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07/05/2025 | FRANCE | N°24BX02746

France | France, Cour administrative d'appel de BORDEAUX, 4ème chambre, 07 mai 2025, 24BX02746


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



Mme A... E..., épouse C..., a demandé au tribunal administratif de Limoges d'annuler l'arrêté du 24 mai 2024 par lequel le préfet de la Haute-Vienne a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel elle serait éloignée à défaut de se conformer à cette mesure.



Par une requête distincte, M. D... C... a demandé au tribunal administratif

de Limoges d'annuler l'arrêté du 24 mai 2024 par lequel le préfet de la Haute-Vienne a refusé de lui délivr...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme A... E..., épouse C..., a demandé au tribunal administratif de Limoges d'annuler l'arrêté du 24 mai 2024 par lequel le préfet de la Haute-Vienne a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel elle serait éloignée à défaut de se conformer à cette mesure.

Par une requête distincte, M. D... C... a demandé au tribunal administratif de Limoges d'annuler l'arrêté du 24 mai 2024 par lequel le préfet de la Haute-Vienne a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours, a fixé le pays à destination duquel il serait éloigné à défaut de se conformer à cette mesure et a prononcé, à son encontre, une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée de trois ans.

Par deux jugements n° 2401167 et n° 2401166, respectivement intervenus les 24 septembre et 8 octobre 2024, le tribunal administratif de Limoges a rejeté leurs demandes.

Procédure devant la cour :

I. Par une requête, enregistrée le 21 novembre 2024 sous le n° 24BX02746, Mme E..., épouse C..., représentée par Me Karakus, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement n° 2401167 du tribunal administratif de Limoges du 24 septembre 2024 ;

2°) d'annuler l'arrêté du 24 mai 2024 par lequel le préfet de la Haute-Vienne a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel elle est susceptible d'être éloignée d'office ;

3°) d'enjoindre au préfet de la Haute-Vienne de procéder au réexamen de sa demande dans un délai de deux mois à compter de l'arrêt à intervenir ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros à verser à son conseil sur le fondement des articles 37 de la loi du 10 juillet 1991 et L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

En ce qui concerne le refus de titre de séjour et l'obligation de quitter le territoire français :

- ils méconnaissent l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

En ce qui concerne l'interdiction de retour sur le territoire français :

- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation au regard de ses conséquences sur sa situation personnelle ;

- la durée de l'interdiction est disproportionnée ;

Par un mémoire en défense, enregistré le 28 mars 2025, le préfet de la Haute-Vienne conclut au rejet de la requête.

Il fait valoir que :

- l'arrêté attaqué ne comporte aucune interdiction de retour sur le territoire français ;

- aucun des moyens soulevés par Mme C... n'est fondé.

Mme E..., épouse C..., a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision n° 2024/002817 du 17 octobre 2024 du bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal judiciaire de Bordeaux.

II. Par une requête, enregistrée le 9 décembre 2024 sous le n° 24BX02929, M. C..., représenté par Me Karakus, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement n° 2401166 du tribunal administratif de Limoges du 8 octobre 2024 ;

2°) d'annuler l'arrêté du 24 mai 2024 par lequel le préfet de la Haute-Vienne a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours, a fixé le pays à destination duquel il est susceptible d'être éloigné d'office et a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée de trois ans ;

3°) d'enjoindre au préfet de la Haute-Vienne de procéder au réexamen de sa demande dans un délai de deux mois à compter de l'arrêt à intervenir ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros à verser à son conseil sur le fondement des articles 37 de la loi du 10 juillet 1991 et L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

En ce qui concerne le refus de titre de séjour et l'obligation de quitter le territoire français :

- ils méconnaissent l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

En ce qui concerne l'interdiction de retour sur le territoire français :

- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation au regard de ses conséquences sur sa situation personnelle ;

- la durée de l'interdiction est disproportionnée ;

Par un mémoire en défense, enregistré le 28 mars 2025, le préfet de la Haute-Vienne conclut au rejet de la requête.

Il fait valoir que :

- les conclusions dirigées contre l'interdiction de retour sur le territoire français sont nouvelles en appel ;

- aucun des moyens soulevés par M. C... n'est fondé.

M. C... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision n° 2024/003094 du 7 novembre 2024 du bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal judiciaire de Bordeaux.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n°91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

La présidente de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

A été entendu au cours de l'audience publique le rapport de Mme Lucie Cazcarra.

Considérant ce qui suit :

1. Mme E..., épouse C..., et M. C..., se présentant comme ressortissants kosovares respectivement nés les 20 novembre 1965 et 9 octobre 1966 à Mitrovica, déclarent être entrés en France le 3 décembre 2002. Après que M. et Mme C... se sont vu reconnaître la qualité de réfugié par décisions des 25 et 26 mai 2004, le directeur général de l'Office français de protection des réfugiés et des apatrides (Ofpra) a mis fin à cette protection par décisions des 15 avril et 15 novembre 2021. Le 22 août 2023, M. et Mme C... ont sollicité la délivrance de titres de séjour portant la mention " vie privée et familiale ". Par deux arrêtés du 24 mai 2024, le préfet de la Haute-Vienne a rejeté leur demande, les a obligés à quitter le territoire français dans un délai de trente jours, a fixé le pays de renvoi et a prononcé à l'encontre de M. C... une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée de trois ans. Par les présentes requêtes, M. et Mme C... relèvent appel des jugements des 24 septembre et 8 octobre 2024 par lesquels le tribunal administratif de Limoges a rejeté leur demande tendant à l'annulation de ces arrêtés.

Sur la jonction :

2. Les requêtes susvisées n° 24BX02746 et n° 24BX02929 concernent la situation d'un couple et présentent à juger des questions semblables. Il y a lieu de les joindre afin qu'il y soit statué par un même arrêt.

Sur le bien-fondé du jugement :

En ce qui concerne les refus de titre de séjour et les obligations de quitter le territoire français :

3. Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. (...) ".

4. Les requérants font valoir, qu'à la date des arrêtés contestés, ils résidaient en France depuis vingt-deux ans et que leurs neuf enfants, avec lesquels ils entretiennent des relations, ont grandi sur le territoire français. Ils indiquent également vivre avec l'un de leur fils, titulaire de la nationalité française. Il ressort toutefois des pièces du dossier que la continuité de leur séjour en France n'est pas établie alors que M. C... a été condamné par une décision du 19 mai 2004 de la Cour d'assises d'appel de Florence, devenue définitive, à une peine d'emprisonnement de onze ans et cinq mois pour avoir commis, entre 1996 et 1999, des faits d'association de malfaiteurs, de réduction en esclavage en réunion, de violence pour obliger d'autres personnes à commettre des infractions en réunion, de vol aggravé, de faux matériel commis par un particulier dans un acte administratif, de substitution de personnes en réunion et de coups et blessures aggravés en réunion. Compte tenu de la gravité des faits dont M. C... s'est rendu coupable, le statut de réfugié lui a été retiré par une décision du directeur de l'OFPRA du 15 avril 2021, qui a été confirmée par une décision de la Cour nationale du droit d'asile du 31 janvier 2023. Par décision du directeur de l'OFPRA du 15 novembre 2021, Mme C... s'est également vu retirer le statut de réfugié qu'elle avait obtenu sur la base du principe de l'unité de famille. Si les requérants se prévalent de la présence en France de leurs neuf enfants majeurs, dont deux ont la nationalité française, la présence de M. et Mme C... à leur côté n'apparaît pas indispensable. En outre, il ressort du casier judiciaire de Mme C..., produit par le préfet, que le 12 mars 2018, elle a été condamnée par le président du tribunal de grande instance de Limoges à huit mois d'emprisonnement avec sursis pour des faits de soustraction par un parent à ses obligations légales, compromettant la santé, la sécurité, la moralité ou l'éducation de son enfant, commis du 4 septembre 2015 au 16 janvier 2017. Il ressort également des pièces du dossier que, lorsqu'ils étaient âgés de quinze, treize et dix ans, leurs trois enfants cadets ont été confiés à des tuteurs par ordonnance du tribunal de grande instance de Limoges du 7 janvier 2016, puis placés à l'aide sociale à l'enfance par ordonnance du tribunal de grande instance de Limoges du 12 mai 2017. Enfin, et en dépit de la durée de résidence en France dont ils se prévalent, M. et Mme C... ne justifient d'aucune insertion professionnelle. Ils ne perçoivent par conséquent aucun revenu professionnel, ainsi qu'en attestent leurs déclarations de revenus. Au regard de leurs conditions de séjour en France et de la menace pour l'ordre public que représente la présence en France de M. C..., les requérants ne sont pas fondés à soutenir que les décisions par lesquelles le préfet de la Haute-Vienne a refusé de leur délivrer un titre de séjour et les a obligés à quitter le territoire français porte une atteinte disproportionnée à leur droit au respect de leur vie privée et familiale en méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

En ce qui concerne les interdictions de retour sur le territoire français :

5. En premier lieu, et ainsi que le fait valoir le préfet en défense, l'arrêté en litige ne prévoit aucune mesure d'interdiction de retour sur le territoire français à l'encontre de Mme C.... Dans ces conditions, ses conclusions à fin d'annulation dirigées contre une telle mesure sont irrecevables.

6. En second lieu, et ainsi que le relève le préfet dans ses écritures, il résulte des pièces du dossier de première instance que, devant le tribunal administratif, M. C... n'a pas présenté de conclusions d'annulation à l'encontre de la mesure d'interdiction de retour sur le territoire français dont il fait l'objet. Ses conclusions constituent, dans cette mesure, des conclusions nouvelles en appel et sont, par suite, irrecevables.

7. Il résulte de tout ce qui précède que M. et Mme C... ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par les jugements attaqués, le tribunal administratif de Limoges a rejeté leurs conclusions à fin d'annulation des arrêtés du préfet de la Haute-Vienne du 24 mai 2024. Par voie de conséquence, leurs conclusions à fin d'injonction doivent être rejetées ainsi que celles présentées au titre des frais liés au litige

DECIDE :

Article 1er : Les requêtes de Mme E..., épouse C..., et de M. C... sont rejetées.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A... E..., épouse C..., à M. D... C..., et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée au préfet de la Haute-Vienne

Délibéré après l'audience du 17 avril 2025 à laquelle siégeaient :

Mme Frédérique Munoz-Pauziès, présidente,

Mme Bénédicte Martin, présidente-assesseure,

Mme Lucie Cazcarra, première conseillère,

Rendu public par mise à disposition au greffe le 7 mai 2025.

La rapporteure,

Lucie CazcarraLa présidente,

Frédérique Munoz-Pauziès La greffière,

Laurence Mindine

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

2

N° 24BX02746, 24X02929


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de BORDEAUX
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 24BX02746
Date de la décision : 07/05/2025
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : Mme MUNOZ-PAUZIES
Rapporteur ?: Mme Lucie CAZCARRA
Rapporteur public ?: Mme REYNAUD
Avocat(s) : KARAKUS

Origine de la décision
Date de l'import : 14/05/2025
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2025-05-07;24bx02746 ?
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