Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. B... C... a demandé au tribunal administratif de Bordeaux de condamner la communauté de communes du sud Gironde à lui verser la somme de 24 588,96 euros en réparation de ses préjudices matériel et moral.
Par un jugement n° 2101539 du 9 février 2023, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête et un mémoire enregistrés les 6 avril 2023 et 13 juillet 2023, M. C..., représenté par Me Castera-Minard, demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Bordeaux du 9 février 2023 ;
2°) de condamner la communauté de communes du sud Gironde à lui verser la somme de 24 588,96 euros en réparation de ses préjudices matériel et moral ;
3°) de mettre à la charge de la communauté de communes du sud Gironde la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et les entiers dépens.
Il soutient que :
- le jugement attaqué est irrégulier en ce qu'il a omis de répondre au moyen tiré de la faute commise par la communauté de communes du sud Gironde qui a annualisé son temps de travail en sa qualité d'agent contractuel ;
- le jugement est irrégulier en ce qu'il a omis de répondre au moyen opérant tiré de la faute commise par la communauté de communes du sud Gironde qui a modifié unilatéralement la quotité de son temps de travail en tenant compte d'une annualisation illégale du temps de travail ; la quotité actuellement mentionnée au contrat est une quotité lissée ne représentant absolument pas la réalité des heures hebdomadaires effectivement réalisées ;
- le jugement est irrégulier en ce qu'il est insuffisamment motivé ;
- la communauté de communes du sud Gironde a commis une faute à raison de l'annualisation illégale de son temps de travail contractualisé sur 33 semaines ; les termes même de son contrat de travail et les causes de son recrutement le rattachait au statut particulier du cadre d'emplois des assistants territoriaux d'enseignement artistique, ce qui faisait obstacle à ce que la collectivité territoriale lui fasse application des textes pris pour la mise en œuvre, dans la fonction publique territoriale, de la réduction de la durée du travail et de l'annualisation du temps de travail ; une annualisation qui prend pour référence non la durée hebdomadaire mais un nombre d'heures annuel est irrégulière et ouvre droit à indemnisation pour le fonctionnaire ou l'agent concerné ;
- la communauté de communes du sud Gironde a commis une faute à raison de la modification substantielle de son contrat de travail qui fixe une quotité de son temps de travail tenant compte d'une annualisation illégale du temps de travail ; cette réalité conduit mécaniquement à une réduction du temps de travail des enseignants pouvant dépasser 30 % de la durée de travail qui était la leur auparavant ; il paraît pour le moins aventureux de proposer de conserver la quotité inscrite aux contrats du requérant, quand les heures réellement effectuées ont été lissées dans le cadre de l'annualisation, annualisation parfaitement illégale ;
- son préjudice financier correspond à la différence entre la rémunération illégale perçue sur 33 semaines annualisée avec celle qu'il aurait dû percevoir sur 52 semaines en application de la mise en conformité telle que présentée par la collectivité ;
- le préjudice moral résulte de ses efforts répétés pour obtenir réparation de son préjudice et voir reconnaître la faute de sa collectivité employeur.
Par un mémoire en défense, enregistré le 14 juin 2023, la communauté de communes du sud Gironde, représentée par Me Rodier, conclut au rejet de la requête et à ce que la somme de 1 500 euros et les entiers dépens soient mis à la charge de M. C... en application des dispositions des articles L. 761-1 et R. 761-1 du code de justice administrative.
Elle fait valoir qu'aucun des moyens soulevés n'est fondé.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la loi n° 68-1250 du 31 décembre 1968 ;
- la loi n°84-53 du 26 janvier 1984 ;
- le décret n°88-145 du 15 février 1988
- le décret n° 91-859 du 2 septembre 1991 ;
- le décret n°2000-815 du 25 août 2000 ;
- le décret n°2001-623 du 12 juillet 2001 ;
- le décret n°2012-437 du 29 mars 2012 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. A...,
- les conclusions de M. Ellie, rapporteur public,
- les observations de Me Castera-Minard représentant M. C....
Considérant ce qui suit :
1. M. B... C... a été recruté en qualité d'assistant d'enseignement artistique contractuel à temps non complet le 1er septembre 2009. Il a bénéficié de différents contrats à durée déterminée jusqu'au 13 mars 2012, date à laquelle son engagement s'est transformé en contrat à durée indéterminée. Le 11 décembre 2020, l'intéressé a formé une demande indemnitaire préalable à raison de l'annualisation illégale de son temps de travail. Par une décision du 29 janvier 2021, le président de la communauté de communes du sud Gironde a refusé de faire droit à sa demande. M. C... relève appel du jugement du 9 février 2023, par lequel le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande tendant à la condamnation de la communauté de communes du sud Gironde à lui verser la somme de 24 588,96 euros en réparation de ses préjudices matériel et moral sur la période courant du 1er septembre 2015 au 31 août 2020.
Sur la régularité du jugement attaqué :
2. Au soutien de ses conclusions indemnitaires, M. C... avait soulevé, devant le tribunal, d'une part, le moyen tiré de ce que l'annualisation de son temps de travail constituait une faute engageant la responsabilité de la communauté de communes du sud Gironde et d'autre part, le moyen tiré de ce que la réduction de son temps de travail résultant de la prise en compte de la quotité inscrite à son contrat en tenant compte d'une annualisation illégale du temps de travail constituait une modification substantielle de ses conditions de travail sans que son accord ait été recueilli. En répondant qu'" en admettant même que le temps de travail des agents contractuels embauchés en qualité d'assistants territoriaux d'enseignement artistique ne puisse être annualisé, le regroupement des heures de travail de M. C... sur les 33 semaines d'ouverture de l'école de musique, n'a occasionné aucun préjudice matériel, chaque heure effectuée lui ayant été payée ", le tribunal a répondu par un jugement suffisamment motivé aux deux moyens précités. Par suite, le jugement attaqué n'est pas irrégulier.
Sur les conclusions indemnitaires :
En ce qui concerne l'exception de prescription opposée par la communauté de communes :
3. Aux termes de l'article 1er de la loi du 31 décembre 1968 relative à la prescription des créances sur l'Etat, les départements, les communes et les établissements publics : " Sont prescrites, au profit (...) des communes, sans préjudice des déchéances particulières édictées par la loi, et sous réserve des dispositions de la présente loi, toutes créances qui n'ont pas été payées dans un délai de quatre ans à partir du premier jour de l'année suivant celle au cours de laquelle les droits ont été acquis. / Sont prescrites, dans le même délai et sous la même réserve, les créances sur les établissements publics dotés d'un comptable public. ". Aux termes de l'article 2 de cette loi : " La prescription est interrompue par : / Toute demande de paiement ou toute réclamation écrite adressée par un créancier à l'autorité administrative, dès lors que la demande ou la réclamation a trait au fait générateur, à l'existence, au montant ou au paiement de la créance (...) //// Un nouveau délai de quatre ans court à compter du premier jour de l'année suivant celle au cours de laquelle a eu lieu l'interruption. (...) ", et selon l'article 3 suivant : " La prescription ne court ni contre le créancier qui ne peut agir (...), ni contre celui qui peut être légitimement regardé comme ignorant l'existence de sa créance (...) ". Lorsqu'un litige oppose un agent public à son administration sur le montant des rémunérations auxquelles il a droit, le fait générateur de la créance se trouve en principe dans les services accomplis par l'intéressé. Dans ce cas, le délai de prescription de la créance relative à ces services court, sous réserve des cas prévus à l'article 3 cité ci-dessus, à compter du 1er janvier de l'année suivant celle au titre de laquelle ils auraient dû être rémunérés.
4. M. C... ayant formalisé sa demande indemnitaire le 11 décembre 2020, la créance qu'il revendique auprès de la communauté de communes du sud Gironde était prescrite pour les services accomplis entre le 1er septembre 2015 et le 31 décembre 2015.
En ce qui concerne le principe de la créance :
5. D'une part, aux termes du premier alinéa de l'article 11 du décret du 12 juillet 2001 relatif à l'aménagement et à la réduction du temps de travail dans la fonction publique territoriale : " La durée hebdomadaire de service des agents territoriaux nommés dans des emplois permanents à temps non complet est fixée par l'organe délibérant de la collectivité ou de l'établissement sur la base de la durée afférente à un emploi à temps complet résultant des dispositions de l'article 1er du décret du 25 août 2000 susvisé ". Aux termes de l'article 1er du décret du 25 août 2000 relatif à l'aménagement et à la réduction du temps de travail dans la fonction publique de l'Etat et dans la magistrature, auquel il est ainsi renvoyé : " La durée du travail effectif est fixée à trente-cinq heures par semaine dans les services et établissements publics administratifs de l'Etat ainsi que dans les établissements publics locaux d'enseignement. / Le décompte du temps de travail est réalisé sur la base d'une durée annuelle de travail effectif de 1 607 heures maximum, sans préjudice des heures supplémentaires susceptibles d'être effectuées (...) ".
6. D'autre part, selon l'article 7 du décret précité du 12 juillet 2001 : " Les régimes d'obligations de service sont, pour les personnels qui y sont soumis, ceux définis dans les statuts particuliers de leur cadre d'emplois ". L'article 3 du décret du 29 mars 2012 portant statut particulier du cadre d'emplois des assistants territoriaux d'enseignement artistique, reprenant les dispositions de l'ancien article 2 du décret du 2 septembre 1991 ayant le même objet, place ces personnels sous un régime d'obligations de service, en fixant à 20 heures par semaine leur durée de travail lorsqu'ils sont employés à temps plein.
7. Les dispositions citées au point 6, qui prévoient que les assistants territoriaux d'enseignement artistique sont soumis à un régime d'obligations de service, font obstacle à ce que la collectivité territoriale qui les emploie leur applique les textes pris pour la mise en œuvre, dans la fonction publique territoriale, de la réduction de la durée du travail et de l'annualisation du temps de travail.
8. En premier lieu, il résulte de l'instruction que, pour déterminer le nombre d'heures annuelles de travail effectuées par l'intéressé ainsi que, par suite, sa quotité de travail et sa rémunération, la communauté de communes a multiplié le nombre d'heures hebdomadaires fixées par son contrat de travail à temps non complet par 33 semaines, dans une démarche d'annualisation de son temps de travail. Le requérant soutient que la collectivité aurait dû multiplier le nombre d'heures hebdomadaires fixées par son contrat de travail par 52 semaines en application du régime d'obligations de service résultant du décret du 29 mars 2012 fixant à 1040 heures le temps plein annuel des assistants territoriaux d'enseignement artistique.
9. Toutefois, les agents contractuels et les fonctionnaires ne se trouvant pas dans la même situation juridique au regard du service public, M. C... ne relevait pas de plein droit, en tant qu'agent contractuel, du statut particulier issu du décret du 29 mars 2012. En outre, si aucune disposition législative ou règlementaire ne faisait obstacle à ce que la communauté de communes du sud Gironde décide de l'y soumettre, toutefois le contrat à durée indéterminée signé le 8 avril 2013 entre M. C... et la communauté de communes du sud Gironde pour une prise d'effet au 13 mars 2012 se borne à viser la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale et le décret n° 88-145 du 15 février 1988 relatif aux agents contractuels de la fonction publique territoriale puis à stipuler que " préalablement à la transformation de son contrat en contrat à durée indéterminée l'intéressé était recruté sur un emploi d'assistant d'enseignement artistique et percevait la rémunération afférente à l'indice brut 520 ". Les avenants successifs mentionnent, pour leur part, que l'intéressé a été recruté sur un emploi permanent de professeur de musique à temps non complet. Il en résulte, en l'absence de référence contractuelle précise au décret n° 2012-437 du 29 mars 2012 régissant le statut particulier des assistants territoriaux d'enseignement artistique, que la communauté de communes n'a pas engagé de relation contractuelle avec M. C... sur la base de ce décret. Par suite, et alors même qu'il exerçait les mêmes fonctions qu'un fonctionnaire, assistant territorial d'enseignement artistique, le requérant n'est pas fondé à soutenir qu'en refusant de lui verser, pour les services non prescrits accomplis entre le 1er janvier 2016 et le 31 août 2020, les rémunérations impayées auxquelles il estime avoir droit en application du régime d'obligations de service de 20 heures des assistants territoriaux d'enseignement artistique, le président de la communauté de communes a entaché sa décision d'une erreur de droit.
10. En second lieu, c'est sans portée utile que M. C... se prévaut de la faute qu'aurait commise la communauté de communes en modifiant à partir du 1er septembre 2020, le mode de calcul de sa rémunération dès lors que cette modification, à la supposer illégale, est en tout état de cause sans lien avec le préjudice en litige.
11. Il résulte de tout ce qui précède que M. C... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande.
Sur les frais liés au litige :
12. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que la somme demandée par M. C... soit mise à la charge de la communauté de communes du sud Gironde, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de M. C... une somme au profit de de la communauté de communes du sud Gironde sur le même fondement.
13. Les conclusions des parties tendant à ce que des dépens soient mis à la charge de charge de la partie adverse ne peuvent, en l'absence de dépens de l'instance, qu'être rejetées.
D E C I D E :
Article 1er : La requête de M. C... est rejetée.
Article 2 : Les conclusions de la communauté de communes du Sud Gironde tendant au versement d'une somme au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... C... et à la communauté de communes du sud Gironde.
Délibéré après l'audience du 18 mars 2025 à laquelle siégeaient :
Mme Fabienne Zuccarello, présidente de chambre,
M. Nicolas Normand, président-assesseur.
Mme Clémentine Voillemot, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 8 avril 2025.
Le rapporteur,
Nicolas A...
La présidente,
Fabienne ZuccarelloLa greffière,
Virginie Santana
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
2
N° 23BX00984