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09/04/2025 | FRANCE | N°24BX02483

France | France, Cour administrative d'appel de BORDEAUX, 3ème chambre, 09 avril 2025, 24BX02483


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :

M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Limoges d'annuler l'arrêté du 26 janvier 2024 par lequel le préfet de la Haute-Vienne a rejeté sa demande de titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours, a fixé le pays à destination duquel il pourra être éloigné d'office.

Par un jugement n° 2400623 du 2 juillet 2024, ce tribunal a rejeté sa demande.



Procédure devant la cour :
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Par une requête enregistrée le 18 octobre 2024, M. A..., représenté par Me Ouangari, demande à la...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Limoges d'annuler l'arrêté du 26 janvier 2024 par lequel le préfet de la Haute-Vienne a rejeté sa demande de titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours, a fixé le pays à destination duquel il pourra être éloigné d'office.

Par un jugement n° 2400623 du 2 juillet 2024, ce tribunal a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 18 octobre 2024, M. A..., représenté par Me Ouangari, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Poitiers du 2 juillet 2024 ;

2°) d'annuler l'arrêté du préfet de la Haute-Vienne du 26 janvier 2024 ;

3°) d'enjoindre au préfet de la Haute-Vienne, à titre principal, de lui délivrer un titre de séjour l'autorisant à travailler, à titre subsidiaire, de procéder au réexamen de sa demande dans un délai d'un mois à compter de l'arrêt à intervenir et dans cette attente, de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour ;

4°) de mettre à la charge de l'État les sommes de 1 920 euros et 2 400 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- en ce qui concerne le refus de délivrance d'un titre de séjour, les trois nouveaux certificats médicaux récents et circonstanciés qu'il produit pour attester de son état de santé à la date de l'arrêté litigieux établissent qu'il n'existe pas de solution de soins accessible sur la durée en Géorgie et qu'un retour dans son pays serait insurmontable ; le préfet a donc fait une erreur d'appréciation dans l'application des dispositions de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- en ce qui concerne la mesure d'éloignement, dès lors qu'il est avéré qu'un retour dans son pays l'exposerait, du fait du défaut de soins appropriés, à un risque réel d'être exposé à un déclin grave, rapide et irréversible de son état de santé, il est dans une situation exceptionnelle qui caractérise, au sens de la jurisprudence européenne, un traitement inhumain et dégradant que prohibe l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- pour les mêmes raisons, en décidant de son éloignement, le préfet a méconnu l'article 5 c) de la directive 2008/115/CE du 16 décembre 2008 ;

- le préfet n'a pas procédé à un examen attentif de sa situation.

Par un mémoire enregistré le 20 février 2025, le préfet de la Haute-Vienne conclut au rejet de la requête.

Il soutient que :

- la demande dont a été saisi le tribunal administratif était tardive ;

- subsidiairement, aucun des moyens de la requête n'est fondé ; à ce titre, il y a lieu de préciser que le Kardegic dont le requérant allègue l'indisponibilité en Géorgie peut être remplacé par le Plavix, antiagrégant similaire et distribué dans ce pays ; par ailleurs, les conséquences d'une exceptionnelle gravité dont se prévaut le requérant, visent, en jurisprudence, le risque vital ou bien le risque d'être atteint d'un handicap plaçant l'intéressé dans l'impossibilité de réaliser les actes de la vie courante, ce qui n'est pas son cas.

M. A... a été admis à l'aide juridictionnelle totale par une décision du 12 septembre 2024.

Par une ordonnance du 15 janvier 2025, la clôture d'instruction a été fixée au 4 mars 2025 à 12 heures.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la directive 2008/115/CE du Parlement européen et du Conseil du 16 décembre 2008 ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de Mme Valérie Réaut a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. A... ressortissant géorgien né le 19 août 1980, est entré irrégulièrement en France le 10 août 2020 selon ses dires. Sa demande d'asile a été rejetée par une décision de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides du 14 décembre 2021, confirmée par un arrêt de la Cour nationale du droit d'asile du 29 avril 2022. Sa première demande de titre de séjour en qualité d'étranger malade a été rejetée par un arrêté du préfet de la Haute-Vienne du 1er avril 2022 lui faisant en outre obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et fixant le pays de renvoi. Le recours formé contre cet arrêté a été rejeté en dernier lieu par un arrêt de la cour administrative d'appel de Bordeaux n° 22BX02755 du 2 mars 2023. La seconde demande tendant à la délivrance d'un titre de séjour en qualité d'étranger malade, déposée le 12 septembre 2023, a également été rejetée par un arrêté de la même autorité en date du 26 janvier 2024. Par la présente requête, M. A... relève appel du jugement du 7 juillet 2024 par lequel le tribunal administratif de Poitiers a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

En ce qui concerne le refus de délivrance d'un titre de séjour :

2. Aux termes de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger, résidant habituellement en France, dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et qui, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié, se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " d'une durée d'un an. La condition prévue à l'article L. 412-1 n'est pas opposable. / La décision de délivrer cette carte de séjour est prise par l'autorité administrative après avis d'un collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, dans des conditions définies par décret en Conseil d'État (...) ".

3. M. A... souffre de séquelles motrices sévères de l'hémicorps droit résultant d'un accident vasculaire cérébral survenu en avril 2020 dans sa quarantième année. Le collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration a estimé, dans son avis du 7 décembre 2023, que son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut entrainerait pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, mais qu'un traitement est disponible dans son pays d'origine, la Géorgie. Le requérant a produit devant les premiers juges plusieurs certificats médicaux établis en mars et avril 2024, relatifs à son état de santé existant à la date de l'arrêté attaqué, émanant de son médecin traitant et de trois médecins du centre hospitalier universitaire de Limoges, un neurologue, un médecin spécialisé dans la rééducation physique et un psychiatre faisant état, de manière concordante, de la nécessité pour lui de se soumettre à une rééducation physique soutenue et à une surveillance vasculaire étroite afin d'éviter le risque de récidive dû à son jeune âge. Le requérant, s'il ne conteste pas l'existence en Géorgie de thérapies de réhabilitation pour les pathologies telles que la sienne, a produit également un courrier du 16 mai 2024 émanant des services du ministère de la santé et de la protection sociale des territoires occupés en Géorgie, traduit en français par une interprète assermentée, indiquant que de tels frais ne sont pas pris en charge par le programme national de soins de santé universels. En appel, son médecin atteste à nouveau de l'importance qui s'attache à ce que M. A... suive une rééducation physique active et régulière à raison de trois séances par semaine et se soumette à des traitements médicamenteux constants, et rappelle la nécessité pour le requérant de remplacer tous les six mois la prothèse de releveur du pied réalisée sur moulage. Si ces éléments justifient du défaut de prise en charge par le régime d'assurance sociale de l'État de Géorgie de certains des soins requis pour stabiliser les séquelles de l'accident vasculaire dont M. A... a été victime, il reste que ce dernier n'apporte aucun élément sur le coût des soins dans son pays et sur sa capacité à assumer une telle dépense en Géorgie. Ainsi, avec les seules pièces qu'il produit, M. A... ne peut être regardé comme démontrant qu'il serait privé d'un accès effectif aux soins dans son pays. Il s'ensuit que le préfet n'a pas fait une inexacte application des dispositions de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

En ce qui concerne la mesure d'éloignement :

4. Aux termes de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines inhumains ou dégradants. ". Aux termes de l'article 5 de la Directive du 16 décembre 2008 relative aux normes et procédures communes applicables dans les États membres au retour des ressortissants de pays tiers en séjour irrégulier : " Lorsqu'ils mettent en oeuvre la présente directive, les États membres tiennent dûment compte : a) de l'intérêt supérieur de l'enfant, / b) de la vie familiale, / c) de l'état de santé du ressortissant concerné d'un pays tiers, et respectent le principe de non-refoulement ".

5. Si M. A... soutient que son éloignement à destination de son pays d'origine méconnaitrait les stipulations précitées, les documents médicaux produits ne démontrent pas que son retour en Géorgie l'exposerait à un défaut de soins qui lui ferait courir un risque vital.

6. Enfin, il ne ressort pas des pièces du dossier que le préfet de la Haute-Vienne n'aurait pas procédé à un examen particulier de sa situation personnelle avant de prendre les décisions en litige.

7. Il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'examiner le moyen de défense tiré de la tardiveté de la demande de première instance, que M. A... n'est pas fondé à demander l'annulation du refus de titre de séjour, ainsi des décisions prises sur son fondement et, par suite, à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du préfet de la Haute-Vienne du 2 juillet 2024.

Sur les conclusions à fin d'injonction :

8. Le présent arrêt, qui rejette les conclusions à fin d'annulation de la requête, n'implique aucune mesure d'exécution. Par suite, les conclusions de M. A... tendant à ce qu'il soit prescrit au préfet de la Haute-Vienne de lui délivrer un titre de séjour en qualité d'étranger malade doivent être rejetées.

Sur les frais d'instance :

9. L'État n'étant pas la partie perdante dans la présente instance, les conclusions de M. A... présentées sur le fondement des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 ne peuvent qu'être rejetés.

DECIDE :

Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A... et au ministre de l'intérieur. Copie en sera adressée au préfet de la Haute-Vienne.

Délibéré après l'audience du 18 mars 2025 à laquelle siégeaient :

M. Laurent Pouget, président,

Mme Marie-Pierre Beuve Dupuy, présidente-assesseure,

Mme Valérie Réaut, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 9 avril 2025.

La rapporteure,

Valérie Réaut

Le président,

Laurent PougetLe greffier,

Christophe Pelletier

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

N° 24BX02483 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de BORDEAUX
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 24BX02483
Date de la décision : 09/04/2025
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. POUGET
Rapporteur ?: Mme Valérie RÉAUT
Rapporteur public ?: M. DUFOUR
Avocat(s) : OUANGARI

Origine de la décision
Date de l'import : 19/04/2025
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2025-04-09;24bx02483 ?
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