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07/05/2025 | FRANCE | N°23BX01311

France | France, Cour administrative d'appel de BORDEAUX, 4ème chambre, 07 mai 2025, 23BX01311


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



L'entreprise unipersonnelle à responsabilité limitée (EURL) Immodop a demandé au tribunal administratif de Limoges, à titre principal, de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre de l'année 2015, pour un montant en droits et intérêts de 308 511 euros, à raison de la plus-value de cession de biens immobiliers situés sur le territoire de la commune de Gentilly et, à titre subsidiaire, si le

tribunal devait reconnaître le bien-fondé de ces impositions supplémentaires, de lui accorde...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

L'entreprise unipersonnelle à responsabilité limitée (EURL) Immodop a demandé au tribunal administratif de Limoges, à titre principal, de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre de l'année 2015, pour un montant en droits et intérêts de 308 511 euros, à raison de la plus-value de cession de biens immobiliers situés sur le territoire de la commune de Gentilly et, à titre subsidiaire, si le tribunal devait reconnaître le bien-fondé de ces impositions supplémentaires, de lui accorder, à raison d'une créance de 308 511 euros, le bénéfice d'un report en arrière d'un déficit sur le fondement de l'article 220 quinquies du code général des impôts.

Par un jugement n° 2100516 du 16 mars 2023, le tribunal administratif de Limoges a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 15 mai 2023, l'EURL Immodop, représentée par la SELARL Aristote, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Limoges du 16 mars 2023 ;

2°) de prononcer la décharge, en principal et intérêts, des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés au titre de l'exercice clos en 2015 à hauteur d'un montant de 308 511 euros ;

3°) subsidiairement, de lui accorder l'imputation d'une créance née d'un report en arrière du déficit afférent à l'exercice clos au 31 mai 2017 sur les bénéfices de l'exercice clos au 31 mai 2016 ainsi que la compensation avec les cotisations supplémentaires mises à sa charge au titre de l'exercice clos en 2015 ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 3 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le vérificateur et la commission des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires ont fait une appréciation erronée des dispositions du deuxième alinéa de l'article L. 331-6 du code de l'urbanisme en estimant qu'elle n'était pas redevable de la taxe d'aménagement en sa qualité de bénéficiaire de l'autorisation de construire ou d'aménager, et il résulte de la combinaison de l'article L. 331-6 du code de l'urbanisme et d'une circulaire du 18 juin 2013 relative à la réforme de la fiscalité de l'aménagement que le redevable de la taxe est le bénéficiaire de l'autorisation, y compris en cas de transfert d'autorisation de construire ;

- elle est bien redevable des taxes d'urbanisme sur le fondement des dispositions de l'alinéa 2 de l'article L. 331-6 du code de l'urbanisme dès lors que, douze mois après l'obtention du permis de construire et compte tenu du fait que le permis n'était pas purgé du recours des tiers, l'administration fiscale a accepté de différer le paiement de la première partie des taxes sous réserve qu'elle fournisse une caution bancaire de 100 % des taxes dues ; en outre, à la date de la cession des biens immobiliers et des comptes sociaux ayant traduit cette cession, le 31 mai 2015, aucun titre d'annulation n'avait été émis par le comptable public au bénéfice de l'entreprise ni un nouveau titre de perception à l'encontre du nouveau bénéficiaire du permis de construire ; c'est par conséquent à bon droit qu'elle a retenu dans le prix d'acquisition des biens immobiliers les sommes versées, ou à verser, les taxes d'urbanisme dans le calcul de la plus-value de cession desdits biens ;

- la circulaire du 18 juin 2013 a vocation à s'appliquer tant à la taxe d'aménagement qu'au versement pour dépassement du plafond légal de densité (PLD) ;

- afin d'éviter une double taxation, elle est fondée à solliciter la reconnaissance d'une créance de carry-back d'un montant de 167 861 euros et sa compensation avec le montant de 291 048 euros correspondant aux droits réclamés à l'issue du contrôle.

Par un mémoire en défense, enregistré le 6 novembre 2023, le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens invoqués par la requérante ne sont pas fondés.

Par une ordonnance du 9 septembre 2024, la clôture d'instruction a été fixée au 8 novembre 2024 à 12h00.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de l'urbanisme ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Lucie Cazcarra,

- et les conclusions de Mme Pauline Reynaud, rapporteure publique.

Considérant ce qui suit :

1. L'entreprise unipersonnelle à responsabilité limitée (EURL) Immodop, qui exerce une activité de promotion immobilière, a fait l'objet d'une vérification de comptabilité portant sur la période du 1er juin 2012 au 31 mai 2015. A l'issue de ce contrôle, par une proposition de rectification du 12 décembre 2016, l'administration a remis en cause, au titre de l'exercice clos en 2015, le montant d'une plus-value immobilière, estimant que l'entreprise avait intégré à tort des taxes d'urbanisme à la valeur d'origine des biens cédés. L'entreprise Immodop a été assujettie par voie de conséquence à des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés au titre de l'exercice clos le 31 mai 2015. Par la présente requête, l'entreprise Immodop relève appel du jugement du 16 mars 2023 par lequel le tribunal administratif de Limoges a rejeté sa demande tendant à la décharge de ces cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés et demande à titre subsidiaire, le bénéfice du report en arrière du déficit de l'exercice clos en 2017 sur les bénéfices de l'exercice clos en 2016.

Sur le bien-fondé des impositions en litige :

2. Aux termes de l'article 38 du code général des impôts, dont les dispositions sont applicables à l'impôt sur les sociétés en vertu de l'article 209 du même code : " 1. (...) le bénéfice imposable est le bénéfice net, déterminé d'après les résultats d'ensemble des opérations de toute nature effectuées par les entreprises, y compris notamment les cessions d'éléments quelconques de l'actif, soit en cours, soit en fin d'exploitation ". En application de ces dispositions, le montant d'une plus-value de cession s'entend de la différence entre le produit retiré de cette cession net des frais et taxes qui ont pu grever l'opération de cession elle-même et la valeur nette comptable pour laquelle l'élément cédé figure au bilan à la date de la cession. Aux termes de l'article 38 quinquies de l'annexe III au même code : " 1. Les immobilisations sont inscrites au bilan pour leur valeur d'origine. Cette valeur d'origine s'entend : " a. Pour les immobilisations acquises à titre onéreux, du coût d'acquisition, c'est-à-dire du prix d'achat minoré des remises, rabais commerciaux et escomptes de règlement obtenu et majoré des coûts directement engagés pour la mise en état d'utilisation du bien (...) ".

3. En ce qui concerne le versement pour dépassement du plafond légal de densité, l'article L. 112-2 du code de l'urbanisme, alors en vigueur, prévoit que : " L'édification d'une construction d'une densité excédant le plafond légal est subordonnée au versement par le bénéficiaire de l'autorisation de construire d'une somme égale à la valeur du terrain dont l'acquisition serait nécessaire pour que la densité de la construction n'excède pas ce plafond. / L'attribution, expresse ou tacite, du permis de construire entraîne pour le bénéficiaire de l'autorisation de construire l'obligation d'effectuer ce versement ". Aux termes de l'article 1723 octies du code général des impôts, alors en vigueur : " Conformément à l'article L. 333-2 du code de l'urbanisme modifié par l'article 118 de la loi n° 89-935 du 29 décembre 1989 modifiée, le montant du versement pour dépassement du plafond légal de densité, défini à l'article L. 112-2 du même code, est dû par le bénéficiaire de l'autorisation de construire. (...) / Il doit être payé au comptable public de la situation des biens en deux fractions égales ou en un versement unique lorsque le montant dû n'excède pas 305 €. / Le paiement de la première fraction ou le versement unique est exigible à l'expiration d'un délai de douze mois à compter de la date de délivrance du permis de construire ou de la date à laquelle l'autorisation de construire est réputée avoir été tacitement accordée et celui de la seconde fraction à l'expiration d'un délai de vingt-quatre mois à compter de cette même date (...) ".

4. En ce qui concerne la taxe d'aménagement, l'article L. 331-1 du code de l'urbanisme prévoit, dans sa version applicable au litige : " En vue de financer les actions et opérations contribuant à la réalisation des objectifs définis à l'article L. 121-1, les communes ou établissements publics de coopération intercommunale, les départements et la région d'Ile-de-France perçoivent une taxe d'aménagement. / La taxe d'aménagement constitue un élément du prix de revient de l'ensemble immobilier au sens de l'article 302 septies B du code général des impôts ". L'article L. 331-6 du même code, dans sa version alors applicable, précise que : " Les opérations d'aménagement et les opérations de construction, de reconstruction et d'agrandissement des bâtiments, installations ou aménagements de toute nature soumises à un régime d'autorisation en vertu du présent code donnent lieu au paiement d'une taxe d'aménagement, (...). / Les redevables de la taxe sont les personnes bénéficiaires des autorisations mentionnées au premier alinéa du présent article (...) ". L'article L. 331-24 de ce même code, alors en vigueur, précise dans son deuxième alinéa que " le recouvrement de la taxe fait l'objet de l'émission de deux titres de perception correspondant à deux fractions égales à la moitié de la somme totale à acquitter (...) ". Enfin, aux termes de l'article L. 331-26 de ce code, dans sa version alors applicable : " En cas de transfert total de l'autorisation de construire ou d'aménager, le redevable de la taxe d'aménagement est le nouveau titulaire du droit à construire ou d'aménager. Un titre d'annulation est émis au profit du redevable initial. De nouveaux titres de perception sont émis à l'encontre du ou des nouveaux titulaires du droit à construire ".

5. Il résulte des dispositions précitées du code de l'urbanisme et du code général des impôts qu'en cas de transfert du permis de construire, le versement pour dépassement du plafond légal de densité et la taxe d'aménagement sont dus par le nouveau titulaire de l'autorisation de construire, bénéficiaire du transfert.

6. L'entreprise Immodop a acquis les 22 juin 2012 et 6 février 2015 deux biens immobiliers situés sur la commune de Gentilly (Val-de-Marne) pour des montants respectifs de 450 000 euros et 1 170 000 euros. Le 22 avril 2013, elle a obtenu un permis de construire qu'elle a transféré, le 22 décembre 2014, à la SNC Gentilly Résidence. Le 24 avril 2015, l'entreprise Immodop a cédé à la SNC Gentilly Résidence les deux biens immobiliers pour un montant de 3 590 000 euros. Au titre de l'exercice clos le 31 mai 2015, l'entreprise Immodop a déclaré une plus-value de 60 674 euros, correspondant à la différence entre le prix de vente et la valeur d'origine des biens. L'entreprise a notamment intégré dans la valeur d'origine des biens une somme de 816 200 euros, correspondant à la première fraction du versement pour dépassement du plafond légal de densité, prévue par l'article 1723 octies du code général des impôts précité, et une somme de 57 675 euros correspondant à la première fraction de la taxe d'aménagement, prévue par l'article L. 331-24 du code de l'urbanisme précité. Il ressort toutefois de ce qui précède que, dès lors qu'elle a transféré le permis de construire à la SNC Gentilly Résidence le 22 décembre 2014, l'entreprise Immodop, qui ne s'était au demeurant pas acquittée des taxes d'urbanisme en litige au 31 mai 2015, n'était plus redevable de ces taxes à la date de la cession des biens objets du permis de construire. La circonstance que l'entreprise Immodop n'a pas été rendue destinataire d'un titre d'annulation et qu'un titre de perception n'aurait pas été émis à l'encontre de la SNC Gentilly Résidence, conformément à ce que prévoit l'article L. 331-26 du code de l'urbanisme précité, est sans incidence sur la perte de la qualité de bénéficiaire du permis de construire par la société requérante lors du transfert dudit permis. L'entreprise requérante ne peut par ailleurs utilement se prévaloir de la circulaire du 18 juin 2013 relative à la réforme de la fiscalité de l'aménagement dès lors qu'elle ne contient pas une interprétation différente de la loi de celle dont l'administration fiscale a fait application. Dès lors, c'est à bon droit que l'administration a considéré que les taxes d'urbanisme ne devaient pas être prises en compte dans le calcul de la valeur d'origine des biens cédés et a rectifié, en conséquence, la plus-value sur cession d'immobilisation inscrite au titre de l'exercice clos le 31 mai 2015.

Sur la demande de report en arrière du déficit de l'exercice clos en 2017 :

7. Aux termes de l'article L. 203 du livre des procédures fiscales : " Lorsqu'un contribuable demande la décharge ou la réduction d'une imposition quelconque, l'administration peut, à tout moment de la procédure et malgré l'expiration des délais de prescription, effectuer ou demander la compensation dans la limite de l'imposition contestée, entre les dégrèvements reconnus justifiés et les insuffisances ou omissions de toute nature constatées dans l'assiette ou le calcul de l'imposition au cours de l'instruction de la demande. " Aux termes de l'article L. 205 de ce livre : " Les compensations de droits prévues aux articles L. 203 et L. 204 sont opérées dans les mêmes conditions au profit du contribuable à l'encontre duquel l'administration effectue une rectification lorsque ce contribuable invoque une surtaxe commise à son préjudice ou lorsque la rectification fait apparaître une double imposition. ".

8. Aux termes de l'article 220 quinquies du code général des impôts : " I. Par dérogation aux dispositions du troisième alinéa du I de l'article 209, le déficit constaté au titre d'un exercice ouvert à compter du 1er janvier 1984 par une entreprise soumise à l'impôt sur les sociétés peut, sur option, être considéré comme une charge déductible du bénéfice de l'exercice précédent, (...) ".

9. L'entreprise Immodop n'est pas fondée à demander l'imputation du déficit constaté au titre de l'exercice clos en 2017 sur les bénéfices qu'elle a réalisés au cours de l'exercice 2016 dès lors qu'est en cause dans le présent litige un redressement au titre de l'exercice clos le 31 mai 2015.

10. Il résulte de tout ce qui précède que l'entreprise Immodop n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Limoges a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent qu'être rejetées.

DECIDE :

Article 1er : La requête de l'EURL Immodop est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à l'EURL Immodop et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.

Copie en sera adressée à la direction spécialisée de contrôle fiscal sud-ouest.

Délibéré après l'audience du 17 avril 2025 à laquelle siégeaient :

Mme Frédérique Munoz-Pauziès, présidente,

Mme Bénédicte Martin, présidente-assesseure,

Mme Lucie Cazcarra, première conseillère,

Rendu public par mise à disposition au greffe le 7 mai 2025.

La rapporteure,

Lucie CazcarraLa présidente,

Frédérique Munoz-Pauziès La greffière,

Laurence Mindine

La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

2

N° 23BX01311


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de BORDEAUX
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 23BX01311
Date de la décision : 07/05/2025
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : Mme MUNOZ-PAUZIES
Rapporteur ?: Mme Lucie CAZCARRA
Rapporteur public ?: Mme REYNAUD
Avocat(s) : SOCIETE D'AVOCATS ARISTOTE

Origine de la décision
Date de l'import : 11/05/2025
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2025-05-07;23bx01311 ?
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