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07/05/2025 | FRANCE | N°23BX01976

France | France, Cour administrative d'appel de BORDEAUX, 4ème chambre, 07 mai 2025, 23BX01976


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Bordeaux de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de prélèvements sociaux qui lui ont été réclamés au titre des années 2015 et 2016 pour un montant total de 41 962 euros en droits et pénalités.



Par un jugement n° 2106265 du 17 mai 2023, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande.



Procédure devant la cour :


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Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Bordeaux de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de prélèvements sociaux qui lui ont été réclamés au titre des années 2015 et 2016 pour un montant total de 41 962 euros en droits et pénalités.

Par un jugement n° 2106265 du 17 mai 2023, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 13 juillet 2023, M. A..., représenté par Me Sabban, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Bordeaux du 17 mai 2023 ;

2°) d'ordonner le sursis à statuer jusqu'à l'issue de la procédure pendante devant le tribunal administratif de Montreuil concernant les mêmes faits ;

3°) de prononcer la décharge de ces cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de prélèvements sociaux en droits et pénalités ;

4°) de lui accorder le bénéfice du sursis de paiement, en application des dispositions de l'article L. 277 du livre des procédures fiscales ;

5°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 500 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- la proposition de rectification est insuffisamment motivée en ce qu'elle ne fait pas mention du bail conclu entre la société Shirts-U, dont M. A... est le gérant majoritaire et l'associé unique, et la SCI A..., et ne comporte aucun élément de nature à démontrer que l'appartement loué par la société Shirts-U fait l'objet d'un usage privé ;

- c'est à tort que l'administration fiscale a considéré les frais de location d'un appartement à Paris comme des avantages en nature et a remis en cause leur caractère déductible, dès lors qu'ils ont été exposés dans l'intérêt direct de la société Shirts-U ; ces frais étant déductibles, ils ne peuvent dès lors revêtir la qualification de distribution occulte et donner lieu à l'application de pénalités.

Par un mémoire en défense, enregistré le 28 septembre 2023, le ministre chargé des comptes publics conclut au rejet de la requête.

Il soutient qu'aucun des moyens invoqués par la requérante n'est fondé.

Par ordonnance du 16 décembre 2024, la clôture de l'instruction a été fixée au 17 février 2025 à 12h.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Lucie Cazcarra,

- les conclusions de Mme Pauline Reynaud, rapporteure publique,

- et les observations de Me Sabban, représentant M. A....

Considérant ce qui suit :

1. M. A... a fait l'objet d'un contrôle sur pièces à l'issue duquel lui ont été notifiés, par une proposition de rectification du 15 juin 2018, des rehaussements d'imposition dans la catégorie des revenus de capitaux mobiliers, à raison de revenus regardés comme distribués par la société Shirts-U, dont il est le gérant et l'associé unique, sur le fondement des dispositions du c. de l'article 111 du code général des impôts. Il a, en conséquence, été assujetti au titre des années 2015 et 2016, à des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et à des cotisations primitives de contributions sociales, majorées des intérêts de retard et d'une pénalité de 40 % sur le fondement de l'article 1729 du code général des impôts. Par la présente requête, M. A... relève appel du jugement du 17 mai 2023 par lequel le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande tendant à la décharge de ces impositions supplémentaires, en droits et pénalités.

Sur les conclusions à fin de sursis à statuer :

2. M. A... demande à ce qu'il soit sursis à statuer dans l'attente du jugement du tribunal administratif de Montreuil à intervenir, portant sur la réintégration des sommes litigieuses au bénéfice imposable de sa société, la SARL Shirts-U.

3. Le jugement du tribunal administratif de Montreuil étant intervenu le 5 février 2024, les conclusions à fin de sursis à statuer ne peuvent qu'être rejetées.

Sur la régularité de la procédure d'imposition :

4. Aux termes du premier alinéa de l'article L. 57 du livre des procédures fiscales : " L'administration adresse au contribuable une proposition de rectification qui doit être motivée de manière à lui permettre de formuler ses observations ou de faire connaître son acceptation ". Aux termes de l'article R. 57-1 du même livre : " La proposition de rectification prévue par l'article L. 57 fait connaître au contribuable la nature et les motifs de la rectification envisagée. / (...) ". Il résulte de ces dispositions que, pour être régulière, une proposition de rectification doit comporter la désignation de l'impôt concerné, de l'année d'imposition et de la base d'imposition, et énoncer les motifs sur lesquels l'administration entend se fonder pour justifier les redressements envisagés de façon à permettre au contribuable de formuler ses observations de manière utile.

5. Il résulte de l'instruction que la proposition de rectification du 15 juin 2018 adressée à M. A... indique qu'elle porte, en matière d'impôt sur le revenu et de contributions sociales, au titre des années 2015 et 2016, sur des revenus de capitaux mobiliers, résultant de revenus considérés comme ayant été distribués par la SARL Shirts-U à M. A..., conformément aux dispositions des articles 109-1 et 111 c du code général des impôts. La proposition de rectification précise également, qu'à la suite de la vérification de comptabilité de la SARL, le service a constaté une anomalie portant sur des charges correspondant à la location d'un appartement situé à Paris, acquis par la SCI A..., et dont le locataire était M. A..., ces charges n'ayant pas été inscrites en comptabilité ni déclarées en avantage en nature. La proposition de rectification adressée à M. A... mentionne enfin le montant des rehaussements relatifs à ces revenus réputés distribués, taxables à l'impôt sur le revenu au nom de leur bénéficiaire, ainsi que celui des prélèvements sociaux et pénalités y afférents. Dans ces conditions, le moyen tiré de l'insuffisance de motivation de la proposition de rectification doit être écarté.

Sur le bien-fondé des impositions en litige :

6. D'une part, aux termes de l'article R. 194-1 du livre des procédures fiscales : " Lorsque, ayant donné son accord à la rectification ou s'étant abstenu de répondre dans le délai légal à la proposition de rectification, le contribuable présente cependant une réclamation faisant suite à une procédure contradictoire de rectification, il peut obtenir la décharge ou la réduction de l'imposition, en démontrant son caractère exagéré. (...) ".

7. M. A... n'ayant pas présenté d'observations en réponse à la proposition de rectification du 15 juin 2018, dans le délai de trente jours régulièrement prolongé, il lui appartient d'établir le caractère exagéré des impositions en litige.

8. D'autre part, aux termes de l'article 54 bis du code général des impôts : " Les contribuables visés à l'article 53 A (...) doivent obligatoirement inscrire en comptabilité, sous une forme explicite, la nature et la valeur des avantages en nature accordés à leur personnel ". Aux termes de l'article 109 du même code : " 1. Sont considérés comme revenus distribués : / 1° Tous les bénéfices ou produits qui ne sont pas mis en réserve ou incorporés au capital ; 2° Toutes les sommes ou valeurs mises à la disposition des associés, (...) non prélevées sur les bénéfices (...) ". Aux termes de l'article 111 de ce code : " Sont notamment considérés comme revenus distribués : / (...) / c. Les rémunérations et avantages occultes ".

9. Il résulte de ces dispositions que, lorsqu'une société comptabilise indistinctement dans son compte de frais généraux des avantages en nature accordés à l'un des membres de son personnel et que ce dernier ne déclare pas ces suppléments de rémunération, ces avantages présentent un caractère occulte et sont dès lors constitutifs de revenus distribués.

10. Il résulte de l'instruction, et plus particulièrement du bail d'habitation conclu le 1er avril 2013 entre la SCI A... et la société Shirts-U, que la société Shirts-U a mis à disposition de son gérant, M. A..., un appartement situé à Paris. Dès lors que cet avantage n'a pas été explicitement inscrit dans la comptabilité de la société et que M. A... ne l'a pas déclaré comme avantage en nature, c'est à bon droit que l'administration l'a regardé comme constituant un avantage occulte et a réintégré son montant non contesté dans les bases d'imposition de M. A... pour être imposé à l'impôt sur le revenu dans la catégorie des revenus de capitaux mobiliers. La circonstance que M. A... a utilisé cet appartement à des fins professionnelles est sans incidence sur le caractère occulte de cet avantage.

Sur la majoration :

11. Aux termes de l'article 1729 du code général des impôts : " Les inexactitudes ou les omissions relevées dans une déclaration ou un acte comportant l'indication d'éléments à retenir pour l'assiette ou la liquidation de l'impôt ainsi que la restitution d'une créance de nature fiscale dont le versement a été indûment obtenu de l'Etat entraînent l'application d'une majoration de : a. 40 % en cas de manquement délibéré ; (...) ". Aux termes de l'article L. 195 A du livre des procédures fiscales : " En cas de contestation des pénalités fiscales appliquées à un contribuable au titre des impôts directs, (...) la preuve de la mauvaise foi et des manœuvres frauduleuses incombe à l'administration ".

12. Il résulte de ces dispositions que la pénalité pour manquement délibéré a pour seul objet de sanctionner la méconnaissance par le contribuable de ses obligations déclaratives. Pour établir ce manquement délibéré, l'administration doit apporter la preuve, d'une part, de l'insuffisance, de l'inexactitude ou du caractère incomplet des déclarations et, d'autre part, de l'intention de l'intéressé d'éluder l'impôt.

13. Pour justifier l'application de la majoration de 40 % prévue en cas de manquement délibéré aux impositions en litige, l'administration a retenu, selon les termes de la proposition de rectification adressée à M. A... le 15 juin 2018, que ce dernier savait nécessairement que l'appartement dans lequel il habitait la semaine était un avantage en nature devant être déclaré à l'impôt sur le revenu dans la catégorie " traitements et salaires ". L'administration a relevé qu'alors que les loyers payés par la SARL Shirts-U n'avaient pas été déclarés en avantage en nature au titre des années 2015 et 2016, cette même société a comptabilisé au crédit du compte " avantage en nature " au titre de l'année 2016 le montant forfaitaire de l'avantage en nature accordé à la directrice commerciale pour la mise à disposition d'un logement. Dès lors, en sa qualité de gérant de la société, M. A... ne pouvait ignorer qu'il bénéficiait d'un avantage en nature devant être déclaré. Par ces considérations, l'administration doit être regardée comme apportant la preuve, qui lui incombe, de l'intention délibérée de M. A... d'éluder l'impôt et, par suite, du bien-fondé de la majoration pour manquement délibéré dont ont été assorties, en application des dispositions précitées, les cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et les contributions sociales au titre des années 2015 et 2016.

14. Il résulte de tout ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande. Doivent être rejetées, par voie de conséquence, les conclusions de M. A... présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et, en tout état de cause, les conclusions à fin de sursis de paiement.

DECIDE :

Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A... et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.

Copie en sera adressée à la direction spécialisée de contrôle fiscal Ile de France.

Délibéré après l'audience du 17 avril 2025 à laquelle siégeaient :

Mme Frédérique Munoz-Pauziès, présidente,

Mme Bénédicte Martin, présidente-assesseure,

Mme Lucie Cazcarra, première conseillère,

Rendu public par mise à disposition au greffe le 7 mai 2025.

La rapporteure,

Lucie CazcarraLa présidente,

Frédérique Munoz-Pauziès La greffière,

Laurence Mindine

La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

2

N° 23BX01976


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de BORDEAUX
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 23BX01976
Date de la décision : 07/05/2025
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : Mme MUNOZ-PAUZIES
Rapporteur ?: Mme Lucie CAZCARRA
Rapporteur public ?: Mme REYNAUD
Avocat(s) : SABBAN

Origine de la décision
Date de l'import : 11/05/2025
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2025-05-07;23bx01976 ?
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