Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
L'association Défense des milieux aquatiques a demandé au tribunal administratif de Pau d'annuler l'arrêté du 24 novembre 2020 par lequel la préfète des Landes a fixé les conditions d'exercice de la pêche en eau douce dans le département pour l'année 2021.
Par un jugement n° 2100157 du 5 avril 2023, le tribunal administratif de Pau a annulé les articles 2 et 3 de l'arrêté du 24 novembre 2020 de la préfète des Landes en tant qu'ils autorisent la pêche professionnelle et amateur aux engins et filets de la grande alose et de la lamproie marine et rejeté le surplus de la demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête et des mémoires, enregistrés les 5 juin 2023, 8 août 2024 et 16 octobre 2024, l'association Défense des milieux aquatiques, représentée par Me Crecent, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du 5 avril 2023 ;
2°) d'annuler l'arrêté de la préfète des Landes du 24 novembre 2020 partiellement annulé par le jugement du tribunal administratif de Pau ;
3°) d'enjoindre à la préfète des Landes d'interdire la pêche professionnelle et amateur aux engins et filets des saumons, des grandes aloses, des aloses feintes, des lamproies marines et des lamproies fluviatiles, sans délai, sous astreinte de 500 euros par jour de retard ;
4°) d'enjoindre à l'autorité administrative de mettre en œuvre une évaluation des incidences Natura 2000 des activités de pêche aux engins et filets, à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 250 euros par jour de retard ;
5°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- Elle justifie d'un intérêt lui donnant qualité pour relever appel du jugement qui n'a pas fait droit à l'intégralité de sa demande ;
- le mémoire en défense est produit sous un format qui n'est pas conforme aux dispositions de l'article L. 300-4 du code des relations entre le public et l'administration ;
- le jugement qui n'a pas examiné le moyen tiré de la violation du principe de précaution en tant qu'il concerne l'atteinte à la mulette et à la mulette perlière, est irrégulier ;
- l'arrêté attaqué est entaché d'un vice de procédure tiré du défaut de saisine pour avis du conseil national de la protection de la nature, en méconnaissance des dispositions de l'article R. 411-13-1 du code de l'environnement ;
- il est entaché d'un vice de procédure tiré de l'absence d'évaluation des incidences Natura 2000 ;
- il méconnaît les dispositions du V de l'article L. 414-1 du code de l'environnement et des articles 2 et 14 de la directive Habitat en tant qu'il autorise l'activité de pêche aux engins de la lamproie marine, de la lamproie de rivière, de l'alose feinte, de la grande alose et du saumon atlantique qui sont des espèces d'intérêt communautaire dans un état de conservation défavorable ;
- il méconnaît le principe de précaution, posé par l'article 5 de la Charte de l'environnement et l'article L. 110-1 du code de l'environnement, en ce qui concerne les espèces lamproie marine, la lamproie de rivière, alose feinte, grande alose, du saumon atlantique, de la grande mulette et de la mulette perlière ;
- l'arrêté attaqué méconnaît les dispositions de l'arrêté du 23 avril 2007 fixant les listes des mollusques protégés sur l'ensemble du territoire et les modalités de leur protection et visant l'article L. 411-1 du code de l'environnement ;
- il méconnaît le principe de prévention, posé par l'article 3 de la Charte de l'environnement et l'article L. 110-1 du code de l'environnement ;
- il méconnaît les dispositions de l'article L. 436-16 du code de l'environnement ;
- il méconnaît les dispositions de l'article R. 4241-19 du code des transports ;
- il méconnaît les dispositions de l'article L. 219-9 du code de l'environnement ;
- l'arrêté est illégal, par la voie d'exception de l'illégalité de l'arrêté interdépartemental n°2016-1422 du 27 juin 2016, modifié le 13 septembre 2016, portant approbation du cahier des clauses et conditions particulières d'exploitation du droit de pêche de l'État pour la période du 1er janvier 2017 au 31 décembre 2021 ;
- l'arrêté est illégal, par voie d'exception de l'illégalité du plan de gestion des poissons migrateurs (PLAGEPOMI) et des alinéas, 2, 3, 5 et 6 de l'article R. 436-45 du code de l'environnement ;
- elle reprend, dans le cadre de l'effet dévolutif ou de l'évocation, l'ensemble des moyens invoqués en première instance et soulève notamment la méconnaissance des dispositions des paragraphes 1, 2 et 3 de l'article 6 de la directive Habitats-Faune-Flore, du V de l'article L. 414-1, du code de l'environnement, des articles L. 414-4, R. 414-19, L. 435-1, R. 435-2 et R. 414-23 du code de l'environnement, de l'article L. 2122-1 du code général de la propriété des personnes publiques, du principe de précaution, de l'arrêté du 23 avril 2007 fixant les listes des mollusques protégés sur l'ensemble du territoire et les modalités de leur protection, de l'incompatibilité de la pêche aux engins et filets organisés par le PLAGEPOMI avec le statut Natura 2000 des eaux de l'Adour.
Par des mémoires en défense, enregistrés les 8 juillet 2024 et 3 septembre 2024, le ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires conclut au rejet de la requête.
Il fait valoir que :
- les conclusions d'annulation de la requête dirigées contre l'arrêté n°64-2020-11-23-011 du préfet des Pyrénées Atlantiques du 23 novembre 2020, qui n'est pas l'arrêté dont le tribunal administratif de Pau a été saisi dans le présent litige, sont nouvelles en appel et par suite irrecevables ;
- aucun moyen n'est fondé.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la directive 92/43/CE du Parlement Européen et du Conseil du 21 mai 1992 ;
- le code de l'environnement ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Carine Farault,
- les conclusions de Mme Pauline Reynaud, rapporteure publique,
- et les observations de Me Crecent pour l'association DMA.
Une note en délibéré présentée par Me Crecent a été enregistrée le 19 avril 2025.
Considérant ce qui suit :
1. Par arrêté du 24 novembre 2020, la préfète des Landes a fixé les périodes d'ouverture et les modalités de la pêche en eau douce au sein du bassin de l'Adour pour l'année 2021. L'association Défense des milieux aquatiques (DMA) a demandé au tribunal administratif de Pau l'annulation de cet arrêté. Par un jugement du 5 avril 2023, le tribunal administratif de Pau a annulé les articles 2 et 3 de l'arrêté du 24 novembre 2020 de la préfète des Landes en tant qu'ils autorisent la pêche professionnelle et amateur aux engins et filets de la grande alose et de la lamproie marine. L'association DMA relève appel du jugement par lequel le tribunal administratif de Pau a partiellement annulé l'arrêté du 24 novembre 2020.
Sur la fin de non-recevoir opposée par le ministre :
2. Si le ministre fait valoir que les conclusions de l'association requérante tendant à l'annulation de l'arrêté n° 64-2020-11-23-011 du préfet des Pyrénées-Atlantiques du 23 novembre 2020 sont nouvelles en appel et par suite, irrecevables, il ressort toutefois des pièces du dossier qu'il s'agit d'une erreur matérielle. En effet, l'association requérante relève appel du jugement n°2100157 du 5 avril 2023 par lequel le tribunal administratif de Pau a annulé les articles 2 et 3 de l'arrêté du 24 novembre 2020 de la préfète des Landes dont elle demande l'annulation. Ses conclusions d'annulation, qu'elle a modifiées dans les mémoires en réplique des 8 août 2024 et 16 octobre 2024, sont dirigées contre ce jugement ainsi que contre l'arrêté du 24 novembre 2020 de la préfète des Landes, qu'elle a produit. Par suite, la fin de non-recevoir opposée par le ministre doit être écartée.
Sur la fin de non-recevoir opposée par la requérante :
3. Aux termes de l'article L. 300-4 du code des relations entre le public et l'administration : " Toute mise à disposition effectuée sous forme électronique en application du présent livre se fait dans un standard ouvert, aisément réutilisable et exploitable par un système de traitement automatisé ". Aux termes de l'article R. 414-1 du code de justice administrative : " Lorsqu'elle est présentée par (...) une personne morale de droit public autre qu'une commune de moins de 3 500 habitants (...), la requête doit, à peine d'irrecevabilité, être adressée à la juridiction par voie électronique au moyen d'une application informatique dédiée accessible par le réseau internet. (...) ".
4. Aux termes de l'article 1er de l'arrêté du 2 mai 2018 relatif aux caractéristiques techniques de l'application mentionnée à l'article R. 414-1 du code de justice administrative : " L'application informatique mentionnée à l'article R. 414-1 du code de justice administrative est une application fondée sur une procédure électronique de transmission utilisant le réseau Internet, dénommée " Télérecours ". / Elle permet aux avocats, (...), aux personnes morales de droit public (...) d'introduire des requêtes, d'échanger avec les juridictions administratives des mémoires, des pièces et des courriers durant la procédure contentieuse et de consulter leur dossier contentieux par voie électronique. La liaison avec le site s'effectue au moyen d'un protocole sécurisé. (...) ". L'article 7 de cet arrêté dispose que " La disposition d'un navigateur Internet usuel dans une version maintenue par l'éditeur est recommandée pour une utilisation optimale de l'application Télérecours. L'utilisation de l'application requiert en outre un logiciel permettant la lecture des documents au format PDF (Portable Document Format). " et l'article 8 précise que " L'application Télérecours accepte les fichiers aux formats PDF, DOC, DOCX (document Word), RTF (Rich Text Format), JPEG (Joint Photographic Expert Group) et ODT (Open Document). Ces fichiers doivent uniquement avoir un contenu statique, être non protégés, et leur taille maximale est fixée à 32 Mo. /Pour les documents comportant une signature électronique, seules les signatures au format PADES des documents PDF peuvent être transmises. ". Enfin l'article 9 de l'arrêté indique que l'application Télérecours permet de paramétrer les droits d'accès des personnes habilitées à s'y connecter selon, d'une part, les fonctionnalités qu'elles sont autorisées à utiliser et, d'autre part, les dossiers auxquels elles sont autorisées à accéder. Les fonctionnalités que les personnes sont autorisées à utiliser en tout ou partie comprennent la consultation de l'application, la préparation de la transmission de documents, la validation de la transmission de documents ainsi que la gestion des profils des différents utilisateurs et le paramétrage des subdivisions permettant l'accès aux dossiers.
5. Le 8 juillet 2024, l'application Télérecours a émis un accusé de réception de l'enregistrement du document déposé le même jour par le ministre chargé de l'écologie, sous un format PDF, conformément aux dispositions précitées de l'arrêté du 2 mai 2018 relatif aux caractéristiques techniques de l'application mentionnée à l'article R. 414-1 du code de justice administrative. L'association requérante n'est pas fondée à se prévaloir des dispositions précitées de l'article L. 300-4 du code des relations entre le public et l'administration au seul motif que le format standardisé du mémoire en défense aurait retardé son analyse, faute d'avoir pu procéder à l'extraction numérique de parties du texte. Le moyen soulevé ne peut qu'être écarté.
Sur les conclusions d'annulation de l'arrêté de la préfète des Landes du 24 novembre 2020 :
6. L'article L. 414-4 du code de l'environnement prévoit que : " I. Lorsqu'ils sont susceptibles d'affecter de manière significative un site Natura 2000, individuellement ou en raison de leurs effets cumulés, doivent faire l'objet d'une évaluation de leurs incidences au regard des objectifs de conservation du site, dénommée ci-après " Evaluation des incidences Natura 2000" : / 1° Les documents de planification qui, sans autoriser par eux-mêmes la réalisation d'activités, de travaux, d'aménagements, d'ouvrages ou d'installations, sont applicables à leur réalisation ; / 2° Les programmes ou projets d'activités, de travaux, d'aménagements, d'ouvrages ou d'installations ; / 3° Les manifestations et interventions dans le milieu naturel ou le paysage. (...) / III. Sous réserve du IV bis, les documents de planification, programmes ou projets ainsi que les manifestations ou interventions soumis à un régime administratif d'autorisation, d'approbation ou de déclaration au titre d'une législation ou d'une réglementation distincte de Natura 2000 ne font l'objet d'une évaluation des incidences Natura 2000 que s'ils figurent : / 1° Soit sur une liste nationale établie par décret en Conseil d'Etat ; / 2° Soit sur une liste locale, complémentaire de la liste nationale, arrêtée par l'autorité administrative compétente. / IV. Tout document de planification, programme ou projet ainsi que toute manifestation ou intervention qui ne relève pas d'un régime administratif d'autorisation, d'approbation ou de déclaration au titre d'une législation ou d'une réglementation distincte de Natura 2000 peut être soumis à autorisation en application de la présente section et fait alors l'objet d'une évaluation des incidences Natura 2000. Sans préjudice de l'application du IV bis, une liste locale des documents de planification, programmes ou projets ainsi que des manifestations ou interventions concernés est arrêtée par l'autorité administrative compétente parmi ceux figurant sur une liste nationale de référence établie par décret en Conseil d'Etat. / IV bis. Tout document de planification, programme ou projet ainsi que manifestation ou intervention susceptible d'affecter de manière significative un site Natura 2000 et qui ne figure pas sur les listes mentionnées aux III et IV fait l'objet d'une évaluation des incidences Natura 2000 sur décision motivée de l'autorité administrative. (...) ".
7. Il résulte des dispositions du I et du IV bis de l'article L. 414-4 du code de l'environnement, qui ont pour objet de transposer l'article 6 de la directive Habitats, tel qu'interprété par l'arrêt de la Cour de justice de l'Union européenne (CJUE) du 7 septembre 2004, Waddenvereniging et Vogelbeschermingsvereniging (affaire C-127/02), que tout plan ou projet, non directement lié ou nécessaire à la gestion du site Natura 2000, fait l'objet d'une évaluation appropriée de ses incidences sur celui-ci au regard des objectifs de conservation de ce site, lorsqu'il ne peut être exclu, sur la base d'éléments objectifs, que le projet est susceptible d'affecter ledit site de manière significative, individuellement ou en conjugaison avec d'autres plans ou projets.
8. Par suite, l'arrêté fixant les périodes d'ouverture de la pêche en eau douce dans le département des Landes doit donner lieu à une évaluation de ses incidences sur le site Natura 2000 situé dans son ressort géographique lorsque l'exercice de l'activité de pêche qu'il organise est susceptible d'affecter de manière significative les espèces à la protection desquelles ce site est dédié. La circonstance que l'activité de pêche en litige ne figure pas sur les listes prévues au III de l'article L. 414-4 du code de l'environnement ne la dispense pas de l'évaluation des incidences lorsque la condition figurant aux I et IV bis de cet article est remplie.
9. Il ressort des pièces du dossier que le bassin versant de l'Adour s'étend sur quatre départements (Gers, Landes, Pyrénées-Atlantiques et Hautes-Pyrénées) et a été désigné par arrêté du 23 septembre 2016 " Zone Spéciale de Conservation " (zone " FR7200724 - L'ADOUR ") laquelle correspond au parcours de l'Adour depuis la limite des départements des Landes et du Gers en amont jusqu'à l'embouchure à Anglet dans le département des Pyrénées-Atlantiques. Il est constant qu'aucune évaluation des incidences n'a été réalisée à l'échelle du bassin de l'Adour.
10. En l'espèce, d'une part, selon la liste rouge des espèces protégées en France dressée par l'Union internationale pour la conservation de la nature (UICN) en juillet 2019, la lamproie marine a été classée comme espèce " en danger d'extinction ", alors qu'elle était répertoriée dans la catégorie " quasi-menacée " sur cette même liste en 2010. Cette évolution traduit un risque de disparition de l'espèce, selon l'analyse de l'UICN. En outre, le bilan du PLAGEPOMI du bassin de l'Adour 2015-2019 constate un état alarmant et une tendance à la forte dégradation. La grande alose est classée en " danger critique d'extinction " sur la liste rouge France de l'UICN dressée en 2019, auparavant classée " vulnérable " en 2010, traduisant également un risque de disparition de l'espèce. La situation, est préoccupante et continue de se dégrader dans le bassin de l'Adour selon le bilan du PLAGEPOMI 2015-2019. L'alose feinte est identifiée comme une espèce quasi-menacée sur la liste rouge des poissons d'eau douce de France, avec un état de conservation qui se dégrade. Cette espèce est par suite, selon les données de l'inventaire national du patrimoine naturel, proche du seuil des espèces menacées ou qui pourraient être menacées si des mesures de conservation spécifiques n'étaient pas prises. Si la situation de la lamproie fluviatile figure sur les listes rouges mondiale et européenne des espèces menacées en état de préoccupation mineure, qui est le premier niveau du risque d'extinction de l'espèce, il ressort des pièces du dossier que cette espèce est en revanche qualifiée de vulnérable selon la liste rouge des poissons d'eau douce de France métropolitaine établie en 2019. Son état de conservation est également jugé " défavorable-mauvais " au regard des objectifs de conservation de la directive " Habitats " dans la région Atlantique. S'agissant du saumon atlantique, l'espèce est identifiée dans la catégorie " espèce vulnérable " sur liste rouge européenne dressée par l'UICN, ainsi qu'en catégorie " quasi-menacée " sur la liste rouge des poissons d'eau douce de France. Au regard des critères de la directive " Habitats ", l'état de conservation du saumon est " défavorable-mauvais " en particulier dans la région Atlantique.
11. D'autre part, le PLAGEPOMI de l'Adour 2015-2019 précise que l'exploitation de la grande alose et de la lamproie marine est essentiellement due à la pêche professionnelle fluvio-estuarienne au filet dérivant, ces deux espèces constituant les deux principales espèces en tonnage de captures professionnelles. Le bilan d'application du PLAGEPOMI de l'Adour 2015-2019 relève également que la situation de certaines espèces de poissons migrateurs amphihalins s'est dégradée sensiblement ces dernières années, malgré les efforts menés notamment pour réduire la pression de pêche, soit par l'instauration de quotas de pêche au niveau national, soit par l'instauration de restrictions de pêche au filet. Il résulte par ailleurs de ce bilan que, s'agissant de la lamproie marine, ce bilan relève une évolution défavorable de l'espèce du fait de pressions différentes, et notamment de la pression de pêche professionnelle au filet. Selon ce bilan, l'effondrement des captures de lamproies depuis le début des années 2010 met en évidence le déclin sévère de l'espèce. Il ressort en outre des pièces du dossier qu'il est fait état d'une situation médiocre et fragile selon le bilan d'application du PLAGEPOMI de 2015-2019, qui précise également que pour les espèces pour lesquelles la situation est préoccupante à mauvaise, la question des mortalités directes d'origine anthropique, et notamment celle de l'exploitation par la pêche, prend une acuité encore plus marquée que précédemment. Si le ministre fait valoir que le document d'objectifs (DOCOB) du site Natura 2000 L'Adour n'identifie pas les mesures d'encadrement de la pêche comme des mesures prioritaires, il ressort toutefois de ce document que les enjeux de l'usage halieutique sont pris en compte et que la pêche figure parmi les menaces et les facteurs de pression. Le DOCOB précise en particulier, que la pêche professionnelle constitue un enjeu majeur pour la grande alose et l'alose feinte et un enjeu fort en ce qui concerne la lamproie marine.
12. Ainsi, en fixant les périodes d'ouverture de la pêche en eau douce dans le département des Landes en 2021, l'arrêté attaqué, qui autorise la capture d'espèces de poissons migrateurs dont l'état de conservation est protégé au regard des objectifs de conservation de ce site, est susceptible d'affecter de manière significative le site Natura 2000 de l'Adour. L'arrêté par lequel la préfète des Landes a fixé les conditions d'exercice de la pêche en eau douce en 2021 dans ce département, devait, conformément aux dispositions précitées des I et IV bis de l'article L. 414-4 du code de l'environnement, faire l'objet d'une évaluation de ses incidences au regard des objectifs de conservation du site. Par suite, l'arrêté attaqué a été pris à l'issue d'une procédure irrégulière.
13. Il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, que l'association DMA est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Pau a seulement annulé les articles 2 et 3 de l'arrêté du 24 novembre 2020 de la préfète des Landes en tant qu'ils autorisent la pêche professionnelle et amateur aux engins et filets de la grande alose et de la lamproie marine et rejeté le surplus de sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté préfectoral du 24 novembre 2020 de la préfète des Landes.
Sur les conclusions aux fins d'injonction et d'astreinte :
14. L'annulation de l'arrêté du 24 novembre 2020, qui réglemente la pêche pour l'année 2021, n'implique aucune mesure d'exécution. Par suite, les conclusions aux fins d'injonction et d'astreinte doivent être rejetées.
Sur les frais liés au litige :
15. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 000 euros au titre des frais exposés par l'association requérante et non compris dans les dépens.
DECIDE :
Article 1er : L'arrêté de la préfète des Landes du 24 novembre 2020 est annulé.
Article 2 : Le jugement du tribunal administratif de Pau du 5 avril 2023 est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.
Article 3 : l'Etat versera à l'association DMA une somme de 1 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à l'association de Défense des milieux aquatiques et au ministre de la transition de la biodiversité, de la forêt, de la mer et de la pêche.
Copie en sera adressée au préfet des Landes.
Délibéré après l'audience du 17 avril 2025 à laquelle siégeaient :
Mme Frédérique Munoz-Pauziès, présidente,
Mme Bénédicte Martin, présidente assesseure,
Mme Carine Farault, première conseillère,
Rendu public par mise à disposition au greffe le 7 mai 2025.
La rapporteure,
Carine Farault
La présidente,
Frédérique Munoz-PauzièsLa greffière,
Laurence Mindine
La République mande et ordonne au ministre de la transition de la biodiversité, de la forêt, de la mer et de la pêche en ce qui le concerne et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 23BX01518