. B... a été engagée par le juge pénal pour des faits d'escroquerie à la taxe sur la valeur ajoutée, d'abus de biens sociaux, et de blanchiment ;
- l'administration n'établit pas qu'elle a participé à un carrousel de taxe sur la valeur ajoutée ; elle a agi en acquéreur diligent et avisé et a fait preuve de suffisamment de diligences pour ne pas être regardée comme ayant participé au circuit de fraude à la taxe sur la valeur ajoutée ; l'administration n'établit pas qu'elle avait connaissance des irrégularités commises par la société 2X Connection ; la société 2X Connection avait une activité réelle et était inscrite au Kbis et disposait d'un numéro intracommunautaire valide ; l'objet social et les statuts de la société ne pouvaient laisser à penser un circuit de fraude et étaient en adéquation avec son activité réelle ; cette société se contentant d'acheter de la marchandise pour la revendre, l'absence de moyens humains ne pouvait constituer en soi un signe de participation à un circuit de fraude ; les marchandises et services ont effectivement été livrés ; l'utilisation d'une plateforme logistique n'est pas déterminante ; les comptes bancaires étaient bien au nom de la société 2X Connection ; un compte à l'étranger ne révèle pas une fraude carrousel ;
- elle n'a pas profité du carrousel de taxe sur la valeur ajoutée ;
- eu égard à la condamnation de M. B... par le tribunal judiciaire à indemniser l'Etat du préjudice matériel subi, à savoir le montant de la taxe sur la valeur ajoutée déduite à tort, les rappels en litige méconnaissaient le principe non bis in idem ; les poursuites fiscales dont elle fait l'objet relève d'un cumul de condamnations en méconnaissance de l'article 8 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 et de l'article 50 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union Européenne ;
- ces rappels relèvent d'une double imposition contraire aux principes d'égalité devant la loi et devant l'impôt et méconnaissent les articles 6 et 13 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 ; la condamnation de M. B... est définitive depuis l'intervention de l'arrêt de la cour d'appel de Paris du 28 mars 2024 ; l'Etat a organisé l'absence de double imposition en ne s'opposant pas à ce que la cour d'appel de Paris dispense M. B... de l'obligation d'indemniser l'Etat au motif qu'elle avait déjà entièrement remboursé le montant de taxe sur la valeur ajoutée déductible en litige alors qu'elle n'a effectué ce versement qu'à titre conservatoire ;
- s'agissant de la pénalité pour manquement délibéré, l'administration n'apporte pas la preuve de l'élément matériel de la fraude et de son caractère intentionnel.
Par des mémoires en défense enregistré les 15 mars, 10 novembre et 5 décembre 2023 et le 8 juillet 2024, le ministre de l'économie, des finances et de la relance conclut au rejet de la requête.
Il soutient que :
- les conclusions tendant à la décharge totale des rappels de taxe sur la valeur ajoutée mis à la charge de la société sont irrecevables en ce qu'elles incluent les rappels de taxe sur la valeur ajoutée portant sur des créances irrécouvrables, d'un montant de 5 904 euros en droits et pénalités, qui n'ont pas été contestés dans le cadre de la réclamation préalable ;
- les moyens invoqués ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la Constitution et notamment son Préambule ;
- la Charte des droits de l'Union Européenne ;
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Stéphane Gueguein,
- les conclusions de M. Anthony Duplan, rapporteur public
- et les observations de Me Barale substituant Me Michelot, représentant de la SARL Cybertech Computer.
Considérant ce qui suit :
1. La société Cybertech Computer, qui exerçait une activité dans les domaines du commerce des composants informatiques et de téléphonie, a fait l'objet d'une vérification de comptabilité le 12 octobre 2015, concernant notamment ses déclarations de taxe sur la valeur ajoutée, à l'issue de laquelle l'administration fiscale a notamment remis en cause, sur le fondement des dispositions combinées des articles 256 et 272 du code général des impôts, son droit à déduction de la taxe sur la valeur ajoutée relative à des acquisitions effectuées auprès du fournisseur 2X Connection. Elle a en conséquence mis à la charge de la société Cybertech Computer, selon la procédure de rectification contradictoire, des rappels de taxe sur la valeur ajoutée au titre de la période comprise entre le 1er avril 2014 et le 31 mars 2015. Les droits supplémentaires et pénalités y afférentes, correspondant au rappel de taxe sur la valeur ajoutée déduite par la société Cybertech Computer, ont été mis en recouvrement le 14 août 2018 pour un montant de 1 758 624 euros. Elle a formé une réclamation le 6 décembre 2019 qui a été rejetée par une décision du 3 juin 2020. La société Cybertech Computer, aux droits de laquelle est venue la société par actions simplifiée Groupe Cybertek, relève appel du jugement du 6 octobre 2022 par lequel le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande de décharge, en droits et pénalités, des rappels de taxe sur la valeur ajoutée mis à sa charge.
Sur la fin de non-recevoir :
2. Ainsi que le relève l'administration, les conclusions de la société Groupe Cybertek tendent uniquement à contester les rappels résultant de la remise en cause des droits à déduction de la taxe sur la valeur ajoutée relative à des acquisitions effectuées auprès du fournisseur 2X Connection et ne comporte aucune critique des rappels d'un montant de 5 904 euros résultant de la remise en cause de la taxe sur la valeur ajoutée portant sur des créances irrécouvrables, qui n'ont par ailleurs pas été contestées au stade de la réclamation préalable. Par suite le ministre, qui doit être regardé comme opposant une fin de non-recevoir, est fondé à soutenir que les conclusions à fin de décharge de la société Groupe Cybertek ne sont recevables que dans la limite d'une somme de 1 752 720 euros correspondant aux rappels résultant de la remise en cause de la déductibilité de la taxe sur la valeur ajoutée relative aux acquisitions effectuées auprès de la société 2X Connection.
Sur le bien-fondé des rappels de taxe sur la valeur ajoutée :
3. Aux termes du I de l'article 256 du code général des impôts : " Sont soumises à la taxe sur la valeur ajoutée les livraisons de biens et les prestations de services effectuées à titre onéreux par un assujetti agissant en tant que tel ". Aux termes de l'article 271 du même code : " I. 1. La taxe sur la valeur ajoutée qui a grevé les éléments du prix d'une opération imposable est déductible de la taxe sur la valeur ajoutée applicable à cette opération. / (...) II. 1. Dans la mesure où les biens et les services sont utilisés pour les besoins de leurs opérations imposables, et à la condition que ces opérations ouvrent droit à déduction, la taxe dont les redevables peuvent opérer la déduction est, selon le cas : / a) Celle qui figure sur les factures établies conformément aux dispositions de l'article 289 et si la taxe pouvait légalement figurer sur lesdites factures (...) ". Enfin, le 3 de l'article 272 du même code dispose que : " La taxe sur la valeur ajoutée afférente à une livraison de biens ne peut faire l'objet d'aucune déduction lorsqu'il est démontré que l'acquéreur savait ou ne pouvait ignorer que, par son acquisition, il participait à une fraude consistant à ne pas reverser la taxe due à raison de cette livraison ".
4. Il résulte des dispositions de l'article 17 de la sixième directive 77/388/CEE du 17 mai 1977, reprises en substance à l'article 168 de la directive 2006/112/CE du 28 novembre 2006 et dont les dispositions du I et du a) du 1 du II de l'article 271 du code général des impôts citées au point 3 assurent la transposition, que le bénéfice du droit à déduction de taxe sur la valeur ajoutée doit être refusé à un assujetti lorsqu'il est établi, au vu d'éléments objectifs, que celui-ci savait ou aurait dû savoir que, par l'opération invoquée pour fonder ce droit, il participait à une fraude à la taxe sur la valeur ajoutée commise dans le cadre d'une chaîne de livraisons ou de prestations, ainsi que l'a jugé la Cour de justice de l'Union européenne, notamment par son arrêt du 18 décembre 2014, Staatssecretaris van Financiën c/ Schoenimport " Italmoda " Mariano Previti vof et Turbu.com BV, Turbu.com Mobile Phone's BV (C-131/13, 163/13 et 164/13).
5. Si les opérateurs qui prennent toute mesure pouvant raisonnablement être exigée d'eux pour s'assurer que leurs opérations ne sont pas impliquées dans une fraude, qu'il s'agisse de la fraude à la taxe sur la valeur ajoutée ou d'autres fraudes, ne doivent pas perdre leur droit à déduire la taxe sur la valeur ajoutée acquittée en amont, en revanche, un assujetti qui savait ou aurait dû savoir que, par son acquisition, il participait à une opération impliquée dans une fraude à la taxe sur la valeur ajoutée, doit être considéré comme participant à cette fraude, indépendamment de la question de savoir s'il tire ou non un bénéfice de la revente des biens, dès lors que, dans une telle situation, l'assujetti devient complice de la fraude, comme l'a jugé la Cour de justice de l'Union européenne dans son arrêt du 6 juillet 2006, Axel Kittel et Recolta Recycling SRPL (C-439/04 et C-440/04).
6. Si l'administration fiscale ne peut exiger de manière générale de l'assujetti souhaitant exercer le droit à déduction de la taxe sur la valeur ajoutée, d'une part, qu'il vérifie que l'émetteur de la facture correspondant aux biens et aux services au titre desquels l'exercice de ce droit est demandé dispose de la qualité d'assujetti, qu'il disposait des biens en cause et était en mesure de les livrer et qu'il a rempli ses obligations de déclaration et de paiement de la taxe, afin de s'assurer qu'il n'existe pas d'irrégularités ou de fraude au niveau des opérateurs en amont, ou, d'autre part, qu'il dispose de documents à cet égard, un opérateur avisé peut, en revanche, lorsqu'il existe des indices permettant de soupçonner l'existence d'irrégularités ou de fraude, se voir contraint de prendre des renseignements sur un autre opérateur auprès duquel il envisage d'acheter des biens ou des services afin de s'assurer qu'il s'est acquitté de ses obligations fiscales, comme l'a jugé la Cour de justice de l'Union européenne dans son arrêt du 21 juin 2012, Mahagében kft (C-80/11). Lorsque les indices permettent de soupçonner une méconnaissance, par un fournisseur de biens ou un prestataire de services, de ses obligations de déclaration ou de paiement de la taxe sur la valeur ajoutée, il appartient ainsi à l'assujetti qui a acquis certains de ces biens ou services, pour les céder à son tour, de s'assurer qu'en ce qui concerne ces biens et services, son fournisseur ou son prestataire s'est acquitté de ses obligations.
7. Enfin, il incombe à l'administration fiscale d'établir les éléments objectifs permettant de conclure que l'assujetti savait ou aurait dû savoir que l'opération invoquée pour fonder le droit à déduction était impliquée dans une fraude. Lorsque sont en cause des opérations similaires réalisées par des sociétés différentes pendant une courte période, ces éléments doivent porter sur chacune de ces sociétés, qu'il s'agisse de l'existence de la fraude reprochée, des indices permettant à l'assujetti mis en cause de la soupçonner ou encore des mesures qui peuvent raisonnablement être exigées.
8. En premier lieu, d'une part, il résulte de l'instruction que le service a relevé, de première part, que la société Cybertech Computer s'était notamment approvisionnée auprès d'une dizaine de fournisseurs présentant les caractéristiques des sociétés participant à un schéma de fraude à la taxe sur la valeur ajoutée de type " carrousel " et que si la presque totalité de ces achats représentait une part minime de son activité, elle avait, sur la période vérifiée du 1er avril 2014 au 31 mars 2015, réalisé près de 16% de ses achats de matériels informatiques, pour un montant global de 7 086 469,53 euros TTC, auprès de la société 2X Connection alors que, de seconde part, cette société, qui a également fait l'objet d'une vérification de comptabilité concernant ses déclarations de taxe sur la valeur ajoutée sur la période du 24 février au 31 octobre 2014, n'avait déclaré que 259 150 euros de chiffre d'affaires à la taxe sur la valeur ajoutée entre avril et octobre 2014 puis n'a procédé à aucune déclaration de chiffre d'affaires par la suite. Ainsi, l'administration fiscale établit que la société 2X Connection, fournisseur de la requérante, s'est livrée à une fraude à la taxe sur la valeur ajoutée.
9. D'autre part, ainsi que l'ont retenu les premiers juges, pour justifier que la société Cybertech Computer savait ou ne pouvait ignorer qu'elle participait à une fraude à la taxe sur la valeur ajoutée, l'administration a relevé que, malgré son expérience de plus de 20 ans dans le commerce de matériel informatique, connu pour être investi par des " opérateurs frauduleux ", elle a très rapidement et sans précaution confié une part importante du volume de ses achats à la société 2X Connection, soit 1 026 941 euros de marchandises en mai 2014, dans les dix jours du démarrage de leurs relations commerciales, et 7 086 769 euros en dix mois, correspondant ainsi à 15,9% de ses achats sur l'exercice clos en 2015 alors que cette société, créée en janvier 2014, était totalement inconnue sur le marché du matériel informatique et avait fait l'objet de changements statutaires majeurs compte tenu de la cession de la totalité de son capital social à un associé unique le 6 mai 2014, soit seulement six jours avant le démarrage des relations commerciales. Le service a également relevé qu'elle disposait du même contact commercial pour la société 2X Connection que pour un autre fournisseur, lui-même frauduleux, et que la société 2X Connection, dont l'adresse du siège social correspondait à une entreprise de domiciliation, ne disposait d'aucun local commercial, ni de boîte aux lettres ni de salarié, et recourrait exclusivement à des plateformes logistiques pour les livraisons. Enfin, l'administration a indiqué que, contrairement à ses pratiques commerciales habituelles, la société Cybertech Computer avait réglé ses achats dans des délais particulièrement courts sur des comptes bancaires situés à l'étranger, alors même que la société 2X Connection disposait de comptes bancaires en France, et sur la base de factures dont le libellé était imprécis.
10. Enfin, outre que la société Groupe Cybertek ne remet pas sérieusement en cause les éléments de fait ainsi relevés par l'administration pour démontrer que la société Cybertech Computer savait ou aurait dû savoir que la société 2X Connection était impliquée dans une fraude à la taxe sur la valeur ajoutée en faisant valoir que les transactions ont été réalisées à des prix cohérents avec ceux du marché avec une entreprise établie en France, qui disposait d'un extrait Kbis, d'un numéro intracommunautaire valide et d'une attestation fiscale de régularité, laquelle ne lui a toutefois été remise qu'après six mois de relations commerciales et près de quatre millions d'euros de marchandises commandées, il résulte de l'instruction, et notamment du jugement du tribunal correctionnel de Paris du 5 janvier 2022 et de l'arrêt de la cour d'appel de Paris du 28 mars 2024, dont les constatations de fait qui sont le support nécessaire d'une condamnation devenue définitive sont revêtues de l'autorité absolue de la chose jugée par les juridictions répressives, que M. A... B..., co-gérant de la société Cybertech Computer notamment en charge des relations commerciales à la date des faits, a reconnu avoir acheté, pour le compte de cette société, des marchandises à la société 2X Connection en sachant que ces achats s'inscrivaient dans le cadre d'une fraude à la taxe sur la valeur ajoutée et a été déclaré coupable des faits d'escroquerie en bande organisée commis courant 2013 jusqu'au 31 mars 2015. Le ministre est donc fondé à soutenir que la société Groupe Cybertek, qui ne peut utilement soutenir que la société Cybertech computer n'aurait pas bénéficié du circuit de fraude à la taxe sur la valeur ajoutée et n'est pas fondée à soutenir que les faits ainsi constatés par le juge pénal ne concernent qu'un de ses cogérant et ne peuvent conduire à la regarder ayant volontairement participé au circuit de fraude, savait que lors des opérations d'acquisition auprès de la société 2X Connection ici concernées, elle participait à une fraude consistant à ne pas reverser la taxe due à raison de ces livraisons et ne pouvait, en application des dispositions précitées du 3 de l'article 272 du code général des impôts, bénéficier du droit à déduction de la taxe afférente aux factures délivrées par la société 2X Connection. Le moyen doit par conséquent être écarté dans ses différentes branches.
11. En second lieu, d'une part, la non-déductibilité de la taxe sur la valeur ajoutée afférente à une livraison de biens dont l'acquéreur savait ou ne pouvait ignorer participer à une fraude consistant à ne pas reverser la taxe due à raison de cette livraison ne constituant pas une sanction, le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 8 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen et de l'article 50 de la Charte des droits de l'Union Européenne doit être écarté.
12. D'autre part, il résulte de l'instruction et notamment de l'arrêt de la cour d'appel de Paris du 28 mars 2024, que M. B... n'est plus condamné par le juge civil à indemniser l'Etat du préjudice matériel subi en raison des délits d'escroquerie à la taxe sur la valeur ajoutée, d'abus de biens sociaux et de blanchiment commis dont il a été déclaré coupable. Ainsi, et malgré la circonstance que cette infirmation du jugement procèderait d'un renoncement de l'Etat à obtenir une telle condamnation indemnitaire, il demeure que la société Groupe Cybertek ne peut soutenir que les rappels ici contestés feraient double-emploi avec les sommes que l'Etat serait susceptible de percevoir de la part de M. B.... Le moyen tiré de la méconnaissance des articles 6 et 13 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen doit donc être écarté.
Sur les pénalités :
13. Aux termes de l'article 1729 du code général des impôts : " Les inexactitudes ou les omissions relevées dans une déclaration ou un acte comportant l'indication d'éléments à retenir pour l'assiette ou la liquidation de l'impôt ainsi que la restitution d'une créance de nature fiscale dont le versement a été indûment obtenu de l'Etat entraînent l'application d'une majoration de : / a. 40 % en cas de manquement délibéré [...] ".
14. Il résulte de ce qui précède que la société Cybertech Computer a participé en toute connaissance de cause à un carrousel de fraude à la taxe sur la valeur ajoutée. C'est donc à bon droit que l'administration fiscale a retenu l'existence d'un manquement délibéré et a fait application de la majoration de 40 % prévue par les dispositions précitées du a de l'article 1729 du code général des impôts.
15. Il résulte de tout ce qui précède que la société Groupe Cybertek n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande. Les conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées par voie de conséquence.
DECIDE :
Article 1er : La requête de la société Cybertech Computer, aux droits de laquelle vient la société Groupe Cybertek, est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la SAS Groupe Cybertek et à la direction nationale d'enquêtes fiscales.
Délibéré après l'audience du 16 janvier 2025 à laquelle siégeaient :
Mme Karine Butéri, présidente,
M. Stéphane Gueguein, président-assesseur,
Mme Caroline Gaillard, première conseillère,
Rendu public par mise à disposition au greffe le 6 février 2025.
Le rapporteur,
Stéphane Gueguein La présidente,
Karine Butéri
La greffière,
Virginie Guillout
La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
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N° 22BX02851