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06/02/2025 | FRANCE | N°22BX03172

France | France, Cour administrative d'appel de BORDEAUX, 4ème chambre, 06 février 2025, 22BX03172


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



L'entreprise unipersonnelle à responsabilité limitée (EURL) Arti Travaux a demandé au tribunal administratif de Limoges, par trois requêtes distinctes, de prononcer la décharge totale, en droits et pénalités, des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre des exercices clos en 2015 et 2016 pour un montant global de 183 424 euros, des cotisations supplémentaires de taxe sur les véhicules de sociétés auxquelles elle a

été assujettie au titre de la période allant du 1er octobre 2014 au 30 septembre 2016 pour u...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

L'entreprise unipersonnelle à responsabilité limitée (EURL) Arti Travaux a demandé au tribunal administratif de Limoges, par trois requêtes distinctes, de prononcer la décharge totale, en droits et pénalités, des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre des exercices clos en 2015 et 2016 pour un montant global de 183 424 euros, des cotisations supplémentaires de taxe sur les véhicules de sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre de la période allant du 1er octobre 2014 au 30 septembre 2016 pour un montant global de 11 200 euros et des rappels de taxe sur la valeur ajoutée qui lui ont été réclamés au titre des années 2015 et 2016 pour un montant global de 61 026 euros.

Par un jugement n° 2001622, 2001623, 2001624 du 1er décembre 2022, le tribunal administratif de Limoges a rejeté ses demandes après les avoir jointes.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés les 29 décembre 2022 et 9 avril 2023, la société Arti Travaux, représentée par la société d'avocats Labonne et ACDP, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Limoges du 1er décembre 2022.

2°) par voie de conséquence, d'évoquer l'affaire au fond et de faire droit à ses requêtes de première instance en prononçant la décharge des impositions contestées ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

Sur la régularité de la procédure d'imposition :

- l'administration n'a pas pris en compte son élection de domicile au cabinet de son avocat, la privant ainsi d'une garantie substantielle tenant à la possibilité de faire valoir ses droits, notamment devant la commission des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires ;

Sur le bien-fondé des impositions :

- c'est à tort que l'administration a considéré qu'elle avait opté pour l'impôt sur les sociétés postérieurement à son changement de forme juridique de SARL en EURL dès lors qu'elle n'a jamais modifié ses statuts en ce sens ; sa volonté d'assujettissement à l'impôt sur les sociétés ne peut ressortir du formulaire de transfert de son siège qu'elle a adressé au centre de formalités des entreprises qui ne contenait qu'un rappel de ses modalités d'imposition en tant que SARL.

Par des mémoires en défense, enregistrés les 7 avril 2023 et 12 mars 2024, ce dernier non communiqué, le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés par la société requérante ne sont pas fondés.

Par ordonnance du 13 septembre 2024, la clôture d'instruction a été fixée au 14 octobre 2024 à 12h00.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Lucie Cazcarra,

- et les conclusions de Mme Pauline Reynaud, rapporteure publique,

Considérant ce qui suit :

1. L'entreprise unipersonnelle à responsabilité limitée (EURL) Arti Travaux a pour activité la fourniture de prestations d'ébarbage, d'ajustage et de finition cosmétique à partir d'aluminium à destination de l'aéronautique. Elle a fait l'objet d'une vérification de comptabilité sur la période du 1er janvier 2014 au 31 décembre 2016 à l'issue de laquelle des rectifications en matière d'impôt sur les sociétés, de taxe sur les véhicules de sociétés et de taxe sur la valeur ajoutée lui ont été communiquées par deux propositions de rectification des 15 décembre 2017 et 25 mai 2018. Conformément à l'avis de la commission des impôts directs et des taxes sur la valeur ajoutée, les impositions supplémentaires envisagées ont été mises en recouvrement le 30 août 2019. La réclamation contentieuse présentée par la société Arti Travaux ayant été rejetée par courrier du 8 septembre 2020, la société a saisi le tribunal administratif de Limoges de conclusions tendant à la décharge totale, en droits et pénalités, des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre des exercices clos en 2015 et 2016, des cotisations supplémentaires de taxe sur les véhicules de sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre de la période allant du 1er octobre 2014 au 30 septembre 2016 et des rappels de taxe sur la valeur ajoutée auxquels elle a été assujettie au titre des années 2015 et 2016. Par la présente requête, la société Arti Travaux relève appel du jugement du 1er décembre 2022 par lequel le tribunal administratif de Limoges a rejeté ses demandes.

Sur la régularité de la procédure d'imposition :

2. Sauf stipulation contraire, le mandat donné à un conseil ou à tout autre mandataire par un contribuable, personne physique ou morale, pour recevoir l'ensemble des actes de la procédure d'imposition et y répondre emporte élection de domicile auprès de ce mandataire. Par suite, lorsqu'un tel mandat a été porté à la connaissance du service en charge de cette procédure, celui-ci est, en principe, tenu d'adresser au mandataire l'ensemble des actes de cette procédure. Toutefois, l'expédition de tout ou partie des actes de la procédure d'imposition au domicile ou au siège du contribuable sera réputée régulière et faire courir les délais de réponse à ces actes s'il est établi que le pli de notification a été effectivement retiré par le contribuable ou par l'un de ses préposés. En revanche, lorsque ce pli est retourné par le service des postes à l'administration fiscale, faute d'avoir été retiré dans le délai imparti, il appartient à celle-ci de procéder à une nouvelle notification des mêmes actes au mandataire.

3. Il résulte de l'instruction que, par courrier du 30 juillet 2018, l'avocat de la société Arti Travaux a adressé à l'administration fiscale un courrier se bornant à indiquer que le gérant de la société élisait domicile à son cabinet, sans faire mention de ce qu'il était habilité, en sa qualité de conseil, à recevoir l'ensemble des actes de la procédure d'imposition de la société. Cette mention ne pouvant être regardée comme emportant mandat au bénéfice du conseil, l'administration a adressé au siège social de la société la convocation à la séance de la commission des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires, dont cette société a accusé réception le 6 mai 2019 pour une réunion fixée au 25 juin suivant. Ainsi, la société Arti Travaux n'est pas fondée à soutenir que la procédure suivie par l'administration l'aurait privée d'une garantie substantielle au motif qu'elle n'aurait pas été convoquée, en temps utile, devant la commission des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires. Enfin, il n'est pas établi ni même allégué que la société Arti Travaux n'aurait pas été rendue destinataire d'autres actes de la procédure d'imposition et aurait été privée de la faculté de présenter ses observations. Il s'ensuit que le moyen tiré de l'irrégularité de la procédure d'imposition doit être écarté.

Sur le bien-fondé des impositions :

4. L'article 8 du code général des impôts prévoit que, à moins d'une option en faveur de l'assujettissement à l'impôt sur les sociétés, est assujetti à l'impôt sur le revenu, pour les bénéfices qu'il en retire, l'associé unique d'une société à responsabilité limitée lorsque cet associé est une personne physique. Aux termes du 3 de l'article 206 du même code, dans sa version en vigueur lors des exercices d'imposition en litige : " Sont soumis à l'impôt sur les sociétés s'ils optent pour leur assujettissement à cet impôt dans les conditions prévues à l'article 239 : (...) e. Les sociétés à responsabilité limitée dont l'associé unique est une personne physique ; (...) ". Aux termes de l'article 239 du même code, dans sa version alors applicable :" 1. Les sociétés et groupements mentionnés au 3 de l'article 206 peuvent opter, dans des conditions qui sont fixées par arrêté ministériel, pour le régime applicable aux sociétés de capitaux. (...) / L'option doit être notifiée avant la fin du troisième mois de l'exercice au titre duquel l'entreprise souhaite être soumise pour la première fois à l'impôt sur les sociétés. Toutefois, en cas de transformation d'une société de capitaux en une des formes de société mentionnées au 3 de l'article 206 ou en cas de réunion de toutes les parts d'une société à responsabilité limitée entre les mains d'une personne physique, l'option peut être notifiée avant la fin du troisième mois qui suit cette transformation ou cette réunion pour prendre effet à la même date que celle-ci. Dans tous les cas, l'option exercée est irrévocable. " Aux termes de l'article 22 de l'annexe IV au code général des impôts, applicable aux exercices en litige : " La notification de l'option prévue à l'article 239 du code général des impôts est adressée au service des impôts du lieu du principal établissement de la société ou du groupement qui souhaite exercer cette option. / La notification indique la désignation de la société ou du groupement et l'adresse du siège social, les nom, prénoms et adresse de chacun des associés, membres ou participants, ainsi que la répartition du capital social ou des droits entre ces derniers. Elle est signée dans les conditions prévues par les statuts ou, à défaut, par tous les associés, membres ou participants. Il en est délivré récépissé (...) ".

5. Aux termes de l'article R. 123-1 du code de commerce, dans sa version alors applicable : " Les centres de formalités des entreprises permettent aux entreprises de souscrire en un même lieu l'ensemble des formalités et procédures nécessaires à l'accès et à l'exercice de leur activité. Ils reçoivent à cet effet le dossier unique prévu à l'article 2 de la loi n° 94-126 du 11 février 1994 relative à l'initiative et à l'entreprise individuelle. Ce dossier comporte : 1° Les déclarations relatives à la création, aux modifications de la situation ou à la cessation de l'activité, que les entreprises sont tenues de remettre aux administrations, personnes ou organismes mentionnés à l'annexe 1-1 à l'article R. 123-30 (...) " Aux termes de son article R. 123-3, dans sa version alors applicable : " 1° Sous réserve des dispositions des 2° et 3°, les chambres de commerce et d'industrie créent et gèrent les centres de formalités des entreprises compétents pour : (...) b) Les sociétés commerciales. (...) ". Aux termes de son article R. 123-5, dans sa version alors applicable : " (...) Toutefois, lorsque la déclaration comporte une demande d'immatriculation au registre du commerce et des sociétés, d'inscription modificative ou de radiation, le déclarant a la faculté de déposer le dossier de déclaration directement auprès du greffe du tribunal compétent pour y procéder (...). Le greffe, qui conserve la demande d'inscription, transmet sans délai le dossier au centre de formalités des entreprises compétent. (...) ". Aux termes de l'article R. 123-17 du même code, dans sa version alors applicable : " La déclaration présentée ou transmise au centre de formalités des entreprises compétent vaut déclaration auprès de l'organisme destinataire, dès lors qu'elle est régulière et complète à l'égard de ce dernier. (...) ".

6. En application des dispositions citées aux points 4 et 5 ci-dessus, pour exercer valablement leur option pour l'imposition selon le régime propre aux sociétés de capitaux, les sociétés de personnes doivent soit notifier cette option au service des impôts du lieu de leur principal établissement, conformément aux prescriptions de l'article 239 du code général des impôts et de l'article 22 de l'annexe IV à ce code, soit cocher la case prévue à cet effet sur le formulaire remis au centre de formalités des entreprises ou au greffe du tribunal de commerce dont elles dépendent à l'occasion de la déclaration de leur création ou de leur modification, manifestant ainsi sans ambiguïté l'exercice de leur option.

7. Il résulte de l'instruction que, lors de sa création, la société Arti Travaux a été constituée sous forme de société à responsabilité limitée, dont le capital social était réparti à parts égales entre M. A... C... et M. B... C.... Par acte sous-seing privé du 8 juin 2012, M. B... C... a cédé la totalité de ses parts à M. A... C..., devenu le seul associé de la société Arti Travaux, entraînant alors la transformation automatique de la société à responsabilité limitée en entreprise unipersonnelle à responsabilité limitée. Au soutien de ses conclusions à fin de décharge des impositions en litige, la société requérante fait valoir qu'elle n'a pas exercé l'option pour être assujettie à l'impôt sur les sociétés dès lors qu'elle n'a pas modifié ses statuts en ce sens. Il résulte toutefois de ce qui précède que l'exercice de cette option peut résulter du formulaire remis au centre de formalités des entreprises dont la société relève, à l'occasion de la déclaration de sa modification. Or, il ressort de la " déclaration relative à l'établissement modifié ", adressée par la société Arti Travaux au centre de formalités des entreprises le 5 juillet 2012, que la société a indiqué être imposée à l'impôt sur les sociétés après avoir porté la mention " M. A... C... demeure seul gérant de la société ". La société ne peut donc faire valoir qu'il s'agissait d'un simple rappel des modalités d'imposition de la société, prise en sa forme de société à responsabilité limitée. Il ressort par ailleurs de la sixième résolution du procès-verbal d'assemblée générale extraordinaire de la société du 8 juin 2012, joint aux statuts de la société datés du même jour, et déposé au greffe du tribunal de commerce du lieu de son siège social, que " l'assemblée générale prend acte qu'à compter de ce jour M. A... C... détient la totalité des cinq cents parts composant le capital social et par conséquent opte pour l'assujettissement de la société à l'impôt sur les sociétés à effet de la même date ". Enfin, il n'est pas contesté que la société a déposé une déclaration de résultat pour les sociétés soumises à l'impôt sur les sociétés (déclaration 2065) dès le premier exercice clos après la réunion des parts dans une même main, puis pour les exercices clos en 2014, 2015 et 2016. Au regard de l'ensemble de ces éléments, l'entreprise unipersonnelle à responsabilité limitée Arti Travaux doit être regardée comme ayant manifesté sans ambiguïté l'exercice de l'option à l'assujettissement à l'impôt sur les sociétés.

8. Il résulte de tout ce qui précède que la société Arti Travaux n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Limoges a rejeté ses demandes. Par suite, ses conclusions présentées sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées.

DECIDE :

Article 1er : La requête de la société Arti Travaux est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la société Arti Travaux et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.

Copie en sera adressée à la direction spécialisée de contrôle fiscal sud-ouest.

Délibéré après l'audience du 16 janvier 2025 à laquelle siégeaient :

M. Luc Derepas, président,

Mme Frédérique Munoz-Pauziès, présidente de chambre,

Mme Lucie Cazcarra, première conseillère,

Rendu public par mise à disposition au greffe le 6 février 2025.

La rapporteure,

Lucie CazcarraLe président,

Luc Derepas La greffière,

Laurence Mindine

La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

2

N° 22BX03172


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de BORDEAUX
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 22BX03172
Date de la décision : 06/02/2025
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : M. le Pdt. DEREPAS
Rapporteur ?: Mme Lucie CAZCARRA
Rapporteur public ?: Mme REYNAUD
Avocat(s) : SELARL CABINET D'ETUDES JURIDIQUES ET FISCALES R. LABONNE

Origine de la décision
Date de l'import : 09/02/2025
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2025-02-06;22bx03172 ?
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