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06/02/2025 | FRANCE | N°24BX01448

France | France, Cour administrative d'appel de BORDEAUX, 4ème chambre, 06 février 2025, 24BX01448


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



M. E... D... a demandé au tribunal administratif de Poitiers d'annuler l'arrêté du 16 février 2023 par lequel le préfet de la Vienne a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi.



Par un jugement n° 2300847 du 18 mars 2024, le tribunal administratif de Poitiers a rejeté sa demande.



Procédure devant la cour :



Par une requête, enregistrée le 14 juin 2024, M. D..., représenté par Me Desroches, demande à la cour :



1°) d'ann...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. E... D... a demandé au tribunal administratif de Poitiers d'annuler l'arrêté du 16 février 2023 par lequel le préfet de la Vienne a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi.

Par un jugement n° 2300847 du 18 mars 2024, le tribunal administratif de Poitiers a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 14 juin 2024, M. D..., représenté par Me Desroches, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Poitiers du 18 mars 2024 ;

2°) d'annuler l'arrêté du 16 février 2024 du préfet de la Vienne ;

3°) d'enjoindre au préfet de la Vienne de lui délivrer une carte de séjour temporaire ou, à défaut, de réexaminer sa situation et de lui délivrer dans l'attente une autorisation provisoire de séjour avec autorisation de travail, dans un délai de quinze jours à compter de la notification de la décision à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 2 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Il soutient que :

En ce qui concerne le refus de titre de séjour :

- il est insuffisamment motivé ;

- il est entaché d'un défaut d'examen sérieux de sa situation personnelle ;

- il méconnaît l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- il est entaché d'une erreur d'appréciation au regard de ses conséquences sur sa situation personnelle ;

- il méconnaît les articles L. 435-1 et L. 435-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- il méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

En ce qui concerne l'obligation de quitter le territoire français :

- elle est illégale en raison de l'illégalité dont est entaché le refus de titre de séjour ;

- elle méconnaît le 9° de l'article L. 611-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- elle est entachée d'une erreur d'appréciation au regard de ses conséquences sur sa situation personnelle ;

- elle méconnaît les articles 2, 3, 8 et 14 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- elle méconnaît l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant.

En ce qui concerne la décision fixant le pays de renvoi :

- elle est insuffisamment motivée ;

- elle méconnaît l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et l'article L. 721-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

Par une ordonnance du 13 novembre 2024, la clôture de l'instruction a été fixée au 20 décembre 2024 à 12h00.

Un mémoire produit par le préfet de la Vienne a été enregistré le 7 janvier 2025.

Par une décision du bureau d'aide juridictionnelle du 14 mai 2024, M. D... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

La présidente de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

A été entendu au cours de l'audience publique le rapport de Mme Lucie Cazcarra.

Considérant ce qui suit :

1. M. D..., ressortissant arménien né le 7 août 1986 à Darakert (Arménie), déclare être entré en France le 21 septembre 2017. Le 30 novembre 2017, il a sollicité l'asile qui lui a été refusé par une décision de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) du 13 mars 2018, confirmée par la Cour nationale du droit d'asile (CNDA) le 23 avril 2019. Par arrêté du 29 octobre 2019, confirmé par un jugement n° 2000145 du tribunal administratif de Bordeaux du 27 mai 2020, il s'est vu refuser par le préfet de la Dordogne un titre de séjour en qualité d'étranger malade et a fait l'objet d'une obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours. Interpellé le 15 novembre 2020, il a fait l'objet d'un nouvel arrêté du préfet de la Vienne du 17 novembre 2020 portant obligation de quitter le territoire français sans délai et interdiction de retour sur le territoire français pendant une durée de deux ans. Par un arrêté du même jour, il a été assigné à résidence pour une durée de quarante-cinq jours. Par un arrêt n° 21BX00599 du 14 décembre 2021, la cour administrative d'appel de Bordeaux a annulé le jugement du 23 novembre 2020 par lequel le tribunal administratif de Poitiers a rejeté les conclusions de M. D... tendant à l'annulation de ces arrêtés du 17 novembre 2020. Le 27 janvier 2021, M. D... a sollicité la délivrance d'un titre de séjour en raison de son état de santé puis, le 29 août 2022, a complété sa demande en sollicitant un titre de séjour en qualité de travailleur temporaire, au titre de la vie privée et familiale et au titre de l'admission exceptionnelle au séjour. Par un arrêté du 16 février 2023, le préfet de la Vienne a refusé de lui délivrer les titres de séjour sollicités, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il pourrait être renvoyé. Par la présente requête, M. D... relève appel du jugement du 18 mars 2024 par lequel le tribunal administratif de Poitiers a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.

Sur le refus de titre de séjour :

2. En premier lieu, aux termes des articles L. 211-2 et L. 211-5 du code des relations entre le public et l'administration, les mesures de police doivent être motivées et " comporter l'énoncé des considérations de droit et de fait qui constituent le fondement de la décision ".

3. Il ressort des termes de la décision en litige qu'après avoir visé les textes applicables à la situation de M. D... et notamment les articles L. 421-3, L. 423-23, L. 425-9 et L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ainsi que l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, le préfet de la Vienne a pris en considération les éléments relatifs aux conditions d'entrée et de séjour de M. D... sur le territoire français. Il a notamment fait état de l'avis de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII) du 28 avril 2022, de la promesse d'embauche dont l'intéressé se prévaut ainsi que de la situation personnelle et familiale de ce dernier en France. Dans ces conditions, le préfet de la Vienne, auquel il n'appartenait pas de faire état de l'intégralité des éléments propres à la situation de M. D..., a suffisamment motivé la décision de refus de titre de séjour contestée et examiné la situation personnelle de l'intéressé.

4. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger, résidant habituellement en France, dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et qui, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié, se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " d'une durée d'un an. La condition prévue à l'article L. 412-1 n'est pas opposable. / La décision de délivrer cette carte de séjour est prise par l'autorité administrative après avis d'un collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, dans des conditions définies par décret en Conseil d'Etat (...) ".

5. Il résulte de ces dispositions qu'il appartient à l'autorité administrative, lorsqu'elle envisage de refuser la délivrance d'un titre de séjour à un étranger qui en fait la demande au titre des dispositions précitées, de vérifier, au vu de l'avis émis par le collège des médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, que cette décision ne peut avoir de conséquences d'une exceptionnelle gravité sur l'état de santé de l'intéressé et, en particulier, d'apprécier, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, la nature et la gravité des risques qu'entraînerait un défaut de prise en charge médicale dans le pays dont l'étranger est originaire. Lorsque le défaut de prise en charge risque d'avoir des conséquences d'une exceptionnelle gravité sur la santé de l'intéressé, l'autorité administrative ne peut légalement refuser le titre de séjour sollicité que s'il existe des possibilités de traitement approprié de l'affection en cause dans son pays d'origine. Si de telles possibilités existent mais que l'étranger fait valoir qu'il ne peut en bénéficier, soit parce qu'elles ne sont pas accessibles à la généralité de la population, eu égard notamment aux coûts du traitement ou à l'absence de modes de prise en charge adaptés, soit parce qu'en dépit de leur accessibilité, des circonstances exceptionnelles tirées des particularités de sa situation personnelle l'empêcheraient d'y accéder effectivement, il appartient à cette même autorité, au vu de l'ensemble des informations dont elle dispose, d'apprécier si l'intéressé peut ou non bénéficier effectivement d'un traitement approprié dans son pays d'origine.

6. La partie qui justifie d'un avis du collège de médecins de l'OFII qui lui est favorable doit être regardée comme apportant des éléments de fait susceptibles de faire présumer l'existence ou l'absence d'un état de santé de nature à justifier la délivrance ou le refus d'un titre de séjour. Dans ce cas, il appartient à l'autre partie, dans le respect des règles relatives au secret médical, de produire tous éléments permettant d'apprécier l'état de santé de l'étranger et, le cas échéant, l'existence ou l'absence d'un traitement approprié dans le pays de renvoi. La conviction du juge, à qui il revient d'apprécier si l'état de santé d'un étranger justifie la délivrance d'un titre de séjour dans les conditions ci-dessus rappelées, se détermine au vu de ces échanges contradictoires.

7. Pour refuser de délivrer à M. D... un titre de séjour en qualité d'étranger malade, le préfet de la Vienne s'est fondé sur l'avis rendu le 28 avril 2022 par le collège de médecins de l'OFII selon lequel, si l'état de santé de l'intéressé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité, il peut toutefois bénéficier effectivement d'un traitement approprié à sa pathologie dans son pays d'origine.

8. M. D... fait valoir, qu'en 2019, il a été atteint d'un cancer de la thyroïde. Il ressort toutefois d'un certificat médical du 29 janvier 2020 du Pr B..., endocrinologue au CHU de Bordeaux, qu'il a bénéficié en France d'une cure d'iode radioactif et qu'il était à cette date en voie de rémission. S'il ressort de ce même certificat médical que le requérant devait faire l'objet d'un suivi régulier durant cinq ans et qu'il restait, à la date de l'arrêté en litige, astreint à un traitement médicamenteux et à une surveillance radio-biologique régulière, ainsi qu'en atteste le certificat médical du 23 février 2023 du Dr C..., médecin généraliste, le requérant ne conteste pas sérieusement qu'il pourrait effectuer une telle surveillance et bénéficier d'un traitement médicamenteux équivalent en Arménie.

9. Il ressort par ailleurs des pièces médicales produites que M. D... souffre également d'un trouble dépressif récurrent avec une anxiété généralisée, associé à un état de stress post-traumatique, pour lequel il bénéficie d'un traitement médicamenteux composé d'Effexor, d'Alprazolane et de Stilnox. M. D... fait valoir que l'Alprazolane et le Stilnox ne sont pas disponibles en Arménie. Il ressort toutefois des pièces du dossier, notamment de l'extrait de la base de données MedCOI produit par le requérant, que si l'Alprazolane et le Stilnox ne sont pas disponibles en Arménie, d'autres médicaments comportant des molécules de la même classe thérapeutique des benzodiazépines, sont commercialisés dans ce pays. Pour soutenir que son traitement n'est pas substituable, le requérant se fonde sur un certificat médical délivré le 12 août 2020 par le Dr A..., médecin psychiatre, dans lequel le médecin relevait qu'il avait dû augmenter le traitement médicamenteux qui ne devait être ni modifié ni faire l'objet de substitution compte tenu de l'" équilibre psychique de M. D... trop fragilisé ". Or, par un certificat du 14 mars 2022, ce même médecin indiquait que le traitement médicamenteux avait pu être diminué. Dans ces conditions, le requérant n'établit pas, qu'à la date de l'arrêté en litige, son traitement médicamenteux demeurait non substituable.

10. Si M. D... soutient enfin qu'il ne pourrait disposer de manière effective du traitement que nécessite son état de santé en Arménie, il ressort des pièces du dossier, et plus particulièrement d'un courriel du médecin-conseil de l'ambassade de France en Arménie, que les personnes vulnérables souffrant de maladies psychiatriques bénéficient dans ce pays de soins gratuits.

11. Il résulte par conséquent de ce qui précède que le préfet de la Vienne a pu, sans méconnaître les dispositions de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ni commettre d'erreur d'appréciation, refuser à M. D... la délivrance d'un titre de séjour en qualité d'étranger malade.

12. En troisième lieu, aux termes de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir peut se voir délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention "salarié", "travailleur temporaire" ou "vie privée et familiale", sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 412-1 (...) ". En présence d'une demande d'admission exceptionnelle au séjour présentée sur le fondement de l'article L. 435-1, il appartient à l'autorité administrative de vérifier, dans un premier temps, si l'admission exceptionnelle au séjour par la délivrance d'une carte portant la mention " vie privée et familiale " répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard de motifs exceptionnels, et à défaut, dans un second temps, s'il est fait état de motifs exceptionnels de nature à permettre la délivrance, dans ce cadre, d'une carte de séjour temporaire portant la mention " salarié " ou " travailleur temporaire ".

13. D'une part, M. D... se prévaut de son état de santé et de sa durée de résidence en France, où ses deux filles ont toujours été scolarisées. Il résulte toutefois de ce qui précède que M. D... pourrait bénéficier d'un traitement approprié dans son pays d'origine. En outre, le lien allégué entre son syndrome post-traumatique et les évènements vécus dans son pays d'origine n'est nullement établi. Dans ces conditions, aucune des circonstances invoquées par M. D... ne peut être regardée comme justifiant de circonstances humanitaires ou d'un motif exceptionnel d'admission au séjour au sens des dispositions précitées.

14. D'autre part, M. D... fait valoir qu'il participe à des activités d'économie solidaire depuis plus de trois ans, qu'il justifie de plusieurs stages en qualité de plaquiste au sein de la société Les Peintures du Moulin et qu'il bénéficie d'une promesse d'embauche au sein de cette société. Toutefois, s'il justifie d'un stage réalisé en qualité de peintre du 28 mars 2022 au 8 avril 2022, d'une promesse d'embauche du 2 septembre 2022 pour un contrat à durée déterminée d'une durée de six mois au sein de la société Les Peintures du Moulin et d'une attestation du 1er septembre 2022 aux termes de laquelle le gérant de cette société indique qu'il pourrait lui proposer un contrat à durée indéterminée, ces éléments ne constituent pas à eux seuls des motifs exceptionnels de nature à justifier une régularisation par le travail.

15. Enfin, la circonstance que le préfet ait fait mention, parmi d'autres motifs, de ce que l'activité d'aide plaquiste n'apparaissait pas sur la liste des métiers en tension pour apprécier la demande présentée par le requérant sur le fondement de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile n'est pas de nature à entacher d'illégalité la décision attaquée. Par suite, le préfet n'a ni méconnu les dispositions de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, ni entaché sa décision d'une erreur manifeste d'appréciation en refusant de délivrer au requérant un titre de séjour sur ce fondement.

16. En quatrième lieu, aux termes de l'article L. 435-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger accueilli par les organismes mentionnés au premier alinéa de l'article L. 265-1 du code de l'action sociale et des familles et justifiant de trois années d'activité ininterrompue au sein de ce dernier, du caractère réel et sérieux de cette activité et de ses perspectives d'intégration, peut se voir délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention "salarié", "travailleur temporaire" ou "vie privée et familiale", sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 412-1 (...) ".

17. Il ressort des pièces du dossier que M. D... a travaillé en atelier d'adaptation à la vie active de l'association périgourdine d'action et de recherche sur l'exclusion (APARE) du 20 août 2019 au 24 septembre 2020, puis durant douze mois au sein de la communauté d'Emmaüs au cours des années 2021 et 2022, ainsi qu'en attestent les relevés de cotisations Urssaf produits par le préfet. En se bornant à produire à hauteur d'appel une attestation d'un responsable d'Emmaüs du 10 avril 2024 indiquant que l'intéressé a pu être inclus dans les activités de la communauté, M. D... ne justifie pas d'une durée d'activités d'économie solidaire de trois ans. Par conséquent, c'est à bon droit que le préfet de la Vienne a refusé de lui délivrer un titre de séjour sur le fondement des dispositions précitées de l'article L. 435-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

18. En dernier lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance (...) ". Aux termes de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger qui n'entre pas dans les catégories prévues aux articles L. 423-1, L. 423-7, L. 423-14, L. 423-15, L. 423-21 et L. 423-22 ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, et qui dispose de liens personnels et familiaux en France tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " d'une durée d'un an, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 412-1. / Les liens mentionnés au premier alinéa sont appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'étranger, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec sa famille restée dans son pays d'origine. / L'insertion de l'étranger dans la société française est évaluée en tenant compte notamment de sa connaissance des valeurs de la République ".

19. Si le requérant se prévaut de son état de santé et de la nécessité d'assurer une continuité des soins en France, il résulte de ce qui précède que rien ne fait obstacle à ce que les soins soient poursuivis en Arménie. Par ailleurs, l'implication de M. D... au sein d'activités solidaires et l'obtention d'une promesse d'embauche ne sauraient suffire à justifier d'une intégration professionnelle en France suffisante à la date de l'arrêté contesté. Enfin, il ne ressort pas des pièces du dossier que la cellule familiale de M. D..., composée de sa concubine, compatriote arménienne en situation irrégulière sur le territoire français, et de leurs deux filles, nées les 5 janvier 2018 et 27 janvier 2020, ne pourrait pas se reconstituer dans leur pays d'origine. Dans ces conditions, M. D... n'est pas fondé à soutenir que le préfet de la Vienne a porté atteinte à son droit au respect de sa vie privée et familiale en refusant de lui délivrer le titre de séjour sollicité. Par suite, les moyens tirés de ce que la décision litigieuse a été prise en méconnaissance des articles 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doivent être écartés.

Sur l'obligation de quitter le territoire français :

20. En premier lieu, il résulte de ce qui a été dit aux points 2 à 19 du présent arrêt que M. D... ne peut se prévaloir, par la voie de l'exception, de l'illégalité de la décision portant refus de titre de séjour au soutien de sa demande d'annulation de l'obligation de quitter le territoire français.

21. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 611-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa rédaction alors applicable : " Ne peuvent faire l'objet d'une décision portant obligation de quitter le territoire français : (...) 9° L'étranger résidant habituellement en France si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé du pays de renvoi, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié ".

22. Pour les mêmes motifs que ceux exposés aux points 8 à 10 du présent arrêt, les moyens tirés de la méconnaissance des dispositions précitées et de l'erreur d'appréciation qu'aurait commise le préfet en prenant la décision en litige ne peuvent qu'être écartés.

23. En dernier lieu, M. D... réitère devant la cour les moyens, déjà soulevés devant les premiers juges, tirés de ce que la décision en litige méconnaît les articles 2, 3, 8 et 14 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ainsi que l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant. Toutefois, le requérant ne produit aucun élément de droit ou de fait nouveau de nature à remettre en cause l'appréciation portée par les premiers juges sur ces moyens. Par suite, il y a lieu d'écarter ces moyens par adoption des motifs, suffisamment circonstanciés, retenus à bon droit par les premiers juges aux points 24 à 27 du jugement attaqué.

Sur la décision fixant le pays de renvoi :

24. En premier lieu, la décision en litige vise les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et précise que M. D... n'établit pas être exposé à des peines ou traitements contraires à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales en cas de retour dans son pays d'origine et mentionne que sa demande d'asile a été rejetée par l'OFPRA puis par la CNDA. Dans ces conditions, la décision fixant le pays de renvoi est suffisamment motivée.

25. En second lieu, l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales stipule : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants ". Aux termes du dernier alinéa de l'article L. 721-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Un étranger ne peut être éloigné à destination d'un pays s'il établit que sa vie ou sa liberté y sont menacées ou qu'il y est exposé à des traitements contraires aux stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 ". M. D..., dont la demande d'asile a été rejetée par l'OFPRA et la CNDA, ne démontre pas l'existence de risques de traitements contraires aux stipulations précitées en cas de retour dans son pays d'origine. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et des dispositions de l'article L. 721-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doit être écarté.

26. Il résulte de tout ce qui précède que M. D... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Poitiers a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction et d'astreinte ainsi que celles présentées sur le fondement de l'article 37 alinéa 2 de la loi du 10 juillet 1991 ne peuvent qu'être rejetées.

DECIDE :

Article 1er : La requête de M. D... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. E... D..., à Me Desroches et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée au préfet de la Vienne.

Délibéré après l'audience du 16 janvier 2025 à laquelle siégeaient :

M. Luc Derepas, président,

Mme Frédérique Munoz-Pauziès, présidente de chambre,

Mme Lucie Cazcarra, première conseillère,

Rendu public par mise à disposition au greffe le 6 février 2025.

La rapporteure,

Lucie CazcarraLe président,

Luc Derepas La greffière,

Laurence Mindine

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

2

N° 24BX01448


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de BORDEAUX
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 24BX01448
Date de la décision : 06/02/2025
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. le Pdt. DEREPAS
Rapporteur ?: Mme Lucie CAZCARRA
Rapporteur public ?: Mme REYNAUD
Avocat(s) : DESROCHES

Origine de la décision
Date de l'import : 09/02/2025
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2025-02-06;24bx01448 ?
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