Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Bordeaux d'annuler l'arrêté du 14 novembre 2023 par lequel le préfet de la Gironde a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi.
Par un jugement n° 2402396 du 24 septembre 2024, le tribunal administratif de Bordeaux a annulé l'arrêté du 14 novembre 2023 et a enjoint au préfet de la Gironde de délivrer à M. A... un titre de séjour adapté à sa situation dans un délai de deux mois à compter de la notification du jugement.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 24 octobre 2024, le préfet de la Gironde demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Bordeaux du 24 septembre 2024 ;
2°) de rejeter la demande de première instance de M. A....
Il soutient que, contrairement à ce qu'a jugé le tribunal, M. A... ne justifie pas de sa date de naissance et, par suite, de la condition de sa prise en charge par le service de l'aide sociale à l'enfance au plus tard le jour de ses seize ans, telle qu'elle est prévue par l'article L. 423-22 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dès lors que le procureur de la République a confirmé le caractère frauduleux des documents justifiants de son état civil.
Par une ordonnance du 6 novembre 2024, la clôture de l'instruction a été fixée au 19 décembre 2024 à 12 heures.
Par une décision du bureau d'aide juridictionnelle n° 2024/003397 du 19 décembre 2024, M. A... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code civil ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative.
La présidente de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Lucie Cazcarra ;
- et les observations de Me Hugon, représentant M. A....
Considérant ce qui suit :
1. M. A..., qui se présente comme un ressortissant malien né le 31 décembre 2004 à Dombila (Mali), déclare être entré en France en janvier 2020 où il a été pris en charge par les services de l'aide sociale à l'enfance du département de la Gironde à compter du 10 mars 2020. Le 28 décembre 2022, il a sollicité son admission au séjour sur le fondement des dispositions de l'article L. 423-22 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par un arrêté du 14 novembre 2023, le préfet de la Gironde a rejeté sa demande, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi. Par la présente requête, le préfet de la Gironde relève appel du jugement du 24 septembre 2024 par lequel le tribunal administratif de Bordeaux a annulé cet arrêté et lui a enjoint de délivrer à M. A... un titre de séjour adapté à la situation de l'intéressé.
2. Pour prononcer l'annulation de l'arrêté du 14 novembre 2023, le tribunal administratif de Bordeaux a jugé que le préfet de la Gironde avait fait une inexacte application des dispositions de l'article L. 423-22 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dès lors que les documents d'état civil présentés par M. A... revêtaient un caractère probant et qu'il satisfaisait à l'ensemble des conditions prévues par ces dispositions. Au soutien de ses conclusions en appel, le préfet fait valoir un seul moyen tiré de ce que, en raison du caractère frauduleux des actes d'état civil présentés par M. A... au soutien de sa demande de titre de séjour, l'intéressé n'établit pas avoir été confié à l'aide sociale à l'enfance avant l'âge de seize ans.
3. D'une part, aux termes de l'article L. 423-22 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Dans l'année qui suit son dix-huitième anniversaire ou s'il entre dans les prévisions de l'article L. 421-35, l'étranger qui a été confié au service de l'aide sociale à l'enfance ou à un tiers digne de confiance au plus tard le jour de ses seize ans se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " d'une durée d'un an, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 412-1. / Cette carte est délivrée sous réserve du caractère réel et sérieux du suivi de la formation qui lui a été prescrite, de la nature des liens de l'étranger avec sa famille restée dans son pays d'origine et de l'avis de la structure d'accueil ou du tiers digne de confiance sur son insertion dans la société française ".
4. D'autre part, aux termes de l'article R. 431-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger qui demande la délivrance ou le renouvellement d'un titre de séjour présente à l'appui de sa demande : / 1° Les documents justifiants de son état civil ; (...). La délivrance du premier récépissé et l'intervention de la décision relative au titre de séjour sollicité sont subordonnées à la production de ces documents. (...) ". L'article L. 811-2 du même code prévoit que : " La vérification de tout acte d'état civil étranger est effectuée dans les conditions définies à l'article 47 du code civil ". Enfin, selon l'article 47 du code civil : " Tout acte de l'état civil des Français et des étrangers fait en pays étranger et rédigé dans les formes usitées dans ce pays fait foi, sauf si d'autres actes ou pièces détenus, des données extérieures ou des éléments tirés de l'acte lui-même établissent, le cas échéant après toutes vérifications utiles, que cet acte est irrégulier, falsifié ou que les faits qui y sont déclarés ne correspondent pas à la réalité. Celle-ci est appréciée au regard de la loi française ".
5. La délivrance à un étranger d'un titre de séjour sur le fondement de l'article L.423-22 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile est subordonnée au respect par l'étranger des conditions qu'il prévoit, en particulier concernant l'âge de l'intéressé, que l'administration vérifie au vu notamment des documents d'état civil produits par celui-ci. A cet égard, la force probante d'un acte d'état civil établi à l'étranger peut être combattue par tout moyen susceptible d'établir que l'acte en cause est irrégulier, falsifié ou inexact. En cas de contestation par l'administration de la valeur probante d'un acte d'état civil établi à l'étranger, il appartient au juge administratif de former sa conviction au vu de l'ensemble des éléments produits par les parties. Ce faisant, il lui appartient d'apprécier les conséquences à tirer de la production par l'étranger d'une carte consulaire ou d'un passeport dont l'authenticité est établie ou n'est pas contestée, sans qu'une force probante particulière puisse être attribuée ou refusée par principe à de tels documents.
6. Il ressort des pièces du dossier que pour justifier de son état civil, M. A... a transmis à l'administration dans le cadre de l'instruction de sa demande un extrait conforme du jugement supplétif d'acte de naissance ainsi qu'un passeport malien dont la validité n'a pas été remise en cause par la cellule de lutte contre la fraude documentaire et à l'identité de la direction zonale sud-ouest de la police aux frontières. Seule la validité d'un acte de naissance délivré le 17 mars 2022 par l'officier d'état civil de la région de Koulikoro a été remise en cause par la cellule de lutte contre la fraude documentaire, aux motifs que la dimension de l'acte n'est pas conforme à un arrêté interministériel du 26 février 2016, le nom de l'imprimeur ainsi que le numéro en rouge placé normalement en haut de l'acte ne sont pas mentionnés et la date d'établissement de l'acte n'est pas inscrite en toutes lettres, conformément à l'article 126 du code malien des personnes et de la famille. Toutefois, alors que l'extrait du jugement supplétif d'acte de naissance du 16 mars 2022 n'a donné lieu à aucune contestation de la part de l'administration et que M. A... a produit devant les premiers juges une copie de la minute du jugement supplétif du 16 mars 2022 certifiée conforme par le greffier en chef du tribunal de grande instance de Kati, les irrégularités formelles relevées sur l'acte de naissance ne sont pas, à elles seules, de nature à affecter la validité du document dont les mentions ne comportent pas de contradiction avec celles figurant sur la minute du jugement supplétif. Le préfet de la Gironde produit à hauteur d'appel un courriel du 9 octobre 2024 par lequel le chef du Parquet des mineurs du tribunal judiciaire de Bordeaux a informé ses services de son refus de procéder à " toute restitution de document puisqu'il s'agit de faux ". Toutefois, le chef du Parquet des mineurs justifie son refus de remettre en circulation ces documents au motif que " les falsifications sont subtiles ou qu'il s'agit manifestement de vrai-faux documents ou de documents vrais mais dépourvus de légalisation ". Dès lors qu'elle n'apporte pas d'élément de réponse spécifique aux documents de M. A... susceptible de remettre en cause le caractère probant des mentions y figurant, l'autorité administrative ne peut être regardée comme renversant la présomption d'authenticité résultant de l'article 47 du code civil. Par conséquent, c'est à bon droit que les premiers juges ont considéré que M. A... justifiait être né le 31 décembre 2004 et, par suite, être âgé de moins de seize ans lorsqu'il a été confié aux services de l'aide sociale à l'enfance.
7. Dès lors que le préfet ne conteste pas que M. A... satisfaisait aux autres conditions nécessaires à l'obtention d'un titre de séjour délivré sur le fondement de l'article L. 423-22 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile précité, le préfet de la Gironde n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Bordeaux a annulé l'arrêté du 14 novembre 2023.
DECIDE :
Article 1er : La requête du préfet de la Gironde est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A... et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet de la Gironde.
Délibéré après l'audience du 16 janvier 2025 à laquelle siégeaient :
M. Luc Derepas, président,
Mme Frédérique Munoz-Pauziès, présidente de chambre,
Mme Lucie Cazcarra, première conseillère,
Rendu public par mise à disposition au greffe le 6 février 2025.
La rapporteure,
Lucie CazcarraLe président,
Luc Derepas La greffière,
Laurence Mindine
La République mande et ordonne au préfet de la Gironde en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
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N° 24BX02534