Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Bordeaux d'annuler l'arrêté du 19 décembre 2023 par lequel le préfet de la Gironde a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi.
Par un jugement n° 2400649 du 25 avril 2024, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 27 mai 2024, M. A... représenté par Me Blal-Zenasni demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Bordeaux du 25 avril 2024 ;
2°) d'annuler l'arrêté du 19 décembre 2023 par lequel le préfet de la Gironde a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi ;
3°) d'enjoindre au préfet de la Gironde de lui délivrer un titre de séjour mention " vie privée et familiale " ou " travail " dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 150 euros par jour de retard ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
En ce qui concerne la décision portant refus de titre de séjour :
- le préfet a commis un défaut d'examen complet et sérieux de sa situation ;
- le préfet a commis une erreur manifeste d'appréciation de sa situation ;
- cette décision porte une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale tel que garanti par les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- cette décision méconnaît les dispositions de l'article L. 423-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- il est malade et la gravité de sa pathologie a été reconnue par la préfecture qui n'en tire pas toutes les conséquences dès lors qu'il ne peut être soigné dans son pays ;
En ce qui concerne la décision portant obligation de quitter le territoire français :
- cette décision méconnaît les dispositions du 6° de l'article L. 611-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa version applicable au litige ;
- elle est privée de base légale du fait de l'illégalité de la décision portant refus de titre de séjour.
Par un mémoire en défense, enregistré le 30 octobre 2024, le préfet de la Gironde conclut au rejet de la requête.
Il fait valoir que la requête est infondée et s'en remet aux termes de son mémoire de première instance.
Par une ordonnance du 15 octobre 2024, la clôture de l'instruction a été fixée au 20 novembre 2024 à 12 heures.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- l'accord franco-tunisien du 17 mars 1988 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative.
La présidente de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de Mme Caroline Gaillard a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. B... A..., ressortissant tunisien né le 1er décembre 1990, déclare être entré en France pour la première fois à une date indéterminée et non vérifiable, et sous une fausse identité. Le 27 avril 2011, une obligation de quitter le territoire français a été prise à son encontre. Le 20 juin 2014, le tribunal correctionnel de Bordeaux a prononcé à l'encontre de M. A... une mesure d'interdiction judiciaire du territoire français d'une durée de cinq ans. L'intéressé a été reconduit en Tunisie sous escorte policière le 22 février 2017. M. A... déclare être entré, à nouveau, irrégulièrement en France en 2020. Le 25 mai 2023, il a sollicité son admission au séjour sur le fondement des articles L. 423-1, L. 423-2, L. 423-6 et L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par un arrêté du 19 décembre 2023, le préfet de la Gironde a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi. M. A... relève appel du jugement par lequel le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande d'annulation de cet arrêté.
Sur la décision portant refus de titre de séjour :
2. En premier lieu, le requérant reprend en appel, dans des termes similaires et sans critique utile du jugement, son moyen de première instance tiré de l'absence d'examen réel et sérieux de sa situation, au soutien duquel il n'apporte aucun élément de droit ou de fait nouveau. Il y a lieu, dès lors, d'écarter ce moyen par adoption des motifs pertinents retenus par les premiers juges.
3. En deuxième lieu, aux termes de l'article 7 quater de l'accord franco-tunisien : " Sans préjudice des dispositions du b et du d de l'article 7 ter, les ressortissants tunisiens bénéficient, dans les conditions prévues par la législation française, de la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale ". Aux termes de l'article L. 412-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sous réserve des engagements internationaux de la France et des exceptions prévues aux articles L. 412-2 et L. 412-3, la première délivrance d'une carte de séjour temporaire ou d'une carte de séjour pluriannuelle est subordonnée à la production par l'étranger du visa de long séjour mentionné aux 1° ou 2° de l'article L. 411-1 ". Aux termes de l'article L. 423-1 du même code : " L'étranger marié avec un ressortissant français, se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " d'une durée d'un an lorsque les conditions suivantes sont réunies :/1° La communauté de vie n'a pas cessé depuis le mariage ;/ 2° Le conjoint a conservé la nationalité française ;/ 3° Lorsque le mariage a été célébré à l'étranger, il a été transcrit préalablement sur les registres de l'état civil français. ". Il résulte de ces dispositions que l'étranger qui sollicite une première demande de titre de séjour en tant que conjoint de français doit être entré en France sous couvert d'un visa de long séjour.
4. M. A... ne conteste pas être entré irrégulièrement sur le territoire français et ne pas être en possession d'un visa de long séjour. Par suite, le préfet de la Gironde a pu légalement refuser de lui délivrer un titre de séjour, sans méconnaitre les dispositions précitées du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
5. En troisième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".
6. M. A... fait valoir qu'il est marié avec une ressortissante française. Il ressort des pièces du dossier que le requérant s'est marié en Tunisie le 14 mars 2018 et qu'il démontre, par la production de factures et justificatifs, l'existence d'une communauté de vie depuis septembre 2020. Cette relation, d'une durée de trois ans à la date de la décision en litige, ne saurait toutefois suffire à ouvrir un droit au séjour à M. A... alors que l'intéressé, qui s'est maintenu en situation irrégulière depuis son arrivée en 2020, ne fait état d'aucune circonstance particulière de nature à faire obstacle à ce qu'il accomplisse les formalités nécessaires à la délivrance d'un visa long séjour en sa qualité de conjoint de française, et qu'il ne justifie en outre pas de son insertion dans la société française en se bornant à produire une promesse d'embauche dans un fast food. S'il se prévaut également de la présence en France de son frère, celui-ci réside irrégulièrement sur le territoire national après s'être soustrait à l'exécution d'une mesure d'éloignement édictée à son encontre. Par ailleurs, M. A... ne justifie pas être isolé dans son pays d'origine où il a vécu jusqu'à l'âge de 30 ans et où réside sa mère avec laquelle il n'est ni établi ni même allégué qu'il aurait rompu tout lien. Dans ces conditions, la décision attaquée n'a pas porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels elle a été prise et n'a, par suite, pas méconnu les stipulations précitées de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Le préfet de la Gironde n'a pas non plus commis d'erreur manifeste d'appréciation sur sa situation.
7. En quatrième lieu, aux termes de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger, résidant habituellement en France, dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et qui, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié, se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " d'une durée d'un an. La condition prévue à l'article L. 412-1 n'est pas opposable. / La décision de délivrer cette carte de séjour est prise par l'autorité administrative après avis d'un collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, dans des conditions définies par décret en Conseil d'Etat. (...). ".
8. Par un avis du 16 octobre 2023, le collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII) a considéré que si l'état de santé de l'intéressé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entrainer des conséquences d'une exceptionnelle gravité, il peut toutefois effectivement bénéficier d'un traitement approprié en Tunisie et qu'à la date de cet avis son état de santé lui permet de voyager sans risque vers son pays d'origine. S'il ressort des certificats médicaux produits que M. A... bénéficie d'un suivi médical en raison d'une épilepsie focale avec généralisation structurelle d'un traumatisme crânien survenu en 2015, ces éléments ne permettent pas de remettre en cause l'avis du collège de médecins, sur lequel le préfet s'est notamment appuyé, quant à la possibilité pour M. A... de bénéficier d'un traitement approprié à son état de santé en Tunisie où il a été soigné de 2017 à 2020. Par suite, si le requérant a entendu soutenir que, compte tenu de son état de santé, le préfet a méconnu les dispositions de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, un tel moyen ne peut qu'être écarté.
Sur la décision portant obligation de quitter le territoire français :
9. En premier lieu, il résulte de ce qui précède que le refus de titre de séjour n'étant pas illégal, le requérant n'est pas fondé à soutenir que l'obligation de quitter le territoire français serait illégale par voie de conséquence.
10. En second lieu, aux termes de l'article L. 611-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Ne peuvent faire l'objet d'une décision portant obligation de quitter le territoire français : (...) 6° L'étranger marié depuis au moins trois ans avec un conjoint de nationalité française, à condition que la communauté de vie n'ait pas cessé depuis le mariage et que le conjoint ait conservé la nationalité française.
11. Compte tenu de ce qui a été dit au point 6, le requérant ne peut pas se prévaloir des dispositions précitées du 6° de l'article L. 611-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dès lors que la communauté de vie des deux époux a cessé entre le mariage célébré en Tunisie en 2018, et le retour présumé de M. A... en France en 2020, période au cours de laquelle son épouse résidait en France. Par suite, le moyen doit être écarté.
12. Il résulte de tout ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande d'annulation de l'arrêté en litige. Par suite, sa requête doit être rejetée y compris ses conclusions à fin d'injonction et d'astreinte ainsi que celles présentées au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.
DECIDE :
Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A... et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet de la région Nouvelle-Aquitaine.
Délibéré après l'audience du 16 janvier 2025 à laquelle siégeaient :
Mme Karine Butéri, présidente,
M. Stéphane Guéguen, président-assesseur,
Mme Caroline Gaillard, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 6 février 2025.
La rapporteure,
Caroline Gaillard
La présidente,
Karine Butéri
La greffière,
Virginie Guillout
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur, et à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 24BX01269