Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Poitiers d'annuler l'arrêté du 6 avril 2024 par lequel la préfète des Deux-Sèvres a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays de renvoi et a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée d'un an.
Par un jugement n° 2401166 du 16 mai 2024, la magistrate désignée du tribunal administratif de Poitiers a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 7 juin 2024, M. B..., représenté par la SELARL Kerjan-Ormillien, demande à la cour :
1°) de lui accorder le bénéfice de l'aide juridictionnelle provisoire :
2°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Poitiers du 16 mai 2024 ;
3°) d'annuler l'arrêté du 6 avril 2024 de la préfète des Deux-Sèvres ;
4°) d'enjoindre à la préfète de lui délivrer un titre de séjour ou, à défaut, de réexaminer sa situation dans un délai de dix jours sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;
5°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 2 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Il soutient que :
En ce qui concerne le refus de titre de séjour :
- il méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- il est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation au regard de ses conséquences sur sa situation personnelle.
En ce qui concerne l'obligation de quitter le territoire français :
- elle est insuffisamment motivée ;
- elle est illégale en raison de l'illégalité dont est entaché le refus de titre de séjour ;
- elle méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation.
En ce qui concerne l'interdiction de retour sur le territoire français :
- elle méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation.
Par une ordonnance du 13 novembre 2024, la clôture de l'instruction a été fixée au 20 décembre 2024 à 12h00.
La requête de M. B... a été communiquée à la préfète des Deux-Sèvres qui n'a pas produit de mémoire en défense.
Par une décision du bureau d'aide juridictionnelle n° 2024/001613 du 13 juin 2024, M. B... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- l'accord franco-tunisien en matière de séjour et de travail du 17 mars 1988 ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
La présidente de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
A été entendu au cours de l'audience publique le rapport de Mme Lucie Cazcarra.
Considérant ce qui suit :
1. M. B..., ressortissant tunisien né le 21 octobre 1985 à Tataouine (Tunisie), déclare être entré en France en mars 2011. Le 11 février 2015, il a fait l'objet d'une obligation de quitter le territoire français sans délai. Le 12 mars 2021, il a sollicité un titre de séjour " vie privée et familiale ". Le 6 juillet 2022, la préfète des Deux-Sèvres a pris un arrêté portant refus de titre de séjour et obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours. Interpellé pour des faits de violence conjugale le 12 juillet 2022, la préfète a pris ce même jour un arrêté portant retrait du délai de départ volontaire, dont la légalité a été confirmée par un jugement du tribunal administratif de Poitiers n° 2201708 du 20 juillet 2022, et un arrêté portant assignation à résidence pour une durée de quarante-cinq jours. Le 14 septembre 2023, M. B... a déposé devant la préfecture des Deux-Sèvres une demande de titre de séjour en qualité de parent d'enfant français. Par un arrêté non daté, n° 79-2024-093, notifié le 6 avril 2024, la préfète des Deux-Sèvres a rejeté sa demande de titre, l'a obligé à quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays à destination duquel il pourrait être renvoyé et a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée d'un an. Par la présente requête, M. B... relève appel du jugement du 16 mai 2024 par lequel la magistrate désignée du tribunal administratif de Poitiers a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.
Sur les conclusions tendant au bénéfice de l'aide juridictionnelle provisoire :
2. Par une décision du 13 juin 2024, le bureau d'aide juridictionnelle a accordé l'aide juridictionnelle totale à M. B.... Ses conclusions tendant à l'admission provisoire à l'aide juridictionnelle sont ainsi devenues sans objet et il n'y a dès lors plus lieu d'y statuer.
Sur les conclusions à fin d'annulation :
En ce qui concerne le refus de titre de séjour :
3. Aux termes de l'article 7 quater de l'accord franco-tunisien du 17 mars 1988 : " (...) Les ressortissants tunisiens bénéficient dans les conditions prévues par la législation française, de la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale ".
4. En premier lieu, l'article L. 423-7 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dispose : " L'étranger qui est père ou mère d'un enfant français mineur résidant en France et qui établit contribuer effectivement à l'entretien et à l'éducation de l'enfant dans les conditions prévues par l'article 371-2 du code civil, depuis la naissance de celui-ci ou depuis au moins deux ans, se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention "vie privée et familiale" d'une durée d'un an, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 412-1 ".
5. M. B... est père de deux enfants français, respectivement nés les 22 juin 2021 et 8 avril 2022. Lors de son audition par les services de police le 6 avril 2024, il a déclaré être célibataire et vivre chez M. C.... Il est donc établi, qu'à la date de la décision en litige, M. B... ne résidait pas avec ses enfants. Si M. B... produit à hauteur d'appel plusieurs factures attestant d'achats alimentaires infantiles, vestimentaires et pharmaceutiques, sur une période allant de septembre 2022 à août 2023, elles ne suffisent pas à démontrer qu'il contribuerait effectivement à l'entretien et à l'éducation de ses enfants depuis leur naissance ou depuis au moins deux ans à la date de la décision attaquée. Il n'en justifie pas davantage en produisant trois certificats médicaux du 29 septembre 2022 et des 23 et 24 janvier 2023 attestant de sa présence lors d'examens médicaux de ses enfants ou de consultations de suivi de grossesse de sa compagne. C'est donc sans commettre d'erreur d'appréciation ou d'erreur de droit que la préfète a refusé de délivrer à M. B... le titre de séjour qu'il sollicitait en qualité de parent d'enfant français.
6. En second lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance (...) ". Aux termes de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger qui n'entre pas dans les catégories prévues aux articles L. 423-1, L. 423-7, L. 423-14, L. 423-15, L. 423-21 et L. 423-22 ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, et qui dispose de liens personnels et familiaux en France tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " d'une durée d'un an, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 412-1. / Les liens mentionnés au premier alinéa sont appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'étranger, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec sa famille restée dans son pays d'origine. / L'insertion de l'étranger dans la société française est évaluée en tenant compte notamment de sa connaissance des valeurs de la République ".
7. M. B... se prévaut de l'ancienneté de sa présence en France auprès de sa compagne de nationalité française et de leurs deux enfants français. Il résulte toutefois de ce qui précède que l'intéressé ne justifie d'aucune proximité avec ses enfants et son épouse. Il ressort d'ailleurs des pièces du dossier que M. B... a fait l'objet d'une composition pénale le 7 avril 2022 pour des faits de violence sur sa compagne et, bien qu'ayant réalisé un stage de responsabilisation pour la prévention et la lutte contre les violences au sein du couple et sexistes, ne vit plus avec sa compagne et leurs deux enfants. En outre, M. B... n'a jamais résidé en France en situation régulière et ne justifiait d'aucune insertion professionnelle durable en France à la date de la décision en litige. Enfin, si M. B... fait état de la présence de ses frères en France, il n'en justifie pas. La seule présence régulière en France de son père, qui atteste l'aider financièrement, ne suffit pas à lui ouvrir un droit au séjour. Dans ces conditions, et alors que M. B... a vécu en Tunisie jusqu'à l'âge de vingt-six ans, les moyens tirés de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et des dispositions de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doivent être écartés ainsi que, pour ces mêmes motifs, le moyen tiré de l'erreur manifeste d'appréciation.
En ce qui concerne l'obligation de quitter le territoire français :
8. En premier lieu, dès lors que la décision refusant de délivrer un titre de séjour est régulièrement motivée, la décision portant obligation de quitter le territoire français n'avait pas à faire l'objet d'une motivation distincte en application des articles L. 611-1 et L. 613-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par suite, le moyen tiré d'un défaut de motivation doit être écarté comme inopérant.
9. En deuxième lieu, ainsi qu'il a été dit ci-dessus, le requérant n'établit pas l'illégalité de la décision de refus de titre de séjour. Dès lors, le moyen tiré de l'exception d'illégalité de cette décision doit être écarté.
10. En dernier lieu, pour les mêmes motifs que ceux exposés au point 7, les moyens tirés de ce que la préfète des Deux-Sèvres a méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et commis une erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de la décision en litige sur la situation personnelle de M. B... doivent être écartés.
En ce qui concerne l'interdiction de retour sur le territoire français :
11. Pour les mêmes motifs que ceux exposés au point 7, les moyens tirés de ce que la préfète des Deux-Sèvres a méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et commis une erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de la décision en litige sur la situation personnelle de M. B... doivent être écartés.
Sur les conclusions aux fins d'injonction et d'astreinte :
12. Dès lors que les conclusions aux fins d'annulation de la requête doivent être rejetées, il y a lieu de rejeter par voie de conséquence les conclusions aux fins d'injonction et d'astreinte présentées par M. B....
Sur les frais d'instance :
13. Les dispositions de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, au titre des frais exposés par Me Ormillien, avocat de M. B..., et non compris dans les dépens.
DECIDE :
Article 1er : Il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions tendant à l'admission provisoire à l'aide juridictionnelle.
Article 2 : Le surplus des conclusions de la requête de M. B... est rejeté.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B..., à Me Ormillien et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet des Deux-Sèvres.
Délibéré après l'audience du 16 janvier 2025 à laquelle siégeaient :
M. Luc Derepas, président,
Mme Frédérique Munoz-Pauziès, présidente de chambre,
Mme Lucie Cazcarra, première conseillère,
Rendu public par mise à disposition au greffe le 6 février 2025.
La rapporteure,
Lucie CazcarraLe président,
Luc Derepas La greffière,
Laurence Mindine
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
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N° 24BX01377