Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Par une première requête, M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Pau d'annuler l'arrêté du 7 juin 2024 par lequel le préfet des Hautes-Pyrénées a rejeté sa demande d'admission au séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays de renvoi et a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée de 18 mois.
Par une seconde requête, M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Pau d'annuler l'arrêté du 7 juin 2024 par lequel le préfet des Hautes-Pyrénées l'a assigné à résidence.
Par un jugement n° 2401447, 2401448 du 21 juin 2024, la magistrate désignée par la présidente du tribunal administratif de Pau, après avoir joint les deux requêtes, a renvoyé devant une formation collégiale du tribunal les conclusions de la requête tendant à l'annulation de la décision portant refus de titre de séjour ainsi que celles présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et a rejeté le surplus de la demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 22 juillet 2024, M. A..., représenté par Me Oudin, demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement de la magistrate désignée du tribunal administratif de Pau du 21 juin 2024 ;
2°) d'annuler l'arrêté du 7 juin 2024 du préfet des Hautes-Pyrénées en tant qu'il lui a fait obligation de quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays de renvoi et a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée de 18 mois ;
3°) d'enjoindre au préfet des Hautes-Pyrénées de lui délivrer un titre de séjour, d'effacer le signalement dont il fait l'objet dans le système d'information Schengen et de lui restituer son passeport ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 200 euros en application des dispositions combinées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Il soutient que :
En ce qui concerne l'obligation de quitter le territoire français :
- elle méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
En ce qui concerne le refus d'octroi d'un délai de départ volontaire :
- il est insuffisamment motivé ;
- il est entaché d'une erreur d'appréciation.
En ce qui concerne la décision portant interdiction de retour sur le territoire français :
- elle est insuffisamment motivée ;
- elle est entachée d'un défaut d'examen particulier de sa situation personnelle ;
- elle est disproportionnée et n'est pas justifiée dès lors qu'il ne constitue pas une menace pour l'ordre public.
Par une ordonnance du 15 octobre 2024, la clôture de l'instruction a été fixée au 29 novembre 2024.
Un mémoire en défense présenté par le préfet des Hautes-Pyrénées a été enregistré le 8 janvier 2025.
Par une décision n° 2024/002155 du bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal judiciaire de Bordeaux du 13 août 2024, M. A... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- l'accord franco-tunisien du 17 mars 1988 entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République de Tunisie en matière de séjour et de travail ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
La présidente de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de Mme Caroline Gaillard a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. A..., de nationalité tunisienne, est entré en France le 1er juin 2020 selon ses déclarations. Il a déposé le 12 décembre 2023 une demande de titre de séjour au titre de la vie privée et familiale en qualité de conjoint de ressortissant français. Par arrêté du 7 juin 2024, le préfet des Hautes-Pyrénées a rejeté la demande d'admission au séjour de l'intéressé, lui a fait obligation de quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays de renvoi et l'a interdit de retour sur le territoire français pour une durée de 18 mois. Par arrêté du même jour, cette même autorité a assigné M. A... à résidence pour une durée de 45 jours. M. A... a demandé au tribunal administratif de Pau de prononcer l'annulation de ces arrêtés. Par un jugement du 21 juin 2024, la magistrate désignée par la présidente du tribunal administratif de Pau a renvoyé devant une formation collégiale du tribunal les conclusions de la requête tendant à l'annulation de la décision portant refus de titre de séjour ainsi que celles présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et a rejeté le surplus de la demande. M. A... doit être regardé comme relevant appel de ce jugement en tant qu'il a rejeté le surplus de sa demande tendant à l'annulation des décisions portant obligation de quitter le territoire français sans délai, fixant le pays de renvoi et prononçant à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée de 18 mois.
Sur la décision portant obligation de quitter le territoire français :
2. Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1°) Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. /2°) Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui. ".
3. M. A... fait valoir qu'il est couple avec une ressortissante française depuis 2022, avec laquelle il s'est marié le 12 août 2023, et qu'il s'occupe du fils de son épouse né en 2019 d'une précédente union. S'il produit des photos avec son épouse et le fils de cette dernière, ainsi que plusieurs attestations de proches indiquant qu'il prend soin de l'ensemble de la famille, et notamment de l'enfant qui présente des troubles de communication, il n'établit pas, eu égard au caractère très récent du mariage de moins d'un an à la date de l'arrêté contesté et de sa relation de moins de deux ans avec son épouse selon ses propres déclarations, disposer de liens suffisamment anciens, stables et durables sur le territoire français, alors qu'il n'est pas contesté que l'intéressé, qui déclare être entré en France le 1er juin 2020, n'est pas dépourvu d'attaches en Tunisie où il a vécu jusqu'en 2020. Dès lors, compte tenu des circonstances de l'espèce, la décision portant obligation de quitter le territoire français n'a pas porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels elle a été prise et n'a ainsi pas méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Elle n'est pas davantage entachée d'erreur d'appréciation de sa situation.
Sur la décision portant refus d'octroi d'un délai de départ volontaire :
4. Aux termes de l'article L. 612-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger faisant l'objet d'une décision portant obligation de quitter le territoire français dispose d'un délai de départ volontaire de trente jours à compter de la notification de l'obligation de cette décision. (...) ". Aux termes de l'article L.612-2 du même code : " Par dérogation à l'article L. 612-1, l'autorité administrative peut refuser d'accorder un délai de départ volontaire dans les cas suivants : (...) 3° Il existe un risque que l'étranger se soustraie à la décision portant obligation de quitter le territoire français dont il fait l'objet. ". Aux termes de l'article L.612-3 du même code : " Le risque mentionné au 3° de l'article L. 612-2 peut être regardé comme établi, sauf circonstance particulière, dans les cas suivants : (...) ; 5° L'étranger s'est soustrait à l'exécution d'une précédente mesure d'éloignement ; (...) ". Aux termes de l'article L.613-2 de ce code : " Les décisions relatives au refus et à la fin du délai de départ volontaire prévues aux articles L. 612-2 et L. 612-5 (...) sont distinctes de la décision portant obligation de quitter le territoire français. Elles sont motivées. ".
5. En premier lieu, la décision attaquée se fonde sur ce que M. A... n'a pas exécuté la précédente mesure d'éloignement prise à son encontre par arrêté du préfet des Hautes-Pyrénées du 24 janvier 2023. Par suite, cette décision satisfait à l'exigence de motivation en fait prescrite par les dispositions précitées de l'article L. 613-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
6. En second lieu, il ressort des pièces du dossier que, par arrêté du 24 janvier 2023, le préfet des Hautes-Pyrénées a prononcé à l'encontre de M. A... une obligation de quitter le territoire français que ce dernier n'a pas exécutée. Dès lors, le risque de soustraction est avéré au sens des dispositions précitées du 3° de l'article L. 612-2 et du 5°) de l'article L. 612-3 du même code. Par suite, en dépit de la circonstance que M. A... est marié et déclare vivre avec son épouse au domicile commun du couple, le préfet des Hautes-Pyrénées a pu légalement prendre la décision attaquée.
Sur la décision portant interdiction de retour sur le territoire français :
7. Aux termes de l'article L. 612-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Lorsqu'aucun délai de départ volontaire n'a été accordé à l'étranger, l'autorité administrative assortit la décision portant obligation de quitter le territoire français d'une interdiction de retour sur le territoire français. Des circonstances humanitaires peuvent toutefois justifier que l'autorité administrative n'édicte pas d'interdiction de retour. / (...)". Aux termes de l'article L. 612-10 de ce code : " Pour fixer la durée des interdictions de retour mentionnées aux articles L. 612-6 et L. 612-7, l'autorité administrative tient compte de la durée de présence de l'étranger sur le territoire français, de la nature et de l'ancienneté de ses liens avec la France, de la circonstance qu'il a déjà fait l'objet ou non d'une mesure d'éloignement et de la menace pour l'ordre public que représente sa présence sur le territoire français (...) ".
8. En premier lieu, la décision en litige, après avoir rappelé les dispositions de l'article L. 612-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et les critères à prendre en compte dans ce cadre, précise que l'intéressé est présent sur le territoire français depuis de trois ans, qu'il a fait l'objet d'une précédente obligation de quitter le territoire français non exécutée, et qu'il se maintient en situation irrégulière en France. Elle ajoute que l'appelant, marié seulement depuis août 2023, ne justifie pas de liens personnels et familiaux suffisamment intenses, stables et anciens en France, que de nombreux membres de sa famille se trouvent à l'étranger et que la décision d'interdiction de retour sur le territoire français ne porte ainsi pas atteinte à son droit au respect de sa vie privée et familiale. Par suite, elle comporte les motifs de droit et de fait qui la fondent et est ainsi suffisamment motivée. Cette motivation révèle en outre que le préfet a procédé à un examen particulier de sa situation.
9. En second lieu, M. A... soutient que la durée de l'interdiction de retour sur le territoire français n'est pas justifiée et qu'elle est disproportionnée, en faisant état de la présence de son épouse et de l'enfant de celle-ci né en 2019 ainsi que de l'aide qu'il leur apporte à tous deux. Toutefois, compte tenu des conditions et de la durée de son séjour en France et notamment de son arrivée récente et de son mariage très récent à la date de l'arrêté en litige, et alors qu'il a fait l'objet d'une précédente obligation de quitter le territoire français non exécutée, le préfet n'a pas commis d'erreur d'appréciation en fixant à dix-huit mois la durée de l'interdiction de retour sur le territoire français, quand bien même l'intéressé ne représente pas une menace pour l'ordre public.
10. Il résulte de tout ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Pau a rejeté le surplus de sa demande. Par suite, sa requête doit être rejetée y compris ses conclusions à fin d'injonction, et celles présentées au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.
DECIDE :
Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A... et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet des Hautes-Pyrénées.
Délibéré après l'audience du 16 janvier 2025 à laquelle siégeaient :
Mme Karine Butéri, présidente,
M. Stéphane Gueguein, président-assesseur,
Mme Caroline Gaillard, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 6 février 2025.
La rapporteure,
Caroline Gaillard
La présidente,
Karine Butéri
La greffière,
Virginie Guillout
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur, et à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
2
N° 24BX01834