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25/03/2025 | FRANCE | N°23BX00641

France | France, Cour administrative d'appel de BORDEAUX, 5ème chambre, 25 mars 2025, 23BX00641


Vu la procédure suivante :



Par une requête et un mémoire, enregistrés les 8 mars 2023 et 13 janvier 2025, ainsi qu'un mémoire non communiqué enregistré le 13 février 2025, la société Champs Physalis, représentée par Me Deldique demande à la cour :



1°) à titre principal, d'annuler l'arrêté préfectoral du 9 janvier 2023 par lequel la préfète de la Charente a refusé de faire droit à sa demande tendant à la délivrance d'une autorisation de construire et d'exploiter 4 éoliennes sur le territoire de la commune de Paizay-Naudouin-Em

bourie et de délivrer, au titre de ses pouvoirs de plein contentieux, l'autorisation sollicitée ...

Vu la procédure suivante :

Par une requête et un mémoire, enregistrés les 8 mars 2023 et 13 janvier 2025, ainsi qu'un mémoire non communiqué enregistré le 13 février 2025, la société Champs Physalis, représentée par Me Deldique demande à la cour :

1°) à titre principal, d'annuler l'arrêté préfectoral du 9 janvier 2023 par lequel la préfète de la Charente a refusé de faire droit à sa demande tendant à la délivrance d'une autorisation de construire et d'exploiter 4 éoliennes sur le territoire de la commune de Paizay-Naudouin-Embourie et de délivrer, au titre de ses pouvoirs de plein contentieux, l'autorisation sollicitée ;

2°) subsidiairement, d'ordonner à la préfète de la Charente, sur le fondement des dispositions de l'article L. 911-1 du code de justice administrative, de délivrer l'autorisation sollicitée, dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 4 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- l'intervention est irrecevable en l'absence de production du défendeur ;

- c'est à tort que l'arrêté considère que l'étude d'impact aurait dû analyser les suivis de mortalité réalisés sur les parcs en fonctionnement situés à proximité du projet puisque cette demande n'a jamais été formulée par le service instructeur lors de la phase d'examen de sorte que la préfète ne pouvait rejeter sa demande pour ce motif, sans avoir invité l'exposante à compléter son dossier ;

- le motif tiré de l'existence d'une opposition locale supposément forte constitue une erreur de droit, dès lors qu'il ne compte pas parmi les intérêts protégés par les dispositions de l'article L. 511-1 du code de l'environnement ; il constitue aussi une erreur de fait ;

- le motif tiré de l'impact sur le paysage est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation ; le site marqué par la présence de 26 monuments protégés dans un rayon de 20 kilomètres ne présente pas de sensibilité particulière ; le SCOT - qui ne serait en tout état de cause pas directement opposable - ne prévoit aucune disposition particulière propre au territoire ; le paysage, s'il n'est pas dénué d'intérêt, ne présente pas un caractère remarquable justifiant une protection particulière ; le projet ne contribue pas à la création d'une " situation visuelle avérée " pour différents villages - Embourie, la Forêt de Tessé, Villevagnan, Brettes, et Couture d'Argenson ; le projet ne présente pas d'impact sur des éléments patrimoniaux alors d'ailleurs que le tourisme n'est pas au nombre des intérêts protégés par l'article L. 511-1 du code de l'environnement ;

- le motif tiré de l'impact du projet sur la biodiversité est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation tenant à la prise en compte de la proximité du projet avec une zone Natura 2000 ou un zonage d'inventaire ; le projet ne risque pas de causer un risque inacceptable pour certaines espèces protégées, dont notamment l'outarde canepetière ;

- en l'absence de risque suffisamment caractérisé pour les espèces protégées, la dérogation " espèces protégées " prévue à l'article L. 411-2 du code de l'environnement n'est pas nécessaire ;

- si les intervenants soulèvent un nouveau motif de refus (à savoir une prétendue insuffisance de l'étude acoustique), celui-ci devra être écarté, dans la mesure où seul l'Etat peut utilement invoquer d'éventuels nouveaux motifs de refus.

Par un mémoire en intervention enregistré le 14 mars 2024, M. L... M... (représentant unique), Mme D... I..., M. H... A..., M. B... C..., M. et Mme F... K..., M. et Mme F... E..., l'association Protection et Avenir du Patrimoine du Pays d'Aigre et Nord Charente (APAPPA) et la commune de Paizay-Naudouin-Embourie, représentés par la SCP KPL Avocats, concluent au rejet de la requête.

Ils font valoir que les moyens de la requête ne sont pas fondés et que le projet nécessite en tout état de cause une dérogation espèces protégées, que l'étude d'impact comprend une étude acoustique dont les normes sont faussées et qu'elle est muette quant aux conséquences du parc éolien sur le circaète jean-le-blanc qui est connu comme étant très sensible à l'éolien.

Par un mémoire en défense enregistré le 22 janvier 2025, le préfet de la Charente conclut au rejet de la requête.

Il fait valoir qu'aucun des moyens n'est fondé.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'environnement ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. G...,

- les conclusions de M. Ellie, rapporteur public,

- les observations de Me Sicoli représentant la société Champs Physalis, de Me Baudrillart représentant l'APAPPA et de M. M... L....

Une note en délibéré a été enregistrée le 9 mars 2025, présentée par Me Deldique représentant la société Champs Physalis.

Considérant ce qui suit :

1. La société Champs Physalis a déposé le 19 mars 2021, une demande tendant à la délivrance d'une autorisation environnementale relative à l'implantation de 4 éoliennes présentant une hauteur en bout de pâle comprise entre 179,5 m et 185,5 mètres et 2 postes de livraison sur le territoire de la commune de Paizay-Naudouin-Embourie. Par un arrêté du 9 janvier 2023, la préfète de la Charente a rejeté sa demande. La société Champs Physalis demande à la cour l'annulation de cet arrêté.

Sur les interventions :

2. Compte tenu de son objet qui, selon ses statuts, est " de protéger le patrimoine du pays d'Aigre et du Nord Charente contre les menaces de pollution, de modifications profondes ou de destruction de ses particularités et de ses richesses naturelles et architecturales ", l'association Protection et Avenir du Patrimoine du Pays d'Aigre et Nord Charente (APAPPA) justifie d'un intérêt suffisant au maintien de l'arrêté attaqué qui refuse à la société Champs Physalis l'autorisation d'installer et d'exploiter un parc éolien comprenant 4 aérogénérateurs au motif que ce projet serait de nature d'une part, à nuire à la sauvegarde de plusieurs espèces protégées et d'autres part, à entraîner une saturation visuelle du paysage préjudiciable notamment au château de Saveilles, classé monument historique. M. L... M..., Mme D... I..., M. H... A..., M. B... C..., M. et Mme F... K..., M. et Mme F... E..., qui habitent ou possèdent une résidence sur le territoire de la commune de Paizay-Naudouin-Embourie ont également intérêt à agir. La commune Paizay-Naudouin-Embourie, sur le territoire de laquelle est située le projet envisagé par la société requérante, dispose de ce fait d'un intérêt au maintien de l'arrêté attaqué et produit la délibération habilitant son maire à la représenter dans la présente instance, en application des dispositions de l'article L. 2122-22 du code général des collectivités territoriales. Enfin, si une intervention ne peut être admise que si son auteur s'associe soit aux conclusions du requérant, soit à celles de l'administration, le préfet de la Charente a produit un mémoire dans la présente instance. Ainsi, leurs interventions sont recevables quand bien même à la date à laquelle l'intervention a été faite la préfète de la Charente n'avait pas encore présenté ses observations en défense.

Sur la légalité de l'arrêté du 9 janvier 2023 :

3. En premier lieu, la demande d'autorisation environnementale de la société requérante n'a pas été rejetée sur le fondement des dispositions des articles R. 181-13 et suivants du code de l'environnement, pour incomplétude ou insuffisance des pièces composant son dossier. Par suite, il n'y avait pas lieu pour l'autorité administrative de faire usage des prérogatives qu'elle tient du II de l'article R. 181-16 du code de l'environnement en invitant le pétitionnaire à compléter son dossier et celle-ci pouvait refuser la délivrance de l'autorisation sollicitée au motif que la société n'avait pas conduit d'analyse du suivi de mortalité d'espèces sur ses parcs en fonctionnement.

4. En deuxième lieu, l'arrêté attaqué a été édicté non pas seulement au regard des dangers ou inconvénients présentés par le projet pour la protection de la nature, de l'environnement et des paysages au sens des dispositions de l'article L. 511-1 du code de l'environnement mais aussi au regard de l'opposition marquée des conseils municipaux et de la population locale ainsi que de l'avis défavorable du commissaire enquêteur. Ce dernier motif n'est pas au nombre de ceux pouvant légalement justifier le refus de délivrance d'une autorisation d'installation d'éoliennes. Ce faisant, le préfet a commis une erreur de droit en refusant, pour ce motif, de délivrer une autorisation d'exploiter le parc éolien.

5. En troisième lieu, aux termes de l'article L. 181-3 du code de l'environnement : "I. L'autorisation environnementale ne peut être accordée que si les mesures qu'elle comporte assurent la prévention des dangers ou inconvénients pour les intérêts mentionnés aux articles L. 211-1 et L. 511-1 du code de l'environnement (...) ". Aux termes de l'article L. 511-1 du même code : " Sont soumis aux dispositions du présent titre les usines, ateliers, dépôts, chantiers et, d'une manière générale, les installations exploitées ou détenues par toute personne physique ou morale, publique ou privée, qui peuvent présenter des dangers ou des inconvénients soit pour la commodité du voisinage, soit pour la santé, la sécurité, la salubrité publiques, soit pour l'agriculture, soit pour la protection de la nature, de l'environnement et des paysages, soit pour l'utilisation économe des sols naturels, agricoles ou forestiers, soit pour l'utilisation rationnelle de l'énergie, soit pour la conservation des sites et des monuments ainsi que des éléments du patrimoine archéologique ".

6. Dans l'exercice de ses pouvoirs de police administrative en matière d'installations classées pour la protection de l'environnement, il appartient à l'autorité administrative d'assortir l'autorisation environnementale délivrée des prescriptions de nature à assurer la protection des intérêts mentionnés par les dispositions précitées en tenant compte des conditions d'installation et d'exploitation précisées par le pétitionnaire dans le dossier de demande, celles-ci comprenant notamment les engagements qu'il prend afin d'éviter, réduire et compenser les dangers ou inconvénients de son exploitation pour les intérêts mentionnés à l'article L. 511-1. Ce n'est que dans le cas où il estime, au vu d'une appréciation concrète de l'ensemble des caractéristiques de la situation qui lui est soumise et du projet pour lequel l'autorisation d'exploitation est sollicitée, que même l'édiction de prescriptions additionnelles ne permet pas d'assurer la conformité de l'exploitation à l'article L. 511-1 du code de l'environnement, que le préfet ne peut légalement délivrer cette autorisation.

En ce qui concerne l'atteinte alléguée à l'avifaune et aux chiroptères :

7. D'une part, le refus préfectoral attaqué n'est pas fondé sur la proximité du site du projet avec des zones de protection spéciales mais sur le défaut de prise en compte et d'analyse des enjeux écologiques du site liés à la situation de connexion géographique entre ces différentes zones à enjeux et des risques résultant des transits entre zones. Par suite, le moyen tiré de ce que l'autorité préfectorale aurait commis une erreur de droit parce qu'elle n'aurait pris en compte que la proximité du projet avec une zone Natura 2000 ou un zonage d'inventaire doit être écarté.

8. D'autre part, si le projet éolien de Paizay-Naudouin-Embourie se situe à l'extérieur du périmètre Natura 2000, il ressort des cartes identifiant les différents zonages autour de la zone d'implantation potentielle (ZIP) que le site se trouve à l'intersection de 4 zones de protection Natura 2000 (Plaine de Villefagnan, Plaine de Néré à Bresdon, Plaines de Barbezières à Gourville, Plaine de Niort Sud-Est) désignées notamment pour l'outarde canepetière. Or, le pétitionnaire n'a pas étudié les risques liés aux déplacements de l'outarde canepetière d'une zone à l'autre et au survol des éoliennes du projet. Le site du projet est également situé à proximité immédiate de la ZNIEFF de type II " Plaine de Brioux et de Chef-Boutonne" identifiée par le 3ème plan national d'actions (PNA) " Outarde canepetière " 2020-2029, action 1, comme favorable à l'habitat de l'espèce et à la consolidation des zones Natura 2000 désignées pour cette espèce. Il est également situé à seulement 2 km de la zone de protection spéciale (ZPS) " Plaine de Villefagnan " au sein de laquelle l'outarde canepetière est identifiée comme une espèce emblématique. Or, selon le guide du muséum d'histoire naturelle, il est préconisé que la création de nouveaux parcs éoliens soit évitée dans les ZPS ainsi que dans une zone tampon de 2 km autour de ces zones et dans les zones de reproduction (leks) de ces avifaunes. En outre, selon l'avis de la direction départementale des territoires de Gironde du 9 juillet 2021, des rassemblements postnuptiaux d'outardes ont été identifiés à seulement 1 km à l'ouest de la ZIP et selon l'avis de la MRAE du 24 août 2021, si les investigations n'ont pas mis en évidence la présence de lieux de rassemblement d'outardes au sein de la ZIP, les données bibliographiques attestent cependant de rassemblements à proximité immédiate de celle-ci. Il s'en suit qu'un dérangement et une perturbation significatifs de cette espèce dans l'accomplissement de son cycle biologique (migration, alimentation, repos) est certaine. Il résulte de l'ensemble de ces éléments que la préfète de Charente n'a pas commis d'erreur d'appréciation en considérant que le projet présentait un risque d'impact significatif pour l'outarde canepetière.

9. Enfin, il ressort des pièces du dossier et notamment de l'avis du service patrimoine naturel de la DREAL du 27 juin 2022, de l'avis de la MRAE du 24 août 2021 et du rapport d'inspection des installations classées du 14 décembre 2022, que le site du projet présente aussi un enjeu pour de nombreuses espèces d'avifaunes et de chiroptères. Des enjeux forts ont notamment été relevés d'une part, pour l'avifaune nicheuse liés à l'occupation d'une dizaine de territoires par des pies-grièches écorcheurs, au nombre important de couples d'alouette des champs et de bruant proyer détectés et à la nidification probable du milan noir dans l'aire d'étude rapprochée et d'autre part, pour l'avifaune migratrice liés à la présence en halte migratoire de la cigogne noire au-dessus de la ZIP. Plusieurs espèces de rapaces qui risquent des collisions mortelles ont également été contactées dans l'aire d'étude dont des espèces, la plupart menacées, sont inscrites à l'annexe I de la directive Oiseaux, le circaète Jean-le-Blanc, la bondrée apivore, le busard des roseaux, le busard Saint-Martin, le busard cendré, le milan noir, le faucon émerillon et le faucon pèlerin. Or, les mesures de réduction retenues qui prévoient seulement le début des travaux en dehors de la période de reproduction des oiseaux, le suivi environnemental du chantier et la réduction de l'attractivité des plateformes ne sont pas suffisantes pour réduire le niveau de risque de collision notamment pour les rapaces. La MRAE a ainsi souligné s'agissant de la préservation de l'avifaune, l'absence de dispositif d'arrêt des éoliennes en période de fauche, moisson et labour, et l'absence de mise en place de système de détection automatisé des situations à risques pour limiter les risques de collision avec les rapaces ou durant les pics de migration. S'agissant des chauves-souris, les enjeux sont également élevés compte tenu de la variété des espèces contactées (19 espèces dont la barbastelle d'Europe, la pipistrelle de Kulh, la pipistrelle commune et plusieurs murins et noctules et certaines espèces sensibles au risque de collision) et de leur activité très importante au nord de la ZIP, au niveau des boisements de feuillus et des haies arbustives hautes ou multistrates. Or, la distance entre le bout des pâles et les boisement ou haies est seulement de 63 à 107 mètres selon les appareils, distance particulièrement faible au regard de la densité des chiroptères dans cette zone. L'accord sur la conservation des populations de chauve-souris européennes dit J..., qui n'a certes pas de valeur juridique contraignante, préconise d'ailleurs un éloignement d'au moins 200 mètres des zones à enjeux pour les chiroptères (boisements, haies, zones humides, cours d'eau).

10. De même, le diamètre du rotor des appareils supérieur à 90 m et la faiblesse de la garde au sol accroissent les dangers pour les chiroptères au point que la MRAE souligne l'absence de prise en compte des derniers outils de connaissance relatifs à l'intégration environnementale des projets industriels. Là encore, les mesures de réduction retenues qui prévoient seulement en phase d'exploitation un plan de bridage des appareils, la nuit, dans certaines conditions calendaires et météorologiques (vitesse du vent et température) et l'absence de lumière au pied des mats ne sont pas suffisantes pour réduire le niveau de risque de collision notamment pour les rapaces.

11. Il résulte enfin de l'instruction, que compte tenu du choix de localisation de la zone d'implantation du projet aux enjeux forts pour la préservation de la biodiversité et de la conservation de ces espèces et de l'impossibilité d'éviter ou réduire les atteintes portées à la conservation de ces espèces, aucune prescription complémentaire n'est susceptible d'assurer la conformité de l'exploitation aux dispositions de l'article L. 511-1 du code de l'environnement.

En ce qui concerne l'atteinte alléguée au paysage et au patrimoine :

12. Pour rechercher l'existence d'une atteinte à un paysage de nature à fonder un refus d'autorisation ou les prescriptions spéciales accompagnant la délivrance de cette autorisation, il appartient au préfet d'apprécier, dans un premier temps, la qualité du site naturel sur lequel l'installation est projetée et d'évaluer, dans un second temps, l'impact que cette installation, compte tenu de sa nature et de ses effets, pourrait avoir sur le site.

13. Il ressort des pièces du dossier et notamment de l'étude paysagère, du rapport de l'inspection des installations classées et de l'avis de la MRAE du 24 août 2021, que le projet en cause se situe au sein d'un vaste paysage agraire occupé par de grandes plaines agricoles ouvrant sur de larges champs visuels, ponctué, sur ses flancs, de prairies, d'espaces boisés tels que la forêt d'Aulnay et de hameaux isolés aux ouvertures visuelles modérées. Ce paysage est aussi marqué par la présence de quelques haies, murets en pierres sèches, ripisylves ou talus. S'il ne présente pas un caractère remarquable, ce paysage revêt néanmoins un caractère sensible au regard des perspectives qui s'en dégagent vers les plaines de Niort, de haute d'Angoumois, et de Saintonge. En outre, figurent dans le secteur du projet, huit édifices protégés au titre des monuments historiques, composés d'églises, de vestiges gallo-romain, du Logis de Cherçonnay, du château de Jouhé et du Château de Saveilles des XVème et XIXème siècle situé à 800 m au sud de la zone d'implantation potentielle. Si la sensibilité du projet à ces édifices est pour l'essentiel faible ou nulle, il n'en va pas de même pour le château de Saveilles. L'étude paysagère relève certes que cet édifice est globalement peu visible du fait de la présence de murs d'enceinte, de la proximité qu'entretient la frange ouest du château avec le tissu bâti, de la présence de boisements dominants à l'est du château et des éléments arborés composant le château. Pourtant, la sensibilité patrimoniale particulièrement forte du château de Saveilles est soulignée, tant à l'appui d'un photomontage réalisé par la MRAE dans son avis du 24 août 2021 que par le commissaire-enquêteur qui souligne, dans son avis défavorable du 25 janvier 2022 l'impact significatif voire considérable du projet pour ce château en ce que, notamment, l'implantation des éoliennes ne respecte pas la règle informelle contenue dans le guide des bonnes pratiques des projets éoliens en Pays du Ruffécois selon laquelle une distance de 1 300 mètres minimum doit séparer une éolienne d'un monument historique. La partie haute de 3 des 4 appareils sera ainsi ponctuellement visible, en fonction de la saisonnalité du masque de végétation, depuis le chemin de ronde entourant le parc du château. En outre, 56 éoliennes sont déjà implantées dans un rayon de 10 km et 14 dans un rayon de 5 km, ce qui a conduit le chef de l'unité départementale de l'architecture et du Patrimoine de la Charente, dans son avis du 30 juillet 2021, à souligner que chaque porteur de projet contribue séparément, à un foisonnement anarchique d'implantation de mats, sans projection globale cohérente entre eux, au détriment de la qualité paysagère et des vues éloignées à l'échelle du territoire. Par suite, en estimant que les ensembles patrimoniaux et éléments paysagers précités, témoignent d'une richesse vernaculaire et contribuent au rayonnement dudit territoire et que le projet en cause, additionné aux nombreux autres parcs en fonctionnement, aurait un impact significatif sur la qualité paysagère du territoire en cause, la préfète n'a pas commis d'erreur d'appréciation.

14. Dans le cas où un seul des motifs d'une décision administrative est erroné, il y a lieu de procéder à la neutralisation du motif illégal s'il apparaît que la considération du ou des seuls motifs légaux aurait suffi à déterminer l'administration à prendre la même décision. Il résulte de l'instruction que l'administration aurait pris la même décision en se fondant sur les seuls motifs rappelés aux points 7 à 13.

15. Il résulte de tout ce qui précède que la société Champs Physalis n'est pas fondée à demander l'annulation de l'arrêté du 9 janvier 2023 par lequel la préfète de la Charente a refusé de faire droit à sa demande tendant à la délivrance d'une autorisation d'exploiter un parc éolien sur le territoire de la commune de Paizay-Naudouin-Embourie. Par voie de conséquence, ses conclusions à fins d'injonction et celles tendant à ce que l'Etat soit condamné au versement d'une somme au titre des frais de justice ne peuvent qu'être rejetées.

DECIDE

Article 1er : L'intervention de M. M..., Mme D... I..., M. A..., M. C..., M. et Mme K..., M. et Mme E..., l'association Protection et Avenir du Patrimoine du Pays d'Aigre et Nord Charente et la commune de Paizay-Naudouin-Embourie est admise.

Article 2 : La requête de la société Champs Physalis est rejetée.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la société Champs Physalis, à M. M... désigné en application de l'article R.751-3 du code de justice administrative, au ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires et au préfet de la Charente.

Délibéré après l'audience du 4 mars 2025 à laquelle siégeaient :

Mme Fabienne Zuccarello, présidente.

M. Nicolas Normand, président-assesseur,

Mme Carine Farault, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 25 mars 2025.

Le rapporteur,

Nicolas G...

La présidente,

Fabienne Zuccarello La greffière,

Virginie Santana

La République mande et ordonne à la ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires en ce qui la concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

2

N° 23BX00641


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de BORDEAUX
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 23BX00641
Date de la décision : 25/03/2025
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme ZUCCARELLO
Rapporteur ?: M. Nicolas NORMAND
Rapporteur public ?: M. ELLIE
Avocat(s) : CABINET GREENLAW AVOCAT

Origine de la décision
Date de l'import : 30/03/2025
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2025-03-25;23bx00641 ?
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