Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme B... A... a demandé au tribunal administratif de Pau de condamner l'établissement d'hébergement pour personnes âgées dépendantes (EHPAD) Léon Lafourcade de Saint-Martin-de-Seignanx à lui verser une indemnité de 25 000 euros en réparation des préjudices résultant, selon elle, de la méconnaissance de ses obligations en matière de sécurité au travail et de la tardiveté fautive avec laquelle sa situation administrative aurait été traitée.
Par un jugement n° 2002518 du 22 mai 2023, le tribunal administratif de Pau a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête et un mémoire enregistrés le 21 juillet 2023 et le 3 avril 2025, Mme A..., représentée par Me Etcheverry, demande à la cour, dans le dernier état de ses écritures :
1°) d'admettre l'intervention volontaire du syndicat CFDT services et santé et services sociaux des Landes ;
2°) d'annuler la décision du 16 octobre 2020 par laquelle le directeur de l'EHPAD Léon Lafourcade a rejeté sa réclamation préalable ;
3°) de condamner l'EHPAD Léon Lafourcade à lui verser une indemnité de 25 000 euros en réparation des préjudices qu'elle impute aux fautes commises par son employeur ;
4°) de mettre à la charge de l'EHPAD Léon Lafourcade une somme de 2 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- son employeur a méconnu les obligations auxquelles il est tenu en application de l'article L. 4121-1 du code du travail dès lors qu'il n'a pas respecté les recommandations médicales préconisées par le médecin du travail en lui imposant, à compter du 26 juillet 2019, d'exercer ses fonctions par journées entières et sans aménagement ;
- l'EHPAD Léon Lafourcade a également commis des fautes résultant du délai anormalement long - 21 mois - pour se prononcer sur l'imputabilité au service de l'incident du 30 juillet 2019 et de l'absence de démarche en vue de lui assurer le versement d'indemnités journalières ;
- elle demande la réparation du préjudice matériel consistant en la privation d'une partie de son traitement pendant deux ans alors qu'elle aurait dû bénéficier du régime de l'accident de service, estimé à 13 000 euros, des souffrances physiques et des troubles dans les conditions d'existence pour un montant de 6 000 euros en conséquence du manquement de son employeur à son obligation de sécurité ainsi que d'un préjudice moral résultant de la déconsidération dont elle a été l'objet pour le même montant.
Par un mémoire en défense enregistré le 19 mars 2025, l'établissement d'hébergement pour personnes âgées dépendantes (EHPAD) Léon Lafourcade de Saint-Martin-de-Seignanx, représenté par le cabinet GAA Héka, conclut au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 2 500 euros soit mise à la charge de Mme A... sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- la requête est irrecevable dès lors que Mme A... se borne à reprendre ses écritures de première instance sans présenter aucun moyen d'appel en méconnaissance des dispositions de l'article R. 411-1 du code de justice administrative ;
- en tout état de cause, aucune des fautes alléguées n'est établie ; l'existence des préjudices n'est pas démontrée et le lien de causalité entre les fautes alléguées et les préjudices invoqués n'est pas démontré.
Par une ordonnance du 20 mars 2025, la clôture d'instruction a été fixée en dernier lieu au 8 avril 2025 à 12h00.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code du travail ;
- la loi n°83-634 du 13 juillet 1983 ;
- la loi n° 86-33 du 9 janvier 1986 ;
- le décret n° 60-58 du 11 janvier 1960 ;
- le décret n° 85-603 du 10 juin 1985 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Valérie Réaut,
- les conclusions de M. Julien Dufour, rapporteur public,
- les observations de Me Kaczmarczyk, représentant l'EHPAD Léon Lafourcade,
- et les observations de Me Etcheverry, représentant Mme A....
Considérant ce qui suit :
1. Mme A... travaille en qualité d'agent des services hospitaliers qualifié au sein de l'établissement d'hébergement pour personnes âgées dépendantes (EHPAD) Léon Lafourcade de Saint-Martin-de-Seignanx depuis le 1er janvier 2004. Le 12 avril 2017, elle a souffert dans l'exercice de ses fonctions de douleurs dorsales soudaines qui ont justifié un arrêt de travail pris en charge au titre d'un accident de service. Les congés de maladie qui lui ont été accordés à la suite des crises invalidantes survenues les 11 juillet et 6 novembre 2017 ainsi que le 12 juillet 2018 ont également été pris en charge au titre du régime de l'accident de service. En vertu d'une décision du 20 février 2019, elle a repris ses fonctions sous le régime du temps partiel thérapeutique à compter du 25 mars 2019 avec un aménagement de ses conditions de travail. Elle a de nouveau souffert de douleurs dorsales dans l'exercice de ses fonctions le 30 juillet 2019, que son employeur a refusé de reconnaitre imputables au service au titre d'une " rechute " de l'accident de service du 12 avril 2017 par une décision du 2 avril 2021. Par un courrier du 7 septembre 2020, Mme A... a saisi l'établissement public d'une réclamation préalable en vue d'obtenir l'indemnisation des préjudices résultant, selon elle, de diverses fautes commises par son employeur. La directrice de l'EHPAD a rejeté cette réclamation par une décision du 16 octobre 2020. Par un jugement du 22 mai 2023, dont Mme A... relève appel, le tribunal administratif de Pau a rejeté sa demande tendant à la condamnation de l'EHPAD Léon Fourcade à lui verser une indemnité de 25 000 euros.
Sur l'intervention volontaire en appel :
2. L'intervention du syndicat CFDT des services et santé et des services sociaux des Landes au soutien de la requête Mme A... n'est pas présentée par mémoire distinct, en méconnaissance des dispositions de l'article R. 632-1 du code de justice administrative. Elle n'est donc pas recevable et ne peut être admise.
Sur le bien-fondé du jugement attaqué :
S'agissant de la méconnaissance fautive de l'obligation de sécurité au travail :
3. Aux termes de l'article 23 de la loi du 13 juillet 1983, portant droits et obligations des fonctionnaires, alors en vigueur : " Des conditions d'hygiène et de sécurité de nature à préserver leur santé et leur intégrité physique sont assurées aux fonctionnaires durant leur travail ". Il résulte de l'article L. 4111-1 du code du travail que les dispositions de la quatrième partie de ce code, relative à la santé et à la sécurité au travail, sont applicables aux établissements de santé, sociaux et médico-sociaux. Aux termes de l'article L. 4121-1 de ce code : " L'employeur prend les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs. / Ces mesures comprennent : / 1° Des actions de prévention des risques professionnels, y compris ceux mentionnés à l'article L. 4161 1 ; / 2° Des actions d'information et de formation ; / 3° La mise en place d'une organisation et de moyens adaptés. / L'employeur veille à l'adaptation de ces mesures pour tenir compte du changement des circonstances et tendre à l'amélioration des situations existantes ". Aux termes de l'article L. 4121 2 du même code : " L'employeur met en œuvre les mesures prévues à l'article L. 4121 1 sur le fondement des principes généraux de prévention suivants : / 1° Éviter les risques ; / 2° Évaluer les risques qui ne peuvent pas être évités ; / 3° Combattre les risques à la source ; 4° Adapter le travail à l'homme, en particulier en ce qui concerne la conception des postes de travail ainsi que le choix des équipements de travail et des méthodes de travail et de production, en vue notamment de limiter le travail monotone et le travail cadencé et de réduire les effets de ceux-ci sur la santé 5° Tenir compte de l'état d'évolution de la technique 6° Remplacer ce qui est dangereux par ce qui n'est pas dangereux ou par ce qui est moins dangereux / (...)/".
4. Il appartient aux autorités administratives, qui ont l'obligation de prendre les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et morale de leurs agents, d'assurer, sauf à commettre une faute de service, la bonne exécution des dispositions législatives et réglementaires qui ont cet objet. A ce titre, il leur incombe notamment de prendre en compte, dans les conditions prévues par les dispositions ci-dessus rappelées, les propositions d'aménagements de poste de travail ou de conditions d'exercice des fonctions justifiés par l'âge, la résistance physique ou l'état de santé des agents, que les médecins du travail sont seuls habilités à émettre.
5. Il résulte de l'instruction qu'à l'issue d'un congé de maladie, Mme A... a bénéficié d'une reprise de ses fonctions à mi-temps thérapeutique à compter du 25 mars 2019 et jusqu'au 10 septembre 2019 selon des modalités définies par le directeur de l'EHPAD Léon Lafourcade dans un courrier du 21 mars 2019. Tenant compte des restrictions émises par le médecin du travail dans une fiche de visite du 30 avril 2019, les fonctions de l'intéressée ont ainsi été réparties en deux cycles, les lundi et vendredi de 11h30 à 15h00 pour accompagner les résidents à la salle à manger et assurer le service des repas, et les mardi, mercredi et jeudi de 17h00 à 20h30 pour assurer le service du diner des résidents et quelques tâches annexes. Les conditions de travail de Mme A... ont été modifiées par la nouvelle directrice de l'établissement public qui lui a expliqué, lors d'un entretien du 26 juillet 2019 en présence de la cadre de santé, que les contraintes liées à la continuité du service justifiaient un changement d'organisation des emplois du temps. C'est ainsi qu'à compter du 30 juillet 2019, le temps de travail de la requérante a été réparti en alternant une semaine de deux jours travaillés pendant sept heures et une semaine de trois jours travaillés pendant sept heures comprenant une fin de semaine. Mme A... soutient qu'en répartissant ainsi ses fonctions, sans respecter la préconisation du médecin du travail relative à la répartition de son temps de travail par demi-journée, son employeur aurait méconnu l'obligation de sécurité qui lui incombe en vertu des dispositions législatives énoncées au point précédent. Elle en veut pour preuve que le premier jour de mise en œuvre de son nouvel emploi du temps, elle a subi une crise de douleurs dorsales trois heures et quarante-cinq minutes après le début de son service. Toutefois, s'il incombait à la directrice de l'EHPAD de prendre en compte les préconisations du médecin du travail tenant notamment à une organisation du travail par demi-journée, il ne résulte pas de l'instruction que les douleurs dorsales dont la requérante a souffert lors de sa première journée de travail de sept heures, survenues quinze minutes seulement au-delà de son temps de travail antérieur dans des circonstances qui ne sont pas clairement établies en raison des versions différentes que l'intéressée en a faites, aient résulté de façon directe et certaine de la durée de temps de travail. Dès lors la responsabilité de l'établissement public ne saurait être engagée sur le fondement d'une méconnaissance de l'obligation d'assurer la sécurité au travail des agents.
S'agissant du retard fautif dans le traitement de la demande de reconnaissance d'un accident de service :
6. Mme A... prétend qu'en répondant le 2 avril 2021 à sa demande de reconnaissance d'imputabilité au service de son congé de maladie présentée en juillet 2019, la directrice de l'EHPAD a commis une faute caractérisée par un délai d'instruction anormalement long. Toutefois, les pièces versées à l'instance attestent de la difficulté à instruire la demande de Mme A... au vu des avis médicaux contradictoires dont a été destinataire l'établissement public, lequel disposait de la faculté, dont il a fait usage, de solliciter un ultime avis médical. En outre le délai d'instruction a été nécessairement allongé par la circonstance, étrangère à l'établissement, que la crise sanitaire due au Covid-19 a paralysé le fonctionnement des organes consultatifs durant les mois de mars à août 2020. Dans ces circonstances particulières, le délai certes long à l'issue duquel est intervenue la décision du 2 avril 2021 de la directrice de l'EHPAD ne peut être considéré comme fautif.
S'agissant de l'absence fautive de démarches engagées pour le versement d'indemnités journalières :
7. Si Mme A... soutient que l'EHPAD n'aurait pas engagé les démarches utiles lui permettant de bénéficier du versement d'indemnités journalières de la part de l'organisme de sécurité sociale, elle ne précise pas à quel titre elle était éligible au versement de ces prestations dont le bénéfice est réservé, pour les agents publics titulaires, aux hypothèses limitativement visées à l'article 4 du décret susvisé du 11 janvier 1960. Il s'ensuit que la faute alléguée n'est ainsi pas établie.
S'agissant de la faute résultant du refus d'imputabilité au service de l'incident du 30 juillet 2019 :
8. Contrairement à ce que soutient Mme A..., il ne résulte pas de l'instruction que les douleurs dorsales dont elle a souffert le 30 juillet 2019 et qui ont justifié plusieurs arrêts de travail présenteraient un lien direct et exclusif avec l'accident de service dont elle a été victime le 12 avril 2017, la cour confirmant au demeurant par un arrêt de ce jour n° 23BX02015 la légalité du refus de la directrice de l'EHPAD Léon Lafourcade de reconnaître l'imputabilité au service de l'accident du 30 juillet 2019. Par conséquent, le refus opposé à sa demande de reconnaissance d'une rechute de l'accident de service du 12 avril 2017 ne peut être considéré comme fautif et ne saurait engager la responsabilité de l'EHPAD Léon Lafourcade.
9. Il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'examiner la fin de non-recevoir opposée en défense par l'EHPAD Léon Lafourcade, que Mme A... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Pau a rejeté sa demande indemnitaire.
Sur les frais liés au litige :
10. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'EHAPD Léon Lafourcade, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que Mme A... demande au titre des frais liés au litige. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu en revanche de mettre à la charge de Mme A... une somme de 600 euros à verser à l'EHPAD Léon Lafourcade au titre des frais d'instance qu'il a exposés.
DECIDE :
Article 1er : L'intervention volontaire du syndicat CFDT des services et santé et des services sociaux des Landes n'est pas admise.
Article 2 : La requête de Mme A... est rejetée.
Article 3 : Mme A... versera une somme de 600 euros à l'EHPAD Léon Lafourcade sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative est rejetée.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B... A... et à l'établissement d'hébergement pour personnes âgées dépendantes Léon Lafourcade de Saint-Martin-de-Seignanx.
Délibéré après l'audience du 13 mai 2025 à laquelle siégeaient :
M. Laurent Pouget, président,
Mme Marie-Pierre Beuve Dupuy, présidente-assesseure,
Mme Valérie Réaut, première conseillère,
Rendu public par mise à disposition au greffe le 3 juin 2025.
La rapporteure,
Valérie RéautLe président,
Laurent Pouget
Le greffier,
Christophe Pelletier
La République mande et ordonne au préfet des Landes en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
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N° 23BX02055