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06/02/2025 | FRANCE | N°23BX00036

France | France, Cour administrative d'appel de BORDEAUX, 4ème chambre, 06 février 2025, 23BX00036


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



La société Agri 40 a demandé au tribunal administratif de Pau de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre des exercices clos en 2014, 2015 et 2016, et d'enjoindre au directeur départemental des finances publiques des Pyrénées-Atlantiques de procéder à la restitution des sommes correspondant à ces cotisations supplémentaires, ainsi qu'au paiement des intérêts moratoires y afférents.
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Par un jugement n° 2002605 du 17 novembre 2022, le tribunal administratif de Pau a rejeté...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société Agri 40 a demandé au tribunal administratif de Pau de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre des exercices clos en 2014, 2015 et 2016, et d'enjoindre au directeur départemental des finances publiques des Pyrénées-Atlantiques de procéder à la restitution des sommes correspondant à ces cotisations supplémentaires, ainsi qu'au paiement des intérêts moratoires y afférents.

Par un jugement n° 2002605 du 17 novembre 2022, le tribunal administratif de Pau a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, respectivement enregistrés les 6 janvier et 19 septembre 2023, la société Agri 40, représentée par la SCP Avocagir, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Pau du 17 novembre 2022 ;

2°) de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre des exercices clos en 2014, 2015 et 2016 ;

3°) d'ordonner le remboursement des sommes versées, assorties des intérêts moratoires ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- en refusant l'application du régime d'exonération d'impôt prévu en faveur des entreprises nouvelles par l'article 44 sexies du code général des impôts, l'administration a méconnu le 1° de l'article L.80 B du livre des procédures fiscales dès lors que, en ayant abandonné les rectifications envisagées à son encontre dans le cadre d'une précédente procédure afférente aux exercices clos en 2011 et 2012, elle a pris une position formelle sur une situation de fait qui n'a pas changée ; les conditions d'application de la garantie prévue par le 1° de l'article L. 80 B du livre des procédures fiscales, telles qu'elles sont précisées par la doctrine administrative publiée sous la référence BOI-SJ-RES-10-20-10, conforte son analyse quant à l'invocabilité de cette prise de position ;

- en méconnaissant sa prise de position formelle adoptée antérieurement aux impositions en litige, l'administration a méconnu le principe général du droit de l'Union européenne de confiance légitime.

Par des mémoires en défense, enregistrés les 1er juin et 27 octobre 2023, ce dernier non communiqué, le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique conclut au rejet de la requête. Il soutient que les moyens soulevés par la société requérante ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Lucie Cazcarra,

- les conclusions de Mme Pauline Reynaud, rapporteure publique,

- et les observations de Me Benderdouch, représentant la société Agri 40.

Considérant ce qui suit :

1. La société Agri 40, créée en 2010, a pour activité la vente et la réparation de matériel agricole. Elle a fait l'objet d'un contrôle sur pièces à l'issue duquel l'administration a, selon la procédure de rectification contradictoire pour les exercices clos en 2014, 2015 et 2016, mis à sa charge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés assorties des intérêts de retard et, pour les exercices 2014 et 2015, de la majoration de 10 % prévue par les dispositions du a) du 1 de l'article 1728 du code général des impôts. Conformément à l'avis rendu par la commission des impôts directs et des taxes sur la valeur ajoutée le 14 février 2020, les impositions supplémentaires envisagées ont été mises en recouvrement le 30 mars 2020. La société Agri 40 a présenté une réclamation contentieuse qui a été rejetée par courrier du 27 octobre 2020. Par la présente requête, la société relève appel du jugement du 17 novembre 2022 par lequel le tribunal administratif de Pau a rejeté sa demande de décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés au titre des exercices clos en 2014, 2015 et 2016.

Sur le bien-fondé des impositions en litige :

En ce qui concerne l'application de la loi fiscale :

2. Aux termes de l'article 44 sexies du code général des impôts, dans sa rédaction applicable aux exercices d'imposition en litige : " I. Les entreprises soumises de plein droit ou sur option à un régime réel d'imposition de leurs résultats et qui exercent une activité industrielle, commerciale ou artisanale au sens de l'article 34 sont exonérées d'impôt sur le revenu ou d'impôt sur les sociétés à raison des bénéfices réalisés, à l'exclusion des plus-values constatées lors de la réévaluation des éléments d'actif, jusqu'au terme du vingt-troisième mois suivant celui de leur création et déclarés selon les modalités prévues à l'article 53 A (...). / II. Le capital des sociétés nouvellement créées ne doit pas être détenu, directement ou indirectement, pour plus de 50 % par d'autres sociétés. (...) ".

3. Il résulte de l'instruction que le capital de la société Agri 40 est détenu à 99,80 % par la société JCBC, ce que la société requérante ne conteste pas. Dès lors, en application des dispositions précitées, la société Agri 40 ne peut bénéficier du régime d'exonération de l'impôt sur les bénéfices en faveur des entreprises nouvelles.

En ce qui concerne l'interprétation de la loi fiscale :

4. Aux termes du premier alinéa de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales : " Il ne sera procédé à aucun rehaussement d'impositions antérieures si la cause du rehaussement poursuivi par l'administration est un différend sur l'interprétation par le redevable de bonne foi du texte fiscal et s'il est démontré que l'interprétation sur laquelle est fondée la première décision a été, à l'époque, formellement admise par l'administration ". Aux termes de l'article L. 80 B du même livre : " La garantie prévue au premier alinéa de l'article L. 80 A est applicable : 1° Lorsque l'administration a formellement pris position sur l'appréciation d'une situation de fait au regard d'un texte fiscal ; elle se prononce dans un délai de trois mois lorsqu'elle est saisie d'une demande écrite, précise et complète par un redevable de bonne foi. / Un décret en Conseil d'Etat précise les modalités d'application du présent 1°, notamment le contenu, le lieu ainsi que les modalités de dépôt de cette demande ; (...) ".

5. La société requérante fait valoir qu'elle a bénéficié d'un abandon des rectifications envisagées en application de l'article 44 sexies du code général des impôts au titre des exercices clos en 2011 et 2012 et que, ce faisant, l'administration a formellement pris position sur sa situation au regard de cet article et ne peut désormais procéder à des rehaussements sur ce même fondement. Il ressort toutefois de la décision d'abandon des rehaussements du 20 mai 2014 que l'administration s'est référée à l'avis rendu par la commission des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires lors de sa séance du 31 mars 2014, lequel se borne à se prononcer sur le caractère d'activités nouvelles de la société Agri 40 et de ses liens avec la société Agri33 et non sur la détention du capital de la société Agri40 par la société JCBC. En outre, ni la décision de l'administration ni l'avis de la commission des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires ne se réfèrent à l'application de l'article 44 sexies du CGI au cas de la société Agri40. Dans ces conditions, à supposer même que l'administration ait pris une position formelle sur la situation de la société Agri40 au sens des dispositions de l'article L. 80 B du livre des procédures fiscales au titre des exercices clos en 2011 et 2012, cette prise de position formelle n'est pas intervenue sur le motif opposé par les décisions attaquées.

6. En outre, pour ces mêmes motifs, la société Agri 40 n'est pas davantage fondée à soutenir que les impositions litigieuses auraient été établies en méconnaissance du principe de confiance légitime, principe général du droit de l'Union européenne au demeurant inapplicable à l'imposition en cause uniquement régie par le droit interne.

7. Enfin, la société Agri 40 ne peut se prévaloir, en tout état de cause, de la doctrine administrative référencée BOI-SJ-RES-10-20-10 qui ne fait que commenter l'article L.80 B du livre des procédures fiscales relative à la procédure d'imposition.

8. Il résulte de tout ce qui précède que la société Agri 40 n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Pau a rejeté sa demande.

Par voie de conséquence, ses conclusions tendant à la restitution des sommes dont elle s'est acquittée en paiement des impositions en litige et à l'octroi d'intérêts moratoires ne peuvent qu'être rejetées.

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

9. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, la somme que la société Agri 40 demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens.

DECIDE :

Article 1er : La requête de la société Agri 40 est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la société Agri 40 et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.

Copie en sera adressée à la direction spécialisée de contrôle fiscal sud-ouest.

Délibéré après l'audience du 16 janvier 2025 à laquelle siégeaient :

M. Luc Derepas, président,

Mme Frédérique Munoz-Pauziès, présidente de chambre,

Mme Lucie Cazcarra, première conseillère,

Rendu public par mise à disposition au greffe le 6 février 2025.

La rapporteure,

Lucie CazcarraLe président,

Luc Derepas La greffière,

Laurence Mindine

La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

2

N° 23BX00036


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de BORDEAUX
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 23BX00036
Date de la décision : 06/02/2025
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : M. le Pdt. DEREPAS
Rapporteur ?: Mme Lucie CAZCARRA
Rapporteur public ?: Mme REYNAUD
Avocat(s) : SCP AVOCAGIR

Origine de la décision
Date de l'import : 09/02/2025
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2025-02-06;23bx00036 ?
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